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LES SECRETS DE LA MAISON BLANCHE.

X.-(Suite.)

-Pourquoi craignez-vous qu'on m'entende prononcer le nom de Rotenberg? demanda le chevalier, Henri de Brabant.

-Simplement parce que le baron de Rotenberg est en ce moment sous mon toit, répondit Tremplin ; il occupe l'appartement au-dessus de celui-ci.

-Ah! alors je pourrai lui faire remettre une lettre dont je suis porteur et qui lui est adressée, observa Henri. Vous me parliez tout à l'heure des bruits que l'on avait fait courir au sujet de la mystérieuse disparition des frères Schwartz, est-il admis comme vrai qu'on les ait vus gardés par des cavaliers masqués ?

-On ne fit pas beaucoup attention à ces rumeurs, répondit Tremplin, d'autant qu'il était difficile de remonter à leur origine. Pour ma part, je ne savais que penser; mais douze ans se sont écoulés depuis lors, et..

-Et naturellement vos impressions sont moins fraîches et moins vives, dit le chevalier. Rien n'a jamais pu faire deviner quel pouvait avoir été le sort de ces trois hommes ?

—Rien, jamais, répondit Tremplin.

-Cela était, en effet, bien mystérieux, fit remarquer notre héros. Maintenant, mon digne hôte, ajouta-t-il, permettez-moi de vous adresser quelques questions sur un autre sujet. Que pensent les habitants de Prague au sujet de la position de la capitale et de leur patrie ?

-Parlons d'abord de la capitale, répondit Tremplin. Jusqu'à ces derniers temps, Zitzka et ses Taborites ont campé sous les murs de la ville, et nous ont fait la loi. Mais ayant appris que les provinces du sud se révoltaient, Zitzka a marché dans cette direction avec ses troupes. On assure que non-seulement il a rétabli l'ordre, mais que le nombre de ses partisans s'est grandement accru. Dès qu'il a eu quitté le voisinage de Prague, les plus puissants seigneurs du pays y sont rentrés; et ayant réuni des troupes en assez grand nombre pour se défendre, ils ont résolu de tenir un conseil auquel ils ont convié différents Etats voisins. Chose étrange, Zitzka n'a rien fait pour s'opposer à cette réunion, quoiqu'elle soit dirigée contre lui et son autorité; et tandis que certains considèrent sa conduite comme une preuve de faiblesse, d'autres tremblent qu'il ne tombe sur la ville avec la soudaineté d'un coup de tonnerre.

-Et quelle est votre opinion, à vous, monsieur Tremplin ? demanda Henri de Brabant.

que

-Je suis de l'avis de ces derniers, répondit l'hôtelier, parce que je sais Jean Zitzka n'est point un lâche. Il a un motif pour tout ce qu'il fait, et son inactivité est certainement méditée. En un mot, seigneur chevalier, ajouta Tremplin en baissant la voix, je crains que Zitzka ne laisse les seigneurs s'assembler qu'afin de les prendre tous d'un coup de filet.

-Ah, ce n'est pas improbable! exclama Henri de Brabant, qui avait présent à l'esprit la conversation qu'il avait eue la veille avec le chef taborite.

-La ville de Prague, continua l'aubergiste, est assez tranquille en ce moment; la présence des seigneurs et de leurs partisans suffit pour maintenir l'ordre mais les affaires et le commerce sont dans un triste état. Nous attendons avec anxiété le grand jour, le 2 août, date de la réunion du conseil, et qui décidera de la destinée du pays.

-Et dans les provinces,.. quel est l'état de l'opinion? demanda le chevalier.

-Le parti des seigneurs est plus puissant là qu'ailleurs, répondit Tremplin. Oh! mon Dieu, exclama l'aubergiste avec une explosion soudaine de sentiment, si la guerre civile allait éclater, quel épouvantable malheur !

-Vous avez raison, dit le chevalier, et l'on doit tout faire pour l'empêcher. Mais dites-moi, savez-vous ce qu'est devenu l'enfant unique du roi Wenzel, la princesse Elisabeth?

-Hélas! la malheureuse princesse a été contrainte de se cacher dans quelque retraite ignorée, répondit l'hôtelier; et même ses meilleurs amis et ses serviteurs les plus dévoués ignorent le lieu de sa résidence.

-Mais à qui a-t-elle été confiée ? demanda Henri de Brabant, curieux de savoir, s'il était possible, si l'on était au courant des relations que M. Cyprien prétendait avoir existé entre lui et l'ancien monarque.

-Tout ce qui concerne la pauvre jeune princesse est entouré de mystère, répondit l'hôtelier. A l'époque où mourut son père, la plus grande agitation régnait à Prague, et c'est à peine si l'on s'est aperçu de sa disparition. -Est-il vrai que Jean Zitzka a été poussé par certaines injures personnelles à lever l'étendard de la révolte? demanda le chevalier.

-On a prétendu qu'il y avait quelque chose comme cela, répliqua maître Tremplin, mais je ne saurais préciser aucun détail. Je crois cependant qu'une sœur ou une cousine qu'il avait fut victime d'un outrage.. et que c'est de là qu'est né son antagonisme contre ceux qui étaient antrefois ses amis. Il faut aussi que je vous dise, continua l'aubergiste, que Zitzka a toujours été regardé comme un personnage étrange, mystérieux, même du temps où il était chambellan du roi Wenzel. Bien certainement il a dû éprouver dans sa jeunesse des chagrins et des déceptions qui sont cause de sa misanthropie. Il est brave jusqu'à la témérité, et il était jadis célèbre pour sa générosité et son bon cœur.

-Ainsi, d'après vous, Zitzka ne s'est jamais marié? dit le chevalier. -C'est du moins l'opinion générale, répondit Tremplin.

-Mais il a des parents, des sœurs, des nièces, observa Henri de Brabant.

-Je suis porté à croire qu'on n'a à ce sujet que des présomptions, répondit l'hôtelier. La vérité est qu'on ne sait rien ou presque rien de l'histoire privée de Zitzka.

-Avez-vous jamais entendu dire, demanda le chevalier, qu'il y a dans le camp des Taborites une très-belle femme dont le nom et l'origine sont singulièrement mystérieux, et qui exerce sur eux une très-grande influence?

-Votre Excellence fait allusion à l'être étrange et incompréhensible qu'on appelle Satanaïs, dit Tremplin dont la figure prit tout à coup une expression sérieuse. Personne ne sait qui elle est, d'où elle vient, ni comment ont commencé ses relations avec les Taborites. Personne ne pourrait dire si elle est de chair et d'os comme nous, ou si elle ne cache pas plutôt un démon sous le corps d'une femme. Je ne l'ai jamais vue, et j'espère bien ne jamais la rencontrer, continua Tremplin en faisant le signe de la croix, car on assure que ses yeux brûlent comme des charbons ardents. Et puis, son nom, seigneur chevalier, ce nom terrible, ajouta-t-il en frissonnant; ne vous semble-t-il pas qu'elle mérite bien d'être la fille de Satan?

-Avez-vous jamais ouï dire qu'elle ait quelqu'une de ses parents avec elle, une sœur, par exemple?

-Non, jamais, répondit Tremplin d'un ton solennel. C'est bien assez d'un démon comme elle pour bouleverser toute la chrétienté. Non, seigneur chevalier, Satanaïs n'a point de sœur, autrement je l'aurais appris de l'un ou l'autre des nombreux voyageurs qui descendent au Faucon-d'Or.

-Acceptez tous mes remerciments, mon cher hôte, pour le plaisir que m'a procuré votre conversation, dit le chevalier. Je ne vous retiendrai pas plus longtemps, car je me suis aperçu que votre maison est considérable, et qu'elle doit réclamer toute votre attention. Pourtant, je vous prierai d'aller porter cette lettre au baron de Rotenberg, ajouta le chevalier en tirant de sa poche la missive que lui avait confiée le jeune Rodolphe. Tremplin la prit, s'inclina, et sortit pour aller s'acquitter de sa com

mission.

XI.

UN SOUPÇON MAL FONDÉ.

Tandis que la conversation que nous venons de rapporter avait lieu entre le chevalier Henri de Brabant et le maître du Faucon-d'Or, un dialogue d'une nature pour le moins aussi intéressante s'engageait dans un appartement à l'étage supérieur.

D'un côté d'une table était assis un homme de haute taille, au teint

bruni," à l'air hautain et dédaigneux. Il approchait de la cinquantaine, mais c'est à peine si l'on remarquait un cheveu gris sur sa tête abondamment pourvue; des sourcils épais et d'énormes moustaches ajoutaient encore à son aspect farouche. Il était richement vêtu; son pourpoint était magnifiquement brodé et orné de pierres précieuses. La poignée de sa dague et de son épée était enrichie de diamants, ainsi que la broche à laquelle était attachée la plume rouge de sa toque.

Ce personnage n'était autre que le baron de Rotenberg, l'un des plus puissants seigneurs de Bohême.

De l'autre côté, en face de lui, était assis M. Cyprien. Le capuchon de sa redingote, faite en forme de robe, était rejeté en arrière, et laissait voir sa figure, qui était pâle, creuse, et portait les traces de grandes fatigues physiques. Il avait sur le front une large contusion qui, évidemment, était d'une date récente.

Un flocon de vin et deux coupes étaient sur la table, et dès que le domestique qui les avait apportés se fut retiré, Cyprien remplit son gobelet et le vida de l'air d'un homme qui n'en pouvait plus de soif et d'épuisement. Vous avez voyagé vite? dit le baron.

-Il y a quatre jours j'étais à la grotte, qui est d'au moins six lieues plus éloignée de Prague que le château de Votre Excellence, répondit M. Cyprien. J'attendais là une communication du duc d'Autriche en réponse à la proposition que je lui avais fait parvenir.

-Et vous l'avez reçue? demanda le baron avec une certaine impatience autrement, vous ne seriez pas à Prague en ce moment.

-Laissez-moi respirer, monseigneur, et vous saurez tout, dit Cyprien. Rappelez-vous que je tombe de fatigue, et que je serais plutôt disposé à aller me coucher qu'à passer encore une heure ou plus à causer.

-Vous ne me ferez pas croire que vous avez accompli un si long voyage à pied, et en quatre jours? s'écria le baron: c'est impossible!

J'ai pu, pour quelques instants, me procurer un cheval, répondit M. Cyprien, mais presque toute la route, je l'ai faite à pied. Ne soyez donc pas étonné de me voir à bout de forces.

-Il parait aussi que vous avez éprouvé quelque accident, dit le baron, qui remarqua la contusion qu'il avait à la tête.

-Par tous les diables! je me vengerai de cela, s'écria Cyprien d'un ton qui exprimait toute la haine et la rancune qu'il nourrissait intérieurement. Au surplus, ajouta-t-il en redevenant calme, c'est une affaire qui ne regarde que moi, et qui n'a rien à voir avec celle qui nous occupe. J'ai donc à vous apprendre que le 18 de ce mois, un jeune page est venu me trouver à la grotte, et m'annoncer que son maître, un certain Henri de Brabant, envoyé du duc d'Autriche, était arrivé en Bohême, et qu'il avait l'intention de passer la nuit au château de Rotenberg. -Ah! j'espère alors que mon fils l'a accueilli convenablement, exclama le baron. Continuez.

J'ai envoyé le page avec un message où je donnais rendez-vous à son maître, pour le lendemain, et à un certain lieu que je lui désignais. Nous nous sommes effectivement rencontrés, et je lui ai développé tous les plans que Votre excellence connaît.

-Oui, oui vous n'avez pas besoin d'y revenir, dit le baron. Comment cet envoyé autrichien a-t-il accueilli vos propositions?

—Admirablement, répondit Cyprien. Mais il a insisté pour être présenté à la princesse Elisabeth, dès son arrivée à Prague, afin de s'assurer que c'est volontairement et de son plein gré qu'elle accorde sa main au duc d'Autriche.

-Très-bien; y a-t-il à craindre un refus de la part de la princesse ? demanda le baron.

-Aucunement, répondit vivement Cyprien : elle suivra mes instructions à la lettre.

-C'est ce que je pensais, observa le baron; et étranges et mystérieux furent les regards qu'ils échangèrent par-dessus la table. Ainsi donc, continua le baron, jusque-là tout paraît marcher admirablement; le duc d'Autriche épousera la princesse Elisabeth et deviendra roi de Bohême, et alors vous et moi, nous serons sûrs de notre jeu. Mais, si docile et si obéissante que soit la princesse, ne demandera-t-elle pas qu'on lui fasse le portrait de son futur époux ? Dans ce cas, elle ne prendra pas sur elle d'interroger Henri de Brabant, et lui ne s'offrira pas à donner de telles explications; et comme ni vous ni moi n'avons jamais vu le duc d'Autriche. -Tranquillisez-vous de ce côté, monseigneur, dit Cyprien; et il vida une autre coupe de vin.

-Encore une fois, je le répète, tout marche à souhait, dit le baron; et cependant il y a un air de contrainte, de malaise et d'ennui sur votre visage, que je ne puis vous expliquer. Au nom du ciel, qu'est-ce qui vous tourmente ?

-Il y a bien des choses qui ne me satisfont pas, répondit M. Cyprien. D'abord quoique nos projets semblent réussir, comme vous le dites, je suis loin d'être content de cet Henri de Brabant. En un mot, je me défie de lui, et je tremble qu'il ne soit un fourbe.

-Ce que vous dites là est sérieux, en effet, exclama le baron. Mais quelles raisons avez-vous de concevoir ces soupçons ?

-Je vais vous le dire, répliqua Cyprien brusquement. Mon entretien avec lui a eu lieu à la chapelle, à l'entre-croisement des routes, à trois lieues du château de votre Excellence.

-Je connais parfaitement l'endroit, observa le baron. Mais comment se fait-il que vous ne soyez pas venus ensemble à Prague, puisque votre destination était la même ?

Ah! c'est là justement ce que je voulais vous dire. J'avais un certain motif pour aller dans le voisinage du camp des Taborites; je me suis

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