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natale, il y a un terme moyen, un certain calme digne et généreux dans lesquels le poète Florentin aurait dû se renfermer. Peut-être que si il eût pu agir ainsi, ses ouvrages eussent été moins animés qu'ils ne le sont; mais sa conduite, comme homme, eût été plus généreuse et plus convenable.

L'habitude de louer tout ce que Dante a fait, s'est tellement établie depuis quelque temps, que ce n'est pas sans embarras que l'on se trouve forcé de désapprouver hautement quelques-unes des actions de ce grand poète. Quant à moi, l'estime que m'inspire l'ensemble de son caractère, et l'admiration que je professe pour ses écrits, ne m'aveuglent pas sur ses défauts; et je cherche en vain un grand homme, un grand citoyen dans Alighieri, lorsque je considère sa gestion comme magistrat, si j'envisage la versatilité de ses opinions politiques et surtout l'esprit de haine et de vengeance qui le poussa à appeler les armées allemandes contre sa patrie (1).

Si tout ce qui se rattache à la vie publique de Dante reste obscur pour nous, le peu que l'on sait sur le cours de ses études, depuis son enfance jusqu'à son âge mûr, ne l'est pas moins. Il a été, dit-on, instruit d'abord par Brunetto Latini; il fréquenta, assure-t-on encore, mais avec vraisemblance, les Universités d'Italie et entre autres, la plus fameuse de toutes, celle de Bologne. Quant à Boccace, il affirme qu'il étudia à celle de Paris (2),

(1) Voyez les deux lettres de Dante adressées, l'une en 1311, l'autre en 1313, à l'empereur Henry VII; on les trouvera traduites, dans le 2e vol. de Florence et ses vicissitudes, Paris, 1837, pages 79-87.

(2) Dans le Xe chant du Paradis, vers 136, on rencontre un pas

qu'il s'y fit même remarquer par la manière ingénieuse et savante, avec laquelle il répondit aux questions ardues qui lui furent proposées. Mais au vague de ce renseignement se joint l'ignorance où l'on est de l'époque précise à laquelle Dante a pu venir en France. A-t-il habité Paris deux fois comme on le suppose, dabord avant sa triste magistrature, puis au temps de son exil? La première partie de cette question reste encore insoluble. Enfin, a-t-il été jusqu'en Angleterre et aurait-il même visité l'Université d'Oxford, comme on l'a dit aussi? A toutes ces questions point de réponse.

Dans l'impossibilité où l'on se trouve, faute de documents, de les éclaircir et de les résoudre, le parti le plus sage est de chercher à savoir quel pouvait être l'état des connaissances acquises par Dante, lorsqu'arrivé à l'âge de trente-cinq ou quarante ans, le poète composait ses trois Cantiques. Or, d'après l'étude attentive de l'ensemble de ses écrits, on peut conclure, je crois, que quant à la Grammaire, comme on disait alors, il savait le latin, le provençal, les langues d'oc et d'oil, les dialectes italiens en usage de son temps; mais qu'il igno

sage par lequel Dante fait allusion à la rue du Fouare, où se tenaient alors les écoles à Paris, et d'un certain Siger qui y professa avec un grand éclat et « mit en syllogismes d'importunes vérités. » Sillogizzò invidiosi veri. » M. Victor Le Clerc, doyen de la faculté des lettres, a publié dans le XXIe vol. de la grande Histoire littéraire de la France, une notice extrêmement curieuse sur la vie et les ouvrages qu'il a retrouvés de ce Siger de Brabant dont les opinions sont trèshardies, comme l'avance Dante. Ce professeur n'était connu jusqu'ici que par le peu de vers que le poète Florentin, son auditeur, nous a laissés sur lui.

rait le grec et même l'arabe, langue que possédaient plusieurs savants ses contemporains.

Quant à ses connaissances en philosophie et dans les sciences naturelles, il devait les avoir poisées particulièrement dans les traductions d'Aristote et de rémée; et pour tout ce qui se rattachait à la métaphysique, consi dérée comme étude préliminaire de la théologie, Boëce, saint Augustin et saint Anselme de Cantorbéry, doivent avoir été ses premiers guides.

Sans le secours d'aucun renseignement positif, rien n'est plus facile que de se rendre raison des ressources que dut employer le grand poète, pour étudier la Théologie. D'abord il a dû fréquenter les écoles des Universités de Bologne, de Pavie, comme celle de Paris. Mais dans le cas où les secours lui eussent manqué, il avait certainement à sa portée et entre les mains, le livre de la Somme théologique de saint Thomas d'Aquin, dont la troisième et dernière partie avait été publiée en 1274, lorsque Dante n'avait que neuf ans. Je crois même pouvoir assurer que c'est dans ce grand ouvrage que le poète a fixé ses idées sur cette science, puisque, comme j'aurai l'occasion de le démontrer plus loin, les grandes divisions de ses trois Cantiques, se rapportent à celles de la Somme de saint Thomas.

Mais si précieuses et quelqu'étendues que pussent être les connaissances acquises par Dante dans les langues, en physique, en philosophie, en métaphysique et en théologie, il n'y avait rien ajouté de son propre fonds, et dans ces importantes matières il s'était seulement mis au courant de ce qu'on avait pensé et découvert avant lui.

Le travail scientifique véritablement original de Dante,

est celui qu'il a fait sur les dialectes variés que l'on parlait de son temps en Italie. C'est en les comparant, en tirant de chacun d'eux ce qu'ils contenaient de fort, d'expressif et d'élégant, qu'il est parvenu à constituer la langue toscane telle qu'il l'a écrite, telle qu'on la parle encore aujourd'hui. Ce beau et ingénieux travail qui décèle le linguiste profond, est d'autant plus remarquable de la part de Dante, que contre l'ordinaire de ceux qui ont le génie de la Grammaire, il possédait encore l'instinct du poète, élevé à sa plus haute puissance.

Le perfectionnement et la fixation de la langue toscane est sans doute un événement de la plus haute importance, mais dont les résultats ont influé particulièrement sur l'Italie. Or, avant tout, mon intention étant de faire ressortir celles des pensées et des opinions émises par Dante, qui ont imprimé des traces profondes dans les doctrines philosophiques et littéraires ainsi que dans les mœurs de l'Europe moderne, je ne ferai qu'indiquer en ce moment les études du grand poète Florentin sur les dialectes de l'Italie, matière qu'il a traitée dans son ouvrage intitulé: De vulgari eloquio, et dont je me réserve de parler lorsqu'il en sera temps.

Pour sauver le lecteur du déluge de discussions et d'hypothèses auxquelles la personne et la vie de Dante ont donné lieu, j'ai rapporté le petit nombre de faits positifs et incontestés que l'on a pu recueillir sur son éducation et ses études, sur sa magistrature et son exil, et enfin sur le changement de ses idées politiques relatives au gouvernement temporel de l'Italie. Il ne reste plus à considérer dans la vie de cet homme, que ce qui se rapporte directement à la composition de son grand poème

dont il fut particulièrement préoccupé pendant les vingt et une dernières années de son existence.

Vers 1274, Dante âgé de neuf ans, voit Béatrice, fille de Folco Portinari, et conçoit pour cette jeune enfant une passion réelle, mais respectueuse et mystique qui s'imprime profondément dans son âme et agite sans ces son imagination. Cet attachement mystérieux s'accroît avec le temps, éveille l'instinct poétique du jeune amant qui peint alors dans une suite de sonnets les sentiments variés que fait naître en lui l'accueil plus ou moins favorable de celle qui lui inspire un véritable culte. Cette adoration de Béatrice, dure et se manifeste ainsi jusqu'en 1290, année de la mort de la fille de Folco Portinari, à l'âge de vingt-quatre ans.

Une ou deux années après cet événement, Dante âgé de vingt-six ou vingt-sept ans (vers 1292-93) achève et fait connaître son premier ouvrage, la Vie nouvelle, dans lequel il fait entrer outre les sonnets que Béatrice vivante lui avait inspirés, ceux qu'il fit après la mort de sa noble dame; ayant soin d'intercaler entre chacun d'eux une narration historique en prose qui explique l'occasion qui lui a fait écrire ses vers, l'intention dans laquelle ils ont été composés, et de quelle manière il faut en interpréter le sens souvent mystérieusement caché. La douleur poétique que Dante exprime dans la Vie nouvelle, au sujet du trépas de Béatrice, aboutit à une espèce d'apothéose de cette femme, ce qui entraîne le poète à dire que toutes les époques et tous les actes de la vie de Béatrice, ayant été surbordonnés au nombre parfait neuf, cela donne à entendre qu'elle est un miracle dont la racine est l'admirable Trinité. Puis à la fin de ce livre étrange, le poète toujours exclusivement occupé de Béatrice,

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