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La position de Marie est encore un point difficile à décider sans appel. Habituellement elle est représentée à genoux sur un prie-Dieu. C'est une pensée plus pieuse que conforme aux usages de la nation juive. On ne se mettait pas à genoux pour prier, même dans le Temple. Il ne faudrait point cependant généraliser d'une manière trop absolue, ce que nous disons en ce moment. Pour s'en convaincre, il suffit de citer le prophète Daniel qui, ne voulant point participer à l'idolâtrie imposée par la loi de Darius, a entra >> dans sa maison et là, les fenêtres ouvertes, il se tournait, trois fois le jour vers Jérusalem et fléchissait les » genoux pour adorer son Dieu, selon sa coutume habi»tuelle.» (Dan. 6 v. 10). Molé est donc beaucoup trop exclusif en reprochant aux peintres de figurer Marie à genoux et en soutenant que cette posture, pour la prière, était complètement inconnue aux Juifs. Représenter Marie assise ou debout n'est pas non plus une pensée heureuse, ni en harmonie avec nos idées, parce qu'elle semble former trop de disparate avec la dignité du grand mystère que l'art reproduit.

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L'ange tient à la main un lys. C'est une allégorie qu'il est inutile d'expliquer. Dans un tableau qui est à Cologne, l'ange présente à la Vierge, non un beau lys, comme dans les tableaux italiens, mais un livre.... une dure sentence, une prophétie pleine d'amertume, la Passion du Christ, au moment de sa Conception dans le sein de Maric. On a quelquefois ajouté au Saint-Esprit un Père éternel, dans une nuée lumineuse, au moment où Gabriel remplit son message. C'est encore une traduction intelligente des paroles. de l'ange: « La vertu du Très-Haut vous couvrira de son » ombre. » Il n'y a pas lieu ici de censurer l'artiste, surtout tant qu'il est sobre dans ses allégories et que celles-ci n'exagèrent ni n'altèrent le récit évangélique. Il n'en est pas de même si le peintre figurait, comme on l'a fait, dans des temps anciens, un corpuscule émanant du Père et du Saint-Esprit et s'insinuant dans la Vierge, afin de retracer, par ce moyen, l'Incarnation du Verbe éternel. C'est ici le cas de répéter ce qui a été dit maintes fois : « Du sublime

» au ridicule il n'y a qu'un pas. » L'incarnation elle-même, proprement dite, ne peut entrer dans le domaine de l'art. Jusqu'à ce moment, il est impossible de citer comme vrai chef-d'œuvre d'art intimement chrétien un tableau d'Annonciation.

CHAPITRE IV.

La Visitation de la sainte Vierge et la Commémoration de ses douleurs.

Le deuxième jour de juillet est consacré à honorer, sous le nom de Visitation, la visite que Marie, après l'annonce de sa maternité divine, fit à sainte Elisabeth, mère du saint Précurseur. Le premier chapitre de S. Luc en raconte les circonstances. Marie, après avoir reçu le message de l'ange, se mit en chemin pour aller voir sa cousine dont Gabriel lui avait annoncé la grossesse miraculeuse. Laissons parler l'évangéliste : « Etant entrée dans la maison de Zacharie » (époux d'Elisabeth) elle salua celle-ci. Dès que Elisabeth >> entendit la voix de Marie qui la saluait, son enfant tres>> saillit dans son sein et Elisabeth fut remplie du SaintEsprit. Et elle éleva la voix en s'écriant: Vous êtes bénie >> entre toutes les femmes et le fruit de votre sein est béni. » C'est en ce moment que Marie chanta ce cantique si digne d'admiration, si empreint de l'esprit divin, et dont rien, dans les compositions humaines, ne saurait égaler la sublimité. C'est le Magnificat. Il a quelquefois prêté son nom à des tableaux de Visitation.

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La narration sacrée est lucide. Elle indique à l'artiste la marche qu'il doit suivre pour retracer ce mystère. Il faut remarquer avec un grand soin qu'il ne s'agit ici nullement de S. Joseph. L'époux de Marie ne peut absolument figurer, (surtout dans l'entrevue), ne peut être témoin du dialogue entre les deux saintes femmes. On s'en convaincra si l'on réfléchit à ce que nous apprend l'Evangile. Voici ce que nous y lisons. Joseph s'étant aperçu, longtemps après cette visite, que Marie était enceinte voulut la renvoyer secrètement, parce qu'il se scandalisait de la voir en cet état, lui qui avait toujours respecté la virginité de sa compagne. Maintenant, si l'on représente Joseph comme témoin du colloque entre Marie et Elisabeth, l'évangéliste n'aura

pas dû nous parler de la surprise de Joseph. Aussi Benoît XIV cite-t-il Ayala, avec éloge, car cet auteur ne manque pas de réprimander fortement les peintres qui font figurer S. Joseph dans un tableau de Visitation. S'il doit y figurer, ce n'est que placé de manière à ce qu'il ne lui soit pas possible d'entendre le colloque, ni même être témoin des saints transports de Marie au moment où elle chante le célèbre. cantique.

Les paroles de l'évangéliste expriment un salut. L'artiste a-t-il le droit de figurer un embrassement? Molé s'y oppose, parce qu'il y voit une altération du texte. Ceci est peut-être un peu sévère. Il semble assez naturel que deux cousines s'embrassent après une longue absence. Très-probablement les usages de la Judée ne s'y opposaient pas. Le texte, en parlant de saluts réciproques, n'a pas voulu sans doute en exclure cette affectueuse manière de s'aborder. Rien ne le fait présumer. Si l'on disait que cet accueil réciproque tombe un peu dans le vulgaire, il y aurait au moins un motif spécieux de censure. Nous ne pouvons nous associer au blâme articulé contre l'embrassement. Nous préférons celui-ci à la génuflexion de Elisabeth devant Marie, quoique le P. Veyra, prédicateur portugais, s'en soit déclaré le partisan exclusif. Cette prostration fort peu orientale s'écarte beaucoup plus que l'embrassement du texte de l'Evangile.

L'épouse de Zacharie était parvenue à un âge où naturellement la femme n'est plus féconde. Ne serait-on pas tenté de croire que les peintres en figurant sainte Anne sous les traits de la vieillesse ont pris le change en confondant celle-ci avec la mère de S. Jean-Baptiste? L'Evangile nous représente Elisabeth telle qu'il vient d'être dit. Il est donc indispensable de la peindre sous les traits d'une femme âgée, afin de faire ressortir le miracle de sa grossesse. Cet état doit être visible, car il datait de six mois, selon les paroles de l'ange. Rien dans Marie, au contraire, ne doit marquer cet état. C'est là une faute dans laquelle tombent trop fréquemment les peintres, contre le texte formel. Voici les paroles de S. Luc : « L'ange quitta Marie. Dans le même » temps, elle se mit en chemin et s'en alla diligemment au

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» pays des montagnes, à une ville de Juda, etc. » La visite de la Vierge eut donc lieu immédiatement après le message de Gabriel. Marie devait s'empresser d'aller voir sa cousine sur laquelle, selon le récit de l'ange, un miracle s'était, opéré. Il ne serait pas respectueux de prétendre, comme on l'a fait, que la sainte Vierge dût se hâter de visiter Elisabeth pour s'assurer de la véracité du céleste messager. Mais avant tout, ce passage démontre évidemment que la grossesse de Marie ne datait que de quelques jours, à l'époque de cette mystérieuse entrevue.

Le lieu est clairement indiqué dans l'Evangile. Marie entra dans la maison d'Elisabeth. Il n'est pas conséquemment libre aux peintres de placer cette entrevue dans une place publique, un champ, un jardin. La négligence des artistes à lire seulement le texte leur fait trop souvent commettre des erreurs et les expose à une juste censure. Rubens et Jouvenet n'ont pas su ou voulu se garantir de cette atteinte à l'histoire sacrée. On se récriera peut-être contre ce qu'on appellera un méticuleux scrupule. Mais qui oserait affirmer que S. Luc désignant expressément la maison de Zacharie n'a pas eu une intention bien explicite de l'indiquer, quoi qu'il ne nous soit pas donné d'en comprendre le motif?

Le Saint-Esprit peut aussi bien figurer dans cette scène que dans celle de l'Annonciation. L'Eglise n'ayant point improuvé cela dans la dernière, ne peut se montrer plus exigeante dans la Visitation. Des accessoires d'un autre genre tels que Zacharie, des parents, des amis, méritent de la part de l'artiste une prudente réserve. On a pu supposer que S. Joseph avait accompagné sa chaste épouse, qu'une monture avait été employée dans ce voyage. Mais, si la Visitation cut lieu dans la maison, comme il est impossible d'en douter, il n'y a plus moyen de représenter la monture quelle qu'elle soit... Il faut conclure que la simplicité d'un tel sujet en fait le mérite et que l'artiste agira très-sagement en limitant cette scène aux deux principales figures et au Saint-Esprit. Quelques anges n'y seraient point déplacés pour faire ressortir ce que cette visite à de surhu

main.

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