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me lever le matin un peu avant le lever du soleil; et, pendant ces heures de tranquillité et de silence, j'écrivis ces pages pour ma défense. Je les tins toujours sur moi, jusqu'au moment où je les remis à mon neveu, qui alors avait du commandant la permission de venir me voir à peu près deux fois par mois, et de me donner des nouvelles de ma famille. Mon neveu les cacha dans sa prison et eut ensuite l'adresse de les emporter avec lui, lorsqu'il partit de Fenestrelle pour Milan.

Tel est le véritable et aussi l'unique motif qui me fit écrire ces mémoires. Ils pourront servir un jour de guide et fournir quelques matériaux à ceux qui voudront écrire l'histoire des révolutions passées de la cour de Rome. Ils auraient été d'une bien autre importance encore si les États de l'Église n'étaient rentrés que bien tard ou jamais sous la puissance du Saint-Siége. La cessation de la souveraineté temporelle des papes aurait certainement formé une époque remarquable de l'histoire moderne, et aurait excité au plus haut degré la curiosité de la postérité. On aurait voulu en connaître toutes les circonstances les plus détaillées.

Aujourd'hui il n'est plus besoin d'apologie ni

pour moi ni pour les actes de mon ministère. Depuis que le pape est remonté avec tant de gloire et d'éclat sur le trône pontifical, on a changé de langage; et ces mêmes actes qui avaient été, peu d'années auparavant, blâmés et censurés, et l'auraient été plus tard encore, sont devenus tout d'un coup un sujet d'éloges et d'approbation générale. Le style énergique de mes proclamations et la fameuse bulle d'excommunication sont maintenant regardés comme des monumens glorieux de courage et d'indépendance apostolique. La fermeté du pape resté dans Rome au lieu d'agir comme les autres pontifes qui, avant de lancer l'anathême contre les empereurs, mettaient toujours en sûreté leurs personnes, passe aujourd'hui, et à juste titre, pour une preuve de dévouement magnanime pro ovibus suis, dévouement digne du souverain pasteur de l'Église catholique; et cette action est placée parmi l'époque la plus glorieuse de son pontificat. Triste condition d'un ministre ! Qu'il est amer de penc'est de l'événement et non de la sagesse ser que et de la prudence que dépendent son honneur et sa réputation!

Heureusement pour moi, le retour glorieux du pape au Saint-Siége a fait changer de langage aux

censeurs. Mais, revenant à mon sujet, je dois ajouter que la Providence divine a permis que, dans le temps si court de mon second ministère, après mon retour de France, il se présentât une autre occasion où l'on cut encore à décider si le Saint-Père devait abandonner sa capitale et se retirer dans un pays étranger: ce fut quand les troupes napolitaines, sous le commandement du roi Murat, mirent le pied sur le territoire de l'Église. Je fus alors d'avis que le pape devait partir; ce fut en effet la décision qu'il prit, et l'heureuse issue de ce voyage mémorable, qui fut un véritable triomphe, a été une nouvelle justification de ma conduite passée, et a montré que, suivant les diverses circonstances, j'avais donné le conseil qui m'avait semblé le plus sage et le plus convenable.

Comparons, en effet, les circonstances de l'année 1809 avec celles de 1815, et remarquons-en la différence. Lors de l'invasion des troupes napolitaines, le pape abandonnait sa capitale non en fugitif, mais en souverain qui s'éloigne pour quelque temps de ses États. On ne pouvait taxer son départ de lâche abandon de son siége et de ses peuples chacun était persuadé qu'il serait bientôt de retour. Toutes les personnes de bon

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sens regardaient comme une tempête passagèrè la guerre insensée et téméraire que le roi Joachim entreprenait avec ses seules forces contre tous les souverains de l'Europe, qui, réunis alors à Vienne, tonnaient contre quiconque oserait prendre les armes, et épouser la querelle de Napoléon proscrit. En outre, un pieux souverain avait invité le Saint-Père, en cas de nouvelle invasion, à se retirer dans ses domaines. Le pape pouvait donc choisir librement pour asile, comme il le fit depuis, la ville de Gênes, dévouée au Saint-Siége. De là, il lui était facile de communiquer librement avec les quatre parties du monde, circonstance essentielle et importante pour sa prééminence divine. Le chemin de la mer lui était ouvert pour tous les autres pays. Enfin il pouvait, en peu de jours, réunir autour de sa personne le sacré collége pour l'assister dans le gouvernement de l'Église universelle, et lui choisir un successeur au siége de saint Pierre, si aux autres malheurs venait s'ajouter celui de sa mort.

Vous verrez en lisant ces mémoires, mon cher frère, combien les circonstances où nous nous trouvions en 1809 étaient différentes, et vous jugerez que si, pendant l'invasion de Murat, il fut sage et prudent de partir de Rome, départ qui

eut l'approbation générale des autres souverains, et qui contribua peut-être à délivrer plus tôt l'Italie, c'eût été en 1809 une véritable folie de prendre le même parti, qui, même en réussissant, aurait pu entraîner des conséquences funestes.

Avant de fermer cette lettre, je veux prévenir une objection que vous pouvez me faire : Ne pensiez-vous pas, me direz-vous, que les États usurpés du Saint – Siége lui seraient bientôt rendus

et

que Pie VII ou son successeur remonteraient glorieusement sur le trône pontifical? Aviez-vous oublié cette belle pensée de l'illustre Bossuet: «Que, dans l'état actuel de l'Europe, divisée en tant de puissances, souvent ennemies entre elles, la condition d'un pape, soumis à l'une de ces puissances, est incompatible avec le gouvernement de l'Église universelle. » — Oui, mon cher frère, dans les momens où mon âme jouissait de la paix et de la tranquillité, surtout quand je venais de remplir les devoirs sacrés de la religion, je sentais en moi une vive espérance, et, en quelque sorte, un pressentiment que les papes resteraient en possession de Rome et des États de l'Église. Mais je ne pensais pas toujours ainsi, et le même passage de Bossuet, bien interprété, me suggérait quelquefois des idées qui affaiblissaient beaucoup

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