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Elle n'en languissait pas moins dans les cartons, lorsque M. Dumas, qui en trois mois venait de composer un nouveau drame intitulé Henri III, le présenta aux sociétaires, et, l'ayant fait recevoir, pressa la mise en répétition de l'un de ses deux ouvrages. Henri III fut préfé- | ré ce drame, joué le 10 février 1829, eut un prodigieux succès, et désormais la carrière de M. Dumas fut aussi facile, aussi heureuse, aussi brillante, qu'elle s'était montrée rude et épineuse au début. Il est vrai qu'il ne laissa pas à l'intérêt du public le temps de se ralentir: Christine ne tarda pas à revendiquer son droit d'aînesse cédé à Henri III, et fut jouée sur le théâtre de l'Odéon le 30 mars 1830; l'année suivante, Antony fut représenté sur le théâtre de la PorteSaint-Martin; en 1832 parurent trois nouveaux drames, Térésa, la Tour de Nesle, Richard d'Arlington. Quoique M. Dumas n'ait pas été seul à composer ces deux dernières pièces*, on y retrouve, au moins autant que dans les autres, l'empreinte originale de son talent. Angèle est de 1834; Catherine Howard, Napoléon Bonaparte, appartiennent à la même année. Enfin, l'année dernière (1836) a vu l'enfantement de deux œuvres nouvelles, Don Juan de Marana et Kean. Durant ces six années si fécondes, M. Dumas a encore écrit les Impressions de voyages, qui parurent d'abord dans la Revue des Deux Mondes, et qui, réunies en 2 premiers vol. in-8°, ont été publiées en 1835; des chroniques insérées aussi dans la Revue des Deux Mondes, enfin ce volume d'études historiques intitulé Gaule et France (1834) qui essuya de si rudes attaques dans le Journal des Débats de la part de M. Granier de Cassagnac.

demanda s'il avait quelque autre moyen d'existence que le théâtre. « Une place de 1,500 fr. au secrétariat du Palais-Royal, répondit le jeune homme. A la bonne heure; allez à votre bu

reau. »

(*) Le manuscrit original de la Tour de Nesle est de M. Gaillardet; mais les plus belles situations, et entre autres la scène de la prison, sont de M. Dumas. Voir à ce sujet l'article remarquable publié sur M. Dumas dans la Revue des Deux Mondes par M. H. Romand. Dans Richard d'Arlington, M. Dumas s'aida de la collaboration de M. Dinaux.

Assurément cette simple énumération témoigne d'une étonnante promptitude à produire : en féliciterons-nous M. Dumas? ou plutôt ne nous faudra-t-il pas reconnaitre que cette facilité merveilleuse, que ce don d'une nature prodigué qui vous traite en enfant gâté, est souvent un don perfide? M. Dumas charpente bien ses drames et sait y jeter un intérêt qui s'empare du spectateur dès la première scène et l'entraîne palpitant d'émotion jusqu'à la dernière. La plupart de ses dénouements sont neufs et saisissants, ses personnages sont bien vi+ vants, et il trouve souvent ces cris suųblimes de naïveté et de passion qui ne vous étonnent pas d'abord, tant ils sont naturels, que nous n'admirons qu'en y réfléchissant, mais qui tout de suite ont fait monter les sanglots sur nos lèvres; Il nous suffira de rappeler le cri d'Angèle abimée dans l'opprobre d'une fille déshonorée, et se relevant dans la touchante majesté d'une mère qui demande son enfant. Pourquoi des drames où brillent de semblables beautés ne nous offrent-ils pas cependant, lorsque nous les étudions loin des prestiges du théâtre, l'idée d'une existence victorieuse du temps, indépendante des caprices du public? Accusez-en la facilité trompeuse qui dégoûte des efforts pénibles, consciencieux, infatigables, avec lesquels se construisent les ouvrages parfaits qui, en assurant à un auteur, pour prix de deux ou trois veilles, les applaudissements de la chambrée du jour, lui fait négliger le travail nécessaire pour obtenir l'approbation éternelle de la postérité. C'est là un mal commun aujourd'hui.

On a fait à M. Dumas, un reproche plus grave que celui d'écrire trop vite et de vouloir entasser trop rapidement succès sur succès: il a été accusé de fonder l'intérêt de ses drames sur le tableau d'une passion destructive de toute mo rale, de tout ordre, de toute société, l'a+ mour adultère. Henri III, remarquable par des caractères bien tracés, par un dialogue rapide, par la manière piquante dont le langage de l'époque y est employé, dut peut-être encore plus sa vogue à l'émotion profonde que les douleurs de cette passion eriminelle éveillaient dans

l'âme des spectateurs; cependant elle ne s'y montrait encore que timide et presque honteuse. Antony offrit un spectacle plus neuf et plus inattendu. Dans cette pièce étrange, peut-être la plus négligemment écrite de tout le théâtre de M. Dumas, et la seule où il n'ait pas fait grande dépense de personnages ni d'événements, l'adultère vint se poser en face du mariage pour lui dire qu'il valait mieux que lui; énorme sophisme soutenu pendant cinq actes par un intérêt assez entraînant pour ne pas vous laisser le temps de réfléchir; sophisme qui depuis a trouvé des échos plus éloquents encore que la voix qui la première entreprit de le défendre.

Dans Térésa, dans la Tour de Nesle,* nous retrouvons l'adultère joint à l'inceste. Malgré cette déplorable complication, nous faisons une très grande différence de ces deux pièces à Antony.: là, du moins, le vice n'est pas prôné comme une vertu; on ne nous présente pas les criminels comme des idoles à encenser; il y a même certainement dans la scène de la prison de la tour de Nesle une haute moralité, malheureusement enveloppée d'images révoltantes. Richard d'Arlington nous offre le portrait d'un ambitieux de notre temps, flattant le peuple afin que ses faveurs lui donnent assez de prix pour qu'il puisse un jour se vendre cher au pouvoir. Aucun crime ne l'arrête, comme aucune lâcheté n'arrêtera, dans Angèle, Alfred Dalvimare, autre ambitieux d'un type moins grand et beaucoup moins actuel; car si de nos jours quelques-uns arrivent encore aux hautes places par les boudoirs des femmes, cette manière de parvenir est loin d'être un fait caractéristique de notre époque. Il y a d'admirables beautés dans le quatrième acte de ce drame d'Angèle.

Christine et Charles VII, joués tous deux à deux ans de distance sur le théâtre de l'Odéon, prouvent que M. Dumas peut, quand il le veut, manier notre alexandrin avec bonheur; le second de ces drames prouve de plus que la loi des unités ne l'empêche pas de faire agir les

(*) Il ne faut pas oublier que cette dernière est de toutes les pièces de notre époque celle qui a eu le plus de représentations.

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personnages avec puissance et liberté. Paula, dans la première pièce, Yakoub, dans la seconde, sont deux créations neuves et belles. M. Dumas se complaît dans la peinture de ces caractères composés d'amour et d'abnégation; il aime à les faire contraster dans ses drames avec la passion égoïste et brutale qu'il s'entend aussi merveilleusement à exprimer.

Quant aux drames de l'année dernière, Don Juan de Marana et Kean, le public a déjà prononcé sur eux en les mettant beaucoup au-dessous de leurs aînés. Il y a du mouvement et de la variété dans Don Juan; l'idée de l'ange qui devient semme est touchante et gracieuse; mais cette pièce est gâtée par un vice fondamental, par un contre-sens énorme : M. Dumas, en voulant faire un mystère catholique, a oublié que, pour accomplir une pareille œuvre, la première condition était la foi, la foi ardente, extatique, la foi de l'espagnol Calderon. Dans Kean, outre l'innovation peu goûtée dans un drame sérieux de faire envahir la salle par les acteurs, M. Dumas y a décidément trop sacrifié l'illustration de la naissance, la dignité du rang, au génie brut et grossier sorti de la boue et se ranimant chaque soir dans l'orgie.

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Dans les Chroniques, dans Gaule et France, dans les Impressions de voyages, nous retrouvons ces qualités que la nature a si largement départies à M. Du

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facilité, rapidité, animation; elles sont portées à leur plus haut degré dans les Impressions, livre plein de sans-façon, de verve, de coquetterie. L'auteur y pose sans cesse devant nous, ne nous parle guère que de lui, appelle à lui notre attention avec une vanité si naïve qu'on n'a pas le cœur de lui en faire un reproche. Pourquoi, au fait, lui en voudrions-nous? il nous amuse, il nous fait passer des heures charmantes en nous entraînant à sa suite à travers les glaciers, les lacs, les précipices, les avalanches. Si dans cette course étourdissante il lui arrive quelquefois de prendre pour des réalités les caprices de sa vive imagination, si quelques touristes pointilleux prétendent n'avoir jamais mangé de beefsteak d'ours à Martigny ni pêché des truites à la serpe dans un autre village,

n'allons-nous pas pour cela lui chercher | ait jeté quelque jour sur la chimie orgaquerelle? Ce livre n'est pas évidemment nique, autrefois si diffuse et embarras→ un ouvrage sérieux, un supplément à la sée d'un nombre infini de corps que pergéographie de Malte-Brun, aux recher- sonne jusqu'à lui n'avait su grouper? ches scientifiques de M. de Saussure: il Par des lois que l'expérience confirme n'a d'autre prétention que d'être amu- de plus en plus, il a simplifié l'étude sant, et il y réussit. M. Dumas est main- de cette science. La théorie des éthers tenant un des rédacteurs du journal quo- sulfuriques, celles des substitutions, de tidien la Presse et vient d'y publier des l'isomérie, et notamment son mémoire feuilletons intéressants sur la dernière sur les poids atomiques, sont ses plus entreprise et la mort du roi Murat. beaux titres de gloire; et si M. Dumas L. L. O. persévère dans ses nobles efforts, nul DUMAS (JEAN-BAPTISTE), né à Alais doute que la chimie organique, dès qu'elle (département du Gard) au mois de juillet aura reçu tous ses perfectionnements, ne 1800. Ayant terminé dès l'âge de 12 ans lui soit redevable de ses principales lois. son éducation littéraire, il étudia la phar- M. Dumas est aujourd'hui professeur de macie dans sa ville natale, qu'il quitta docimasie à l'école centrale, de chimie deux ans après pour se rendre à Genève, générale à l'École polytechnique et à la dans l'espérance d'y perfectionner son Faculté des lettres, et membre de l'Ainstruction. Admis en qualité d'élève dans cadémie des Sciences. A-É. une pharmacie, il s'y livra à des recherches de chimie; mais il ne se borna point à cette étude principale, il s'occupa en même temps de botanique et de médecine, sciences sur lesquelles on lui doit des mémoires qui témoignent autant de variété dans ses connaissances que de fécondité dans son talent. A cette époque il publia, avec le concours de M. de Candolle, des observations tout-àfait neuves et originales sur la botanique; mais ce qui lui attira l'attention du monde savant, ce furent ses belles recherches en physiologie animale, si connues aujourd'hui, et pour lesquelles il s'était associé avec M. Prévost.

Cependant la ville de Genève parut bientôt un terrain trop limité pour l'activité de M. Dumas. Il vint à Paris, en 1821, pour y continuer ses recherches et s'éclairer en même temps des lumières des hommes illustres de cette capitale. Là le mérite de M. Dumas ne tarda point à se faire jour. Il fut nommé répétiteur de chimie à l'École polytechnique et professeur de cette même science à l'Athénée. Cette position, qu'il s'était acquise à l'âge de 23 ans par ses découvertes scientifiques, fixa dès ce moment sa vocation : il se livra exclusivement à la chimie. Peu de savants, dans un espace de 12 années, ont publié, dans cette partie, des travaux aussi remarquables. Qui ne sait que M. Dumas est le premier qui

DUMÉRIL (ANDRÉ-MARIE-CONSTANT), né en 1774 à Amiens, et l'un des plus anciens professeurs de la Faculté de médecine, est aussi professeur au jardin du Roi, membre de l'Institut (Académie des Sciences), de l'Académie royale de médecine, chevalier de la Légiond'Honneur et médecin des hôpitaux civils de Paris. M. Duméril entra dès sa jeunesse dans la carrière des sciences et débuta dans l'enseignement public à l'âge où tant d'autres sont encore au rang des élèves; car il n'était pas docteur encore que, depuis deux ans, il professait publiquement. Il avait d'ailleurs gagné au concours les places de prosecteur et de chef des travaux anatomiques de la Faculté. Nommé en 1800 professeur d'anatomie et de physiologie à l'école de médecine, il occupa cette chaire pendant 18 ans, au bout desquels il passa à l'enseignement de la pathologie interne; à la mort de Lacepède il remplaça ce savant, au Muséum d'histoire naturelle, dans des fonctions où il l'avait suppléé pendant de longues années.

En 1823, lors de la dissolution de la Faculté, M. Duméril fut le seul des professeurs qui proposa de protester contre cet acte de despotisme brutal. Cette circonstance n'est pas la seule où il ait montré le plus honorable caractère.

M. Duméril est un professeur exact et consciencieux et un écrivain correct;

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comme praticien il est peu connu et sa clientèle est peu nombreuse. Ses travaux scientifiques sont la véritable base de sa réputation. Dès l'année 1799 il avait publié les Leçons d'anatomie comparée de M. Cuvier. Ses principaux ouvrages sont le Traité élémentaire d'histoire naturelle, dont la quatrième édition a paru en 1830; la Zoologie analytique, Paris, 1806; l'Histoire complète des reptiles, dont le quatorzième volume va paraître. Oo a en outre de lui un grand nombre de mémoires sur divers points des sciences naturelles. F. R.

DU MERSAN (MARION), ou plutôt Marion du Mersan (car Marion n'est pas un prénom; M. du Mersan n'en a reçu aucun), est à la fois auteur dramatique, antiquaire, et attaché au cabinet des médailles de la bibliothèque royale de Paris. Sa famille, qui remonte, dit-on, au xive siècle, est originaire des environs de Ploërmel, en Basse-Bretagne; il est né au château de Castelnau, en Berry, le 4 janvier 1780. Son grand-père, sénéchal du Catelan, son père, agent général de la nation française dans le Dekkan, jouirent tous deux d'une grande considération. Les études de M. du Mersan furent irrégulières, comme celles de presque tous ses contemporains, par suite de la révolution de 1789. Abandonné à ses propres directions, son esprit contracta l'allure indépendante qu'il a toujours conservée; les malheurs et les privations qui furent le partage de sa jeunesse lui inspirèrent le goût d'une vie simple et le mépris de l'ambition; il ne chercha le bonheur que dans des travaux variés et dans les soins que réclamait sa famille. En 1795 Millin le fit attacher au cabinet des médailles, dont lui-même était conservateur. M. du Mersan commença dès lors, avec son collègue Mionnet, la classification nouvelle du cabinet des médailles, par ordre chronologique et géographique, d'après l'excellent. système d'Eckhel. La décoration de la Légion d'Honneur, que M. du Mersan reçut en 1833, fut la récompense méritée de ses longs travaux et de l'habileté avec laquelle il sut, lors de l'invasion de la France, préserver de l'avidité des alliés plusieurs objets extrêmement précieux,

M. du Mersan s'est exercé dans presque tous les genres de littérature. On lui doit, en fait d'ouvrages d'archéologie, la Numismatique du voyage d'Anacharsis (Paris, 1818, 2 vol. in-8°), la Notice des monuments du cabinet des médailles (1808, 12° édit., 1836), la Description des médailles du cabinet de M. Allier de Hauteroche, la Descrip tion des médailles iconographiques de la bibliothèque classique de M. Panckouke, la Description du Zodiaque de Dendera, des Éléments de Numismatique, et beaucoup d'articles insérés dans divers recueils scientifiques. L'Éloge d'Enguerrand de Monstrelet lui valut le prix à l'Académie de Cambrai. Il a publié un volume de poésies diverses, trois romans philosophiques, le Soldat laboureur (Paris, 1822, 3 vol. in-12), l'Homme à deux tétes ( 1825, 4 vol. in-12 ), Nelly ou l'Orpheline américaine (1829, 4 vol. in-12), et des contes et nouvelles, parmi lesquels il faut distinguer le conte charmant et moral de Mistigris, qui se trouve dans le Livre des Cent-et-un.

M. du Mersan manifesta dès son enfance sa passion pour l'art dramatique. On peut voir dans la France littéraire de M. Quérard le catalogue des pièces données par lui, seul ou en société, à tous les différents théâtres ; leur nombre se monte à 238, dont plus de 50 sont de lui seul, depuis les Tétes à la Titus (1798) jusqu'à Mélite, ou la première pièce de Corneille, comédie en vers, jouée à Rouen en 1837. Une de ces pièces, L'Ange et le Diable (1799), drame en 5 actes, qu'il fit jouer au boulevard lorsqu'il avait à peine 18 ans, eut plus de cent représen→ tations, et les couplets patriotiques du Soldat laboureur (1820) ont retenti d'un bout de la France à l'autre. Qui n'a point ri de bon cœur aux Cuisinières (1820), aux Bonnes d'enfants, à M. Cagnard (1830), à Mesdames Gibou et Pochet (1832), ces bouffonneries les plus gaies qu'un théâtre ait jamais jouées, et dont la morale cependant est aussi sévère que facile à saisir? M. du Mersan est demeuré fidèle au Castigat ridendo mores. Il a fait jouer au Théâtre - Français, le Méchant malgré lui (1824), comédie en 3 actes et en vers; Brusque et bonne

(1826), comédie en 3 actes et en prose. Il est assez curieux de remarquer que M. du Mersan, n'ayant eu de maître que lui-même, occupant une place qui l'oblige à des travaux réguliers, satisfaisant le penchant qui l'a toujours entraîné vers le théâtre, ait acquis, même dans les arts, assez de talents pour avoir dessiné plusieurs planches d'histoire naturelle dans les Éléments de Millin, des médailles et des monuments pour la Troade de M. Lechevalier, et les Monuments inédits de Millin; enfin pour avoir gravé à l'eau-forte des médailles, publiées dans le Magasin encyclopédique, lithographié des planches pour ses dissertations archéologiques et pour ses pièces, et composé la musique d'airs et de romances souvent employés dans les vaudevilles.

L'Encyclopédie des gens du Monde doit à M. du Mersan de bons articles de littérature et de numismatique : parmi les premiers nous citerons CHANSON et pièces de CIRCONSTANCE; parmi les autres, ARCHÉOLOGIE, ATHLÈTE, Bronze, CHAR, etc. L. C. B.

DUMESNIL (Marie - Françoise), célèbre tragédienne, née à Paris en 1713, dans une famille peu aisée, suppléa par son âme, par son instinct tragique, aux leçons et aux conseils des professeurs, Après avoir, suivant l'usage du temps, fait en province son noviciat dramatique, elle vint débuter à 24 ans, au ThéâtreFrançais, dans l'emploi des reines: ses succès furent prodigieux. Reçue sociétaire sur-le-champ (ce qui était alors presque sans exemple), elle fit oublier jusqu'à la célèbre Adrienne Lecouvreur, dont la perte était encore récente, et n'eut de rivale sur la scène que lorsMe Clairon que y parut à son tour.

Plus inégale dans son jeu, mais aussi plus entraînante que son émule, Mlle Dumesnil fut l'objet de plus d'un parallèle avec celle-ci. Un grand maître en pareille matière, Garrick, n'hésita point à lui décerner la palme, en disant de Mlle Clairon: Elle est trop actrice.

Plusieurs anecdoctes bien connues constatent en effet l'illusion complète que produisait Mile Dumesnil dans ses beaux moments. C'était Athalie, Clytemnestre,

Cléopâtre elles-mêmes, et le sentiment d'horreur qu'elle inspirait dans ce dernier rôle était l'hommage le plus flatteur que l'on pût rendre à son talent.

Mlle Dumesnil créa d'une manière admirable l'admirable rôle de Mérope. Elle osa la première manquer à l'étiquette de notre scène compassée, et courir sur le théâtre pour arracher son fils à la mort. On peut citer encore, parmi les personnages qu'elle joua d'original, et dans lesquels elle produisit le plus d'effet, Sémiramis, la Clytemnestre d'Oreste, et Marguerite d'Anjou, dans le Warwick de La Harpe. Ce poète, dans son reconnaissant enthousiasme, lui adressa l'épître où se trouvent ces vers qui caractérisent si bien la sublime tragédienne :

L'art ne t'a point prêté son secours et ses charmes, Á ses heureux efforts souvent on applaudit, Mais avec toi l'on pleure, avec toi l'on fré

mit;

Ton désordre effrayant, tes fureurs, tes alar mes,

Et tes yeux répandant de véritables larmes, Ces yeux, qui de ton âme expriment les combats,

L'involontaire oubli de l'art et de toi-même,
Voilà ta science suprême
Que tu n'as point acquise, et qu'on n'imite
pas!

Du

Une actrice aussi vraie Mile que mesnil pouvait créer avec succès d'au tres rôles encore que ceux de la tragédie: aussi fut-elle justement applaudie dans ceux de la Gouvernante et de Mme Vandirck, du Philosophe sans le savoir.

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Restée sans contestation la reine de notre théâtre tragique lors de la retraite prématurée de la fière Clairon, M11e Dumesnil ne se retira, en 1775, qu'après une carrière dramatique de 38 ans. Privée par la révolution de l'aisance qu'elle avait acquise, une représentation à son bénéfice fut donnée pour M1 elle par Raun cour sur le théâtre Louvois, dont une autre tragédienne était devenue la directrice. Le gouvernement consulaire dis posa aussi de quelques secours pour l'ac trice presque octogénaire: ils lui procurèrent les moyens d'aller habiter à Boulogne-sur-Mer une modeste retraite. La publication des Mémoires de son ancienne rivale vint troubler le calme dont elle

y jouissait: à sa demande et avec ses

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