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ni celui qui possède le sceptre, ni celui qui a été élu par les premiers venus, ou désigné par le sort, ou qui s'est emparé du pouvoir par la violence, mais celui qui sait commander (1). Or, l'art de commander, c'est l'art de connaître et de choisir les hommes, de s'en faire obéir et respecter (2). C'est là un art, qui ne s'apprend pas seulement sur la place publique, et qu'on n'acquiert pas en flattant le peuple, mais par l'étude de soi-même, par la pratique de la tempérance et du courage. En voulant rétablir les mœurs dans Athènes, Socrate essayait du seul moyen qui pût sauver la république; si ce moyen était impraticable, la faute n'en était pas à lui, Il donnait à la fois la leçon et l'exemple. Socrate, au reste, ne se contentait pas de conseiller la vertu à ceux qui se préparaient à la vie politique, et il ne pensait pas, comme son disciple Platon, que les politiques dussent mépriser les intérêts positifs des Etats. La plupart de ses conversations politiques ont pour but de démontrer aux jeunes gens l'importance de ces intérêts, et la nécessité de se former des connaissances précises par l'étude des faits (3). Glaucon veut gouverner l'Etat; c'est une belle tâche sans doute, mais connaît-il bien les revenus de la république, le nombre des troupes, le fort et le faible des garnisons, les besoins de la population, la quantité de blé que produit le territoire, les moyens d'exploiter les mines, etc.? Sur tout cela, Glaucon n'a que des conjectures. Mais

(1) L. III, C. IX.

(2) L. III, c. IV.

(3) Voy. l'entretien sur l'art militaire, I. III, c. 1; sur la cavalerie, ib. c. ; et la conversation avec le fils de Périclės, ib. c. v.

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avant de gouverner toutes les maisons d'Athènes, ne ferait-il pas mieux de relever celle de son oncle, qui menace ruine? « Je l'aurais fait, dit-il, s'il eût voulu m'écouter. Eh quoi! réplique Socrate, vous ne pouvez persuader votre oncle, et vous voulez persuader tous les Athéniens (1)? » Il humiliait ainsi, par sa fine ironie, les prétentions d'une jeunesse distinguée, mais sans étude, qui apprenait à l'école des sophistes à parler de tout sans rien savoir, et qui n'ignorait pas moins l'utile que le juste et le vrai.

La politique de Socrate n'a rien de scientifique. Elle est surtout pratique et morale. Il traite des devoirs de la vie publique comme des devoirs de la vie domestique, sans s'élever à aucune théorie abstraite sur la famille ou sur l'Etat. C'est un réformateur des mœurs : c'est là son originalité et sa grandeur. Ce fut pour lui une véritable mission. Relever la conscience du joug de l'Etat, tel fut son rôle, et il n'y en a pas de plus beau dans l'antiquité. Lorsque ce rôle, poursuivi avec constance et opiniâtreté pendant trente années, le conduisit enfin devant les tribunaux populaires, rien ne fit fléchir ce sentiment intérieur, qui était chez lui si noble et si fier. Dans ce grand procès, qui mettait aux prises la conscience et l'Etat, il trouve, ou du moins Platon lui prête, des paroles inspirées de son esprit et qui sont dignes d'un apôtre. « Le Dieu, dit-il, semble m'avoir choisi pour vous exciter et vous aiguillonner, pour gourmander chacun de vous, partout et toujours, sans vous laisser aucune relâche... » « Si vous me disiez : Socrate, nous

(1) Ib. c. vi.

te renverrons absous, à condition que tu cesseras de philosopher, je vous répondrais : Athéniens, je vous honore et je vous aime; mais j'obéirai à Dieu plutôt qu'à vous (1). » Ce n'est donc pas dans quelques paroles éparses et sans portée qu'il faut chercher la politique de Socrate, c'est dans sa vie tout entière, qui n'a été qu'un long procès à l'injustice; c'est dans sa mort, qui, décrétée par la tyrannie populaire, est devenue la condamnation éclatante de toutes les tyrannies.

Socrate a été une des plus vives et des plus éclatantes images de la conscience morale; il n'a pas été seulement un philosophe, mais un sage.

Dans la science, la philosophie lui doit d'avoir trouvé son vrai principe: connais-toi toi-même, et sa vraie méthode : la critique et l'analyse; la morale lui doit ses meilleurs et ses plus beaux préceptes, et la politique ce principe indestructible que la loi commune des gouvernements et des citoyens, c'est la justice. Enfin la liberté de la pensée le compte parmi ses plus grandes victimes. Il ne faut point trop gémir sur sa destinée, car la persécution et l'injustice font l'honneur et le succès des doctrines, et la vérité parmi les hommes ne se répand jamais sans douleur (2).

(1) Apol. Socr. Plat. éd. Becker, t. I, p. 115. Пeiocuai pählov tā deg ἢ ὑμῖν.

(2) L'étendue de notre sujet ne nous permettant pas d'insister longtemps sur l'origine de la morale en Grèce, nous renvoyons aux savants Mémoires de M. Adolphe Garnier, sur les sages de la Grèce et sur Socrate (Comptes rendus de l'Académie des sciences morales et politiques, 1855), et au livre déjà cité de M. J.-Denis.

CHAPITRE II.

PLATON.

SI. MORALE DE PLATON. Théorie des facultés de l'âme.

tion des sophistes.

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Du mysticisme moral dans Platon.

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RéfutaCaractère

général de la philosophie de Platon : harmonie, mesure. Théorie de la vertu.-Confusion de la vertu et de la science. Conséquences de cette confusion. -Division des vertus. - Théorie de la justice.-Théorie de la peine. — Théorie du bien. — Dieu, principe de la morale.

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§ II. POLITIQUE DE PLATON. Idée générale que Platon se fait de la politique. République de Platon. Théorie des castes. - Théorie de la communauté. Théorie de l'éducation. - Gymnastique et musique. Gouvernement de la philosophie.-Théorie des gouvernements et de leurs révolutions. - Théorie politique des Lois. Caractère religieux de cette politique. De la famille et de la propriété. l'éducation. Constitution principe électif. préciation de la morale et de la politique de Platon.

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SI. Morale.

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De

Magistratures. Ap

Socrate était mort: mais la philosophie lui survivait, et fidèle à ses exemples, elle ne se lassa pas de combattre les superstitions du polythéisme, les paradoxes sophistiques et les préjugés populaires. Platon reprit, en lui donnant plus de portée et d'étendue, l'entreprise de son illustre maître. Moins grand et moins original par le caractère, il le surpassait peut-être par le génie. Moins apte que Socrate à la réforme des mœurs et au prosélytisme, il était né pour ces hautes généralisations quí embrassent tous les objets de la pensée, et qui traversent les siècles. Il ne parlait pas seulement au peuple d'Athènes, il écrivait pour le genre humain. Sans doute le premier plan de sa philosophie est déjà esquissé et indiqué dans les modestes conversations de Socrate,

recueillies par Xénophon. Mais combien ce plan primitif a-t-il reçu de grandeur et de grâce des mains de l'auteur du Phédon, de la République et du Banquet!

Le principe de la philosophie morale de Platon, principe emprunté peut-être au pythagorisme, c'est que l'homme est naturellement en guerre avec lui-même il est partagé entre deux forces contraires, l'amour réfléchi du bien, et le désir aveugle du plaisir : tel est le fond de la nature humaine (1). L'homme peut être comparé à un être étrange, composé de trois animaux divers une hydre à cent têtes, qu'il faut à la fois rassasier pour vivre, et dompter pour vivre heureux; un lion, qui pour être plus noble et plus généreux, n'en est pas moins aveugle par lui-même : un homme enfin qui soumet l'hydre à l'aide du lion. L'homme véritable ne réside ni dans le lion, ni dans l'hydre, mais dans cet être supérieur, qui raisonne, qui délibère, qui commande, et qui enchaîné par la nature à cette bête à mille têtes, semble ne faire qu'un avec elle, condamné à la combattre sans cesse, sans pouvoir s'en séparer jamais (2).

Il y a donc, selon Platon, trois parties dans l'homme : l'une inférieure, c'est le principe de la sensation et du désir (Tò ÉTμntixòv), de la crainte, de la colère aveugle, de l'amour grossier et populaire, qui ose tout et qui corrompt tout (3); l'autre supérieure, c'est la raison (le vous), c'est la faculté qui connaît, qui dé

(4) Phedr. p. 25. ἡ μὲν ἔμφυτος οὖσα ἐπιθυμία ἡδονῶν, ἄλλη δὲ ἐπίκτητος δόξα, ἐφιεμένη τοῦ ἀρίστου.

(2) Rép. 1. IX, p. 458.

(5) Tim. p. 45; ib. p. 97; Rép. 1. IV, p. 202, et Phed. p. 25.

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