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en 525, que pour subir une mort cruelle. Ce personnage, auteur de plusieurs traductions des ouvrages d'Aristote, composa, en sa qualité de chrétien orthodoxe, plusieurs traités contre les hérésies d'Arius, de Pélage et d'Eutichès. Ces productions lui avaient déjà attiré la considération et le respect de tous les catholiques, lorsque, pendant sa captivité, il écrivit un livre: De la Consolation de la Philosophie, qui fixa l'attention générale et devint la lecture habituelle de tous ceux qui purent le connaître. La noble et sainte résignation avec laquelle Boëce avait supporté la prison et le supplice, ainsi que le calme religieux qui règne dans la dernière production qu'il acheva dans les fers, donnèrent un tel poids à ses paroles, que, sept siècles après lui, Dante ne parlait de la Consolation de la Philosophie qu'avec admiration, et y puisait même des pensées qu'il a introduites dans ses poèmes (1).

Je signale seulement ce livre, dont chacun peut facilement prendre connaissance et qui d'ailleurs, n'offrirait rien de nouveau à l'esprit, quant au fond des idées. Mais sa forme n'est pas sans quelque importance,

(1) Tout le monde connaît ces beaux vers du Ve chant de l'Enfer : « Nessun maggior dolor che ricordar si del tempo felice nella miseria..... » La pensée en est prise du 3e liv. De Consolatione, où il est dit : « Nam in omni adversitate fortunæ, infelicissimum genus est infortunii, fuisse felicem, »

Parmi les preuves nombreuses de la grande célébrité de Boëce et de son livre De la Consolation, etc., on peut compter comme l'une des plus concluantes, le poème sur Boëce, écrit en roman, vers le commencement du xe siècle, dont Raynouard a donné un ample fragment dans le 2e volume du « Choix des Poésies originales des Troubadours. Paris, 1817. Le livre de Boëce a été traduit depuis, dans toutes les langues de l'Europe.

relativement à la question qui nous occupe. Le songe, la vision et la personnification de la sagesse sous la forme féminine, la femme prophétesse et mystique, tout cet appareil poétique enfin, dérivé du Banquet de Platon, on le retrouve dans le livre de Boëce. La femme qui lui apparaît dans sa prison est la Philosophie, laquelle chasse les Muses dont Boëce était entouré, et donne à l'infortuné sénateur des consolations d'une nature plus grave et plus élevée.

Dans ses ouvrages philosophiques, ainsi que dans le livre particulièrement littéraire de la Consolation, Boëce nous a laissé les monuments qui constatent peut-être le plus précisément la transition des formes philosophiques et poétiques des païens à celle des chrétiens. C'est pour les lettres ce que, dans les arts, sont les peintures des catacombes, où Orphée, considéré comme propagateur de la doctrine de l'Unité de Dieu, est représenté auprès de Jésus-Christ. La forme est encore païenne; la pensée seule est chrétienne, et le mysticisme domine le tout; car, malgré les efforts de la raison, dans tous les pays et en tous les temps, les fables, les allégories et la mysticité se retrouvent constamment.

Dans les siècles qui suivirent celui de Boëce, on vit cette disposition poindre et se développer chez des peuples dont la religion passe, en général, chez les Européens, pour aboutir à un sensualisme complet. Car c'est un préjugé enraciné dans l'esprit des Occidentaux, que la religion de Mahomet n'offre pour récompense à ceux qui auront vécu saintement sur la terre, qu'une félicité toute matérielle dans l'autre vie. Ce principe admis, on en tire la conséquence que, chez les nations mahométanes, la femme est absolument méprisée, et que l'a

mour est réduit, chez ces peuples, à sa plus vulgaire condition. Qu'il en soit ainsi depuis longtemps dans l'usage ordinaire de la vie parmi les sectateurs de l'islamisme, c'est ce que je suis tout disposé à croire; mais je ne pense pas que sur ce point les chrétiens, pris ensemble, diffèrent beaucoup des mahométans. Et aux époques mêmes où l'amour platonique était le plus à la mode et se combinait avec les mœurs courantes de l'époque, c'est-à-dire depuis le x siècle jusqu'au xvi, je ne sache pas que dans l'usage de la vie, on ait été plus chaste qu'en d'autres temps. Je serais même tenté de soutenir la proposition contraire, d'autant plus que j'ai déjà eu l'occasion de démontrer que rien ne se combine plus facilement avec la corruption que le mysticisme (1).

Les Arabes instruits par Mahomet, et, bientôt après, leurs successeurs, ne tardèrent pas, en raison de la rapidité et de l'étendue de leur conquête, à forcer l'Europe chrétienne de s'occuper d'eux. Déjà, sous Omar, troisième kalife, trente-cinq ans après l'établissement de l'islamisme, l'Égypte, la Syrie, l'Asie inférieure, la Perse étaient vaincues et soumises, et l'Afrique même était entamée. La puissance mahométane n'avait pas encore un siècle d'existence (96 de l'hégyre, 715 de J.-C.) que, sous le kalife Walid, les gouverneurs des pays conquis étendirent tout-à-coup les limites de cet empire déjà immense. D'un côté, ils pénétrèrent jusqu'à la Transoxane et s'emparèrent de Samarkande la capitale; le frère du kalife même, Molsem, conduisit

(1) Voyez dans Roland ou la Chevalerie, tout ce qui a trait au Saint-Graal, et en particulier les aventures de Lancelot-du-Lac avec la fille du roi Perles, t. 11, pages 246-255.

une armée sur les terres des Romains, qu'il ravagea, qu'il pilla, jusqu'à ce qu'il parvînt à entrer dans la Galatie, où il se comporta de la même manière.

D'un autre côté, cependant, les Musulmans achevaient la conquête de l'Afrique; et à partir de l'an 93 de l'hégyre (712 de J.-C.), conduits par Tarik, lieutenant de Mousa, ils se rendaient maîtres de l'Espagne en quinze mois pour établir leur domination qui dura pendant 800 ans, jusqu'en 1492, que Ferdinand-le-Catholique et Isabelle de Castille rentrèrent triomphants dans les murs de Grenade.

Il est inutile de rappeler l'éclat de la cour de Bagdad, sous le kalife Aroun-al-Rachid (800 de J.-C.); et il suffit de nommer son fils Mamoun, dont le règne et la vie durèrent jusqu'en 833 de notre ère, pour faire souvenir que ce fut lui qui associa les lettres à l'empire; qui accueillit indistinctement tous les hommes savants, quelle que fût leur religion; et que c'est par ses ordres et sur ses conseils que furent faites, d'après les écrits des savants et des philosophes grecs, hébreux et syriaques, la pluspart des traductions arabes dont la connaissance devint bientôt si précieuse aux chrétiens.

Jusqu'au xve siècle, les enfants de Mahomet exercèrent donc de puissantes influences sur les chrétiens, soit par la force des armes, soit par celle de l'intelligence. Or, ces races d'hommes si terribles à la guerre, et que les Européens n'ont considérés si longtemps que comme des barbares inaccessibles à toutes les délicatesses de pensées et de sentiments dont nous sommes si fiers, ont poussé, au contraire, les élans de l'âme et de l'esprit, plus haut peut-être qu'on ne l'a jamais fait dans l'Europe chrétienne. Ainsi, ils ont voué un culte à la

femme; ils ont fait des vers et des romans d'amour tout aussi quintessenciés que les nôtres, et enfin comme Platon et comme Dante, leurs poètes ont admiré la beauté visible et ont élevé la créature humaine jusqu'à l'état purifié de Démon, d'Esprit intermédiaire entre l'homme et Dieu. En un mot, leur mysticisme religieux ne le cède en rien au nôtre.

Quant au respect que les Arabes des premiers temps de l'islamisme, portaient à la femme, on en trouve la preuve frappante dans le livre d'Antar (1). Rien n'est plus sincère ni plus profondément respectueux que l'amour de cet homme noir, hideux, esclave, mais géné. reux, résigné et plein de courage, pour la fille d'un chef arabe, la belle Ibla, qu'il finit par obtenir pour femme, après avoir accompli une foule d'exploits toujours plus glorieux pour lui. Dans cette profonde et noble passion du héros-esclave, fort différente de celle des paladins et des chevaliers de l'Occident, il n'y a pas ombre de galanterie, de même que dans ses faits d'armes, la bravade n'y est pour rien, tandis que la nécessité les détermine toujours.

(1) Toutes les compositions romanesques ou poétiques des auteurs musulmans, antérieurs au xvre siècle, présentent les femmes ayant assez de liberté de pensée et même d'action, pour exercer sur les hommes une influence à peu près analogue à celle que les personnes du sexe font sentir en Europe. Indépendamment d'Antar, à qui son amante Ibla fait accomplir de si grandes choses, on peut s'assurer par la lecture des romans de Joseph et Zoleika, de Medjnoun et Leila, et surtout par celle des contes des Mille et une Nuits, qu'en Orient les femmes ont été loin, pendant plusieurs siècles, d'être considérées comme de simples marchandises. On trouvera sur ce sujet des renseignements curieux dans un livre intitulé : Mahomet législateur des Femmes, etc., par M. de Sokolnicki, Paris, 1846, gr. in-8°.

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