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apologue, répondent seules à ce dernier terme de la comparaison elles seront réduites à l'obéissance et à l'esclavage pour l'exactitude de la métaphore.

On voit que c'est toujours la même confusion qui a fait penser à Platon que l'Etat peut être un, à la manière d'une personne, et qui l'a conduit à sacrifier sans réserve l'individu à l'Etat. Il se rencontrait là avec le préjugé de la société antique. Au lieu de concevoir une forme nouvelle de l'Etat, et de s'élever au-dessus de son temps, il a pris le principe faux et étroit de cette société dans toute sa rigueur; et sa propre patrie, qui par la liberté, le mouvement, le commerce et les arts annonçait plus qu'aucune autre cité grecque le monde moderne, lui parut au contraire l'extrême corruption de l'ordre politique. Il s'est représenté l'Etat, comme quelque chose d'immobile et d'absolu; et son grand esprit, amoureux du nombre et de l'harmonie, a cru que la société pouvait être réglée d'une manière géométrique, et former une sorte d'organisme dont la vie soumise à des lois fixes se développerait toujours dans le même cercle.

Dans les Lois, Platon corrige, à regret il est vrai, mais enfin il corrige quelques-unes des erreurs que nous avons signalées, et en se rapprochant de la politique humaine, il se rapproche de la vérité. L'Etat, dans les Lois, a quelque chose de plus vivant que dans la République; l'individu y est plus respecté; la propriété n'est plus supprimée; la famille subsiste; les castes sont devenues des classes mobiles, séparées seulement par le degré de la fortune; l'élection populaire, la responsabilité des magistrats, sont le signe d'une plus grande part faite à la liberté; enfin on trouve dans les Lois, le

premier germe de cette théorie des gouvernements mixtes et de la pondération des pouvoirs, qui, passant de Platon à Aristote, d'Aristote à Polybe et à Cicéron, de Polybe à Machiavel et à la plupart des écrivains politiques du xvi° siècle, et enfin au plus grand publiciste des temps modernes, je veux dire Montesquieu, est devenue une des doctrines favorites du libéralisme modéré.

Cependant, tout en accordant plus à la liberté, Platon donne encore une très-grande prépondérance à l'Etat. C'est l'Etat qui fixe les parts de propriété, c'est l'Etat qui fait les mariages et qui les surveille, c'est l'Etat qui détermine les lois de la poésie et de la musique, et qui veille à leur conservation; c'est l'Etat qui règle le culte que l'on doit aux dieux. L'Etat est toujours le souverain maître, et s'il laisse quelque chose à l'individu, ce n'est pas par respect pour ses droits, c'est par complaisance pour sa faiblesse. Chose étrange! Platon, disciple de Socrate, et qui a écrit son Apologie, n'a eu aucun sentiment de ce conflit de la conscience et de l'Etat, qui est si frappant dans l'Apologie elle-même. Il a cru qu'il suffisait de changer un Etat injuste en un Etat juste, pour qu'il eût droit à tout, sans penser qu'un Etat juste est celui qui ne peut pas tout et qui accorde à chacun ce qui lui est dû.

En résumé, Platon est un moraliste plus qu'un politique. Le principe de sa morale est vrai; c'est que l'idée du bien, ou Dieu, est la fin suprême des actions humaines. Le principe de sa politique est faux, c'est que l'Etat est le maître absolu des citoyens. On fera bien peu de progrès sur sa morale, si ce n'est dans les applications et dans les méthodes. Mais sa politique est

l'opposé de la politique véritable. En morale, il pressent l'avenir; en politique, il ne regarde que le passé. Son idéal moral est encore le nôtre; son idéal politique est l'image immobile d'une société éteinte et disparue. Comment a-t-il pu être si grand en morale, et se tromper à ce point en politique? C'est qu'il a confondu ces deux sciences, et n'a vu dans l'une que l'application de l'autre : aussi la politique est-elle encore à créer après lui.

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CHAPITRE III.

ARISTOTE.

SI. MORALE.

Rapports de la morale et de la politique dans la philo

sophie d'Aristote. Sa méthode.

Polémique contre Platon. Théorie du bonheur. — Théorie du plaisir. Théorie de la vertu. Libre arbitre. La vertu est une habitude.- Théorie du juste milieu. Distinction entre les vertus morales et les vertus intellectuelles.Des vertus morales. Théorie de la justice: Justice distributive et justice commutative. — Théorie de l'amitié.- Vertus intellectuelles.— Théorie de la vie contemplative.

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§ II. POLITIQUE. Théories sociales: Que la société est naturelle à l'homme. De la famille. Théorie de l'esclavage. Théorie de la propriété et de l'échange. Du pouvoir conjugal et marital. Différence de la famille et de l'Etat.-Partie critique de la politique d'Aristote. Critique de la République de Platon. Critique des Lois. Critique de Chalcéas de Chalcédoine. Critique de la constitution de Lacédémone. -Théories politiques: Théorie du citoyen. Théorie de la souveraineté. Théorie du gouvernement. De la royauté. De la république. Théorie des classes moyennes. Théorie du gouvernement parfait. Théorie de l'éducation. Théorie des révolutions.—Appréciation de la morale et de la politique d'Aristote.

$1.-Morale.

Lorsque l'on passe de Platon à Aristote, et qu'au sor tir du Gorgias ou du Phédon, on ouvre les premières pages de la Morale à Nicomaque, il semble que l'on soit transporté d'un pôle à l'autre de la spéculation philosophique. Au lieu de cette philosophie contemplative et rationnelle, pour laquelle rien n'existe que ce qui est immuable, éternel, absolu, vous croyez d'abord être en face de cette philosophie empirique, qui ne reconnaît que des faits et des généralités vraisemblables, subordonne

TOM. I.

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la morale à la politique, n'admet aucun bien absolu., et établit enfin comme la fin suprême et le souverain bien le bonheur. Ne sont-ce pas là les principes de la morale des Sophistes, et Aristote n'est-il donc qu'un prédécesseur d'Epicure? Loin de là. Aristote, non moins que Platon, combat les Sophistes. Il ne sacrifie ni la morale à la politique, ni le bien au plaisir, ni l'honnête à l'utile, ni la justice à la loi écrite; et tout en contestant à Platon son principe d'un idéal du bien, il a lui-même son idéal, qui n'est rien moins que l'imitation de la vie des dieux.

Il faut sans doute faire honneur au génie d'Aristote de s'être élevé malgré ses principes premiers et sa méthode à d'aussi hautes conceptions. Mais il est difficile cependant de le disculper de tout reproche de contradiction et d'inconséquence, et peut-être ne se fût-il pas maintenu si haut, malgré la force de sa pensée, s'il n'eût été en quelque sorte porté et soutenu par les habitudes de la philosophie socratique, et par le souffle même de Platon.

Quoi qu'il en soit, voyons se développer ce nouveau système de morale et de politique, non moins vaste et non moins riche que le système platonicien, quoique peutêtre moins uni et moins conséquent.

Socrate et Platon avaient étroitement uni la morale et la politique. Mais pour l'un comme pour l'autre, la morale était la science maîtresse, et la politique n'en était qu'une dépendance et une application. Aristote a changé le rapport de ces deux sciences. C'est la politique qui est la science suprême, la science maîtresse, architectonique (1); (1) Eth. Nic. I. I, c. 1, 89.

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