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CHAPITRE VIII.

La Cène eucharistique; le Lavement des pieds; l'Agonie au Jardin des Olives.

La résurrection de Lazare a porté au dernier paroxisme la fureur de la Synagogue. Les princes des prêtres et les Pharisiens s'assemblent. Ils disent: Que ferons-nous? Cet homme, en vérité, fait beaucoup de miracles. Si nous le laissons agir de la sorte, tout le monde va marcher à sa suite et croire en lui. Là dessus le grand-prêtre Caïphe s'écrie: Vous n'y entendez rien. Vous ne savez pas réfléchir qu'un seul homme doit mourir pour le peuple et qu'il ne faut pas qu'une nation périsse à son occasion. Caïphe ne savait pas qu'en ce moment il était prophète. Ses paroles avaient une portée tout autre que celle qu'il leur donnait.

Les grandes scènes de la Passion et de la mort du Sauveur s'ouvrent donc en ce moment. Nous avons donc à nous recueillir pour en décrire, sous l'aspect de l'art, les plus importantes péripéties.

Nous abordons le premier sujet de cette période. C'est l'institution de l'Eucharistie. Le nom de Cène est très-habituellement donné à cet acte ineffable. Nous croyons qu'il est utile de signaler l'inexactitude de ce terme. En effet, Jésus-Christ n'institua pas ce grand sacrement pendant sa dernière Cène ou son dernier souper. Les textes évangéliques sont formels: Cœnâ factâ, après la Cène, Jésus changea en sa substance le pain et le vin. Le cardinal Lambertini (Benoît XIV) que nous nous plaisons à citer souvent, distingue, d'après les plus doctes commentateurs, trois phases distinctes de cette mémorable circonstance de la vie du Sauveur."

Jésus célébra d'abord la cène légale qui consistait à manger l'agneau pascal.

Ensuite eut lieu la seconde cène ordinaire où les con

vives mangeaient quelques autres mets, complément du repas légal.

Après cette double cène, Jésus prit le pain et le vin qu'il transsubstantia en sa propre chair et qu'il présenta à ses apôtres pour s'en nourrir.

Le Sauveur et les apôtres étaient-ils assis, selon la coutume européenne, autour d'une table? Non. Le texte de S. Matthieu nous apprend que le Sauveur était couché, selon l'usage oriental, discumbebat. C'est ce qui explique comment le disciple bien-aimé reposa sa tête sur la poitrine de son divin maître. Rien n'est moins gracieux que l'attitude de S. Jean assis laissant tomber sa tête sur le Sauveur représenté d'une manière analogue. C'est là pourtant ce que reproduisent tous les tableaux de Cène, surtout dans nos temps modernes. Il est vrai que Raphaël et Léonard de Vinci ont adopté ce système, mais aussi aucun d'eux n'a figuré l'apôtre reposant sur la poitrine de Jésus. Ils ont senti la difficulté et l'ont éludée.

Certains artistes ont poussé la ficence jusqu'à placer devant chaque apôtre une coupe, comme s'il était permis d'ignorer qu'en Orient, encore aujourd'hui, et même en certaines contrées de l'Europe, il n'y a sur la table qu'une seule coupe pour tous les convives. Personne n'ignore que telle était la coutume des anciens romains. Le Sauveur donc après avoir rompu le pain le distribua à ses apôtres et puis leur présenta le calice unique, afin que chacun participât à la communion du précieux sang. L'art ne peut point exprimer sur une seule toile les actes de ce sujet multiple. Le peintre peut donc choisir ou l'instant de la consécration du pain ou du vin, ou celui de la distribution du pain, ou celui enfin de la porrection du calice.

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Ce grand et magnifique sujet a été fort souvent traité avec plus ou moins de succès, dans chacune des phases énoncées. Le moment le plus solennel est celui où le Sauveur, au milieu de ses apôtres, prend le pain et le bénit. Le calice unique de la Cène est devant lui, car il est le roi de l'auguste festin. La physionomie des apôtres est animée de sentiments divers, et celle de Judas le traître,

qui va, malgré la conscience de sa criminelle délation, participer au banquet de l'amour divin, doit être frappée du cachet de son indignité. Sera-t-il besoin de faire observer que S. Paul n'appartenait point encore, à cette époque, au collége apostolique, pas plus que S. Mathias et S. Barnabé? Cette remarque serait superflue et même humiliante, s'il n'existait pas quelques peintures de Cène eucharistique où l'apôtre S. Paul est figuré, tenant en main son glaive symbolique. Que penser de l'érudition historico-évangélique de pareils artistes chrétiens? Mais d'autres anomalies non moins blåmables méritent d'être stigmatisées.

Pourquoi un agneau sur la table de la Cène de l'institution eucharistique? Est-il permis d'ignorer que, selon la loi de Moïse, l'agneau pascal devait être mangé debout? Si l'on voulait retracer la Cène de l'agneau pascal, il fallait donc ne pas faire asseoir les convives, mais les figurer dans l'attitude indiquée, tenant à la main des bâtons, afin qu'ils ressemblassent entièrement à des voyageurs. Ceci, comme on l'a vu, est la première cène, et ce fut à la fin de la seconde que Jésus institua l'Eucharistie. Or, en celle-ci, il n'était plus question de l'agneau pascal. Avouons avec confusion que bien des artistes ne se sont point rendu compte de la différence radicale qui existe entre la Cène de la loi de Moïse et celle de l'institution. Dans l'admirable hymne Sacris solemniis, S. Thomas-d'Aquin exprime parfaitement ce qui vient d'être dit :

Post agnum typicum,
Expletis epulis,

Corpus Dominicum

Datum discipulis...

Après avoir mangé l'agneau figuratif et terminé le repas, » le Seigneur donna son corps à ses disciples.

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On ne sera pas fâché de voir ici consignée une citation du docteur Misson tirée de son livre qui a pour titre : Voyages en Italie et qu'il est besoin de lire avec circonspection. Mais ce qu'il dit en ce moment porte le cachet de la vérité : Cet auteur a vu à Worms, en Allemagne, un curieux tableau. Laissons parler le narrateur : « Ce tableau a environ

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cinq pieds en carré. Dieu le Père est au haut, dans un coin, d'où il semble parler à la vierge Marie qui est à » genoux au pied du tableau. Elle tient par les pieds l'en» fant Jésus et le met, la tête la première, dans la trémie » d'un moulin. Les douze apôtres font tourner le moulin, » à force de bras, avec une manivelle, et ils sont aidés par » ces quatre animaux d'Ezéchiel qui travaillent d'un autre » côté. Le pape est à genoux et il reçoit des hosties qui >> tombent toutes faites dans une coupe d'or. Il en présente » une à un cardinal, le cardinal la donne à un évêque, l'évêque à un prêtre, le prêtre au peuple.

»

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Cette peinture exprime d'une manière singulièrement énergique le mystère de la sainte Eucharistie. Mais il existe des tableaux anciens qui réalisent le symbole du pressoir dont parle le prophète : Torcular calcavi solus. Une prose du moyen-âge, dans l'ancien missel Romano-Parisien contient les strophes suivantes :

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Jam calcato torçulari

Musto gaudent debriari
Gentium primitiœ.

Saccus scissus et pertusus

In regales transit usus......

Après que le raisin a été foulé dans le pressoir, les pré>> mices des nations s'énivrent de la liqueur qui en découle. » La toile qui contenait le raisin se déchire et le vin passe » sur la table des rois. » Ce symbolisme aussi énergiquement expressif que celui de la trémie n'a pas besoin de commentaire. L'artiste qui peindrait ce dernier figurerait le sacrement sous l'espèce du vin, comme le tableau de Worms le figure sous l'espèce du pain. Les populations si croyantes du moyen-âge comprenaient parfaitement cette prédication si pittoresque de l'art chrétien. Est-il permis de penser qu'il en serait de même de nos jours?

Avec la Cène eucharistique se lie historiquement l'admi rable exemple d'humilité que le Sauveur donna à ses apôtres et que S. Jean raconte dans son évangile. C'est le lavement des pieds. Etudions ce sujet dans le texte. Jésus y est-il dit, se ceignit d'un linge et lava les pieds de ses apôtres. Pierre veut se défendre de cet insigne honneur,

mais Jésus insiste, en le menaçant de ne pas lui donner une portion avec lui, non habebis partem mecum. C'est l'instant qu'à choisi le peintre Muzziano ou Jérome Mutian. Le disciple confondu d'un si profond abaissement obéit à son maître, non sans faire éclater sur sa figure un sentiment d'admiration. Jésus est à genoux mettant les mains dans le bassin, pour remplir cet office. Les apôtres et les autres spectateurs se livrent à des mouvements divers qui font de cette grande page un tout harmonieux où le sentiment chrétien prédomine. Ce tableau exécuté à la détrempe, puis copié à l'huile par Vanloo, appartient à la cathédrale de Reims où nous l'avons vu.

Le Sauveur accompagné de ses apôtres traverse le torrent de Cédron et va au jardin des Olives. Là, pendant que ses disciples sont plongés dans le sommeil, Jésus, prosterné la face contre terre, tombe dans un abattement mortel. Mais, dit S. Luc, un ange lui apparut pour le fortifier. Cet ange tenait-il en main le calice d'amertume que Jésus priait son père d'éloigner de lui? Aucun évangéliste ne l'a dit. Le calice n'est mentionné que dans la prière du Sauveur: « Mon père, que ce calice s'éloigne de moi, si cela » est possible. Il est infiniment préférable de suivre l'exemple des peintres qui, selon Paquot, placent le calice dans une auréole, au dessus de la tête du Sauveur. L'ange qui fait l'office de consolateur ne peut, sans une sorte de contre-sens, offrir ce calice aux yeux de l'Homme-Dieu.

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Quelquefois on représente des anges qui montrent au Sauveur les épines, les clous, la croix pour mieux exprimer le sujet de l'agonie mortelle dans laquelle il est plongé. Paquot nous apprend qu'il a lu, au bas d'un tableau d'agonie au jardin des Olives, deux vers latins qui retracent ce spectacle de douleur :

Hic clavos, alius spinas, hic pocula lethi

Porrigit. Heu, rerum sic vitam occumbere morti! » Un ange présente les clous, un autre les épines, celui-ci » la coupe fatale. Hélas! faut-il qu'ainsi soit livré à la » mort celui qui donne la vie à toute la nature! On voit que, dans ce tableau, ce n'est plus un ange consolateur,

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