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mêle dans les choses ce qu'elles ont de vrai, de pur et d'éternel, qui s'élève jusqu'au principe de toutes choses, c'est-à-dire jusqu'à l'Etre même, et qui, dans l'âme, combat les passions et les désirs honteux, et exerce la souveraineté (1). Enfin, entre ces deux parties extrêmes de l'âme, il y a une partie moyenne, qui les relie l'une à l'autre : c'est le upòs ou courage, principe de la colère noble et des affections généreuses, qui sert d'auxiliaire à la raison dans sa lutte contre le désir et la passion : c'est le coursier généreux qui, obéissant aux lois du conducteur, l'aide à subjuguer et à vaincre le coursier insolent et rebelle (2).

S'il y a deux principes dans l'homme, l'amour du bien, et l'amour du plaisir, le plaisir n'est donc pas le bien comme le pensaient les sophistes et comme le croient la plupart des hommes. Platon combat cette opinion dans tous ses ouvrages, mais il a surtout consacré à la réfuter un dialogue entier, le Philébe. Résumons en quelques pages cette forte et victorieuse polémique.

Selon les sophistes, le plaisir est le seul bien. S'il en est ainsi, le plaisir serait encore un bien, lorsqu'on retrancherait de l'âme tout ce qui n'est pas le plaisir, par exemple l'intelligence et la pensée. Mais si vous supprimez l'intelligence, vous supprimez le plaisir lui-même; sans mémoire, point de plaisir dans le passé; sans réflexion et sans imagination, point de

(1) Pour la théorie de la raison dans Platon, voy. Théétěte, p. 215 à 270; Républ. 1. V, p. 267, sq.; Tim. p. 65; Philéb. p. 236; et enfin les livres VI et VII de la République tout entiers.

(2) Rép. I. IV, p. 203 et sqq.; Phèdr. p. 54-55.

plaisir dans l'avenir; et enfin, sans la conscience de soi-même, point de plaisir présent, car pour jouir d'un plaisir, il faut savoir que l'on en jouit. Ainsi, l'intelligence est nécessaire au plaisir, et le plaisir n'est pas par lui-même et tout seul le souverain bien (1). En outre, si le plaisir est le bien, tous les plaisirs sont bons; et il n'y a de différence entre les plaisirs que celle de la vivacité ou de l'intensité. Or Platon établit avec une grande force et une grande finesse d'analyse, que nous ne distinguons pas seulement les plaisirs par la vivacité, mais par d'autres caractères qui supposent un autre bien que le plaisir lui-même. Tout le monde, dit-il, reconnaît des plaisirs bons et des plaisirs mauvais, honnêtes et honteux (2). Osera-t-on nier cette distinction? Mais quoi! n'est-il pas des plaisirs méprisables que tout homme rougirait de rechercher ou d'avouer? Les libertins eux-mêmes font un choix entre les plaisirs; ils goûtent de préférence ceux qui ont une apparence de grandeur, la domination, la prodigalité : même dans la célébration éhontée du plaisir et de l'intempérance, Calliclès cherche encore à nous séduire par ce qu'il y a de beau et d'énergique dans le mépris de toutes les lois arbitraires et des vaines contraintes. Mais si le plaisir est le seul bien, il n'y a plus ni honte ni gloire dans les plaisirs. Tous sont beaux et bons au même titre, et c'est une inconséquence de se faire honneur de la délicatesse ou de la noblesse de ses choix Il faut distinguer encore des plaisirs vrais et des plai

(1) Philéb. p. 150 et sqq. (2) Gorg. p. 104, 115.

sirs faux (1). Il semble d'abord qu'il n'y ait que des plaisirs vrais, car tout plaisir est réel pour celui qui l'éprouve. Mais un plaisir vrai par lui-même peut être faux par son objet; lorsqu'il naît à la suite d'une opinion vraie, il est vrai comme elle, et il est faux quand il naît de l'erreur. Les plaisirs sont encore purs ou mélangés. Le plaisir est pur, lorsqu'il est sans aucun alliage de douleur; il est corrompu et mélangé, lorsque, si vif qu'il soit, il est accompagné de douleur. C'est ce qui arrive dans la passion : « La colère, la crainte, la tristesse, l'amour, la jalousie, l'envie sont des douleurs de l'âme mêlées de plaisirs inexprimables. La colère entraîne quelquefois le sage même à se courroucer, plus douce que le miel qui coule du rayon (2). » Or les plaisirs mêlés de douleur sont précisément les plus vifs et les plus ardents, et en même temps les plus extravagants, les plus nuisibles à l'âme et au corps; ils réduisent l'homme à un état de stupeur et de fureur très-près de la folie (3). Plus un plaisir est vif, moins il est pur. Ce qui fait la pureté du plaisir, ce n'est pas son énergie, c'est sa simplicité, c'est-à-dire l'absence complète de toute douleur (4). Or les plaisirs simples ne peuvent naître que des objets parfaitement simples les belles couleurs, les belles figures, les belles lignes, les beaux sons. Le repos, l'être, l'unité, voilà le principe des plaisirs purs. Or les plaisirs

(1) Philéb. p. 185, 189, 194, 195, 199.

(2) Philéb. p. 211.

(3) Philéb. p. 206-207.

(4) Philéb. p. 218.

purs sont en même temps les plaisirs vrais et les plaisirs bons.

Mais le plaisir, même lorsqu'il est pur et vrai, n'est encore rien par lui-même, et ne possède ces qualités que par son rapport à l'objet qui le cause, c'est-à-dire au bien, dont il diffère autant que l'apparence diffère de l'être réel. C'est ce qui fait dire à Platon que le plaisir est un phénomène (1), c'est-à-dire quelque chose de changeant et de fuyant par nature, qui ne se suffit point à soi-même. Le plaisir ne peut donc pas être le bien, puisque le bien est nécessaire, suffisant et complet en soi (2). C'est la fin en vue de laquelle on fait toute chose (3). Cependant tous les hommes poursuivent le plaisir, en croyant trouver le bien. C'est que tout en aimant le bien, ils ne le cherchent pas où il est : ils préfèrent l'apparence à la réalité : « De vains fantômes excitent dans l'âme de ces insensés des transports si violents, qu'ils se battent pour les posséder, comme le fantôme d'Hélène, pour lequel les Troyens faute de connaître l'Hélène véri

se battirent,

table (4). »

La vie de plaisir, ou l'intempérance est donc à la fois ignorante et impuissante: ignorante, car elle ne connaît pas son vrai bien; impuissante, car elle ne peut y atteindre.

Il est impossible qu'aucun être raisonnable et sensible recherche volontairement ce qu'il sait lui être nui

(1) En grec une génération, yévecs, Philéb. p. 225.

(2) Τέλεον... ἱκανὸν... Phileb. p. 150.

(5) Gorg. p. 47, p. 116, τέλος ἀπασῶν τῶν πράξεων τὸ ἀγαθὸν. (4) Rép. 1. IV, p. 454.

sible (1) c'est pourtant ce que fait l'intempérant. Une telle erreur ne peut venir que de l'ignorance où il est de lui-même et du bien. On reconnaît ici les principes socratiques. Comparez, dit Platon, sous le rapport du bonheur, la vie tempérante et la vie intempérante. Laquelle vous paraîtra la plus heureuse? L'une, en ménageant les plaisirs, en jouit avec plus de sécurité et de calme; ses peines et ses joies sont également tranquilles, et les plaisirs l'emportent sur les peines. Au contraire, la vie intempérante est toute tumultueuse; sans soin de l'avenir, elle épuise sans cesse par son impatience aveugle la puissance de jouir, et se fatigue à renouveler continuellement ses sources toujours vides. Dans la vie intempérante, le plaisir est une fureur, la joie une ivresse, l'amour une maladie. Partout la douleur se mêle au plaisir et le corrompt; la sensibilité égarée jouit de cette douleur même, comme d'un assaisonnement au plaisir, et devient incapable de goûter le vrai bonheur (2).

L'intempérance est aussi impuissante qu'ignorante. Le vulgaire admire l'intempérance accompagnée du pouvoir de tout faire. Il ne voit pas combien vain est ce pouvoir. Le vrai pouvoir est celui de l'homme qui fait ce qu'il veut. Or, l'homme intempérant ne fait pas ce qu'il veut car ce qu'il veut c'est son bien, puisqu'on n'agit jamais qu'en vue du bien; mais comme il ne connaît pas le bien il ne trouve que son propre mal, il n'obtient donc pas ce qu'il désire (3). Consumer de vaines forces

(1) Philéb. p. 151; Gorg. p. 47; Protagor. p. 241.

(2) Gorg. p. 100, 101; Lois, p. 384, 585.

(3) Gorg. p. 43.

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