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CHAPITRE VII.

Des libertés gallicanes.

Malgré l'uniformité de la discipline générale, il peut (exister en certains lieux quelques usages anciens, quelques coutumes particulières, ou appropriées à des besoins particuliers aussi, ou indifférentes en soi, coutumes très légitimes quand l'autorité les tolère, et plus encore quand elle les approuve, comme les rescrits des Papes et les actes des conciles en offrent de nombreux exemples. Mais pour qui conçoit bien l'unité de l'Église catholique ou universelle et l'esprit de son gouvernement, c'est un mot, certes, au moins étrange que celui de libertés; car il suppose d'une part, que quiconque ne jouit pas de ces libertés subit une sorte de servitude, et d'une autre part, que le pouvoir souverain, quel qu'il soit, ne pourroit s'exercer avec une égale étendue dans toute l'Église, ou qu'une portion de l'Église auroit eu le droit que n'a pas l'Église entière, de le limiter arbitrairement.

Or, de ces deux assertions entre lesquelles il sem ble qu'il faudroit nécessairement se décider si l'on prenoit le mot de libertés en un sens rigoureux, la première est scandaleuse et la seconde hérétique.

Cette simple observation autorise à croire, et impose même le devoir de penser avant tout examen, ou que les libertés qu'on nomme gallicanes ne sont pas, pour ainsi parler, d'origine ecclésiastique, ou que le clergé français, toujours si attaché à l'unité de l'Église et au Pontife romain qui en est le centre, entendoit par là quelque chose de très différent de ce qu'à plusieurs époques ont voulu entendre des esprits turbulents et emportés. En effet on dispute, depuis plus de deux cents ans, sur ces libertés, pour savoir en quoi elles consistent, question aussi obscure, aussi incertaine aujourd'hui, et plus peut-être, qu'elle ne l'étoit en 1605, lorsque les évêques, alarmés de l'abus qu'on faisoit de ce mot vague, supplièrent le roi de faire régler ce qu'on appelle libertés de l'église gallicane (1). Ils réitérèrent plusieurs fois cette demande les années suivantes. « Vos juges,

(1) Il est remarquable que jamais on n'ait entendu parler des libertés de l'Église d'Allemagne, des Églises de Hongrie, de Pologne, d'Espagne, de Portugal, d'Irlande, etc. Après l'Église gallicane, nous ne connoissons aujourd'hui que l'Église des Pays-Bas qui ait le bonheur d'avoir des libertés, grâce à la munificence d'un prince calviniste.

>> disoient-ils, ont tellement obscurci les libertés, » que ce qui devroit servir de protection se convertit >> en oppression de l'Église; ce qui ne procède d'ail» leurs de l'obscurité de la matière et de la perque »plexité en laquelle on a industrieusement retenu » les esprits, pour, sous couleur de ce, facilement >> entreprendre sur la jurisdiction ecclésiastique (1).» Les états généraux adressèrent au roi la même prière en 1614(2); tant les abus dont se plaignoient les prélats étoient graves et notoires. Malheureusement ces sages demandes furent bientôt oubliées, et le désordre alla croissant. Une lutte, qui duroit encore à la fin du dernier siècle, s'établit entre les parlements et l'épiscopat obligé de défendre contre eux ses droits les plus sacrés. Nulle guerre de ce genre ne fut jamais ni plus continuelle, ni plus vive, et son influence sur nos destinées a été trop grande, pour que nous ne nous arrêtions pas un moment à en considérer la cause, intimement liée d'ailleurs an sujet que nous traitons.

Les parlements formoient d'abord un simple corps judiciaire, établi pour rendre la justice au nom du roi; et lorsque, dans la suite, ils eurent réussi à se créer peu à peu un autre pouvoir très

(1) Mémoires du clergé, tome XIII.

(2) Corrections et additions pour les nouveaux opuscules de M. l'abbé Fleury, p. 68.

différent, ils continuèrent toujours d'exercer, d'une manière irréprochable, cette noble fonction. La gravité des mœurs, l'intégrité, la science, qui distinguoient si éminemment la magistrature française, lui avoient acquis, avec le respect et la confiance des peuples, une haute considération dans l'Europe entière. Elle la dut, ainsi que les vertus qui la lui méritèrent, à l'esprit profondément monarchique et chrétien qui avoit présidé à son institution. Mais cet esprit, il faut le dire, s'altéra progressivement, sous plus d'un rapport, par l'effet des changements qui survinrent dans la société. On a vu qu'en cherchant, et avec trop de succès, à séparer la politique de la religion, en isolant dès lors les unes des autres les nations que le christianisme tendoit à unir, en luttant contre l'ordre de civilisation qu'il avoit produit et que la puissance pontificale s'efforçoit de défendre et de conduire à sa perfection, parceque de cet ordre dépendoient la paix et le bonheur des peuples et l'existence même du christianisme, les princes effectuèrent une véritable révolution dans la chrétienté, et, en matière de gouvernement, substituèrent, sans en avoir conçu le dessein formel, aux lois immuables de la justice le système variable des intérêts. De là une défiance générale, une ambition sans frein, et de perpétuelles entreprises du

que

souverain contre les vassaux et des vassaux contre le souverain. La force, au fond, étoit devenue l'uniarbitre des droits, et le despotisme envahissoit de tous côtés la monarchie. Ce fut sur les débris de son ancienne constitution que les parlements établirent leur puissance politique. Nécessaires au monarque pour donner un caractère légal aux agressions contre le pouvoir spirituel et contre les institutions de l'état, les parlements virent augmenter leur importance et leur autorité, au point d'en abuser quelquefois contre les rois eux-mêmes, à mesure que les antiques barrières, qu'une justice égale pour tous avoit élevées autour de la souveraineté, tomboient.

On ne sauroit se faire une juste idée de ces grands corps, si l'on ne distingue en eux deux choses tout-à-fait diverses. Comme défenseurs et juges des intérêts privés, rien de plus admirable: comme instruments de la politique du prince, ils hâtèrent la ruine de la monarchie. Dévoués à la puissance royale, fondement de leur propre puissance, ils s'efforcèrent de l'étendre sans aucunes bornes, en lui sacrifiant tous les autres droits. Ils asservirent entièrement la noblesse au trône, c'està-dire qu'ils la détruisirent en tant qu'institution politique; et jusqu'à leur dernier moment, ils travaillèrent avec ardeur à l'oppression de l'Église :

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