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LIVRE SECOND.

CHAPITRE PREMIER.

MORALE ET POLITIQUE CHRÉTIENNE.

§ I. MORALE ET politique évangélique. Caractère original de la morale évangélique. De l'accent chrétien. Du principe de la cha

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rité et du principe du droit. Caractère des doctrines sociales et politiques de l'Évangile. La richesse.

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Le pouvoir.

évangéliques ne sont ni démocratiques, ni théocratiques.

Les doctrines

- Du pouvoir po

§ II. LES APOTRES et les saintS PÈRES. — Question de l'esclavage et de la propriété; dans quel sens il faut entendre les doctrines chrétiennes sur ces deux points. Théorie de saint Augustin. litique. Doctrine de saint Paul et des Peres. Chrysostome.

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- Un texte de saint

Morale et politique évangélique.

Tandis que le stoïcisme luttant selon ses forces contre l'égoïsme social de l'antiquité, s'efforçait de s'élever à l'idée de la fraternité humaine, une autre doctrine, née sans bruit et sans éclat dans un coin du monde, allait s'emparer, avec une ardeur et un enthousiasme sans égal, de cette idée nouvelle et libératrice, et lui imprimer le cachet de son incontestable originalité. En effet, s'il est vrai de dire que la philosophie ancienne a pu arriver par elle-même à des principes qui n'étaient pas très-éloignés des principes chrétiens, il n'est pas vrai que le christianisme n'ait rien apporté de nouveau, et que le progrès moral eût pu s'accomplir sans sa puissante intervention. L'originalité des doctrines ne se

TOM. I.

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mesure pas toujours aux formules qui les résument. I n'en faut pas voir seulement la lettre, mais l'esprit et l'accent. On peut trouver dans les philosophes anciens des maximes qui ressemblent, à s'y méprendre, aux maximes de l'Evangile. Mais où trouver cet accent unique, inimitable, cette saveur si pure, si fine et si délicate que nous fait goûter la lecture des Evangiles? Lisez une lettre de Sénèque, une dissertation d'Epictète, même une page de Marc-Aurèle, le plus chrétien des stoïciens, vous aurez sans doute une morale nobie, irréprochable, d'une très-grande hauteur; mais lisez ensuite le Sermon sur la montagne, et dites si rien ressemble à cela.

L'une des causes incontestables de l'originalité et de la force de la morale chrétienne, c'est le dogme sur lequel elle repose: dogme extraordinaire, qui embrasait l'âme en confondant la raison, et qui, plaçant en Dieu même le comble de l'amour et l'idéal du sacrifice, attirait l'homme à une vertu surhumaine par l'exemple du Sauveur, par la vertu d'un sang divin, par l'espérance d'une couronne sans prix.

Si quelque chose peut nous donner l'idée, ou plutôt le sentiment de la morale chrétienne et de sa singulière nouveauté, c'est la vie de son fondateur, vie si simple, si humble, si bienfaisante, si patiente, si éprouvée; mais surtout c'est sa mort, cette mort unique dont le témoignage est encore présent partout dans nos monuments, dans nos tableaux, dans nos maisons, et jusque dans nos ornements et dans nos parures. Je ne voudrais point renouveler le parallèle célèbre de Rousseau entre Jésus et Socrate, mais ce parallèle est si frappant et montre si

bien le génie opposé de l'antiquité et du christianisme, qu'on ne peut y échapper. Des deux côtés, un procès inique et une mort injuste: mais ici, une apologie fière et doucement ironique, une captivité facile et presque volontaire, adoucie par la poésie, égayée par la conversation au dernier jour, un paisible débat sur les destinées de l'âme, et enfin, la mort accompagnée de sourire venant comme un sommeil, loin des pleurs de la famille, et au milieu des consolations de l'amitié. En face de ce tableau, contemplez maintenant ce repas sévère et taciturne, où le maître se donne en sacrifice à ses disciples, cette nuit d'angoisses et de prière au jardin des Oliviers, ce baiser de la trahison, cet amas d'injures, cette croix sanglante et déshonorante, ce supplice entre deux voleurs, cette mère en pleurs, cette dernière plainte, ce dernier pardon, enfin ce soupir suprême, si lentement et si douloureusement exhalé; scène incomparable, la plus grande sans doute qu'ait vue le monde, et que Platon semble avoir entrevue comme dans un rêve.

La Passion, qui est le mystère suprême dans le christianisme, indique assez que la vie de l'homme n'est qu'une passion, c'est-à-dire une douleur. Tandis que toute l'antiquité faisait consister le bien à ne pas souffrir, et invitait l'homme soit par la vertu, soit par le plaisir, à fuir la douleur, l'Evangile présente à l'homme la douleur comme un bien. La douleur est en quelque sorte divinisée, puisque Dieu lui-même a voulu souffrir, gémir, mourir.

Dans toutes les religions, il y a des préceptes en faveur des faibles, des malheureux, des opprimés. Mais

il semble que toute la morale du christianisme soit faite pour ceux-là. «< Heureux ceux qui pleurent ! » est-il dit : mais ce n'est pas tout : « Heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice... vous serez heureux lorsque les hommes vous maudiront et vous persécuteront (1)! Ainsi la douleur et l'injustice ne sont plus des maux qu'il faut écarter ou supporter, ou des choses indifférentes qui ne méritent point qu'on y pense: ce sont des biens qu'il faut rechercher, aimer et savourer; car la même doctrine, qui est une doctrine de douleur, est une doctrine de consolation : « Venez à moi, vous tous qui ployez sous le joug, je vous ranimerai (2). »

L'Evangile a deux sortes de consolations : les unes pour les misérables, les autres pour les pécheurs : « Ce ne sont pas ceux qui sont en santé, qui ont besoin de médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs à la pénitence (3). » C'est pourquoi Jésus ne dédaignait pas la société de ceux que l'on méprisait c'étaient ceux-là surtout qu'il voulait amener à lui; et c'était d'eux qu'il espérait le plus : « Je vous le dis, en vérité, les publicains et les courtisanes vous précéderont dans le royaume de Dieu (4). » Voilà ceux qu'il venait consoler et purifier; et l'humiliation du vice et du mépris lui paraissait plus près de la simplicité nécessaire au salut, que l'orgueil de la vertu.

Je répète que ce qu'il y a de nouveau dans la morale chrétienne, c'est l'accent: c'est par là que les

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paroles du Christ pénétraient jusqu'au plus profond de ces âmes grossières, et les renouvelaient; il savait parler aux misérables, soit par le corps, soit par l'âme ; il avait des paroles exquises, rafraîchissantes, consolatrices : « Prenez mon joug sur vous, et apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez du repos à vos âmes. Car mon joug est doux et mon fardeau léger (1). »... « Quiconque donnera seulement à l'un de ces plus petits un verre d'eau froide à boire, il n'attendra pas sa récompense (2). » L'indulgence de cœur ne trouvera jamais de parole plus pure et plus haute que celle-ci : « Que celui qui n'a jamais péché lui jette la première pierre (3). » L'innocence, la candeur, la simplicité peuvent-elles être recommandées d'une manière plus touchante : « Je vous le dis, en vérité, si vous ne changez et ne devenez comme de petits enfants, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux (4). L'oubli de soi-même dans la charité, le secret dans la piété ont-ils pu inspirer des paroles plus heureuses et plus vives : « Que votre main gauche ne sache 'pas ce que fait votre droite (5). Lorsque vous jeûnez, ne soyez point tristes, comme les hypocrites. Parfumez votre tête et votre face (6). » Quelle sagesse dans ce mot admirable : « Demain aura soin de lui-même; à chaque jour suffit sa peine (7). » Ces paroles ne recommandent

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