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profit soit honnête et durable. Puis, passant de l'amour naturel qui fait désirer à l'homme une sorte d'immortalité par la reproduction constante de son espèce, à l'amour pur qui aspire à l'immortalité véritable, la prophétesse donne pour preuve de l'existence et de la force de ce dernier sentiment, l'ardeur avec laquelle l'homme recherche la gloire; bien pour l'acquisition duquel il ne craint pas de s'imposer les plus grands sacrifices, jusqu'à celui de sa vie même.

:

Il y a donc, ajoute Diotime à Socrate, deux classes d'hommes les uns, féconds seulement selon le corps, qui ne tendent qu'à cette apparence d'immortalité que l'on obtient en se succédant à soi-même par les enfants; et ceux dont l'âme est plus féconde que le corps, et qui conçoivent et engendrent ce qu'il convient à l'âme de produire, c'est-à-dire toutes les vertus. L'homme, dont l'âme est féconde, porte en lui le germe de toutes les vertus; et lorsque, jeune et plein d'une certaine inquiétude amoureuse, on le voit cherchant de tous côtés, c'est le beau qu'il aspire à trouver, parce que c'est de son union avec lui que doivent naître les

vertus.

Mais il faut que l'homme, dont l'âme est féconde, dit toujours Diotime, s'attache d'abord à la beauté matérielle, mais appliquée à un seul corps. Bientôt il reconnaîtra que la beauté qui se trouve dans un corps quelconque est précisément la même que celle d'un autre corps; car, s'il est important d'étudier les proportions qui diversifient l'apparence du beau, il est impossible de ne pas reconnaître que, par sa nature, la beauté est une qualité applicable à tout; qu'elle est toujours la même ; qu'elle est une enfin. Tout homme qui sera pé

nétré de cette vérité, quelque disposé qu'il puisse être d'ailleurs à admirer la variété du Beau dans les corps, doit rejeter, condamner même tout amour qui ne s'attache qu'à un objet unique. En somme, il ne lui est plus permis d'admirer exclusivement la forme individuelle. Bien plus, il faudra encore qu'il mette la beauté de l'âme au-dessus de celle du corps; en sorte que, si quelqu'un a un naturel bon et généreux, mais des formes corporelles ingrates, il l'aimera, le chérira cependant, et redoublera même de soins pour le perfectionner et développer chez lui les vertus.

De là il ira plus avant : cette même Beauté qu'il aura vue sur les corps, il la contemplera dans les lois, dans les devoirs, où il la trouvera empreinte. Des lois et des devoirs, il passera aux sciences où cette même Beauté lui apparaîtra aussi ; tant qu'enfin, reconnaissant qu'elle est une et parente avec elle-même, il en arrivera à ne plus se passionner pour la beauté particulière d'un enfant, des devoirs, des sciences ou des lois, mais, au contraire, à se persuader que tout homme qui se laisse aller à une admiration particulière et limitée manque de force d'âme, n'est qu'un esclave méprisable, et qu'enfin tout doit être concentré dans une science unique, celle du BEAU.

Cette Beauté, objet des désirs de l'Amour n'a point eu de commencement. Elle ne naît ni ne périt; elle ne décroît ni n'augmente; elle n'est ni instantanée ni partielle, et l'on ne peut se la figurer en particulier sous la forme d'un beau visage, d'une belle main ou de toute autre partie du corps. Elle n'est pas davantage dans un certain discours, dans telle science; et l'on ne saurait la rencontrer exclusivement dans un animal, dans le`

ciel ou dans quelque lieu que ce soit. Elle a toujours existé, elle existe constamment par elle - même et avec elle-même. Toutes les choses qui passent pour belles ne le deviennent que par sa participation et, chose remarquable! la beauté, en communiquant de sa qualité aux êtres qui naissent et meurent, n'est sujette ellemême à aucune variation, et n'éprouve jamais ni perte, accroissement.

C'est donc après avoir parcouru toutes les beautés inférieures et quand on s'est élevé jusqu'à la beauté parfaite, que l'on comprend quel est le but véritable de l'amour. En effet, la seule voie de l'amour, c'est de considérer d'abord les beautés mortelles, mais en portant toujours son attention vers la beauté suprême et de s'élever sans cesse vers elle, en passant par tous les degrés de l'échelle, d'un seul beau corps à deux, de deux à tous les autres; des beaux corps aux sentiments, beaux sentiments aux belles connaissances, jusqu'à ce qu'on arrive à la connaissance suprême, qui n'a d'autre objet que le Beau éternel dont la contemplation est la seule chose qui puisse donner du prix à la vie. »

des

Telle est, en résumé, la doctrine scientifique de l'Amour, dont Diotime transmit le secret à Socrate, et qui parvint, on ne sait trop comment, à Dante, dix-sept siècles après qu'elle avait été révélée en Grèce.

Il est évident que Diotime est l'aînée de la famille des Béatrices; et je ferai observer en passant que, malgré l'apparence de solidité qu'ont les reproches que les modernes font aux anciens, d'avoir constamment humilié et déprécié la femme, c'est à une personne de ce sexe que Socrate et Platon attribuent l'exposition d'une des idées les plus fortes et les plus élevées qui aien jamais pris nais

sance dars un cerveau humain. Pour corroborer cette observation, j'ajouterai que ce même Socrate, qui avoue avoir reçu la doctrine de l'amour d'une femme, déclare avec la même modestie que, pour tout ce qui se rapporte à la connaissance des choses réelles de la vie, c'est dans ses conversations avec la courtisane Aspasie qu'il a le plus profité.

Cette philosophie amoureuse, qui se propagea en Grèce et ne cessa pas d'être cultivée par les Grecs d'Alexandrie, ne pénétra que difficilement en Italie. Le paganisme n'a jamais été si sec que chez les Romains, dans l'âme de qui le sentiment religieux fut toujours absorbé par l'amour de la patrie. Ce ne fut d'ailleurs qu'à la fin de la république et par l'intermédiaire de Cicéron qu'ils purent se former une idée des doctrines de Socrate et de Platon. D'après ces grands philosophes, le grand orateur proclama l'existence d'un seul Dieu, l'immortalité de l'âme, la rémunération après la mort, et indiqua un enfer et un paradis, en donnant même l'idée d'une espèce de purgatoire, dans son opuscule du Songe de Scipion. Mais, quant à la philosophie amoureuse, quant au culte de la beauté visible, comme préliminaire et introduction à la connaissance du beau divin et éternel, l'orateur-consul n'en parle pas, et en aucun lieu de ceux de ses ouvrages qui nous restent, il ne fait mention du Banquet de Platon.

Peut-être faut-il attribuer ce silence à la sévérité scrupuleuse de Cicéron, qui jugea à propos de ne pas diriger l'attention de ses concitoyens sur un ouvrage qui, ainsi que les livres mystiques de tous les pays et de tous les temps, renferme des symboles offensant

parfois la pudeur, quoiqu'on s'y propose d'exprimer les sujets les plus saints et les plus immatériels.

Quoi qu'il en soit, dans le Songe de Scipion, composition où l'orateur romain semble avoir pris à tâche de faire connaître les conséquences de la doctrine platonicienne, non-seulement il engage les hommes à se former à la vertu, mais à élever encore leurs pensées audelà du monde éphémère qu'ils habitent; et, après s'être étendu sur l'immortalité de l'âme, il leur apprend que, quoique mort, on est vivant; que ceux-là seuls sont vivants, qui, délivrés des liens du corps, s'en sont sauvés comme d'une prison; et enfin, que ce que les hommes appellent la vie, c'est la véritable mort. « Ji vivunt qui ex corporum vinculis, tanquam e carcere evolaverunt ; vestra verò, quæ dicitur vita, mors est. »

Tous ces résultats austères de la doctrine académique, Cicéron les expose avec une grande clarté dans son petit drame du Songe de Scipion: mais nulle part il ne fait même allusion au culte de la beauté visible, comme première initiation à la connaissance du Beau éternel.

Quoique le poète Virgile n'ait point eu l'occasion de développer précisément les opinions philosophiques qu'il avait adoptées, le sixième livre de l'Eneide, où il introduit le système de rénumération; l'épisode de Didon, où la femme coupable est punie et relevée tout à la fois par les remords qu'elle éprouve; et dans ses Bucoliques, ces vers obscurément prophétiques :

« Ultima cumai venit jam Carminis ætas..... jam redit et Virgo..... jam nova progenies.....

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