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homme hardi qui se met à la tête du peuple, pour le protéger contre les entreprises des riches, et pour défendre la démocratie menacée. « C'est de la tige de ces protecteurs du peuple que naît le tyran (1). » Il se fait donner une garde; il chasse et poursuit les riches; il suscite toujours quelque guerre pour rendre sa domination nécessaire. « Son œil pénétrant s'applique à discerner qui a du courage, qui de la grandeur d'âme, qui de la prudence, qui des richesses; il est réduit à leur faire la guerre à tous, jusqu'à ce qu'il en ait purgé l'Etat. » Il ne s'entoure que d'hommes méprisables, qui aiment la tyrannie et en profitent. Pour nourrir ses satellites, il dépouille les temples, attentif d'abord à ménager le peuple qui l'a enfanté et nourri. Mais, fils ingrat, quand il se sent assez fort, il ne craint plus de se faire nourrir par son père, et « le peuple, en voulant éviter la fumée de la dépendance sous des hommes libres, tombe dans le feu du despotisme des esclaves, échangeant une liberté excessive et extravagante contre la plus dure et la plus amère servitude (2). » Tel est le dernier terme de la corruption politique. Si le meilleur gouvernement est le gouvernement du sage ou des sages, le pire est celui du tyran (3). On voit assez quelle aversion et quel mépris Platon professe pour la tyrannie, puisqu'il lui préfère la démocratie même, si opposée pourtant à ses inclinations et à ses principes. Lorsqu'il nous décrit l'ordre des destinées et des âmes, dans le Phèdre,

(1) Rép. p. 416. Εκ προστατικῆς ῥιζῆς ἐκβλάστανει... τύραννος.

(2) Rep. p. 425. Ο Δήμος φεύγων καπνὸν δουλείας ἐλευθέρων εἰς πῦρ δού λων δεσποτείας ἄν ἐμπεπτωκὼς εἴη...

(5) Rep. 1. ΙΧ, p. 455. Ἡ μὲν ἀριστοκρατία ἀρίστη, ἡ δὲ τύραννις και κίστη.

il place au premier rang le philosophe, et au neuvième rang, c'est-à-dire au dernier, le tyran (1). Lorsqu'il compare la condition du roi ou du sage à celle du tyran, il trouve la première sept cent vingt-neuf fois plus heureuse que la seconde (2). Le tyran, en effet, ou l'homme tyrannique est esclave, pauvre, rempli de terreurs et de gémissements, le plus misérable des mortels, si la vie heureuse, comme on l'a dit, est dans la justice et la tempérance.

Voilà l'histoire des révolutions des Etats. L'Etat juste ou aristocratique donne naissance à l'Etat timocratique, celui-ci à l'oligarchique; de l'oligarchie naît la démocratie, et la tyrannie vient à son tour mettre le comble à l'avilissement et à l'infortune des peuples. Dans le premier de ces gouvernements, la raison domine avec la sagesse; dans le second le courage; dans les trois derniers, l'appétit ou le désir. Mais l'oligarchie repose sur les désirs nécessaires, sur l'économie, sur l'amour du gain; la démocratie, sur l'amour du plaisir et le goût du changement et de la liberté ; la tyrannie enfin, sur l'intempérance effrénée; elle fait régner sans partage les passions méprisables. Ainsi, les gouvernements se corrompent avec les mœurs et les caractères. La sagesse. les conserve, la passion les détruit. Il ne faut donc espérer qu'un Etat puisse vivre sans la vertu il ne faut pas séparer la politique de la morale et de la philosophie.

pas

Mais sans tomber dans ces formes dégénérées, si l'on trouve trop difficile à reproduire l'image de

(1) Phedre, p. 44.

(2) Rép. l. IX, p. 556, 557.

l'Etat parfait, il n'est pas impossible de rencontrer une forme de gouvernement qui se rapproche davantage de la condition humaine. Ainsi, au-dessous de ce premier Etat, que la faiblesse et la corruption des hommes rend irréalisable, il y a un second Etat, moins parfait, mais meilleur encore que tous ceux qui existent : c'est celui que Platon nous décrit dans les Lois.

Le titre même de ce dernier ouvrage de Platon marque la différence qui le sépare de la République. En général, Platon n'est pas partisan des législations; il préférerait aux lois écrites, trop immobiles, la sagesse toujours présente d'un philosophe. Dans le gouvernement parfait, les chefs de l'Etat ne portent pas de lois; ils n'agissent que par l'éducation; ils forment les mœurs, d'où les actions suivent d'elles-mêmes. Il n'en est pas de même dans les gouvernements qui veulent s'accommoder aux hommes tels qu'ils sont. Pour gouverner des hommes déjà plus ou moins corrompus, il est nécessaire d'ajouter les lois à l'éducation. Mais les lois ne doivent pas être de sèches prescriptions, qui s'imposent par la contrainte et la force. Le but de l'Etat et des lois est la vertu ; or il n'y a point de vertu sans lumière. Le politique ne doit jamais cesser d'être philosophe, et la philosophie ne se sert de la contrainte que pour venir au secours de la raison. De là l'obligation de faire précéder les lois d'un préambule qui en explique les motifs, qui en fasse connaître la beauté, et qui obtienne d'abord l'assentiment de l'intelligence, avant que la loi ne force l'obéissance de la volonté. Ainsi la persuasion s'ajoute à la crainte, et corrige ce qu'il y a de matériel et de servile dans l'action de la loi;

ainsi se concilient la philosophie et l'expérience. Ces exposés des motifs sont les préludes de la loi (1).

Obéissant lui-même à cette méthode libérale et persuasive, Platon place au fronton de sa constitution politique les grands principes religieux et moraux de sa philosophie: « Dieu, dit-il, est le commencement, le milieu et la fin de tous les êtres; il marche toujours en ligne droite, conformément à sa nature, en même temps qu'il embrasse le monde; la justice le suit, vengeresse des infractions faites à la loi divine. Quiconque veut être heureux, doit s'attacher à la justice, marchant humblement et modestement sur ses pas (2). » Sur ces principes il établit l'obligation d'un culte aux dieux, aux dieux célestes et aux dieux souterrains, aux démons, aux héros, aux dieux familiers. C'est donc sous les auspices et la protection des divinités, que Platon élève l'édifice de sa cité. Dans la République, il montrait, il est vrai, l'Idée du bien, comme l'idéal suprême auquel tout est suspendu, mais il ne lui donnait pas le nom qu'elle a parmi les hommes; il n'en recommandait pas le service et le culte ; il ne faisait pas dépendre de cette grande protection toute la chaîne des lois et des institutions. Enfin, dans la République, il semble que la religion s'effaçât devant la science. Dans les Lois, au contraire, le sentiment religieux couvre le reste. Dieu est à la fois le prélude et le couronnement du livre: moins auguste peut-être, il est plus accessible à l'homme, il ne se présente pas seulement comme la derniere des essences, comme le

(1) Lois, p. 366. Πειθεῖ καὶ βίᾳ.. p. 268... νόμος τε καὶ προοίμιον τοῦ νόμου.

(2) Lois, I. XVIII, p. 554.

principe de l'être et de la vérité, il nous apparaît, comme juge, chargé de promesses et de menaces, excitant à la fois la crainte et l'espoir. Tel est le Dieu qu'il faut faire connaître aux hommes, pour leur donner le goût de la vertu et l'aversion du mal.

Ainsi l'Etat est d'abord sous la protection de la religion, de la piété envers les dieux et envers les parents, de l'hospitalité, enfin de toutes les vertus. Mais pour les préserver intactes, il faut régler avec soin les institutions d'où dépendent le plus le bonheur et la justice dans l'Etat : la propriété, la famille, l'éducation, les magistratures. Platon a toujours un penchant pour la communauté, qui lui paraît la perfection de l'unité, âme de son système. Mais «ce serait trop demander à des hommes nés, nourris et élevés comme ils le sont aujourd'hui. » Il renonce donc à la communauté, en essayant toutefois de s'en éloigner le moins possible. Il admet le partage, mais le partage égal. Il veut « que dans ce partage, chacun se persuade que la portion qui lui est échue n'est pas moins à l'État qu'à lui. » Ainsi chaque propriétaire n'est que le fermier de l'État. Platon ne repousse aucune des conséquences nécessaires de ce principe la transmission de l'héritage à un seul enfant au détriment des autres; la défense d'aliéner sa part sous quelque prétexte que ce soit; l'interdiction de l'or et de l'argent, et du prêt à intérêt; enfin la réduction forcée de la population; en un mot, le régime de Lacédémone (1).

Platon sacrifie son principe de la communauté dans la famille, comme dans la propriété. Il admet le (1) Lois, l. XVIII, p. 594.

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