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voulaient commencer contre lui des Frères Mineurs, docteurs en théologie qui, blessés de la manière plus que cavalière dont il a traité les Religieux de cet ordre dans les X et XIIe chants de son Paradis, avaient désigné plusieurs d'entre eux pour étudier soigneusement toutes les parties des ouvrages du poète, et s'assurer si il ne s'y trouverait rien qui pût le faire brûler, lui et ses livres, comme héritiques (1).

Un écrit qui fait grand honneur au caractère de Dante, est la lettre qu'il adressa à un Religieux de ses amis à Florence, en 1315, lorsque l'on fit quelques efforts dans cette ville, en faveur des bannis contre lesquels on venait de prononcer la troisième sentence qui frappait encore le poète errant et malheureux. Exilé, privé de ses biens, on consentait à ce qu'il rentrât dans sa ville natale, mais sous la condition qu'il paierait une somme d'argent destinée à être offerte en amende honorable à l'autel Saint-Jean. L'innocence et la fierté du poète ne purent lui faire accepter un pardon qui l'aurait fait juger coupable, et après avoir donné toutes les raisons qui pouvaient justifier son refus, il termina sa lettre en disant : « Non, mon père, ce n'est pas là la vraie voie pour rentrer au sein de la patrie. Mais si vous, ou d'autres, pouvez en trouver une qui convienne à l'honneur et à la réputation de Dante, croyez que je ne tarderai pas à la suivre pour rentrer dans mon pays. Que si je ne puis rentrer à Florence par un chemin honorable, alors je n'y rentrerai jamais. Et pourquoi non? en quelque lieu

(1) ... « E fù commesso ne' più solenni maestri che studiasseno nel suo libro se vi trovassenno cosa da farlo ardere, e simile lui per eretico, »

que je me trouve, ne verrai-je pas le soleil et les étoiles? Ne pourrai-je pas toujours me livrer, sous la voûte du ciel, aux douces spéculations de la vérité, sans que, privé de gloire et chargé même d'ignominie, j'aille me rendre à la discrétion de ce peuple et de cette cité de Florence? Après tout, on ne manque jamais de pain! »

Aucun renseignement positif ne nous est resté ur l'époque à laquelle il a composé son traité de Vulgari eloquio; mais l'objet même de l'ouvrage, c'est-à-dire la comparaison des différentes langues ou dialectes de l'Italie, fait croire que Dante a commencé ce travail de très-bonne heure. En supposant même qu'il ne l'ait rédigé qu'à la fin de sa carrière, il est vraisemblable qu'il s'en est occupé pendant tout le cours de sa vie. Plusieurs passages de la Vie nouvelle semblent indiquer que, jeune encore, la linguistique le préoccupait déjà, et qu'il pensait à perfectionner la langue vulgaire, au point de la substituer, comme il le fit en effet, à la langue latine.

Rien n'est si incertain ni si vague que les détails que l'on donne sur la vie de Dante pendant son exil, et durant les quinze dernières années de sa vie. On sait qu'il fut accueilli par les seigneurs de Véronne, Alboin et Bartoloméo de la Scala, puis enfin par Kan le grand, frère de ce dernier. Kan le grand honora particulièrement Dante dans ses malheurs, et c'est à ce prince que le poète a adressé une lettre par laquelle il lui fait connaître la marche allégorique qu'il a cru devoir suivre dans la composition de ses trois fameuses Cantiques, dont il lui dédia le dernière, celle du Paradis.

Jean Villani prétend que Dante, vers la fin de sa vie, fut chargé d'une ambassade auprès de la république de

Venise, de la part du prince de la Polenta. Mais, s'il faut en croire les auteurs qui ont parlé de cette commission, tout en prouvant le cas que l'on faisait du caractère honorable du poète florentin exilé, cette fonction diplomatique lui aurait tourné assez mal, par l'indiscrétion avec laquelle il aurait, dit-on, parlé des Vénitiens, dans une lettre adressée au prince qui l'avait envoyé près d'eux.

En admettant cette tradition, ce serait à son retour de Venise à Ravenne, qu'il serait tombé malade dans cette ville où il est mort le 14 septembre 1321, à l'âge de cinquante-six ans (1). Il y fut enseveli avec pompe, et voici l'étrange épitaphe qu'il s'était, dit-on, préparée :

JURA MONARCHIÆ, superos, Phlegetonta, lacusque,
Lustrando cecini, voluerunt fata quousquè :

Sed quia pars cessit melioribus hospita castris,
Auctorem que ducem petiit, felicior astris.
Hic claudor Dantès patriis extorris ab oris,
Quem genuit parvi Florentia Mater amoris.

«En visitant les lieux supérieurs (Paradis), ceux arrosés par le Phlegéton (Enfer), et les lacs (Purgatoire,

(1) Ceux des lecteurs qui désireraient prendre connaissance des recherches approfondies faites sur la vie de Dante, pourront consulter principalement : « La IIa parte delle cronichette d'Italia, compilate de G. Degli Orelli. Coira. 1822. Il Veltro allegorico, overo Vita di Dante e di U. della Faggiola, del C. Troya. Firenze 1826. Vita di Dante scritta da Cesare Balbo. Torino, 1839. Histoire de Dante Alighieri, par M. le Ch. Artaud de Montor. Paris, 1841. Gli Amori di Dante et Beatrice da F. Arrivabene. Mantova 1833, etc.

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qui forme une île au milieu des eaux), j'ai chanté les DROITS DE LA MONARCHIE autant que l'ont permis les destins. Mais comme la partie étrangère (mon corps) s'en est allée dans un meilleur lieu, et que plus heureuse elle est montée aux cieux et a été trouver l'auteur et le chef de toutes choses, c'est ici que je suis renfermé, moi, Dante, exilé de ma terre natale, moi, à qui Florence, mère peu tendre, a donné le jour. »

Les ouvrages qui nous restent de ce grand homme, outre ses trois grands poèmes, l'Enfer, le Purgatoire et le Paradis sont, la Vie nouvelle, le Banquet d'amour, le Traité du langage vulgaire, un recueil de Poésies, chansons, sonnets et ballades; sept lettres, des Paraphrases en vers, du Credo, du Pater et des Psaumes de la pénitence, et des Éclogues latines. On prétend qu'il avait composé une histoire des Guelfes et des Gibelins; mais il n'est pas resté trace de cet ouvrage, non plus que d'un traité écrit en latin, intitulé: « Tractatum de symbolo civitatis Jerusalem et almæ Romæ. »

En sa qualité d'Italien, Dante, poète et linguiste, tient dans son pays une place analogue à celle qu'occupe Homère en Grèce. Il échauffa et féconda, dans l'esprit de ses compatriotes, le germe de toutes les connaissances intellectuelles. Considéré sous ce rapport seulement, Alighieri peut être placé au nombre des plus grands hommes des temps modernes.

Mais là ne se bornent pas son influence et sa gloire ; car ses écrits ont fait prévaloir dès le commencement du xive siècle, des idées et des opinions fondamentales, qui se sont aussitôt propagées dans toute l'Europe, et dont l'influence se fait encore sentir de nos jours.

On ne saurait nier que la poésie amoureuse ne date

d'un siècle au moins avant Dante en Italie, puisque les poètes Provençaux, Catalans et Siciliens, la cultivaient déjà vers le commencement du XIe siècle. Mais alors, elle était exclusivement religieuse, ou galante et chevaleresque. Quelques fois même, ces trois éléments s'y trouvaient combinés; cependant on y chercherait vainément le grand principe au moyen duquel Dante l'a reconstruite en quelque sorte, et lui a donné tant d'importance je veux dire la philosophie platonicienne ou l'amour du beau visible, qui en perfectionnant d'abord les sens, fait naître en nous l'idée du beau absolu et éternel que l'intelligence seule peut concevoir.

Pour comprendre et apprécier le grand mérite de Dante, il faut avoir étudié quelques grands hommes qui l'ont précédé, tels qu'Anselme de Cantorbéry, Abeilard, Pierre-le-Lombard, Albert-le-Grand et Thomas d'Aquin. A tous ces esprits supérieurs, à tous ces hommes qui, réellement avaient fait faire déjà des pas immenses à la philosophie, il manquait une qualité essentielle, indispensable pour se faire comprendre par les masses et agir puissamment sur elles le sens poétique et littéraire.

Ces théologiens-philosophes avaient procédé, en leur qualité de chrétiens, de l'inconnu au connu, marche absolument contraire à l'emploi de la raison humaine.

Aussi résulta-t-il de là que tous les hommes qui cultivèrent leur intelligence depuis le x1° siècle, jusqu'au commencement du xive, furent ou exclusivement savants et d'une sévérité rigoureuse de doctrines, comme les hommes que je viens de nommer, ou écrivains frivoles et même obscènes comme le sont en général les troubadours et les trouvères. Avant Dante et quelques-uns de ses prédécesseurs, l'exercice de la littérature était pres

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