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De leur côté, les missionnaires catholiques, sur l'invitation de M. Abbadie, de l'Institut de France, pénétrèrent en Abyssinie; ils formèrent une mission de 12,000 convertis qui nécessita la présence d'un évêque; Mgr. Jacobis y fut envoyé, et l'année dernière le nombre des catholiques s'élevait à 60,000.

Cependant, Théodoros, dès 1855, proscrivait toute autre religion que la sienne, et les missionnaires catholiques durent s'éloigner. Les ministres anglicans crurent le moment favorable pour tenter un nouvel essai ; ils ne se présentèrent plus comme missionnaires, mais comme ouvriers fondeurs, et Théodoros les accueillit pour monter son artillerie. Cependant on distribuait des Bibles, l'empereur s'emporta et congédia M. Stern. Celui-ci osant un jour se présenter de nouveau devant lui, Théodoros lui dit: "Je suis las de votre Bible. Vous m'avez gravement offensé en n'usant pas du congé que je vous avais donné pour retourner à la mer: je vous pardonne comme étranger, mais mes sujets qui auraient dû vous éclairer à cet égard seront punis sévèrement."

Les compagnons de M. Stern furent emprisonnés. M. Stern lui-même fut maltraité. M. Cameron, agent diplomatique, qui voulut plaider pour eux, fut incarcéré à son tour. Théodoros avait d'ailleurs d'autres griefs contre lui. L'ambitieux parvenu, voulant étendre sa domination sur les bords de la mer Rouge, crut devoir solliciter le secours de l'Angleterre pour l'aider dans ce projet. M. Cameron fut chargé d'une lettre de Négus à la cour de Londres, mais au lieu de la porter lui-même, il se contenta de l'envoyer par un émissaire, et demeura dans le pays, étudiant les ressources qu'il pouvait offrir pour la culture du coton.

Théodoros fut mortifié de ces procédés, le rapport de l'agent anglais fut intercepté, il y avait des détails fort désagréables pour l'empereur, et quand M. Cameron se présenta sans réponse satisfaisante du cabinet de St. James, le Negus irrité le retint prisonnier.

Grande fut l'indignation de l'Angleterre. On envoya de nouveaux députés avec des présents. La Reine même lui écrivit de sa royale main une lettre à la fois ferme, conciliante et amicale pour l'inviter à rendre ses captifs. Le barbare reçut les présents et garda les députés prisonniers.

Ils sont six anglais et deux allemands enfermés à Magdala, près du lac Dambea; quatorze autres ouvriers allemands sont gardés à vue dans l'intérieur de la ville. "Ces ouvriers, dit M. Abbadie, envoyés aux frais d'une société protestante comme de "pieux laïques," ont commencé d'une façon fort excentrique leurs œuvres de paix évangélique en fabriquant des mortiers et d'autres engins de guerre. Quant au spirituel, ils ont fait des spiritueux, c'est-à-dire beaucoup d'eau-de-vie, et pour ce qui est du temporel, ils se sont livrés au commerce des esclaves." C'est du moins ce que M. Bassam, le diplomate chargé de la dernière mission près de Théodoros, nous apprend lui-même. Et maintenant ils accusent les catholiques de leurs bévues!

Il était difficile au peuple anglais de recevoir un pareil affront sans mot dire. Une expédition contre cet intraitable Théodoros fut donc arrêtée, et l'expédition est partie, et voilà pourquoi un regard curieux se reporte aujourd'hui vers l'Abyssinie, pays si peu connu jusqu'ici.

C'est le 5 octobre dernier que l'expédition a pris pied sur la côte d'Abyssinie, le débarquement s'est effectué dans le port de Tula ou d'Annesley. Depuis elle a pénétré dans l'intérieur des terres jusqu'à Senafe.

Quelles sont donc les difficultés qu'aura à vaincre l'expédition d'Abyssinie. Elles sont nombreuses, quelques-unes ont déjà été surmontées, d'autres restent encore que l'on peut prévoir, il en est qui peuvent surgir que l'on ne prévoit peut-être pas.

Les préparatifs ont été considérables, l'expédition n'occupe pas moins de 238 navires de toutes grandeurs à 7 millions et demi par mois.

Après un débarquement pénible à Tula, l'armée est entrée dans une plaine immense qui conduit aux premiers plateaux du Tigré, et elle a dû y souffrir beaucoup de la chaleur, de la soif et de la fatigue.

Sur ce sol aride et brûlant on ne voyage guère que la nuit, car la chaleur à l'ombre se monte à 48 degrés, et en rase campagne elle peut monter jusqu'à 60. Souvent les caravanes y ont à lutter contre le Karif, espèce de colonne, couleur rouge brique, qui aveugle les voyageurs d'un sable brûlant, ou contre le Simun, auquel on ne peut résister qu'en se couchant à terre plus d'un quart d'heure. L'expédition a perdu un grand nombre de bêtes de sommes en parcourant les 25 lieues qu'il a fallu faire dans ces horribles plaines. Arrivée aux pieds des plateaux Abyssins, elle a dû les gravir par des chemins escarpés, coupés dans le roc comme des escaliers. C'est par de tels chemins qu'il a fallu monter le matériel de guerre jusqu'à des hauteurs de plus de 60,000 pieds au-dessus du niveau de la mer.

Toute l'Abyssinie ne présente ainsi qu'une suite de plateaux semblables, toujours s'élevant les uns au-dessus des autres comme des terrasses en amphithéâtre.

Chaque plateau est isolé, bordé de précipices immenses, de murs en surplomb, d'aiguilles élancées formant des remparts naturels de basalte, qui jusqu'ici ont défié toute invasion étrangère.

Ces plateaux ne sont reliés que par des gorges profondes, on ne peut les appeler des vallées, car elles sont trop étroites. Ces gorges sont inhabitables pour l'homme; la chaleur y atteint 75 degrés; mais elles servent de retraites aux scorpions et à différentes espèces de bêtes féroces, tigres ou panthères. Au temps des pluies, ces gorges sont infranchissables, en moins de trente secondes il s'y forme des torrents, qui comblent la vallée, entraînant tout sur leur passage, arbres, pierres, animaux, voyageurs. On peut à peine les franchir dans un jour, et ce n'est pas sans danger qu'après avoir traversé la nuit leur étouffante atmosphère, on arrive le matin au

sommet du plateau opposé; le froid qui saisit le voyageur, produit l'effet d'un bain russe comme l'homme n'en peut guère supporter. M. Abbadie dans une seule nuit, vit périr 600 hommes, surpris par le froid, et dans le Lasta, on a vu des armées entières périr dans de pareilles expéditions.

De la mer à Senafe, à l'entrée des plateaux, il peut y avoir 25 lieues; de Senafe à Magdala, où sont les prisonniers, il peut y avoir 90 lieues qu'il faudra faire par les routes que nous venons de décrire.

L'expédition de terre se compose de deux régiments européens, et d'un corps de 12,000 hommes de toutes armes. Cinquante millions ont été demandés au parlement anglais, on pense qu'il en faudra plus de 300: et chaque prisonnier anglais coûtera 50 millions.

Hommes et animaux demandent chaque jour 180,000 litres d'eau, et on ne les abreuve qu'avec de l'eau de mer distillée, ce qui entraîne une dépense de $100,000 par 24 heures.

Il faut transporter tous les vivres, à l'exception de la viande. On a fait venir en conséquence, de tous les pays, quantité de mulets; ils sont arrivés sans brides à Tula; les soldats anglais n'ont rien trouvé de plus simple que de leur corder des licous de paille, mais les mulets ont mangé les licous et se sont enfuis en partie au désert.

La constance anglaise ne reculera cependant pas devant ces formidables obstacles. Ses ressources d'ailleurs sont immenses, les troupes ont confiance dans leur général. Un chemin de fer relie déjà la mer à Senafe. On cherche des alliances dans le pays. On compte sur Gobaze, roi du Tigri, ennemi mortel de Théodoros. Son alliance est-elle sûre? c'est ce que l'avenir dira. Magdala ne tiendra pas contre l'artillerie anglaise malgré sa forte position au sommet d'un plateau presque inaccessible.

Mais que fera Théodoros ? souvent atteint d'accès de fureur qui touchent à la folie, n'est-il pas à craindre qu'il massacre ses prisonniers? et quant il ne les massacrerait pas, s'il les fait venir dans le Damot où il est campé, le suivra-t-on jusque-là, et si toujours fuyant devant l'armée anglaise, il les entraîne après lui jusqu'aux confins du désert et se retire à Quadra, serat-il possible de le poursuivre. Malheur à l'armée expéditionnaire si elle s'engage dans ces régions pestilentielles situées au-delà du lac Zambea, les fièvres putrides se chargeraient seules de la victoire.

Que se propose donc l'Angleterre dans cette expédition? de venger son agent diplomatique ! Mais il n'a pas été pris dans les limites de son consulat! et les missionnaires ouvriers ne sont point les agents de son gouvernement qui ne peut répondre des escapades de tous ses insulaires par le monde.

Mais enfin l'honneur anglais est aujourd'hui engagé, et qui a pu porter à l'engager de la sorte, le désir seul de délivrer quelques prisonniers ? Ce serait beau à la vérité, mais est-ce là le dernier mot? On a dit que le canal de Suez avait donné à l'Angleterre la pensée de s'établir fortement

sur les plateaux de l'Ethiopie, d'où elle pourrait redescendre vers l'Egypte, et faire de la Mer Rouge un lac anglais. Le projet est vaste, mais la France, la Russie, l'Egypte, la Turquie en souffriront-elles l'exécution? Déjà les dernières dépêches nous ont appris qu'un corps égyptien venait de se jeter en Abyssinie, on ne sait pas dans quelle intention, mais il est difficile de croire que ce soit pour aider Sir Napier à conquérir l'Ethiopie. Nous tiendrons nos lecteurs au courant de cette expédition, qui peut d'un jour à l'autre ajouter de nouveaux embarras politiques à ceux qui déjà trop nombreux occupent l'Europe, et qui, quoiqu'il arrive, ne peut manquer de donner lieu à des évènements d'un très-grand intérêt.

L. G.

LE PÈRE JEAN.

MONTRÉAL, 4 avril, 1868.

Au mois de juin 1865, le Général Dix, Gouverneur de New-York, aujourd'hui ambassadeur à Paris, visitait Montréal.

Le grand homme qui a conservé la mémoire du cœur, a voulu, pendant son court séjour dans notre ville, faire une visite au Collége de Montréal, où il a reçu son éducation. On sait avec quelles démonstrations de joie il fut accueilli dans cette maison. Nous n'avons pas à y revenir, mais nous rappellerons une circonstance de cette visite qui a trait à notre sujet.

Comme le Général montait le grand escalier, qui conduit à la salle de réception, il aperçut devant lui, montant appuyé le long de la rampe, un vénérable vieillard, dont les traits et le port ne lui semblaient pas inconnus. Quel est donc ce vieillard? demanda le Général, je crois me ressouvenir de lui.

-Général, c'est le Père Jean.

-Ah! le Père Jean, exclama le Général, bien certainement je le con-nais, il vit encore ! je suis heureux de le revoir.

Et s'avançant vers le vieillard, il lui serra affectueusement la main. Eh bien! lui dit-il, bon Père Jean, reconnaissez-vous le Général Dix?

-Mon Général, j'ai bien connu anciennement au College un petit Dix; et je suis heureux de le voir aujourd'hui devenu grand général.

Le Général sourit à cette réponse, et lui serrant amicalement de nouveau la main, il lui souhaita encore de bien longues années.

Beaucoup de nos lecteurs, anciens élèves du Collége de Montréal, connaissent, eux aussi, bien avantageusement le Père Jean, et ils ont appris, nous n'en doutons pas, sa mort avec regret. Beaucoup d'autres ne le connaissent pas à tous nous croyons être agréable en rappelant ici quelques traits de la vie de ce fidèle serviteur qui, pendant 57 ans, édifia le Collége de ses humbles vertus.

La noblesse de l'âme est de tous les états, et la grandeur d'une vie sans reproche a toujours son prix et sa valeur pour les cœurs bien nés qui veulent l'imiter. Il est aussi difficile d'être fidèle à ses devoirs d'une humble condition que dans une haute position. Celui qui est fidèle dans les petites choses peut aussi l'être dans les grandes, et celui qui ne l'est point dans les petites le sera aussi difficilement dans les plus importantes. C'est une parole de vérité qui nous l'apprend.

Recueillons donc le bien et la vertu partout où ils se trouvent. C'est de l'or pur qui ne perd jamais sa valeur, qu'il brille à la couronne des rois ou qu'il se cache dans les entrailles obscures de la terre.

Jean-Baptiste Michaud est né à St. Roch des Aulnets, diocèse de Québec, le 15 octobre 1778, d'une famille d'habitants honorable et aisée. Nous n'avons pas de détails sur son enfance, il parlait peu de lui-même, et le seul frère qui lui restait était trop jeune, quand il quitta la maison paternelle, pour avoir gardé aucun souvenir de cette époque.

La réputation qu'il a laissée dans sa paroisse natale a été celle d'un excellent chrétien. Il y revenait souvent dans le cours des vacances du collége, et le temps qu'il y demeurait, il communiait tous les huit jours, pour remercier Dieu des faveurs qu'il avait obtenues du ciel, par l'intercession de Saint Roch, sous la protection duquel il s'était mis le jour de sa première communion, et avec lequel on avait remarqué qu'il avait quelques traits de ressemblance.

A l'âge de 25 ans, Jean Michaud quitta le toit paternel et vint se fixer à St. Barthélemy, où il acheta quelques terres qu'il vendit plus tard. Il y demeura six ou huit ans, entra ensuite au service d'un propriétaire écossais, nommé Grant, puis enfin vint à Montréal; il avait environ trente

et un an.

Il entra au service de Mme. Frébuchère, bien connue dans Montréal, et alliée à la famille de Rocheblave. Il se fit remarquer dans cette maison par son intelligence et sa fidèlité, et il gagna la confiance de Mme. Frébuchère. C'est lui qui la conduisait en grande livrée, lorsqu'elle se rendait à la messe de la paroisse. Le vieillard souriait encore d'aise dans ses vieux jours, lorsqu'il racontait cette particularité de sa vie.

C'était lui qui était chargé des commissions, et souvent son devoir le conduisait au Collége de Montréal dont le vénérable M. Rocque était alors Directeur.

Le silence, la régularité, la piété, l'ordre qui régnait dans cet Etablissement frappèrent le jeune Michaud ; il se prit à envier le sort des enfants qui y étudiaient et s'y préparaient au sacerdoce, et résolut de solliciter son entrée.

Il se présenta à M. De Saulnier, curé de Montréal, qui le dissuada de ce projet en lui faisant observer qu'il était trop âgé pour commencer un cours d'étude : il avait alors trente deux ans.

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