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sans se faire annoncer, dans l'appartement de son éminence le cardinal Gabrielli, secrétaire d'État, et non-seulement lui déclarèrent son arrestation et l'ordre de quitter Rome, mais aussi commirent l'attentat inouï de fouiller dans son secrétaire, qui pouvait contenir des papiers touchant les secrets de l'État et les affaires les plus délicates de l'Église universelle. Dans la soirée du même jour, le Saint-Père me fit savoir, dans les termes les plus obligeans, qu'il m'appelait à succéder à son éminence le cardinal Gabrielli. Je reçus le billet le samedi 18 juin, un peu après midi, et le même soir je me rendis au palais Quirinal, pour signer les dépêches et les lettres qui devaient partir la nuit.

Avant de continuer mon récit, je dois faire remarquer que je commençai à m'asseoir devant mon bureau de ministre sans avoir cette tranquillité d'âme et cette sécurité qui sont si nécessaires quand on doit écrire des choses importantes. Je pouvais d'un moment à l'autre être surpris dans ma chambre, comme il était arrivé au cardinal Gabrielli; de plus, il me fallait trouver des cachettes pour dérober aux regards les papiers à peine écrits, ne pouvant plus me fier aux secrétaires ni aux armoires.

Maintenant, pour revenir à mon sujet, ferai le tableau du gouvernement et de l'État pontifical, tels que je les trouvai au commence

ment de mon ministère. Pour conserver dans un

État la tranquillité publique, pour retenir dans leur devoir les malveillans, les têtes exaltées et turbulentes, pour disposer la population en faveur du gouvernement, il est nécessaire de persuader au public que le gouvernement est fondé sur des bases solides, qu'il ne court pas le danger de changemens politiques, et que, dans quelque état d'oppression et d'avilissement qu'il se trouve, il pourra promptement se relever et reprendre sa première vigueur. Cette opinion, si nécessaire au repos public, manquait alors absolument au gouvernement pontifical; car, de jour en jour, on craignait une révolution et la prise de possession des Français.

A ce grave inconvénient s'en joignait un autre peut-être encore plus grand; c'était le manque de forces réelles pour se faire obéir des révoltés. Les Français tenaient garnison dans le fort SaintAnge, et, au moyen de personnes de leur dépendance, disposaient entièrement des prisons et les gardaient. Ils avaient ôté au pape nonseulement ses troupes de ligne, mais aussi les archers qui avaient passé à leur service, quoique payés par l'argent du pape, de manière que je n'avais dans Rome aucune personne armée à qui confier l'exécution de mes ordres, sauf un petit nombre de Suisses qui gardaient les portes du palais apostolique. Dans les provinces,

on laissait en apparence les archers sous les ordres des prélats et des gouverneurs; mais, dès qu'un acte était contraire aux desseins des Français, ceux-ci arrêtaient et destituaient les chefs, et les faisaient emprisonner ou les délivraient selou leur bon plaisir; ils se créaient ainsi un parti dans la lie du peuple, qu'ils enrôlaient secrètement sous le titre de garde civique.

Au manque de force armée se joignait aussi celui d'un autre ressort bien puissant pour gouverner les hommes, c'est-à-dire l'argent. Le passage des troupes françaises à travers le royaume pendant plusieurs années, et les dépenses exorbitantes faites pour leur subsistance et pour l'entretien des troupes logées dans chaque ville, avaient épuisé le trésor pontifical. On s'était soutenu jusque-là au moyen de contributions excessives et d'impôts inouïs, mais rendus indispensables par la nécessité. On avait aussi vendu les biens de la chambre apostolique. Mais, après la perte des Marches et du duché d'Urbin, qui étaient le nerf des états pontificaux, comment soutenir longtemps des frais si considérables avec les seules provinces qui restaient et qui étaient les moins fertiles et les moins cultivées? Cet excès de maux occasionés par le séjour des troupes françaises dans l'État et par la conduite de leurs chefs qui tendaient au renversement du gouvernement du pape, était encore aggravé par les désordres de l'administra

tion intérieure. Les peuples, et Rome particulièrement, abhorraient les Français, et tremblaient à la seule idée d'un changement de gouvernement; mais les peuples et Rome se plaignaient hautement des différens ministres du pape.

Quelques mois avant l'entrée des Français, le mécontentement était arrive au point que, Sa Sainteté passant un jour dans les rues, on ne lui avait pas rendu ces témoignages de respect et de vénération que le peuple de Rome rend ordinairement avec effusion de cœur aux papes régháns; dans des temps calmes et tranquilles, on aurait dû chercher atissitôt quelque remède pour se réconcilier avec l'opinion publique, et réveiller l'antique affection des peuples pour le gouvernement. Mais que pouvait-on faire dans ces tristes circonstances? était-ce le temps de faire rendre compte aux ministrės, d'entamer en quelque sorte un procès contre les officiers de la secrétairerie, et de découvrir ainsi les désordres qui régnaient alors dans le gouvernement pontifical? Les sagès auraient, avec raison, taxé d'imprudence et de temérite ceux qui eussent tenté une pareille mesure, et les malveillans en auraient profité pour discréditer le gouvernement. Il fallait s'armer de l'héroïque patience de Fabius Maximus, « qui cùñctando restituit rem... non ponebat enim rumores ante salutem. » Il fallait se soumettre à la triste condition de voir et de connaître tous les désordrés

et les abus, d'entendre journellement de tous côtés des plaintes et des cris contre ces désordres, sans pouvoir, à cause de l'embarras des circonstances, y apporter un remède prompt et efficace.

Ce qui augmentait mon inquiétude et mon découragement, c'était de penser qu'une grande partie du sacré collége était absente. Un ministre du pape, qui n'est pas de ceux qui aiment à entendre résonner à leurs oreilles l'agréable vers d'Horace :

Cùm tot sustineas et tanta negotia solus,

à l'avantage inappréciable d'avoir toujours à sa disposition, pour l'assister dans les grandes affaires de l'Église ou de l'État, les respectables membres de cet auguste sénat, et en suivant leurs conseils et leurs avis, quelque chose qu'il propose au pape; quelque détermination qu'il lui fasse prendre, bien qu'elle ne produise pas les bons effets qu'on en esperait, et que l'entreprise ne soit pas couronnée du succès, il est toujours pleinement justifié aux yeux de Dieu et des hommes. Je songeais que je serais privé de cet avantage : beaucoup de cardinaux, et entre autres plusieurs de ceux que nous avons coutume à Rome d'appeler les zélés, avaient été chassés par les Français: parmi le petit nombre de ceux qui restaient, quelques-uns déjà vieux débiles et infirmes, moururent à cette époque même de mon ministère le cardinal Consalvi, qui, dans les premières années du pontificat, avait

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