Sayfadaki görseller
PDF
ePub

pensé, il ne pouvait profiter d'une aussi belle occasion; que jamais il n'avait eu l'intention publice docere; que d'ailleurs l'enseignement le détournerait des profondeurs de la philosophie: «Nam cogito primo me a promovenda philosophia <«cessare, si instituendæ juventuti vacare velim; » et puis encore Spinosa ne se rend pas bien compte des restrictions qu'il faudrait apporter à la liberté philosophique : il y a sur les matières religieuses tant de contradictions et de passions qui défigurent et condamnent souvent les pensées et les paroles les plus droites! « Cogito deinde me nescire quibus << limitibus libertas ista philosophandi intercludi debeat, ne << videar publice stabilitam religionem perturbare velle: <« quippe schismata non tam ex ardenti religionis studio <«< oriuntur, quam ex vario hominum affectu, vel contradi«< cendi studio, quo omnia, et si recte dicta sint, depravare <«<et damnare solent (1). » Sur cette dernière raison, qui surtout était excellente, Spinosa resta chez lui, et je crois qu'il fit bien. Contemplons maintenant la pensée du solitaire, pyramide éternelle dans le champ de la philosophie.

Dieu est tout ce qui est : c'est un être absolu et infini; il se manifeste par la pensée et l'étendue. « Per Deum intelligo << ens absolute infinitum, hoc est, substantiam constantem <«< infinitis attributis, quorum unumquodque æternam et infi<«< nitam essentiam exprimit. » Substance une, qui persiste et se développe par des attributs infinis, dont chacun exprime l'éternelle et infinie essence de la substance même. Dieu est l'unité, l'essence et l'éternité. Or cette éternité se développe par l'existence: «Per æternitatem intelligo ipsam existen<«tiam, quatenus ex sola rei æternæ definitione necessario « sequi concipitur. » Dieu est donc l'identité de l'existence et de l'essence, du temps et de l'éternité; unité nécessaire, car deux substances égales ne sauraient coexister dans la nature des choses; «< in rerum natura non possunt dari duæ

(1) Epist. LIV.

« aut plures substantiæ ejusdem naturæ, sive attributi. » Toute substance est nécessairement infinie, et existe nécessairement; cette nécessité se prouve par son existence, son être par son développement; elle est parce qu'elle est, et parce qu'elle est, elle est. Dieu est sa preuve à lui-même; et, vivant dans une unité qui n'a pas de concurrent, il dure par les lois de sa nature, et il existe nécessairement. « Deus, << sive substantia constans infinitis attributis, quorum unum« quodque æternam et infinitam essentiam exprimit, neces«sario existit. » Rien n'existe que dans Dieu et ne peut étre conçu sans Dieu : « Et nihil sine Deo esse, neque concipi « potest; » donc Dieu est la cause permanente et non passagère de toutes choses : « Deus est omnium rerum causa << immanens, nec vero transiens. » Dieu, cause toujours présente du monde, habite dans son ouvrage comme dans un tabernacle; il ne passe pas à côté de cet univers, en le regardant comme un phénomène fragile et se réservant un autre séjour; il y demeure et s'y incorpore: donc tout est nécessaire dans ce monde formé des attributs de Dieu : « Quidquid ex aliquo Dei attributo, quatenus modificatum <«est tali modificatione, quæ et necessario et infinita per idem «< existit, sequitur, debet quoque et necessario et infinitum « existere.» Et, pour l'humanité, quelle sera la conséquence morale? C'est que l'homme n'est pas dans ce monde une individualité libre, pouvant se conduire suivant ses règles et son arbitre propre; mais dans le système du monde il est un effet nécessaire et déterminé. « Voluntas non potest vocari « causa libera, sed tantum necessaria. » Voilà le fondement du déterminisme, qui veut identifier la liberté de l'homme avec une fatalité rationnelle. L'homme alors, satellite d'un astre autour duquel il doit constamment tourner, membre nécessaire et dépendant d'un Dieu dont il est une partie, s'adapte et se coordonne dans le mécanisme universel. Dieu lui-même n'était pas libre de faire autrement qu'il n'a fait «Res nullo alio modo, neque alio ordine a Deo

<«< produci potuerunt, quam productæ sunt. » Spinosa absorbe l'homme et Dieu dans la même idée, dans l'unité nécessaire.

Dans la philosophie de cet homme, vous êtes toujours face à face avec Dieu; corps, esprit, étendue, toujours, c'est toujours Dieu. Il se révèle par les corps et la matière, par la pensée et les idées, par l'étendue.

«Per corpus intelligo modum, qui Dei essentiam, quatenus <«< ut res extensa consideratur, certo et determinato modo <«<exprimit. » Voilà pour la matière.

La pensée est une émanation, une face de la substance infinie qui pense. « Cogitatio attributum Dei est, sive Deus «<est res cogitans. >>

L'étendue n'est encore qu'une manifestation de la substance Extensio attributum Dei est, sive Deus est res « extensa. >>

Ainsi Dieu se manifeste par le corps et la matière; il pense par l'intelligence; il se développe par l'étendue; il est tout; dans lui viennent se perdre idées, formes, essence, attributs. <«< In Deo datur necessario idea, tam ejus essentiæ, quam « omnium, quæ ex ipsius essentia necessario sequuntur. »

Liberté, que deviendras-tu dans cet organisme où tout est prévu et nécessaire? Tu te confondras avec l'intelligence ; tu te perdras dans une série de causes déterminantes et de mobiles irrésistibles, qui tous te pousseront, malgré que tu en aies, à un but nécessaire, immuable. « In mente nulla est << absoluta, sive libera voluntas; sed mens ad hoc, vel illud << volendum determinatur a causa, quæ etiam ab alia deter<«<minata est, et hæc iterum ab alia, et sic in infinitum. » La volition et l'idée sont même chose. « In mente nulla datur « volitio, sive affirmatio et negatio præter illam, quam idea, « quatenus idea est, involvit. » Enfin, sous une formule plus générale encore, il faudra reconnaître l'identité de la volonté et de l'intelligence. « Voluntas et intellectus unum et idem

<<< sunt. >>

Non-seulement Spinosa absorbe le vouloir de l'homme dans la pensée, mais il est amené à reconnaître que ce vouloir trouvera nécessairement dans les passions d'impérieuses maîtresses. Les passions, pour le philosophe, sont des affections sensibles qui troublent l'harmonie de l'intelligence, et les relations adéquates avec la nature des choses. « Affectus « qui animi pathema dicitur, est confusa idea, qua mens « majorem, vel minorem sui corporis, vel alicujus ejus partis <«<existendi vim, quam antea, affirmat, et qua data ipsa mens <«< ad hoc potius quam ad illud cogitandum determinatur. » La vivacité de ces affections, combinée avec les influences extérieures, peut être telle qu'elle devienne insurmontable à l'homme, et le mette sous son joug. « Vis et incrementum «< cujuscumque passionis, ejusque in existendo perseverentia << definitur potentia causæ externæ cum nostra comparata, << adeoque hominis potentiam superare potest. » Il n'y aura. de remède qu'en combattant une affection vive par une plus vive encore: « Affectus coerceri nec tolli potest, nisi per « affectum contrarium, et fortiorem affectu coercendo. » Spinosa reconnaît ainsi la puissance des passions, qui sont sacrées à ses yeux, puisqu'elles sont dans la nature des choses tout en maintenant l'indélebile supériorité de l'intelligence, il s'attache dans sa théorie à les peindre, à les exalter dans leurs effets généreux; il écrit cette sublime parole: «Gloria rationi non repugnat, sed ab ea oriri potest. » Inclination naturelle du génie pour la gloire, pour cette image terrestre de l'immortalité.

Étrange athée que Spinosa, qui non-seulement célèbre les passions avec un enthousiasme sévère, mais veut les élever vers Dieu, les rallier toutes dans la contemplation de la divinité, rendre l'intelligence adéquate à Dieu, l'exalter à un amour intellectuel par lequel elle se confondra dans l'Être infini.« Mens efficere potest ut omnes corporis affectiones, « ceu rerum imagines ad Dei ideam referantur.» Voici quelque chose de plus formel. « Hic erga Deum amor men

<«< tem maxime occupare debet. » Enfin, « mentis amor in«tellectualis erga Deum est ipse Dei amor, quo Deus seipsum amat, non quatenus infinitus est, sed quatenus per <«< essentiam humanæ mentis, sub specie æternitatis conside«< ratam, explicari potest, hoc est mentis erga Deum amor <«< intellectualis pars est infiniti amoris, quo Deus seipsum <«< amat. » Ainsi, quand nous aimons Dieu, quand nous versons toutes nos affections particulières dans son sein, par notre amour Dieu s'aime lui-même; il se contemple dans sa gloire, dans une identité où s'engouffrent tous les actes et toutes les sympathies de l'homme; il se glorifie dans un égoïsme infini, immense comme la mer.

Mais quelle sera pour l'homme sa récompense quand il aura pratiqué la vertu et l'amour de Dieu? où sera son bonheur? Spinosa, se rencontrant ici avec le Portique, ne lui en accorde pas d'autre que la vertu même. « Beatitudo non <«<est virtutis præmium, sed ipsa virtus; nec eadem gaude<«mus quia libidines coercemus; sed contra quia eadem <«< gaudemus, ideo libidines coercere possumus. » Identitė du bonheur et de la vertu tellement, que l'homme n'est pas heureux parce qu'il dompte ses passions, mais qu'au contraire il ne les dompte que lorsqu'il est heureux.

Il faut encore demander compte à cet inflexible panthéisme de la destinée de l'àme. Qu'a-t-il à offrir à l'homme pour étancher cette soif d'une autre vie, que le christianisme a su tout ensemble irriter et satisfaire? Hélas! la timidité, le silence, remplacent ici la superbe et le dogmatisme du philosophe. Il nous dit bien : « Mens humana non potest cum « corpore absolute destrui, sed ejus aliquid remanet, quod « æternum est. » Mais que devient donc ce quelque chose qui reste, et qui vous embarrasse de son éternité? Une fois que le corps a disparu, le panthéisme ne sait plus rien. <<< Mens igitur nostra eatenus tantum potest dici durare ejus<< que existentia certo tempore definiri potest, quatenus <« actualem corporis existentiam involvit et eatenus tantum

« ÖncekiDevam »