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croyances religieuses, et tend à en rétablir l'empire. La religion et la politique remplissent donc les deux siècles, mais dans une mesure qui n'est pas la même, et dans des rapports divers.

La révolution française a été pour le dix-neuvième siècle ce que fut pour le seizième la réforme. Elle a eu ses phases, ses sectes, ses hérésies. La rapidité de ses transformations a été sensible dès les premiers moments. Suivant le vœu de la France envoyant ses mandataires à Versailles, ceux-ci devaient travailler à une régénération paisible de la monarchie, et cet essai de réforme politique devient sur-le-champ une révolution sociale. Le pouvoir est déplacé violemment; du roi, il passe au peuple, et, comme il est de l'essence de la démocratie d'aller toucher le pôle, tant qu'aucun obstacle ne l'arrête (1), il advint qu'au nom des droits de l'homme et de l'avenir de l'humanité, la société se trouva précipitée dans la barbarie.

C'était un accident nouveau, inouï, qui ne ressemblait à rien des troubles et des malheurs connus dans l'histoire; et, cependant, nous étions destinés, au milieu de notre siècle, à quelque chose de plus extraordinaire. Un matin, la France se réveilla sans constitution, sans lois, et elle apprit que tout pour elle était à recommencer. Notre société, si fière de son antique et brillante civilisation, dut se remettre, en 1848, aux rudiments de l'ordre social. Le sophisme et l'anarchie travaillaient au chaos. Il fallut, contre leurs efforts, défendre et reconquérir les principes élémentaires de l'humanité la famille, la propriété, la justice et le droit.

(1) Mallet du Pan.

Mais, d'un autre côté, cette répétition imprévue, ce pléonasme inepte des folles aberrations de 93, remirent en cause la révolution elle-même. On procéda à un examen nouveau de ses actes et de ses théories. Déjà beaucoup d'erreurs ont été dissipées, et nombre de faux jugements infirmés. Au milieu même de ses triomphes, la révolution a été atteinte par la sévérité de l'histoire contemporaine.

Pour produire tous ses fruits, cette révision doit embrasser non-seulement les événements et les faits politiques, mais encore les idées qui souvent les ont préparés. L'œuvre est opportune, et, jusqu'à un certain point, facile, puisque de toute part les signes irrécusables de l'expérience et de la réalité nous environnent. On ne saurait, nous en sommes convaincu, rien faire en ce moment de plus utile que de porter sur les questions les plus importantes de sincères investigations, avec le dessein de ne laisser passer aucune théorie, aucune doctrine, de quelque crédit qu'elle semble jouir, sans en vérifier de nouveau les fondements et les titres.

Aussi, lorsqu'il nous a été demandé de publier une troisième édition de la Philosophie du droit, nous n'en avons pas été détourné par la crainte d'avouer que, sur certains points, nous avions modifié nos opinions et redressé nos jugements. Nous aurions d'étranges inquiétudes sur nous-mêmes, si nous n'avions pas profité des années pour mieux voir et pour mieux penser.

Je n'ai rien changé à la Philosophie du droit, ni pour les principes ni pour le ton. Ce livre a été composé, après de consciencieuses études, sous l'inspiration des sentiments vifs et purs dont la révolution de 1830 avait,

à son début, rempli les âmes. De plus, il a été écrit après avoir été parlé, et l'on y trouvera plus d'une fois les traces de l'improvisation.

Nous avions assez médité le fond des choses pour pouvoir maintenir les théories fondamentales de l'ouvrage, et il s'est trouvé qu'en vertu des principes sur lesquels il repose, nous avons réfuté les doctrines et les hérésies politiques qui depuis 1848 ont tant agité les esprits. Ç'a été l'objet de quelques chapitres nou

veaux.

Dans le cours du livre, j'ai aussi ajouté quelques développements nécessaires, dont on reconnaîtra facilement la date. Entin, sans les prodiguer, j'ai consacré des notes à des éclaircissements utiles, ou à la correction plus utile encore de quelques propositions dont une réflexion plus mûre m'avait démontré l'inexactitude.

La science politique n'a rien perdu de son importance les questions à résoudre n'ont pas disparu comme par enchantement. Notre époque est toujours partagée entre les traditions monarchiques et les idées démocratiques, entre les croyances chrétiennes et le rationalisme. L'Europe présente toujours le spectacle d'un combat entre les forces révolutionnaires et les forces conservatrices, et c'est toujours de ce conflit que doit sortir une lente transformation du monde. Plusieurs générations passeront avant que de grands résultats soient nettement dessinés.

Il faut au moins que l'esprit tâche d'en pressentir les conditions premières. Pour lui c'est un devoir, et nous dirions volontiers, le plus élevé des plaisirs. Si, dans l'étude du monde physique, la science est parvenue à

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PRÉFACE DE LA TROISIÈME EDITION.

promulguer les lois éternelles de l'univers, si elle est remontée, non par la foi, mais par le calcul, à une cause primitive commune, il appartient à la pensée qui se livre à l'observation du monde moral, de ses lois, de ses rapports, de s'élever à une foi rationnelle dans les desseins et dans la marche de la Providence. Par la méditation profonde des faits et des causes, la pensée se transforme, pour ainsi dire, dans un sentiment énergique qui double les forces de la vie.

Paris, 21 novembre 1852.

PRÉFACE

DE LA PREMIÈRE ÉDITION.

Qu'est-ce que la pensée, si ce n'est la liberté même ? Qu'est-ce que la spéculation, si ce n'est la raison de nos actes? Quand même les actions de l'homme paraissent les plus soudaines et les plus promptes, la pensée ne les précède-t-elle pas comme l'éclair avant la foudre?

Ce n'est donc pas une stérile manie que de s'attacher à la poursuite de quelque chose qui n'est ni du pain, ni de l'or. Ceux qui seraient enclins à dédaigner les théories et les idées, pourront être ramenés au respect si on leur montre le signe irrécusable de la puissance de ces idées et de ces théories, je veux dire les révolutions.

La philosophie n'est donc pas destinée à mourir sous les petits traits d'un petit scepticisme; elle ne sera pas non plus étouffée sous les soucis du bien-être matériel: elle me paraît, au contraire, devoir bientôt accroître ses forces et son influence.

Je ne veux parler ici de notre dernière révolution que pour considérer le champ nouveau qu'elle a ouvert à la philosophie. Et d'abord, comment une catastrophe décrétée par Dieu, opérée par le peuple et la jeunesse, c'est-à-dire où se réunissent comme causes efficientes la raison des choses, la force et l'ave. nir des sociétés, ne serait-elle pas à la fois un effet d'idées antérieures et une cause d'idées nouvelles? Là réside un esprit invincible. Les révolutions, vraiment dignes de ce nom, sont les inspirations des peuples, tandis que les conspirations ne sont que les fantaisies audacieuses de quelques hommes.

Quand le sol a tremblé sous un de ces coups terribles, c'est un devoir pour la philosophie de se remettre au travail, même au bruit des derniers retentissements qui meurent en grondant.

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