Sayfadaki görseller
PDF
ePub

Désormais, la commune marchera de conquête en conquête. Elle demande presque en même temps l'égalité des droits civils, l'égalité des droits politiques, des terres et une législation écrite. Voilà les quatre fondements de la sociabilité. On lui accorde d'abord des lois, à condition toutefois que les patriciens les écriront; et telle est la modération de la commune romaine, qu'elle leur remet pieusement, comme des fils à leur père, le soin de dresser des tables décemvirales, ce carmen necessarium, dépositaire, dans sa concision monumentale, de la sagesse des temps héroïques et des premiers progrès d'une liberté naissante (1). Elle ob

(1) Dans le cours d'histoire du droit romain professé dans l'année 1829 à 1830, j'ai consacré plusieurs leçons d'exégèse au texte des Douze Tables. Rien n'a semblé plus intéressant à mes auditeurs que de peser la valeur historique et littéraire de chaque mot de cet inestimable fragment de l'antiquité romaine. J'ai pu puiser abondamment à tous les travaux de l'école allemande, entre autres au savant ouvrage de M. Dirksen (Uebersicht der bisherigen Versuche zur Kritik und Herstellung des Textes der Zwolf Tafel Fragmente. Leipzig, 1824), qui récapitule et critique avec une véritable supériorité toutes les recherches antérieures, et qui laisse si loin derrière lui l'informe compilation de Bouchaud, plagiaire effronté, avec lequel la science française doit repousser toute solidarité. J'indiquerai en deux mots, puisque l'occasion s'en présente, le plan suivi dans ce cours d'histoire du droit romain.

Le droit, dans l'histoire, est le développement progressif de la liberté, sous la loi de la raison. Il se développe sous quatre faces principales: les mœurs, les lois, la science, les révolutions. Pourquoi le droit romain, au milieu des législations orientales, grecques et modernes, doit fixer d'abord l'attention de l'historien jurisconsulte: combinaison de la méthode chronologique et de la méthode systématique; état de l'érudition; coup d'œil sur les sources, les historiens et les textes de l'antiquité; appréciation de nouveaux travaux, dont il faut profiter à la fois avec loyauté et indépendance. Droit et institutions politiques. Question du climat posée. Situation géographique de l'Italie, peuples qui la composent; éléments dont se forme le peuple romain. Aristocratie primitive et héroïque. Gentes; 3 tribus primitives; 50 curics; 500 gentes. Sénat primitif. Le roi, chef de ses égaux. Adjonction des plébéiens. Constitution de la commune (plebs). Système de Servius Tullius et des centuries. Expulsion de la gens Tarquinia. La lutte s'établit entre la commune et l'aristocratie. Tribunat.

tient aussitôt après l'égalité des droits civils, contenue tout entière dans la loi arrachée par Canuleius, de connubio (1). Le tribunat militaire ne tarde pas non plus à lui ouvrir la carrière des magistratures.

Mais, plusieurs années avant les Douze Tables, la commune s'était attribué une importante prérogative. Dans une des crises les plus envenimées de la lutte entre la plebs et le patriciat, un jeune homme déclara dans le sénat qu'il fallait prendre par famine cette tourbe insolente et factieuse : « Elle veut du pain; ne lui en donnons pas, et qu'elle sache à quel

Première proposition de la loi agraire. Législation écrite, Douze Tables. – Droit privé. Conjectures sur l'état de famille des plébéiens. Puissance paternelle: adoption; condition des femmes. Formes du mariage. Union du pouvoir et de la propriété, idée fondamentale de la famille romaine. Théorie de la tutelle. Ingénieux travail de Von-Lochr. Des choses. Possessiones res mancipi nec mancipi. Formes solennelles d'acquisition des res mancipi. Que la propriété juridique a dû commencer par être exclusivement patricienne : il s'éleva à côté une propriété de fait qui se confondit peu à peu avec la première, grâce aux progrès de l'émancipation politique. Succession testamentaire et naturelle. Théorie des obligations. Recherches sur la forme primitive des actions. Législation écrite. Commentaire exégétique des Douze Tables. — Civilisation générale de Rome, pendant les trois cents premières années. Religion, Culture de l'esprit. État de la langue. Premiers monuments de la littérature. Rapports avec les autres peuples. Telles sont les recherches auxquelles je me suis livré devant un auditoire dont l'inépuisable attention ne s'est pas lassée au milieu de ces détails laborieux, quelquefois arides. Nous étions réunis, étudiants et professeur, tous camarades, par le seul amour de la science, sans autre règle qu'une bienveillance réciproque et fraternelle. Si ce livre tombe entre les mains de quelques-uns de mes anciens auditeurs, je désire que ces lignes leur rappellent le charme que nous trouvions dans ces réunions. Je m'occupais de recueillir les résultats de ce cours pour les publier sous le titre de Prolégomènes sur l'histoire du droit romain, suivis d'une table chronologique du droit romain, contenant la suite des lois, des institutions et des jurisconsultes, ainsi que des renvois aux sources et aux travaux modernes, quand je fus distrait de ce soin par la Révolution de 1830.

(1) Voyez sur ce point l'excellente Démonstration de Duni, tom. Ier, chap. vi.

prix elle peut nous outrager. » Ce discours vient aux oreilles du peuple; on s'indigne, on s'exaspère; il n'y a plus qu'un cri dans Rome pour demander le bannissement de Marcius.

Pour la première fois la commune forme une assemblée populaire (comitia tributa), et proscrit un sénateur. Nouveauté capitale ! un patricien, un jeune officier qui a pris Corioles, chéri du soldat, appelant par leur nom tous les vétérans, l'orgueil et l'espérance de l'aristocratie, se trouve forcé de quitter Rome sous le poids de la colère du peuple. Il pourra se venger; mais toujours, par sa vivacité pétulante, il a porté un coup mortel à la puissance de son ordre : désormais la commune sait que le patriciat n'est plus inviolable.

Je ne reviendrai pas sur le partage des terres (1). Je remarquerai seulement que ce fut de la part des patriciens et des plébéiens les plus riches une vraie démence que de refuser la jouissance de la propriété à des hommes dont ils avaient reconnu l'égalité politique.

Les formes successives de la république romaine furent donc l'aristocratie, la démocratie et la monarchie. Ses deux instruments de puissance et de conquête furent la guerre et le droit.

Bacon, en recherchant la manière dont un État peut s'agrandir et reculer ses limites, a vu dans quel esprit Rome faisait la guerre, comment elle avait su peu à peu tout envahir et tout envelopper, s'assimiler des hommes, des familles, des villes, des nations entières, en les chargeant de l'honneur du droit de cité; mais elle y réussit surtout par les colonies qu'elle imposait aux peuples vaincus. Quæ instituta si simul componas, dices profecto non Romanos se diffudisse super universum orbem, sed contra orbem universum se diffudisse super Romanos (2). Ainsi, il y a entre Rome et le monde un tel rapport, que c'est le monde,

(1) Voyez liv. II, chap. iv, de la Propriété.

(2) Bacon, de Augmentis scientiarum, lib. VIII, cap. ш, § IV.

pour ainsi dire, qui va chercher Rome pour s'y incorporer.

Que si quelques-uns n'étaient pas encore convaincus que la guerre n'est pas seulement une fantaisie héroïque (1), je leur indiquerais derechef le spectacle de Rome et de ses conquêtes. Or, le plus difficile, pour un peuple comme pour un homme, est de commencer et de se faire reconnaître. Aussi, que de temps et de labeurs pour que Rome puisse pousser jusqu'à Tarente, Lacedæmoniorum opus (2), et se rencontrer pour la première fois avec le génie grec, personnifié dans Pyrrhus! Les Tarentins étaient des enfants; ils ignoraient où ils s'engageaient en voulant résister aux Romains. Mais Pyrrhus, élève, émule d'Alexandre, après avoir gagné deux batailles, en perd une troisième, et se retire ; il en a assez c'est qu'il a vu les Romains; il en a tremblé, et les paroles si connues de Cinéas à son maître ne sont autre chose que le cri de l'ébahissement profond de la Grèce, face à face avec le génie de Rome, si nouveau pour elle, si intraitable et si dur.

L'Italie soumise, Rome passe à d'autres peuples. Dès les premiers siècles de la république, elle s'était abouchée avec Carthage, et Polybe nous a conservé un traité conclu entre les deux républiques; précieux monument de l'histoire du droit des gens. Attaquée au cœur par une descente en Afrique, Carthage emprunte pour se défendre le génie militaire. des Doriens; mais, malgré les victoires qu'elle doit au Lacédémonien Xantippe, elle a le dessous jusqu'à l'apparition d'Annibal, destiné à opposer la grandeur d'un seul homme à l'insolente fatalité qui protège le Capitole. Le plus hardi projet qu'ait jamais conçu capitaine le porte, après la victoire de Cannes, à quelques lieues de Rome. Par quel secret vertige n'y entre-t-il donc pas? Rome a compris, car elle a failli périr; elle est sans pitié pour Carthage; et Caton l'Ancien,

(1) Voyez liv. II, chap. n, du Droit des Gens, de la Paix et de la Guerre. 2) Florus.

par son éternel refrain, n'était que le héraut populaire des passions nationales. Plus tard l'Égypte sera conquise; Pompée y viendra mourir; Antoine et César s'y succéderont; mais, en réalité, Rome avait pris possession de l'Afrique par les ruines de Carthage.

La Grèce avait agacé l'Italie en envoyant contre elle Pyrrhus et Xantippe; elle méritait bien une visite: Philippe est attaqué et battu, Persée fait prisonnier, et, un siècle et demi après Alexandre, le roi de Macédoine entrait dans Rome devant le char de Paul-Émile. La guerre de la ligue achéenne dura peu; la Grèce est pour jamais conquise, elle n'a pas coûté beaucoup de peine.

L'Asie (car nous parcourons le monde) résiste quelque temps, grâce à un roi héroïque et malheureux, moitié d'Annibal, voluptueux et barbare, grand après une défaite, incapable d'une victoire décisive. Mais du moins Mithridate a fatigué successivement Sylla, Lucullus et Pompée, et il s'est ménagé dans l'histoire la place d'un glorieux vaincu.

Mais voici une guerre qui vient couronner le système militaire de Rome, et qui commence notre propre histoire. Catilina avait un ami plus grand que lui, et dans lequel cependant il ne vit qu'un compagnon de factions et de plaisirs. César, en effet, n'était point fàché des embarras où l'entreprise de Catilina jetait l'aristocratie; il se réservait d'en profiter ou de s'en défendre à temps. Inquiet et factieux tant qu'il se cherche et ne s'est pas trouvé, poursuivant la gloire avec furie par toutes les voies, tant qu'il n'a pas mesuré de l'œil la hauteur où il doit porter son nom et sa destinée; ardent et sans frein, ouvert à tous les désirs, à toutes les extrémités, en attendant cette maturité de la force et du génie qui devait lui faire unir les dernières profondeurs du calcul aux invincibles pétulances de la passion.

Sed non in Cæsare tantum

Nomen crat, nec fama ducis, sed nescia virtus

« ÖncekiDevam »