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dépenses du gouvernement, et que, s'il avait été nécessaire d'effectuer une anticipation de recettes en recourant au crédit, il fallait tàcher de rembourser au plus vite les créanciers, car l'emprunt était un mal. Comme disait Sismonde de Sismondi : « les revenus étant aliénés avant que de naître, ceux qui travaillent aujourd'hui, ceux qui travailleront à l'avenir, ne doivent pas seulement créer leur subsistance, ils doivent payer les folies et les dettes de leurs prédécesseurs. » Mais depuis que l'État s'est mis à gérer d'importantes entreprises industrielles nécessitant d'énormes mises de fonds, la situation a changé du tout au tout. Quand il emprunte, maintenant, c'est souvent pour se procurer le capital nécessaire à ses exploitations. Ce n'est plus une simple anticipation de recettes qu'il demande, c'est un capital qu'il s'engage à faire fructifier. Propriétaire d'un réseau de chemins de fer, il doit sans cesse agrandir ses installations, améliorer son matériel, construire des lignes nouvelles. A cette fin il emprunte et, par suite, on ne ferme pour ainsi dire jamais le Grand Livre de la Dette.

La conséquence de cette transformation du crédit public n'a pas manqué d'un certain comique. Tous les auteurs étaient remplis de réflexions suggestives sur les dangers de l'emprunt. On comparait l'Etat emprunteur au jeune homme habitué à recourir aux usuriers pour mener un train de vie trop dispendieux; on lui prédisait la gène dans l'avenir et la banqueroute finale. Aussi a-t-on pu voir les journalistes d'opposition et les harangueurs de place publique recourir à leurs vieux manuels et reprendre pour leur compte toutes ces éloquentes condamnations sans comprendre qu'ils avaient devant eux, non plus un prince besogneux pour qui les impôts ne rentrent pas assez vite, mais un patron qui fait travailler ses capitaux. D'autre part, les gouvernements n'ont pas manqué de profiter de

leur situation de Janus à deux visages, et maintenant, chaque fois qu'ils recourent au crédit, ils montrent au public la figure affairée de l'industriel. Sous l'étiquette d'outillage économique, ils font passer au compte capital bien des dépenses dont on pourrait discuter la nature, au risque de laisser accuser notre génération de ne pas travailler avec assez d'ardeur à enrichir le patrimoine collectif de la nation.

Ainsi, d'une part, on déclare que l'emprunt est un mal et qu'il faut toujours l'éviter, d'autre part, on affirme qu'il constitue une excellente opération et qu'il faut continuer dans cette voie. C'est l'effet de ces fâcheuses généralisations qui a fait comprendre la nécessité de quelques distinctions. En formulant les règles du crédit public, les auteurs, trop souvent, se sont placés à un point de vue absolu: l'Etat doit emprunter de telle façon, amortir de telle autre. Il semble au contraire que ce soit la destination de l'emprunt qui doive déterminer toutes les conditions de l'opération, et non le caractère juridique du débiteur. Toutes les parties de la dette publique ne doivent pas être traitées dans le même esprit au point de vue de l'émission et de l'amortissement. C'est une vérité qu'il importe de rendre tangible.

Deux procédés sont possibles: le premier, à vrai dire, n'introduit aucune innovation grave. Il consiste simplement à tenir une comptabilité minutieuse de l'affectation de l'emprunt et, tout en n'ayant qu'un type de rente, à mettre au compte de chaque service industriel le montant des charges d'intérêts et d'amortissement dont est grevé son capital. Si vous le voulez, nous appellerons cela la distinction des dettes.

Mais on peut aller plus loin et adopter un second procédé que nous baptiserons la séparation des dettes. Il consiste à permettre aux grandes régies d'effectuer elles-mêmes leur service financier, sous le contrôle du

parlement, et d'autoriser les ministres qui les dirigent alors à émettre des titres particuliers pour subvenir à leurs besoins. Il y a, dans la gestion financière, une cloison étanche entre la dette de l'État-pouvoir et celle de l'État industriel, mais sans qu'il soit porté atteinte à l'unité juridique des engagements du Trésor.

Il nous semble assez difficile de justifier théoriquement cette séparation; du moment que la comptabilité de l'État permet de fixer avec sûreté le chiffre du capital investi dans chaque régie, un bon ministre des finances saura quelle politique suivre. A cet égard, le système de la distinction des dettes dans les documents publics, paraît largement suffisant. La logique ne demande pas davantage. Mais en matière de finances publiques ce serait là un bien faible argument. Il peut y avoir des circonstances politiques qui commandent impérieusement de se garder de dangers particulièrement menaçants; certaines formules peuvent sembler plus propres que d'autres à frapper les imaginations populaires et, bien que scientifiquement moins parfaites, offrir cependant plus d'avantages.

Expliquons-nous bien :

Les gouvernements démocratiques sont très exposés à abuser de l'emprunt. Soumis à de fréquentes - trop fréquentes épreuves électorales, ils doivent satisfaire les désirs de la partie la moins éclairée de la nation, relever périodiquement tous les traitements, répartir entre les circonscriptions la manne des travaux publics, tout en évitant d'augmenter les impôts (du moins ceux frappant la masse des électeurs). La tentation est évidemment très forte de recourir de plus en plus au crédit, surtout que le contre-coup immẻdiat de l'endettement n'est jamais bien fort. Les partis, entraînés dans un steeple-chase de promesses, n'ont guère le temps de songer aux conséquences lointaines de leurs actes.

L'État industriel ne peut cependant se passer de l'emprunt. L'avantage de la séparation des dettes est de rendre l'opinion plus attentive aux opérations financières de l'État dans chaque sphère de son activité; il faut éviter à tout prix que dans un sens approbatif ou dans un sens de blâme on ne tranche le problème du crédit public par une solution simpliste, pleine de dangers.

Pendant tout un temps, le gouvernement français s'était mis en tête de ne plus faire d'emprunt. Excellente politique, peut-être, mais détestable procédé d'hommes d'affaires! Il faut lire dans l'intéressant ouvrage de M. Pierre Baudin, Le budget et le déficit, à quels tristes résultats cette façon enfantine d'envisager le problème a abouti. La construction des lignes de chemins de fer, des ports, des téléphones s'est poursuivie avec une lenteur scandaleuse, au hasard des disponibilités du ministre des finances; « on dirait un grand paquebot fait pour marcher à vingt noeuds et parcourir un champ interocéanique, et qui n'aurait pour se mouvoir qu'une machinerie de petit cargoboat», nous dit le sénateur français. En 1903 M. Chapuis signalait à la Chambre que l'État, faute de crédits, avait mis plus de dix ans à construire 182 kilomètres de lignes; M. de Lavignais, en 1911, citait le cas d'un tronçon de 88 kilomètres de Fontenay à Cholet pour être précis - dont la construction traîne depuis 29 ans. Avec de semblables procédés, l'importante ligne de Paris à Chartres ne serait pas prête avant 1930. De 1901 à 1908, le réseau de l'Etat n'avait disposé que d'une dotation uniforme de 10 millions, affectés confusément aux travaux complémentaires et aux achats de matériel roulant. Aussi M. Regnier, rapporteur en 1907, pouvait-il écrire que les travaux ainsi conduits << coûtent plus cher de par la durée plus longue des frais généraux, et de par les dégradations

qu'ils subissent et qui nécessitent quelquefois une réfection partielle ou totale avant la mise en exploitation. De plus ces retards rendent improductives durant de longues années les dépenses faites au début ».

On ne pourrait mieux dire. Les grandes régies ne peuvent vivre sans crédit, et si elles sont gérées avec l'idée bien arrêtée de leur faire payer leurs frais, leurs emprunts n'obéreront nullement le trésor. Pour employer un mot dont on a malheureusement trop abusé, ce sera une opération blanche. Par conséquent ce n'est pas la situation fiscale qui fera juger de l'opportunitė de l'émission, mais uniquement l'étude des chances d'avenir de l'industrie que l'on veut alimenter. L'amortissement se fera, lui aussi, sous l'empire de considérations particulières. Pour un ministre des finances. l'amortissement est certes un devoir, mais c'est un devoir qu'il ne peut accomplir efficacement que dans les bonnes années. Pour un ministre des chemins de fer, au contraire, l'amortissement s'impose toujours avec autant de rigueur que le paiement des intérêts, car le matériel acquis avec le capital mis à sa disposition s'use tous les jours, matériellement et industriellement; il doit sans cesse compenser ces diminutions de valeur. Ne pas amortir équivaut pour lui, non pas à une simple suspension de l'amortissement, mais à un véritable désamortissement, si le lecteur veut excuser cet affreux barbarisme.

Nous reconnaissons volontiers que la confusion des emprunts industriels et autres, dans la dette publique, n'empêche nullement l'homme d'État d'assurer à chaque fraction de celle-ci le traitement qui lui convient. Mais, en gouvernement démocratique, l'homme d'État propose... et, trop souvent, la foule dispose; elle n'est pas capable de suivre les raisonnements des financiers, tablant sur une comptabilité assez compliquée. Pour que ceux-ci aient quelque chance de faire

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