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HISTOIRE DE LA COLONIE FRANÇAISE

EN CANADA.

DEUXIEME PARTIE.

LA SOCIÉTÉ DE NOTRE DAME DE MONTRÉAL COMMENCE A RÉALISER LES RELIGIEUX DESSEINS

DES ROIS DE FRANCE.

CHAPITRE III.

FONDATION DE VILLEMARIE, SES HEUREUX COMMENCEMENTS.

(Suite.)

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XVIII.

Zèle pour la sanctification des sauvages. Invitation faite à des Algonquins.

Cette ferveur des premiers colons de Villemarie n'a rien qui doive étonner, si l'on considère que, non-seulement les chefs de l'entreprise, mais encore de simples soldats, des ouvriers, avaient quitté leur patrie par les mouvements d'un zèle apostolique. "Croiriez-vous, rapporte "le P. Vimont, que plusieurs des ouvriers qui travaillent à Villemarie ne se sont proposé d'autre motif, dès leur départ de France, que celui de la gloire de Dieu? La seule pensée, qu'ils contribuent, autant qu'ils peuvent, au salut des âmes, les fait travailler de si bon courage, qu'il ne leur arrive jamais de se plaindre, souffrant avec joie les incommodités d'une nouvelle demeure en un pays désert." C'est ce qu'atteste pareillement le P. Leclercq, déjà cité. "Quantité de chefs de famille sont allés en Canada, dit-il, à dessein de contribuer à la conversion des sauvages; témoin la Compagnie, "de Messieurs de Montroyal." Le 28 juillet de cette année 1642, une petite troupe d'Algonquins, passant par l'île de Montréal, s'arrêta quelques jours à Villemarie. D'autres, de la même nation, y vinrent le mois suivant; et l'on ne manqua pas de leur recommander, lorsqu'ils seraient de retour dans leur pays, d'apprendre à ceux de leur nation que les Associés de

Montréal envoyaient des hommes dans cette île pour secourir les Algonquins, en les aidant à se bâtir de petites maisons et à défricher des terres. Ils promirent de traiter de cette affaire avec les leurs ; et l'un d'eux assura qu'il retournerait à Villemarie, au printemps, avec toute sa famille, pour s'y établir. Ces sauvages, qui s'y arrêtèrent quelques jours, paraissaient même si bien disposés, qu'un de leurs capitaines demanda le baptême pour son fils, âgé d'environ quatre ans, le premier qui fût baptisé dans la nouvelle colonie. M. de Maisonneuve et mademoiselle Mance, le 28 de ce mois, le levèrent des Fonts, au nom des Messieurs et Dames de la Société de Montréal, et le nommèrent Joseph, afin de lui faire porter le nom du chef de la Sainte Famille, que tous les Associés avaient dessein de donner pour modèle aux familles sauvages qui embrasseraient la foi. "Voilà le "premier fruit que cette île a porté pour le ciel, et ce ne sera pas le dernier, disait encore le P. Vimont (*)." En effet, au mois d'octobre de cette année, on baptisa une petite fille, dont madame de la Pelterie fut la marraine, et, en novembre et décembre suivants, deux autres enfants sauvages, dont M. de Maisonneuve fut le parrain.

XIX.

Autres Algonquins à Villemarie.

Le jour de l'Assomption de cette même année 1642, une troupe d'Algonquins se trouvant à Villemarie, l'un des missionnaires leur adressa unc instruction; et on fit, à la suite des Vêpres, la Procession solennelle, en exécution du vœu de Louis XIII, à laquelle ces sauvages assistèrent, bien étonnés de voir une si religieuse cérémonie. Selon l'usage des églises de France, on pria ensuite pour la personne du roi, pour la reine, pour les deux jeunes princes, le Dauphin, depuis Louis XIV, et son frère le duc d'Anjou, enfin pour toute la France; ce que les sauvages firent aussi, de leur côté, avec beaucoup d'affection. Après la fête, on alla visiter les grands bois qui couvraient alors les environs de Villemarie; et, lorsqu'on fut arrivé sur le sommet de la montagne, d'où l'île de Montréal tire son nom, deux des principaux sauvages de la troupe, s'arrêtant, dirent aux Français qui étaient là: "Nous sommes de la nation de ceux qui ont autrefois

(*) Dans le régistre de la paroisse de Villemarie, il y a ici une erreur de date. On a mis le 28 avril, au lieu du 28 juillet, comme il est marqué dans la relation; car, le 28 avril, il n'y avait encore personne à Montréal, les premiers colons n'y étant arrivés que le 18 mai suivant. Au reste, il est aisé d'expliquer cette erreur, par le simple examen du régistre on y voit que tous les actes de baptême, depuis le 28 juillet 1642, jusqu'au 24 juin 1646, sont écrits de la même main, quoique ces baptêmes aient été conférés par divers missionnaires. Il faut conclure de là qu'on en avait marqué d'abord les dates par des notes informes, et que celui des missionnaires qui rédigea ensuite les actes, quatre ans après, mit par erreur le mot d'air, au lieu de celui de juillet.

"habité dans cette île." Puis, étendant leurs mains vers les collines qui sont à l'orient et au sud de la montagne: "Voilà, disaient-ils, les endroits "où il y avait des bourgades remplies d'une grande quantité de sauvages; "nos ennemis en ont chassé nos ancêtres; et c'est ainsi que cette île est "devenue déserte et inhabitée."-" Mon grande-père, disait un vieillard, "a cultivé la terre en ce lieu ; les blés d'Inde y venaient très-bien." Et, prenant de la terre dans ses mains: "Regardez, disait-il, la bonté de cette terre, elle est excellente." Charmés de ce discours, les colons ne manquèrent pas d'inviter ces sauvages à venir s'établir dans l'île, les assurant qu'ils n'y étaient venus eux-mêmes que pour les y attirer et les rendre heureux.

XX.

Pèlerinage à la croix de la montagne, pour la conversion des sauvages.

Mais comme la conversion des coeurs est l'ouvrage propre de Dieu, ils s'adressaient surtout à lui pour qu'il daignât toucher ceux de ces barbares : ce à quoi ils étaient puissamment excités par les personnes de considération avec lesquelles ils vivaient à Villemarie. M. de Maisonneuve, surtout, ne négligeait rien pour ranimer dans les colons cet esprit de ferveur et de zèle apostolique. Il établit, parmi eux, plusieurs pratiques de dévotion; entre autres une confraternité, dont le but était de demander à Dieu la conversion des sauvages. Cette association se composait nonseulement des hommes qui se donnaient entre eux le nom de frères, mais aussi des dames résidant dans Villemarie, qui y entraient en qualité de sœurs; parmi celle-ci, madame de la Pelterie, mademoiselle Barré, madame d'Ailleboust, mademoiselle de Boulongne, sa sœur, mademoiselle Mance, et d'autres encore. Les hommes, aussi bien que les dames, firent, dans cette intention, un grand nombre de pèlerinages à la croix de la montagne, malgré les risques qu'ils couraient en s'exposant ainsi aux surprises et à la cruauté des Iroquois. Ni cette crainte, alors bien fondée, ni la peine et la fatigue de monter à pied au haut de cette montagne rude et escarpée, ne refroidissaient la dévotion de ces dames, qui ne laissaient pas d'y aller jusqu'à neuf jours de suite: dans ces occasions, toutefois, en se faisant escorter par des hommes armés. Les personnes qui pouvaient

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quitter l'habitation, dit la sœur Bourgeoys, allaient y faire des neuvaines, " à dessein d'obtenir la conversion des sauvages et de les voir venir avec "soumission pour être instruits. Il se rencontra qu'un jour, de quinze à "seize personnes qui y étaient allées, pas une ne pouvait servir la sainte "messe. Mademoiselle Mance fut obligée de la faire servir par Pierre Gadois, 'qui était alors enfant, en lui aidant à prononcer les réponses. "Tout cela se faisait avec bien de la piété."

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XXI.

Diverses nations sauvages veulent aller s'établir à Villemarie.

Des prières si ferventes ne tardèrent pas à être exaucées. "Je puis "dire, assure le P. Vimont, que la vertu des colons de Villemarie a servi "à la conversion de plusieurs sauvages, qui ont été gagnés à Dieu par "l'affection qu'ils leur ont témoignée. C'est à présent que l'on voit les "voeux de l'ancienne France exaucés, et que le temps de la grâce est venu "pour cette partie du monde, où la sagesse et la bonté divine commencent "à se faire sentir si bénignement, que, sans bruit et sans voix, les anciens "habitants de ces contrées y sont invités et attirés fortement par les

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chaînes d'amour que l'Esprit-Saint imprime seul dans leurs cœurs. Ils "envoient ici, de toutes parts, leurs courriers, pour nous assurer qu'ils "veulent se rendre aux touches du Ciel, en se fixant tous de compagnie à "Montréal. Nos Pères des Hurons nous ont écrit que les sauvages de "leur quartier s'y seraient rendus déjà, s'ils eussent pu y trouver un lieu "d'assurance ou un asile tel que celui qui y est à présent. Ils mandent qu'ils sont perpétuellement à en parler, et que, tôt ou tard, ils y vien"dront tous, nonobstant la crainte des Iroquois, si l'on y est fort de "secours temporel contre l'ennemi. Nous avons reconnu par expérience que Villemarie peut beaucoup pour contribuer à la conversion des sauvages, nommément à celle des Algonquins, parce qu'elle a en main les "bienfaits temporels, qui sont des charmes puissants sur les âmes gros"sières. Je ne doute nullement, d'après ce qu'ils m'en ont dit, que, si le lieu avait plus d'assurance, ils ne quittassent pour toujours ce pays-ci pour composer à Montroyal une bourgade, et y réunir ceux qu'on appelle "de l'île, et ceux des autres nations éparses. Maintenant, ils ne parlent "d'autre chose que de Montréal quand ils nous voient; ils n'ont d'autre "sujet d'entretien. C'est là, disent-ils, que nous voulons obéir à Dieu, et "non pas ici. Je ne doute point que ce qu'ils virent, l'an passé, à Ville"marie, en remontant ici, n'ait beaucoup aidé à ébranler leurs cœurs; "et je pense que, si l'affaire est bien conduite, dans peu d'années, les sau"vages s'y réuniront en beaucoup plus grand nombre qu'ils ne sont à Syllery. Quant aux sauvages qui ont fréquenté l'habitation de Ville"marie, voici ce que m'en écrit le P. du Perron, qui y a passé tout l'hiver: "Je puis dire avec vérité qu'ils n'ont pas plus tôt commencé à connaître "la pureté du dessein de Messieurs de Montréal, qu'ils en ont été touchés "vivement. La croyance qu'ils ont quasi partout, que Montréal n'est

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établi que pour le seul bien des sauvages, est le plus fort attrait que "l'on ait ici pour les porter à Dieu. Ce sont des chaînes d'amour qui "nous les attachent fortement, et font qu'on ne trouve plus de résistance "dans leurs cœurs, comme par le passé. Ils disent tous que c'est à Ville"marie qu'ils veulent être instruits et baptisés; et non-seulement ceux

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qui ont déjà eu le bonheur d'y demeurer, mais même ceux des nations plus éloignées au-dessus de nous, par le seul récit qu'ils en ont ouï."

XXII.

Générosité de M. de Maisonneuve envers les sauvages.

Dans les dispositions favorables où étaient ces sauvages, il en vint de toutes parts à Villemarie, comme dans un asile assuré contre les Iroquois ; et plusieurs eurent le bonheur d'y être instruits et de recevoir le baptême. Aussi M. d'Ailleboust, à son arrivée, éprouva-t-il une vive allégresse d'y voir ces sauvages, qui, en cherchant un refuge dans ce lieu, y trouvaient le bienfait de la Foi chrétienne. Il serait difficile de dire l'affection de tendresse que M. de Maisonneuve leur témoignait, et les grandes libéralités qu'il leur fit, cette année, où les provisions de bouche étaient à un prix exhorbitant. I' employa, pour les soulager, des sommes considérables, fournies par les Associés de Montréal; et ce fut ainsi qu'il les attira à demander d'euxmêmes le baptême; ce qui fait dire au P. Vimont: "La libéralité est "sans doute la meilleure chaîne dont on puisse user pour gagner et atta"cher le cœur des sauvages, nommément ceux des Algonquins, si pauvres "et si nécessiteux, mais du reste fort traitables." L'année 1643, la nouvelle de l'établissement de Villemarie s'étant répandue parmi les sauvages, ils y accoururent en grand nombre. Dès la fin de février, M. de Maisonneuve en reçut une bande de vingt-cinq, qui y laissèrent leurs femmes et leurs enfants, et allèrent ensuite en guerre contre les Iroquois. Une autre bande arriva deux ou trois jours après; elle était composée d'Algonquins, qui y venaient pour la chasse : les bêtes étant alors en très-grand nombre dans les environs.

XXIII.

Baptême et mariage d'un sauvage, neveu du Borgne de l'île.

Celui qui les conduisait y arrivait pour la première fois, dans l'intention de connaître par lui-même le dessein qu'on s'était proposé en formant cette nouvelle habitation. Il en fut si touché, qu'il témoigna le désir de s'y fixer le reste de sa vie; ce qui porta M. de Maisonneuve à lui offrir un champ et deux hommes qui, pendant une année, lui apprendraient à travailler la terre. De lui-même, ce sauvage demanda instamment d'être instruit, et comme M. de Maisonneuve reeonnut qu'il parlait avec sincérité, il le mena aussitôt sur les lieux, lui fit choisir la terre le plus à son goût pour y demeurer, et y mit tout aussitôt deux travailleurs pour la défricher. Enfin, le 7 mars, ce sauvage étant suffisamment disposé à recevoir le baptême, ainsi que sa femme, qu'on instruisait en même temps, on les baptisa et on les maria ce jour-là même. Ce fut le premier mariage célébré à

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