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A PROPOS DU TABAC

AU CONGO BELGE

Parmi les excitants utilisés par les indigènes africains, le tabac occupe une place prépondérante. Il n'est cependant pas originaire de ces régions, il y a été importé. Il est curieux de voir combien vite il s'est introduit jusque dans les régions les plus centrales du continent noir, où hommes, femmes et enfants fument, chiquent et prisent le tabac et souvent même le chanvre.

Dans le Congo belge, l'introduction du tabac a été probablement faite par plusieurs voies: il doit avoir été amené du nord, du sud, de l'ouest et peut-être même par l'est.

Ces introductions par des courants différents ont probablement amené des plantes différentes.

C'est aussi de l'étranger que lui est venu le chanvre contre lequel le gouvernement de l'État Indépendant du Congo avait dû légiférer et promulguer des décrets en défendant la culture et l'emploi, car il occasionne des accidents aussi néfastes que l'opium.

Mais malgré ces ordonnances et les effets pernicieux de la fumée du chanvre, les indigènes restent fortement attachés à cet excitant et en usent en cachette malgré tous les efforts faits pour détruire les plantes que l'on trouve cultivées dans presque tous les villages indigènes.

Les voyages exécutés par les traitants d'esclaves ont

été indiscutablement la cause de l'importation du tabac au Congo, comme d'ailleurs dans toute l'Afrique tropicale occidentale.

D'après M. le Prof. Hartwich de l'Université de Zurich, les premières plantes de tabac importées en Afrique occidentale provenaient des Antilles, et une des preuves de cette assertion résiderait, pour le spécialiste zurichois, dans le fait que c'est le Nicotiana rustica, originaire des Antilles et encore très estimé des indigènes africains, que l'on aurait connu d'abord en Afrique tropicale (1).

Il convient cependant de remarquer qu'au Congo belge, le Nicotiana rustica paraît être beaucoup moins répandu que les variétés du Nicotiana tabacum. La première de ces deux espèces a été signalée par le Prof. G. Schweinfurth dans la région des Mangbettus, puis par des Belges dans la région des Stanley-falls et, à l'état cultivé et sans doute d'importation récente, dans le Bas-Congo. Mais la seconde de ces espèces a été signalée bien plus souvent, et la forme qui paraît le plus largement répandue, comme nous l'avons signalé dans la Mission Laurent (2) est la variété brasiliensis Comes, ce qui semblerait faire croire à une introduction brésilienne.

Cette opinion est également celle de M. le Prof. Comes, de Portici ; pour lui cette dernière plante est bien la première, de celles capables de produire du tabac, qui ait été importée en Afrique occidentale (3).

Il est intéressant de faire remarquer en passant que c'est cette même plante qui fut importée en Europe, en 1556, par le R. P. Thévet, avant que l'ambassadeur Nicot n'eût introduit la plante qui fut très cultivée et à

(1) Dr C. Hartwich, Die menschlichen Genusmittel. Leipzig, 1911, p. (2) É. De Wildeman, Mission Ém. Laurent, vol. I, p. 441 et suiv.

(3) 0. Comes, Histoire, Géographie et Statistique du tabac. Naples, 1900, p. 136 en note.

laquelle on donna en son souvenir le nom de Nicotiana rustica (1).

Comme le courant des esclaves s'est porté vers le Brésil également, il n'y a rien d'étonnant à ce que l'importation du tabac en Afrique, qui a pu se faire d'un côté par des plantes originaires des Antilles, se soit faite aussi par le continent sud-américain.

Malheureusement, l'étude des variétés de tabac cultivées de longue date par les indigènes congolais et même celle des races importées plus récemment par le blanc sont loin d'avoir été poussées dans notre colonie et, dans cet ordre d'idées, nous ne pourrons fournir de renseignements précis. Il y a là une enquête intéressante à entreprendre et à poursuivre pendant plusieurs années tant au point de vue botanique et agronomique qu'ethnographique et même économique.

D'après le Prof. O. Comes, le missionnaire Cavazzi, dans son Istorica descrizione dei tre regni; Congo, Matamba et Angola, sans insister sur l'importance du tabac dans l'intérieur de l'Afrique, montre, dans une des figures qui accompagnent son texte, un grand seigneur indigène porté en hamac et fumant consciencieusement la pipe; il fait voir, dans une autre gravure, la reine d'Angola fumant la pipe pendant une cérémonie funèbre qu'elle avait ordonnée en l'honneur des cendres de ses frères. Ces deux faits, notés incidemment par Cavazzi, se sont passés en 1650; ils prouvent qu'avant cette date l'usage du tabac avait pénétré assez loin dans l'Angola et au Congo.

Un autre fait vient à l'appui de l'origine brésilienne du tabac congolais, c'est l'opinion de Merolla, qui, dans sa Relazione del viaggio nel regno del Congo publiée en 1692, fait remarquer que l'on chargeait de grandes quantités de tabac dans les ports brésiliens,

(1) Ibid., p. 71.

pour les transporter en Afrique où ce produit était connu sous le nom de « foumu » (1).

Il n'entre pas dans mes vues de faire, ce qui serait cependant de haut intérêt, une monographie du tabac au Congo belge; cela me mènerait très loin, car il y a sur le sujet des documents très nombreux, mais malheureusement éparpillés; pour les réunir et les coordonner, il faudrait faire de longues et patientes recherches. Ce n'est d'ailleurs pas le but que vise cette note; j'ai cherché surtout à faire voir qu'il y avait là une étude intéressante à poursuivre pour le botaniste, l'agriculteur, l'ethnographe et même le commerçant, pour tous elle présente des aspects curieux et nouveaux.

Si le tabac a déjà fourni, en Afrique tropicale, des indications précieuses à l'ethnographe, il en a fourni fort peu au botaniste, très peu aussi à l'agriculteur et par suite moins encore au commerçant. D'ailleurs, on ne peut tirer des quelques essais infructueux tentés au Congo belge, sans méthode et sans suite, une conclusion sur la valeur culturale de cette plante pour notre colonie. La culture du tabac demande certains soins et sa préparation est loin d'être simple si l'on veut obtenir un produit qui plaise à l'européen.

Nous l'avons dit, le tabac, quel qu'il soit, est très estimé du noir, en général, qui lui-même est très convaincu de l'apport de cette plante, non indigène chez lui. M. Torday a recueilli à ce sujet une légende qui ne manque pas de saveur. La voici :

« Il y avait une fois un homme nommé Lusama Lumumbala qui fut saisi de l'envie de courir le Monde, c'est pourquoi il partit un jour à la recherche d'aventures et se dirigea vers l'ouest. Il fut longtemps absent, si longtemps en vérité que personne ne prit la peine de compter les années; cinq ans ? dix ans? personne ne le sait.

» Un soir que les villageois étaient assis autour du feu, et que l'on discutut les souvenirs du passé, l'un de ses contemporains, au fait c'était un boy, dit : « Il y a bien des années qu'un nommé Lusama Lumumbala est parti

(1) O. Comes, op. cit., p. 179.

pour voir le monde; il se dirigea vers l'ouest et doit y être mort ». Il parlait depuis quelque temps quand arriva un étranger qui venait de la route, et après les salutations ordinaires, il les appela par leur nom et dit : « Je suis Lusama Lumumbala et je reviens de mes voyages ». Grande fut la joie dans le village; les hommes et les femmes lui apportèrent des présents et se réunirent en foule autour de lui pour le toucher et pour voir si ce n'était pas un fantôme; ils lui apportèrent des aliments et du vin de palme, et lui demandèrent de raconter ses aventures. Il s'assit au milieu d'eux et sortit une pipe de son sac, la remplit de tabac et, après l'avoir allumée avec un tison pris dans le feu, il commence à fumer tranquillement. Les spectateurs se levèrent d'un bond, épouvantés, en criant : « Qu'est-ce qui est arrivé à Lusama Lumumbala? Il mange du feu et boit de la fumée!» Mais le voyageur dit : « Ne vous effrayez pas; je vais vous expliquer ce que je fais. Pendant mes voyages je suis arrivé dans un lieu appelé Pende, dont les habitants s'appellent Tupende. Ce peuple boit la fumée de la plante qui s'appelle « Makaya». Ils m'ont enseigné à le faire et je vous l'enseignerai. J'ai aussi apporté des graines du Makaya, afin que vous puissiez le cultiver ici ». Les gens lui demandèrent : est-ce que cela a un bon goùt? « Oui », répondit-il, et il leur tendit sa pipe afin qu'ils pussent en faire l'expérience. Le premier homme but en faisant une grimace et toussa, et tous ceux qui en goùtèrent en firent autant et ils dirent que la fumée était mauvaise. Alors Lusama Lumumbala parla comme suit : « Cette plante est une plante magique; quand vous aurez une querelle avec votre frère et que votre cœur sera devenu si mauvais que vous prendrez un couteau pour le tuer, prenez votre pipe, buvez de la fumée et vous direz: « Pourquoi tuerais-je mon frère, qui est sorti du même sein que moi? Je ne le frapperai qu'avec le poing ». Alors prenez votre pipe et recommencez à boire et votre coeur redeviendra meilleur et vous direz Pourquoi frapperais-je mon frère? Je me contenterai de me quereller avec lui en paroles ». Reprenant votre pipe et buvant, votre coeur redeviendra doux et bon, et vous direz à votre frère : « Venez, mon frère ; je ferai cuire une poule et j'achèterai du vin de palme; venez, vous mangerez et boirez avec moi ». Toutes les fois que votre cœur est irrité, buvez la fumée de cette herbe et la paix et le bonheur reviendront en vous ».

>> C'est ainsi que les Bushongo apprirent à fumer le tabac que Lusama Lumumbala avait apporté de chez les Tupende » (1).

Ailleurs MM. Torday et Joyce rapportent l'introduction du tabac, chez les Bushongo, à Shamba Bolongongo, qui en avait appris l'usage d'un homme appelé Lokono Lon Pene (Lokono des Bapende), qui lui donna les graines de la plante (2).

L'intérêt que le noir accorde à cette plante se

(1) Origine du tabac (Bango), racontée par le Bilumbu M. E. Torday et T. A. Joyce. Notes ethnographiques sur les Bushongo. ANN. DU MUSÉE DU CONGO, sér. 3, t. II. fasc. 1, p. 244.

(2) Loc. cit., p. 26.

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