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glacer d'effroi, le spectacle de la mer excita son aventureuse curiosité, et, en triomphant de cet élément, il abrégea tout ensemble l'espace et le temps. Hégel, dans son Droit naturel (1), remarque fort bien que la mer rapproche les hommes au lieu de les séparer; et il blâme Horace d'avoir dit :

Deus abscidit

Prudens Oceano dissociabili

Terras.

(CARMIN., lib. III.)

La navigation vint, après l'agriculture, réunir et civiliser les sociétés. Les Phéniciens (2), Carthage, la Hollande et l'Angleterre ont surtout rempli cette mission dans l'association des peuples. Mais ces relations pacifiques en appellent une autre bien différente la guerre. L'homme aime et recherche son semblable à la condition de pouvoir le haïr. Cette loi des individus régit les peuples.

Je ne veux pas, en légiste scolastique, prouver : 1' que la guerre est juste; 2o qu'elle est utile; 3° par voie de conséquence, qu'elle est nécessaire. Il faut prendre la chose et de plus haut et plus simplement. La guerre est dans la nature des choses. De même qu'elle est dans le monde physique qui ne vit que par l'opposition, de même elle est dans l'histoire qui ne se développe que par la lutte. Un éloquent écrivain s'est chargé de prouver en quelques pages l'éternelle présence de la guerre ; laissons-le parler :

« L'histoire prouve malheureusement que la guerre est « l'état habituel du genre humain dans un certain sens : « c'est-à-dire que le sang humain doit couler sans interrup<«<tion sur le globe, ici ou là, et que la paix, pour chaque << nation, n'est qu'un répit.

(1) Page 254.

(2) Voyez, sur ce peuple, Heeren: De la politique et du commerce de l'antiquité. C'est une des parties les meilleures de son livre.

« Le siècle qui finit commença, pour la France, par une « guerre cruelle qui ne fut terminée qu'en 1714 par le traité de << Rastadt. En 1719, la France déclara la guerre à l'Espagne. « Le traité de Paris y mit fin en 1727. L'élection du roi de « Pologne ralluma la guerre en 1733; la paix se fit en 1736. « Quatre ans après, la guerre terrible de la succession autri<«< chienne s'alluma et dura sans interruption jusqu'en 1748. <«< Huit années de paix commençaient à cicatriser les plaies « de huit années de guerre, lorsque l'ambition de l'Angle<«terre força la France à prendre les armes. La guerre de << sept ans n'est que trop connue. Après quinze ans de repos, « la révolution d'Amérique entraîna de nouveau la France « dans une guerre dont toute la sagesse humaine ne pouvait « prévoir les conséquences. On signe la paix en 1782; sept « ans après la révolution commence; elle dure encore, et « peut-être que dans ce moment elle a coûté trois millions « d'hommes à la France.

<< Marius extermine dans une bataille deux cent mille «Cimbres et Teutons. Mithridate fait égorger quatre-vingt <«< mille Romains; Sylla lui tue quatre-vingt-dix mille hom« mes dans un combat livré en Béotie, où il en perd lui« même dix mille. Bientôt on voit les guerres civiles et les « proscriptions. César, à lui seul, fait mourir un million « d'hommes sur le champ de bataille (avant lui Alexandre « avait eu ce funeste honneur); Auguste ferme un instant le temple de Janus, mais il l'ouvre pour des siècles en éta<< blissant un empire électif. Quelques bons princes laissent respirer l'État, mais la guerre ne cesse jamais; et, sous

«« l'empire du bon Titus, six cent mille hommes périssent au « siége de Jérusalem. La destruction des hommes opérée « par les armes des Romains est vraiment effrayante. Le « Bas-Empire ne présente qu'une suite de massacres. A «< commencer par Constantin, quelles guerres et quelles ba<< tailles ! Licinius perd vingt mille hommes à Cibalis, trente<< quatre mille à Andrinople et cent mille à Chrysopolis. Les « nations du nord commencent à s'ébranler. Les Francs, les «Goths, les Huns, les Lombards, les Alains, les Vanda« les, etc., attaquent l'empire et le déchirent successive«ment. Attila met l'Europe à feu et à sang. Les Français << lui tuent plus de deux cent mille hommes près de Chalons, « et les Goths, l'année suivante, lui font subir une perte << encore plus considérable. En moins d'un siècle Rome est «prise et saccagée trois fois; et, dans une sédition qui s'éa lève à Constantinople, quarante mille personnes sont égor«gées. Les Goths s'emparent de Milan et y tuent trois cent << mille habitants. Totila fait massacrer tous les habitants de « Tivoli et quatre-vingt-dix mille hommes au sac de Rome. « Mahomet paraît; le glaive et l'Alcoran parcourent les deux « tiers du globe. Les Sarrasins courent de l'Euphrate au Gua« dalquivir. Ils détruisent de fond en comble l'immense ville «de Syracuse; ils perdent trente mille hommes près de Cons<< tantinople dans un seul combat naval, et Pélage leur en « tue vingt mille dans une bataille de terre. Ces pertes n'é« taient rien pour les Sarrasins; mais le torrent rencontre le «< génie des Francs dans les plaines de Tours, où le fils du « premier Pépin, au milieu de trois cent mille cadavres, at<< tache à son nom l'épithète terrible qui le distingue en<«< core. L'islamisme, porté en Espagne, y trouve un rival in« domptable. Jamais peut-être on ne vit plus de gloire, plus « de grandeur, plus de carnage. La lutte des chrétiens et « des Maures en Espagne est un combat de huit cents ans. « Plusieurs expéditions et même plusieurs batailles y coûtent « vingt, trente, quarante et jusqu'à quatre-vingt mille vies.

<< Charlemagne monte sur le trône et combat pendant un « demi-siècle. Chaque année il décrète sur quelle partie de « l'Europe il doit envoyer la mort. Présent partout et par« tout vainqueur, il écrase des nations de fer, comme César « écrasait les hommes-femmes de l'Asie. Les Normands com<< mencent cette longue suite de ravages et de cruautés qui <«< nous font encore frémir. L'immense héritage de Charle«magne est déchiré; l'ambition le couvre de sang, et le nom « des Francs disparaît à la bataille de Fontenay. L'Italie « entière est saccagée par les Sarrasins, tandis que les Nor<«mands, les Danois et les Hongrois ravageaient la France, <«< la Hollande, l'Angleterre, l'Allemagne et la Grèce. Les «nations barbares s'établissent enfin et s'apprivoisent. Cette « veine ne donne plus de sang; une autre s'ouvre à l'in<«<stant les Croisades commencent. L'Europe entière se << précipite sur l'Asie; on ne compte plus que par myriades « le nombre des victimes. Gengis-Kan et ses fils subjuguent <«<et ravagent le monde depuis la Chine jusqu'à la Bohême. «Les Français, qui s'étaient croisés contre les Musulmans, <«< se croisent contre les hérétiques guerre cruelle des ( Albigeois. Bataille de Bouvines, où trente mille hommes « perdent la vie. Cinq ans après, quatre-vingt mille Şarra«sins périssent au siége de Damiette. Les Guelfes et les <«< Gibelins commencent cette lutte qui devait si longtemps «ensanglanter l'Italie. Le flambeau des guerres civiles s'al«<lume en Angleterre. Vêpres siciliennes. Sous les règnes « d'Édouard et de Philippe de Valois, la France et l'Angle<«<terre se heurtent plus violemment que jamais et créent une « nouvelle ère de carnage. Massacre des Juifs. Bataille de « Poitiers. Bataille de Nicopolis. Le vainqueur tombe sous <«<les coups de Tamerlan, qui répète Gengis-Kan. Le duc de << Bourgogne fait assassiner le duc d'Orléans et commence «la sanglante rivalité des deux familles. Bataille d'Azin« court. Les Hussites mettent à feu et à sang une grande « partie de l'Allemagne. Mahomet II règne et combat trente

<< ans. L'Angleterre, repoussée dans ses limites, se déchire « de ses propres mains. Les maisons d'York et de Lancastre « la baignent dans le sang. L'héritière de Bourgogne porte «ses États dans la maison d'Autriche; et, dans ce contrat << de mariage, il est écrit que les hommes s'égorgeront pen«dant trois siècles, de la Baltique à la Méditerranée. Dé« couverte du Nouveau-Monde : c'est l'arrêt de mort de trois << millions d'Indiens. Charles V et François Ier paraissent sur « le théâtre du monde; chaque page de leur histoire est « rouge de sang humain. Règne de Soliman: bataille de << Mohatz, siége de Vienne, siége de Malte, etc. Mais c'est de « l'ombre d'un cloître que sort l'un des plus grands fléaux <«< du genre humain. Luther paraît; Calvin le suit : guerre « des Paysans, guerre de Trente ans, guerre civile de « France, massacre des Pays-Bas, massacre d'Irlande, mas« sacre des Cévennes, journée de la Saint-Barthélemy ; «< meurtre de Henri III, de Henri IV, de Marie Stuart et de «Charles Ier: et, de nos jours enfin, la révolution française, << qui part de la même source (1). »

Quel tableau ! Avec quel injurieux accent de triomphe, avec quelle exagération amère, De Maistre entasse les batailles, les ruines et les cadavres des peuples! Mais toujours il est clair que la guerre est dans l'histoire. Sachons tirer de ce tableau des conséquences moins tristes et plus vraies.

Dans les premiers jours de la Grèce, un homme venu d'un autre rivage enlève une femme, la ravit et disparaît: de là la guerre de Troie, la première entrevue de l'Europe et de l'Asie. Quelle en fut la cause historique? la violation du droit des gens.

Jamais vaisseaux partis des rives du Scamandre,
Aux champs Thessaliens osèrent-ils descendre?

(1) Chap. : Considérations sur la France.

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