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poser des questions théologiques, on devait passer sou-vent à celle de la simple philosophie, il dût être parlé de la doctrine amoureuse de Platon? Nul renseignement sur ce sujet ne nous est parvenu, et c'est une pure hypothèse que je hasarde; mais elle est permise puisque la théorie de l'amour, chez les musulmans, telle que je viens de la rapporter, est plus ancienne et beaucoup plus complète que celle qu'ont adoptée et suivie Dante et ses contemporains.

La comparaison de ces deux théories fait tellement ressortir l'infériorité de celle que les Italiens ont arrangée vers la fin du xire siècle, que l'on ne peut se refuser à croire que les prédécesseurs de Dante n'ont établi cette doctrine amoureuse si imparfaite, que d'après des traditions qui avaient été vaguement transmises aux Européens par les Arabes, durant les croisades. Ce qui reste démontré est que le respect, l'amour, le culte même voués à la Femme prise comme symbole, loin d'avoir été suggérés aux musulmans par les chrétiens croisés, comme on le pense encore généralement, étaient au contraire des préjugés établis dès l'origine de l'islamisme, comme en font foi les histoires d'Antar et d'Ibla, de Medjnoun et Leila, et celle même de Mahomet et de sa première femme.

Mais en suivant les musulmans dans leurs conquêtes en Afrique jusqu'à celle qu'ils firent des Espagnes, on trouve encore chez eux de nouvelles preuves qui appuyent cette opinion. Ce sont des poésies et des romans il est vrai, où je vais les puiser, mais comme on l'a dit avec raison, les romans sont souvent plus véridiques que l'histoire, dans la peinture des mœurs et surtout ce

qui a trait aux opinions et aux préjugés admis par les peuples.

Parmi les grandes traditions historiques de l'Espagne, celle qui se rapporte aux exploits de Dom Pélage est une des plus importantes. Cet homme, en 719, après la défaite de don Rodrigue, dernier roi des Visigoths en Espagne, parvint à réunir dans les montagnes des Asturies, le reste des vaillants Espagnols qui, sous sa conduite fondèrent un royaume, ressuscitèrent en quelque sorte une petite nation qui combattit les Maures, et dont les descendants devaient reconquérir l'Espagne.

Cette tradition a servi de texte à des narrations curieuses dans lesquelles on peut saisir la différence caractéristique qui existait entre les mœurs des Visigoths chrétiens, et celles des musulmans d'Espagne, à l'époque où ce pays fut conquis par Tarrick, au commencement du viie siècle.

Dans un livre intitulé: « Le reste des vaillants dans la grotte de Covadongue, et les victoires de l'infant D. Pélage, histoire véritable, pleine de divers incidents d'amour et de guerre (1), on trouve en présence les Arabes et les

(1) « Reliquias de los Valientes en Covadonga, y victorias de l'infante D. Pelayo; famosa e verdadera historia de varios acontecimientos de amor y armas, Sevila, 1545, in-8° oblong. » Tel est le titre de ce livre, écrit en prose et en vers, dont M. de Tressan a donné un extrait dans le volume de Mars, 1783, de la Bibliothèque des Romans. Depuis un assez grand nombre d'années, après avoir fait de vaines recherches dans les bibliothèques de Paris, pour trouver cet ouvrage, je me suis adressé à de savants espagnols qui, même dans leur pays, n'ont pu avoir de renseignements positifs sur ce livre. Il est impossible cependant de supposer qu'il n'existe pas, et que M. de Tressan se soit amusé à tromper ses lecteurs. Il règne, dans toute la

Visigoths. Du côté de ces derniers sont des vertus admirables, mais âpres, sauvages, brutales même; tandis que les Arabes sont présentés couverts d'habits et d'armures magnifiques, habitués à tous les raffinements du luxe, et se laissant même aller à des sentiments et à des passions, dont le développement coïncide toujours avec les résultats d'une civilisation très-recherchée. L'un des principaux personnages est le beau Mounouz, l'un des lieutenants de Mousa. Ce Mounouz, dans le cours de la conquête, avait fait prisonniers Pélage, sa mère Dona Luz, Gaudiose sa femme et Ormizende sa sœur. Celleci, d'une beauté singulière, avait produit une telle impression sur l'âme de l'arabe, que le galant vainqueur, poussé tout à la fois par l'amour et par un sentiment de générosité chevaleresque, s'était décidé à rendre la liberté à Pélage, pour lui laisser la faculté de le combattre; se réservant d'ailleurs le soin de garder les trois femmes prisonnières. Mais la belle chrétienne ne tarde pas à être sensible à la tendresse du musulman, et cette faiblesse conduit peu à peu Ormizende à la perte de sa raison. C'est alors que le beau Mounouz, tendre et rêveur comme le sont devenus depuis lui, et peut-être d'après lui, la plupart des héros de romans, évite toujours le combat que lui présente sans cesse D. Pélage, qui se montre bien plus préoccupé, dans ces occasions, de vaincre un Arabe conquérant, que de venger l'hon

composition, et particulièrement dans les caractères si variés des personnages, une force et une grandeur qu'aucun auteur du XVIIIe siècle n'était en état d'imprimer. Au surplus, j'engage d'autant plus volontiers les curieux à lire l'extrait de M. de Tressan, qu'ils pourront mapprécier mes observations, et qu'ils prendront connaissance d'un livre plein de charme et d'intérêt.

neur de sa sœur à laquelle il prend assez peu d'intérêt. Aussi, ce qui frappe dans cet épisode du Reste des Vaillants, est-il, d'une part, l'indifférence du Visigoth Pélage pour sa mère, sa femme et sa sœur,et de l'autre, la tendresse respectueuse, la galanterie chevaleresque avec lesquelles l'arabe Mounouz traite sa chère chrétienne Ormizende.

Ce personnage de Mounouz est le type des chevaliers romanesques. Brave comme son épée, moins chaste sans doute, mais aussi tendre et aussi constant que l'amant de Leila, l'amour est pour lui un véritable culte, et presque une religion.

Quelle que soit la date plus ou moins ancienne de la rédaction du livre du Reste des Vaillants, il est impossible de ne pas reconnaître dans cette composition, de vieilles traditions qui n'ont point été changées. Ainsi, la rudesse de vertu de Pélage et de sa femme Gaudiose opposée aux sentiments délicats qu'éprouve Mounouz, sont de ces contrastes qui ne peuvent être fournis que par la nature et l'histoire. Et si, comme quelques personnes le croient encore, la chevalerie était née parmi les chrétiens, l'auteur du Reste des Vaillants n'aurait-il pas doté Pélage de toutes les qualités que l'on attribue aux guerriers chevaleresques? Mais, au contraire, c'est l'héroïsme franc et brut du Visigoth prédestiné à être roi d'Espagne, que l'on s'efforce de faire ressortir, en l'opposant à l'amour du brave Mounouz, qui risque de compromettre le cause musulmane en se laissant aller au sentiment qu'il éprouve pour sa prisonnière chrétienne. Mounouz est un personnage brillant, dramatique et intéressant par ses faiblesses; mais Pélage est fort, est grand; mais Pélage se conduit en homme qui aime

ardemment son pays et qui a les vertus d'un grand roi. La chevalerie est donc évidemment dépréciée dans le Reste des Vaillants; et ce n'est certes pas ainsi qu'on en eût parlé en 1545, si la composition de ce livre datait effectivement de cette époque.

Quant à ce que l'on peut trouver d'étrange à ce que les chrétiens et les musulmans se soient accordés, même à leur insu, dans l'adoption de l'amour symbolique ou platonique; cette difficulté disparaît en réfléchissant que le premier principe des deux religions, l'unité de Dieu, est le même, et que c'est par l'idée de cette unité que Platon lui-même a été conduit à donner l'amour de la créature comme le symbole et le premier degré de l'amour divin.

Aussi dans la littérature de toutes les nations chré tiennes retrouve-t-on cet élément plus ou moins pur; et comme les Provençaux qui avaient eu plus d'une fois des rapports avec les Arabes d'Afrique et les Maures d'Espagne, ont emprunté aux poètes et aux écrivains de ces deux peuples, quelques-unes de leurs opinions et certaines formes de versification, il ne sera pas inutile de savoir de quelle manière ils ont combiné les emprunts qu'ils ont faits, et surtout de connaître l'esprit qui les animait en composant leurs ouvrages.

En suivant la ligne que décrit la Loire pour diviser la Gaule en deux parts, toute celle qui s'étend depuis la rive gauche du fleuve jusqu'à la Méditerranée forme la Provence. On a donc donné le nom de poètes provençaux aux écrivans qui, depuis la fin du x1° siècle, jusqu'au XIII inclusivement, ont appartenu à ce pays qui comprenait, outre le Dauphiné et la Provence relevant de l'empire, les trois grands comtés de Toulouse, de

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