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et fait éclater toutes ses forces, après la victoire il s'arrète ; il apaise sa foudre, et il fut le plus clément des vainqueurs parce qu'il en fut le plus intelligent.

Mais vis-à-vis de l'Angleterre cette clarté si vive du jugement l'abandonna; et, dans la gigantesque pensée du blocus continental, il rêva de la rayer du nombre des nations. Démence du génie ! impiété sociale! Il fallait combattre l'Angleterre; mais la supprimer, elle, la patrie de Newton, de Bacon et de Fox, un des flambeaux du monde, sans laquelle l'Europe ne serait pas complète! Les peuples ne s'effacent plus du livre de la vie, et Napoléon a succombé pour avoir joué l'orgueil d'un homme contre la vie d'une nation.

Dans le dix-huitième siècle on déclama beaucoup contre la guerre; on trouvait commode, au milieu de ces mœurs si molles, de cette existence de boudoir et de soupers, si délicate et si légère, d'écrire la théorie de la paix universelle. Kant en Allemagne condamnait aussi la guerre; il déclarait mème qu'en droit rationnel il ne devait pas y avoir de guerre, et il terminait son Droit naturel par le vœu d'une paix perpétuelle quelques années avant Pilnitz, la Convention et Napoléon.

Kant se trompait; la guerre est le droit de l'homme et de l'humanité; par elle l'homme se défend; par elle l'humanité marche. Un jour, pendant que Mirabeau, quelques semaines avant sa mort, présidait la Constituante avec une parfaite dignité, le 10 février 1791, des quakers vinrent à la barre de l'assemblée demander à vivre sous la protection de la légalité française, déclarant seulement qu'ils ne voulaient ni prêter serment ni faire la guerre. Cette secte honorable et pure reçut une réponse digne du bon sens national de la bouche de Mirabeau, qui termina par ces paroles au milieu des applaudissements: « L'assemblée discutera toutes « vos demandes dans sa sagesse et si jamais je rencontre « un quaker, je lui dirai: Mon frère, si tu as le droit d'être « libre, tu as le droit d'empêcher qu'on ne te fasse esclave ;

<<< puisque tu aimes ton semblable, ne le laisse pas égorger « par la tyrannie, ce serait le tuer toi-même. Tu veux la « paix? eh bien! c'est la faiblesse qui appelle la guerre: « une résistance générale serait la paix universelle. >>

La guerre est donc naturelle et sociale. Quand elle est justement agressive, elle développe la civilisation du monde : voilà son côté positif, indestructible; elle a sa racine dans la nature humaine qui, libre, a le droit de combattre pour rester libre; qui, intelligente, a le droit de convertir et de conquérir ce qui lui est inférieur: elle est la persuasion à main armée. Le christianisme n'a pas supprimé la guerre; il l'a perfectionnée, et l'a faite humaine. Sous sa loi la nationalité des peuples ne peut plus s'abolir. N'oublions pas qu'au moyen âge le christianisme, par l'organe de la papauté qui représentait l'unité morale de l'Europe, s'interposait entre les vainqueurs et les vaincus, entre les puissants et les faibles. Dans la souveraineté de son arbitrage, la papauté réglait les différends des nations et des princes. Elle ne permettait pas à la victoire de s'emporter aux cruautés qui déshonorèrent la civilisation païenne où nous voyons les villes les plus opulentes couchées impitoyablement sur le sol, les populations réduites en esclavage, ou passées au fil du glaive.

Que chaque nation chrétienne veuille être individuelle, et que toutes cependant se reconnaissent solidaires les unes des autres, voilà qui est dans la conscience de l'Europe; sentiment profond et humain qui se révèle à travers les complications de la diplomatie.

Non canimus surdis; respondent omnia sylvæ.

L'Europe a des échos pour les cris de tous les peuples. Pas un mouvement n'est indifférent ni pour chacun, ni pour tous: le contre-coup est universel. Aussi plus de guerres de conquête, égoïstes et folles; mais des guerres d'expérience d'idées, d'assiette sociale. Qui aurait le génie des conquêtes

après Napoléon? qui voudrait essayer de le contrefaire? Les guerres ne peuvent être maintenant que des guerres inévitables, et partant salutaires.

Dans l'histoire des législations le droit international occupe donc une grande place. Pour l'avenir un nouveau droit des gens s'élabore, supérieur encore à celui de Grotius, de Montesquieu et de Napoléon, tout-à-fait social et cosmopolite, d'où sortiront l'indépendance de chaque peuple et la solidarité du monde.

CHAPITRE III.

DE LA FAMILLE.

DU MARIAGE.

-

DU DIVORCE. DE L'ÉDUCATION.

Il est quelque chose pour l'homme qui lui sert à la fois de berceau et d'asile, où il naît, s'élève et se développe, où il puise consolations et forces contre les tempêtes qui l'attendent au dehors, qui est son sanctuaire et l'inviolable confident de ses joies et de ses douleurs; je veux parler de la famille.

Or, la famille et l'État vivent ensemble dans de perpétuels rapports. Dès le début de l'histoire et de la législation, on saisit l'État imprimant à la famille ses influences, ses règles et ses lois, de telle façon que la famille, dans la sphère qui lui est propre, représente la constitution politique de la société au sein de laquelle elle est enfermée. L'Inde, la Chine, la Judée, nous livrent ce reflet si fidèle à des degrés différents avec ces diversités qui font l'intérêt de l'histoire. Si en Grèce la famille est plus libre, c'est en raison même de la liberté plus grande de l'État. Ainsi Solon, qui a si ingénieusement travaillé aux lois athéniennes, à cette législation facile, capricieuse et riante, destinée à naître et à se développer entre les poètes, les philosophes, les sophistes et les rhéteurs, fait descendre la démocratie de l'État à la famille. Rome commence par la plus complète sujétion de la famille

à l'État; mais peu à peu son droit civil se distingue du droit politique, et finit sous les empereurs par s'en séparer tout à fait. Le christianisme achève l'émancipation de la famille et lui assure d'autres destinées.

Quand, vivant sur la place publique d'Athènes ou de Rome, le citoyen ne retournait dans sa maison que pour y prendre un repos nécessaire, quand la vie tout extérieure se passait entièrement sous le soleil du midi, en réunions politiques, en exercices communs d'esprit et de corps, qu'importait la famille? Mais dès les premiers temps modernes, si graves et si sombres, où l'existence de chacun, assiégée par mille hasards, était comme une conquête de tous les jours; dans le passage de la barbarie à la féodalité, de la féodalité aux temps véritablement modernes; la vie de la famille devint, au fond des châteaux forts, sous la protection des hommes d'armes et des tourelles, un asile nécessaire, indépendant, où les sentiments les plus chers à l'humanité, l'amour, la religion, firent à l'homme une destinée inconnue aux temps antiques. Alors changèrent les rapports de la famille et de l'État. La famille avait conquis son indépendance; mais toutefois les idées politiques continuèrent de faire invasion à son foyer. Les successions nobiliaires, le droit d'aînesse, les substitutions attestent le triomphe de l'aristocratie. La réaction ne se fait pas attendre; le protestantisme introduit le divorce dans le mariage; et la révolution française règle la famille sur la liberté politique.

Les rapports de la famille et de l'État sont indestructibles, car ils ressortent de la nature des choses; mais le progrès accompli consiste dans l'indépendance de la famille. qui est devenue, au milieu des révolutions de la liberté politique, comme un royaume à part où l'homme se repose des tourmentes sociales, jouit avec sécurité des plus nobles affections du cœur, peut sauver son bonheur domestique des naufrages de sa fortune publique. La constitution de la famille ne se règle donc plus sur les principes de l'État, pas

plus que l'État sur les formes essentielles de la famille. Vouloir importer la paternité domestique dans la constitution politique, vouloir en induire la nécessité philosophique de la monarchie chez tous les peuples, ne pas reconnaître dans la famille et l'État deux ordres de choses distincts que le progrès de l'histoire a séparés, c'est vouloir ramener l'homme à son berceau.

Quel est le fondement de la famille? quelle en est la source sacrée? le mariage. Ici se révèle la supériorité de la race humaine sur tout ce qui respire. Si une attraction puissante entraîne les uns vers les autres tous les êtres animés; si tout ce qui est doué de la vie tend à s'unir, se désire et se cherche pour s'aimer et se compléter, les êtres dont l'intelligence et la liberté élèvent et purifient les passions, ne portent-ils pas dans cette union, qui leur est commune avec tout ce qui respire, la supériorité de leur nature? Le mariage humain est au-dessus 'du mariage naturel de toute l'excellence de l'homme sur l'animal: association de personnes sensibles, intelligentes et volontaires, il met en commun ce que l'homme a de plus sacré, de plus intime et de plus doux. J'en trouve dans la loi romaine une définition admirable que le christianisme n'a pas surpassée: «Nuptiæ sunt conjunctio

maris et fœminæ, consortium omnis vitæ, divini et humani «juris communicatio (1). » Conjunctio maris et fæminæ: voilà l'acte physique et universel; consortium omnis vitæ : c'est la mise en commun de toute la vie, de toute la destinée; divini ac humani juris communicatio: voilà la participation pour les époux et les enfants de tout ce que le droit divin et humain, de tout ce que la religion et la sociabilité ont de sacré, de pieux et d'indélébile.

Il importe de constater comment le droit romain est arrivé à prononcer sur le mariage une sentence si juste et si haute. Les patriciens qui avaient fondé la cité, pères de la sociabilitė

(1) Modestinus, ff. De ritu nuptiarum. f. 2. 1.

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