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CHAPITRE XVIII.

La Résurrection des corps et Fin des développements sur le jugement général.

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« Ceux qui maintenant dorment dans la poussière s'éveil>> leront, les uns pour la vie éternelle et les autres pour l'opprobre qui n'aura point de fin. » C'est ainsi que l'Esprit-Saint s'exprime par la bouche du grand apôtre. L'artiste doit d'abord se bien pénétrer de ces paroles inspirées et puis encore de ce passage de Dom Calmet : « Jésus>> Christ dans son Evangile nous dit que les corps des bien>> heureux seront comme les anges de Dieu, et S. Paul » nous assure que nos corps seront immortels et incorrup»tibles. Les Pères nous enseignent que les corps ressusci»tés seront revêtus de gloire, transparents, légers, lumi» neux. C'est à peu près ce qu'on peut dire de certain » sur cela et à quoi l'on peut s'en tenir. » A ces paroles de Dom Calmet Paquot joint quelques réflexions : « Il faut ‣ recommander aux peintres d'embrasser l'opinion la plus probable, selon laquelle les justes ressuscitant pour la vie » bienheureuse doivent être représentés comme exempts de » tous les défauts du corps.... Il convient qu'ils distinguent » les sexes, mais en tenant compte de toutes les réserves » qu'impose la pudeur. »

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Il nous semble utile de joindre à ces courtes notions quelques développements qui sont le résultat d'une étude réfléchie sur cette question ardue. Il est de foi que les corps ressusciteront, au dernier jour, mais, comme il a été dit, ces corps ne seront plus une chair matérielle et grossière. Cette enveloppe première des âmes, s'il est permis d'employer ce terme, rentre par la mort dans la terre dont elle a été tirée ; Revertitur pulvis in terram suam undè erat. Le corps animal est comme anéanti, tel que le grain duquel surgit une plante. Le corps qui ressuscite est un corps spirituel :

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Seminatur corpus animale, surget corpus spiritale. Ce sont les propres paroles de l'apôtre. D'autre part, nous lisons qu'à la résurrection il n'y aura plus distinction des sexes. Voici les paroles de S. Matthieu : « A la résurrection, on ne se mariera ni on ne sera livré au mariage, » mais on sera semblable aux anges, dans les cieux. » Ces textes sont d'une précision parfaite. L'artiste qui les médi tera ne couvrira point sa toile d'une multitude de corps matériels, appartenant à des âges divers, à des sexes différents tels qu'on les voit dans les tableaux même des plus grands maîtres. On ne comprend pas toutefois qu'un corps immatériel soit chose facile à reproduire par le pinceau. Ces deux termes accolés l'un à l'autre paraissent n'avoir aucun sens et s'exclure mutuellement. C'est pourtant l'Esprit-Saint lui-même qui met une différence entre le corps. animal et le corps spirituel. Aucune philosophie humaine n'a jamais articulé une distinction de ce genre. L'intelligence mortelle quoique bornée entrevoit cependant cette ligne de démarcation établie par l'Esprit-Saint, dans le texte de S. Paul, mais les paroles manquent pour exprimer cette différence. Le crayon sera-t-il plus heureux pour la tracer? C'est ce que nous allons examiner.

Si un corps spirituel est un être formé de ce qu'il y a de plus subtil dans la matière, pourquoi l'art ne trouverait-il point le secret de le peindre par des linéaments délicats et en quelque sorte aériens? Sans doute l'artiste n'arrivera jamais à dessiner un corps spirituel tel qu'il est en réalité, ne traduira jamais, d'une manière complètement, intimement exacte la spiritualité d'un corps, cette spiritualité énoncée dans le texte sacré. Mais s'il ne peut, rigoureusement parlant, peindre cette forme impalpable, impassible, transparente, il nous semble qu'il lui sera facile de s'affranchir de la nécessité de dessiner, de peindre des corps dont les traits sont fortement accusés, des carnations lourdes, opaques, telles que Michel-Ange et Rubens en ont surchargé leurs tableaux. Il nous paraît que l'art peut s'abstenir de ces figures de vieillards, d'hommes mûrs, d'adolescents, d'enfants, de femmes, de ce pêle-mêle d'âges et

de sexes qui ne sauraient concorder avec la résurrection, telle que nous la révèlent les livres saints. L'entreprise est difficile, car ici tout est surnaturel et ce n'est qu'en transfigurant, pour ainsi dire, les signes et les formes que la nature fournit à l'artiste qu'il peut espérer d'atteindre son but. Ces dernières lignes sont de M. Charles de Montalembert, dans son excellente et judicieuse appréciation du Jugement de Fra Angelico di Fiesole. Nous ne pouvions mieux terminer nos réflexions qu'en les abritant sous cet honorable patronage.

On ne peut nier qu'une des qualités du corps ressuscité ne soit l'impassibilité. C'est ainsi qu'après sa résurrection, le Sauveur entrait dans les lieux où les apôtres étaient réunis, sans y pénétrer par les ouvertures qui y donnaient accès. S'il fallait prendre pour une vérité dogmatique l'opinion vulgaire qui veut que tous les hommes soient réunis, pour le jugement dernier, dans la vallée de Josaphat, il serait extrêmement aisé de répondre à l'objection qu'on a faite. On a dit, pour combattre le dogme de ce jugement suprême, que cette vallée ne serait pas assez spacieuse pour contenir tous les hommes ressuscités, depuis le commencement du monde jusqu'à ce moment. On répondrait que des corps immatérialisés et impassibles ne sauraient occuper un grand espace. On a fait des calculs géométriques dont l'inutilité est le moindre défaut pour démontrer la possibilité de ce fait. C'est prendre les armes pour combattre une chimère; c'est perdre un temps précieux pour discuter sur des questions frivoles. Aux mécréants mal intentionnés nous disons que le jugement général dans la vallée de Josaphat n'est qu'une opinion populaire, et nullement un point de croyance. A ceux qui prennent la peine de démontrer que cette immense réunion dans la vallée de Josaphat n'est point physiquement impossible, nous répondrons que Josaphat n'est autre chose qu'un mot de la langue hébraïque signifiant Jugement. La vallée de Josaphat est donc tout simplement la vallée du Jugement, c'est-à-dire une de ces tournures ou dictions orientales si communes dans la langue sacrée. L'artiste n'a donc point à se préoccuper

de cette vallée, et la foi catholique y est totalement étrangère.

Nous avons déjà vu que Rubens a suivi l'exemple de Michel-Ange et que nous devons à son pinceau une grande. page où il a retracé la scène du jugement dernier. Au sommet du tableau il a placé le Père. Au-dessous est le SaintEsprit, sous la forme d'une colombe. Enfin Dieu le Fils est la principale figure, au-dessous du Père et du Saint-Esprit. Le Fils de l'homme est accompagné des justes de l'ancienne loi, à sa gauche. Puis à droite figurent la sainte Vierge, S. Pierre et quelques Saints. Le souverain juge élève la main droite pour appeler les justes qui s'envolent vers le ciel. Ils expriment par divers gestes leurs sentiments d'allé. gresse et de reconnaissance. De la main gauche, il plonge dans les enfers les réprouvés. On ne peut s'empêcher de blâmer Rubens des nudités qu'il a malheureusement cmpruntées à Michel-Ange. De ce même côté, l'archange S. Michel entouré d'esprits célestes qui sonnent de la trompette refoule dans les abîmes éternels les méchants livrés à un affreux désespoir. L'artiste a commis la faute reprochée aux peintres qui figurent la sainte Vierge dans l'attitude de la supplication. Cela peut sembler touchant et empreint d'une gracieuse poésie, mais la vérité du dogme n'y est pas respectée. Au jugement dernier, plus de miséricorde, plus d'intercession efficace, la justice s'y exerce dans toute sa rigueur.

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« On pourrait néanmoins, dit Molanus, trouver une jus>>tification pour de semblables peintures. On pourrait dire que Marie et Jean-Baptiste, ainsi que les autres Saints, >> rendent, en ce moment, grâces au Seigneur de l'avène» ment de son royaume et le remercient des innombrables. >> bienfaits dont il les a comblés.... Il serait encore possible » de dire que cette attitude suppliante ne signifie point que » Marie et les Saints prient pour les damnés, puisqu'ils n'ignorent pas que leur prière ne serait point exaucée, » mais qu'en ce terrible moment les justes eux-mêmes sont » saisis de frayeur. »

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Cette dernière justification ne saurait être d'un grand

poids. Les justes qui tremblent ne peuvent être ceux que le Fils de l'homme a déjà couronnés, mais bien ceux qui n'ont point encore comparu devant ce redoutable tribunal et dont la sentence n'a pas encore été prononcée. C'est ce qu'exprime si bien cette strophe de la prose des morts que Molanus ne cite pas :

་་

Quid sum miser tunc dicturus,
Quem patronum rogaturus,
Quum vix justus sit securus!

Que dirai-je malheureux en ce moment fatal! Quelle pro»tection me sera-t-il donné d'invoquer, puisque le juste » lui-même pourra à peine se rassurer? » La seconde ligne. de cette strophe prouve l'inutilité d'un recours et confirme. de plus en plus l'inconvenance déjà signalée.

Molanus transcrit une strophe de l'hymne de la fête de S. Romain, par le poète Prudence. Dans ces vers, l'hymnographe voudrait être au nombre des boucs, afin que S. Romain l'apercevant priât pour lui et que le souverain juge écoutant favorablement cette prière le réprouvé fût transféré à sa droite, tant serait puissante cette intercession! Le Roi des siècles, le monarque si excellent (rex optimus) s'écrierait avec une bonté toute paternelle :

Romanus orat; transfer hunc hædum michi,
Sit dexter agnus: induatur vellere.

<«< Romain me prie; placez près de moi ce bouc et que trans>> formé en agneau il soit à ma droite; qu'on le revête d'une

>> toison. >>

Le poète a pris ici une licence que Horace octroye généreusement à ses confrères ainsi qu'aux peintres, mais qu'il n'est pas possible d'absoudre, en toute occurrence. S. Romain, martyr de Rome, converti par le spectacle de la constance du saint diacre Laurent fut, sans contredit, un héroïque confesseur de la foi; mais Prudence exagère ici la puissance d'intercession du glorieux athlète qu'il chante. Ce n'est pas le scul exemple d'hétérodoxie de ce poète chrétien du IVe siècle.

Nous terminons par un passage très-remarquable de M. Quatremère, dans son histoire de Michel-Ange Buonarotti; nous n'avons aucune réflexion à y ajouter :

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