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Et afin que vous ne croyiez pas que ce débordement de l'armée romaine dans la Judée soit plutôt arrivé par un événement fortuit que par un ordre exprès de la Providence divine, écoutez la menace qu'il en fait à son peuple par la bouche de son serviteur Moïse; c'est-à-dire, six à sept cents ans avant que ni Jérusalem ni Rome fussent bâties; elle est couchée au Deuteronome. « Israël, » dit Moïse, si tu résistes jamais aux volontés de » ton Dieu, il amènera sur toi des extrémités de » la terre, une nation inconnue, dont tu ne » pourras entendre la langue (Deut., XXVIII. » 49.); » c'est-à-dire, avec laquelle tu n'auras aucune sorte de commerce; ce sont les propres mots de Moïse. Un mot de réflexion, chrétiens. Les Mèdes, les Perses, les Syriens, dont nous apprenons par l'histoire que Jérusalem a subi le joug avant sa dernière ruine, étoient tous peuples de l'Orient, avec lesquels par conséquent elle pouvoit entretenir un commerce assez ordinaire; mais pour les Romains, que de vastes mers, que de longs espaces de terre les en séparoient! Rome à l'Occident, Jérusalem à son égard jusque dans les confins de l'Orient c'est ce qu'on appelle proprement les extrémités de la terre. Aussi les Romains s'étoient déjà rendus redoutables par tout le monde, que les Juifs ne les connoissoient encore que par quelques bruits confus de leur grandeur et de leurs victoires. Mais poursuivons notre prophétie.

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Ce peuple viendra fondre sur toi tout ainsi » qu'une aigle volante: » In similitudinem aquilæ volantis (Ibid.,). Ne vous semble-t-il pas à ces marques reconnoître le symbole de l'empire romain, qui portoit dans ses étendards une aigle aux ailes déployées ? passons outre. « Une » nation audacieuse, continue Moïse (Deut., » XXVIII. 50.), » ( et y eut-il jamais peuple plus orgueilleux que les Romains, ni qui eût un plus grand mépris pour tous les autres peuples du monde, qu'ils considéroient à leur égard comme des esclaves?) « qui ne respectera point tes veil» lards, et n'aura point de pitié de tes enfants. »> Ceci me fait souvenir de cette fatale journée dans laquelle les soldats romains étant entrés de force

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dans la ville de Jérusalem, sans faire aucune distinction de sexe ni d'âge, les enveloppèrent tous dans un massacre commun. Quoi plus? « Ce » peuple, dit Moïse, t'assiégera dans toutes les places » et il paroît par l'histoire qu'il n'y en a eu aucune dans la Judée qui n'ait été contrainte de recevoir garnison romaine, et quasi toutes après un long siége. Et enfin «< ils porteront par terre tes » hautes et superbes murailles qui te rendoient in» solente » Destruentur muri tui firmi atque sublimes, in quibus habebas fiduciam (Deut., XXVIII. 62.). Ne diroit-on pas que le prophète a voulu dépeindre ces belles murailles de Jérusalem, ces fortifications si régulières, ces remparts si superbement élevés, « ces tours de si admirable >> structure, qu'il n'y avoit rien de semblable dans >> tout l'univers,» selon que le rapporte Josèphe (de Bell. Judaic. lib, v, cap. Iy, n. 3, pag. 1223. Ed. Oxon. 1720.)? et tout cela toutefois fut tellement renversé, qu'au dire du même Josèphe, historien juif, témoin oculaire de toutes ces choses, et de celles que j'ai à vous dire, « il › n'y resta pas aucun vestige que cette ville eût jamais été (de Bell. Judaic. lib. vi, cap. 1, » n. 1, p. 1295. ). »

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O redoutable fureur de Dieu, qui anéantis tout ce que tu frappes! mais il falloit accomplir la prophétie de mon Maitre, qui assure dans mon évangile, « qu'il ne demeureroit pas pierre >> sur pierre dans l'enceinte d'une si grande ville: » Non relinquent in te lapidem super lapidem (Luc., XIX. 44.). C'est ce que firent les soldats romains, en exécution des ordres de Dieu; et Tite leur capitaine et le fils de leur empereur, après avoir mis fin à cette fameuse expédition, resta toute sa vie tellement étonné des marques de la vengeance divine, qu'il avoit si évidemment découverte dans la suite de cette guerre, que quand on le congratuloit d'une conquête si glorieuse : « Non, non, disoit-il, ce n'est pas moi qui ai » dompté les Juifs je n'ai fait que prêter mon > bras à Dieu qui étoit irrité contre eux (PHILOST., » APOL. TYAN, Vit. l. vi, c. XIV.), » Parole que j'ai d'autant plus soigneusement remarquée qu'elle a été prononcée par un empereur infidèle, et qu'elle nous est rapportée par Philostrate, historien profane, dans la vie d'Apollonius Tya

néus.

Après cela, chrétiens, nous qui sommes les enfants de Dieu, comment ne serons-nous point effrayés de ses jugements, qui étonnent jusqu'à ses ennemis? Mais ce n'est ici que la moindre partie de ce qu'il prépare à ce peuple : vous allez voir tout à l'heure quelles machines il fait jouer,

quand il veut faire sentir la pesanteur de son bras aux grandes villes et aux nations tout entières ; et Dieu veuille que nous n'en voyions pas quelque funeste exemple en nos jours. Non, non, nation déloyale, ce n'est pas assez, pour te punir, de l'armée des Romains: non que les Romains, je l'avoue, ne soient de beaucoup trop forts pour toi; et c'est en vain que tu prétends défendre ta liberté contre ces maîtres du monde. Mais s'ils sont assez puissants pour te surmonter, il faut quelque chose de plus pour t'affliger ainsi que tu le mérites que deux ou trois troupes de Juifs séditieux entrent donc dans Jérusalem, et qu'elle en devienne la proie, afin que tous ensemble ils deviennent la proie des Romains.

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O Dieu, quelle fureur! l'ennemi est à leur porte, et je vois dans la ville trois ou quatre factions contraires qui se déchirent entre elles, qui toutes déchirent le peuple, se faisant entre elles une guerre ouverte pour l'honneur du commandement; mais unies toutefois par la société de crimes et de voleries. Figurez-vous dans Jérusalem plus de vingt-deux mille hommes de guerre, gens de carnage et de sang, qui s'étoient aguerris par leurs brigandages; au reste, si déterminés, qu'on eût dit, rapporte Josèphe (de Bell. Judaic. lib. v, cap. VIII, n. 2, tom.II, pag. 1238, cap. XII, n. 4. p. 1253. cap. XII, n. 7, p. 1256.), qu'ils se nourrissoient d'incommodités, et que la famine et la peste leur donnoient de nouvelles forces. Toutefois, Messieurs, ne les considérez pas comme des soldats destinés contre les Romains : ce sont des bourreaux que Dieu a armés les uns contre les autres. Chose incroyable, et néanmoins très certaine ! à peine retournoientils d'un assaut soutenu contre les Romains, qu'ils se livroient dans leur ville de plus cruelles batailles leurs mains n'étoient pas encore essuyées du sang de leurs ennemis, et ils les venoient tremper dans celui de leurs citoyens. Tite les pressoit si vivement, qu'à peine pouvoient-ils respirer;

et ils se disputoient encore les armes à la main à qui commanderoit dans cette ville réduite aux abois, qu'eux-mêmes avoient désolée par leurs pilleries, et qui n'étoit presque plus qu'un champ couvert de corps morts.

Vous vous étonnez à bon droit de cet aveuglement dont ils sont encore menacés dans mon vingt-huitième chapitre du Deutéronome: Percutiam vos amentia et furore mentis (Deut., XXVIII. 28.): « Je vous frapperai de folie et d'alié»> nation d'esprit. » Mais peut-être vous ne remarquez pas que Dieu a laissé tomber les mêmes fléaux sur nos têtes. La France, hélas ! notre

commune patrie, agitée depuis si long-temps par

une guerre étrangère, achève de se désoler par ses divisions intestines. Encore parmi les Juifs, tous les deux partis conspiroient à repousser l'ennemi commun, bien loin de vouloir se fortifier

par son secours, ou y entretenir quelque intelligence le moindre soupçon en étoit puni de mort sans rémission. Et nous, au contraire... Ah! fidèles, n'achevons pas, épargnons un peu notre honte songeons plutôt aux moyens d'apaiser la juste colère de Dieu, qui commence à éclater sur nos têtes; aussi-bien la suite de mon récit me rappelle.

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Je vous ai fait voir l'ennemi qui les presse au dehors des murailles; vous voyez la division qui les déchire au-dedans de leur ville voici un ennemi plus cruel qui va porter une guerre furieuse au fond des maisons. Cet ennemi, dont je veux parler, c'est la faim, qui, suivie de ses deux satellites, la rage et le désespoir, va mettre aux mains non plus les citoyens contre les citoyens, mais le mari contre la femme, et le père contre les enfants; et cela pour quelques vieux restes de pain à demi-rongés. Que dis-je, pour du pain? ils eussent [été ] trop heureux ; pour cent ordures qui sont remarquées dans l'histoire, et que je m'abstiens de nommer par le respect de cette audience jusque-là qu'une femme dénaturée, qui avoit un enfant dans le berceau; ô mères, détournez vos oreilles ! eut bien la rage de le massacrer, de le faire bouillir, et de le manger. Action abominable, et qui fait dresser les cheveux, prédite toutefois dans le chapitre du Deuteronome que j'ai déjà cité tant de fois. « Je >> te réduirai à une telle extrémité de famine, que >> tu mangeras le fruit de ton ventre: » Comedes fructum uteri tui (Deut., XXVIII. 53.).

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Et à la verité, chrétiens, quand je fais réflexion sur les diverses calamités qui affligent la vie humaine; entre toutes les autres la famine me semble être celle qui représente mieux l'état d'une âme criminelle, et la peine qu'elle mérite. L'âme, aussi-bien que le corps, a sa faim et sa nourriture cette nourriture, c'est la vérité, c'est un bien permanent et solide, c'est une pure et sincère beauté; et tout cela c'est Dieu même. Comme donc elle se sent piquée d'un certain appétit qui la rend affamée de quelque bien hors de soi, elle se jette avec avidité sur l'objet des choses créées qui se présentent à elle, espérant s'en rassasier; mais ce sont viandes creuses, qui ne sont pas assez fortes, et n'ont pas assez de corps pour la sustenter : au contraire, la retirant de Dieu, qui est sa véritable et solide nourriture, ils

la jettent insensiblement dans une extrême nécessité, et dans une famine désespérée. D'où vient que l'enfant prodigue, si vous y prenez garde, sortant de la maison paternelle, arrive en un pays où il y a une horrible famine (Luc., xv. 14.); et le mauvais riche, enseveli dans les flammes, demande et demandera éternellement une goutte d'eau, qui ne lui sera jamais accordée ( Ibid., XVI. 24.). C'est la véritable punition des damnés, toujours tourmentés d'une faim et d'une soif si enragée, qu'ils se rongent et se consument euxmêmes dans leur désespoir. Que si vous voulez voir une image de l'état où ils sont, jetez les yeux sur cette nation réprouvée, enclose dans les murailles de Jérusalem.

Il n'est pas croyable combien il y avoit de monde renfermé dans cette ville: car, outre que Jérusalem étoit déjà fort peuplée, tous les Juifs y étoient accourus de tous côtés, afin de célébrer la pâque, selon leur coutume. Or chacun sait la religion de ce peuple pour toutes ses cérémonies. Comme donc ils y étoient assemblés des millions entiers, l'armée romaine survint tout à coup et forma le siége, sans que l'on eût le loisir de pourvoir à la subsistance d'un si grand peuple. Ici je ne puis que je n'interrompe mon discours, pour admirer vos conseils, ô éternel Roi des siècles, qui choisissez si bien le temps de surprendre vos ennemis. Ce n'étoit pas seulement les habitants de Jérusalem, c'étoit tous les Juifs que vous vouliez châtier. Voilà donc, pour ainsi dire, toute la nation enfermée dans une même prison, comme étant déjà par vous condamnée au dernier supplice et cela dans le temps de Pâques, la principale de leurs solennités, pour accomplir cette fameuse prophétie, par laquelle vous leur dénonciez « que vous changeriez leurs fêtes en deuil : >> Convertam festivitates vestras in luctum (AMOS, VIII. 10.). Certes, vous vous êtes souvenu, ô grand Dieu, que c'étoit dans le temps de Pâques que leurs pères avoient osé emprisonner le Sauveur : vous leur rendez le change, ô Seigneur; et dans le même temps de Pâques, vous emprisonnez dans la capitale de leur pays leurs enfants, imitateurs de leur opiniâtreté. En effet, qui considérera l'état de Jérusalem, et les travaux dont l'empereur Tite fit environner ses murailles, il la prendra plutôt pour une prison que pour une ville: car encore que son armée fût de près de soixante mille hommes des meilleurs soldats de la terre, il ne croyoit pas pouvoir tellement tenir les passages fermés, que les Juifs qui savoient tous les détours des chemins, n'échappassent à travers de son camp, ainsi que TOME II.

des loups affamés, pour chercher de la nourriture. Jugez de l'enceinte de la ville que soixante mille hommes ne peuvent assez environner. Que fait-il? il prend une étrange résolution, et jusqu'alors inconnue : ce fut de tirer tout autour de Jérusalem une muraille, munie de quantité de forts; et cet ouvrage, qui d'abord paroissoit impossible, fut achevé en trois jours, non sans quelque vertu plus qu'humaine. Aussi Josèphe remarque « que » je ne sais quelle ardeur céleste saisit tout à coup » l'esprit des soldats (de Bell. Judaic., lib. v, » cap. XII, n. 2. pag. 1251.) ; » de sorte qu'entreprenant ce grand œuvre sous les auspices de Dieu, ils en imitèrent la promptitude.

Voilà, voilà, chrétiens, la prophétie de mon évangile accomplie de point en point. Te voilà assiégée de tes ennemis, comme mon Maître te l'a prédit quarante ans auparavant : « O Jéru

salem, te voilà pressée de tous côtés, ils t'ont » mise à l'étroit, ils t'ont environnée de remparts » et de forts (LUC., XIX.43.): » ce sont les mots de mon texte; et y a-t-il une seule parole qui ne semble y avoir été mise pour dépeindre cette circonvallation, non de lignes, mais de murailles? Depuis ce temps, quels discours pourroient vous dépeindre leur faim enragée, leur fureur et leur désespoir; et la prodigieuse quantité de morts qui gisoient dans leurs rues sans espérance de sépulture, exhalant de leurs corps pourris le venin, la peste et la mort?

Cependant, ô aveuglement! ces peuples insensés, qui voyoient accomplir à leurs yeux tant d'illustres prophéties tirées de leurs propres livres, écoutoient encore un tas de devins qui leur promettoient l'empire du monde. Comme l'endurci Pharaon, qui, voyant les grands prodiges que la main de Dieu opéroit par la main de Moïse et d'Aaron ses ministres, avoit encore recours aux illusions de ses enchanteurs (Exod., VII et vin.). Ainsi Dieu a accoutumé de se venger de ses ennemis: ils refusent de solides espérances; il les laisse séduire par mille folles prétentions : ils s'obstinent à ne vouloir point recevoir ses inspirations: il leur pervertit le sens, il les abandonne à leurs conseils furicux: ils s'endurcissent contre lui; «< le ciel après cela devient de fer sur >> leur tête » Dabo vobis cælum desuper sicut ferrum (Levit., XXVI. 19.); il ne leur envoie plus aucune influence de grâce.

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Ce fut cet endurcissement qui fit opiniâtrer les Juifs contre les Romains, contre la peste, contre la famine, contre Dieu qui leur faisoit la guerre si ouvertement; cet endurcissement, dis-je, les fit tellement opiniâtres, qu'après tant de désastres

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il fallut encore prendre leur ville de force ce qui fut le dernier trait de colère que Dieu lança sur elle. Si on eût composé, à la faveur de la capitulation, beaucoup de Juifs se seroient sauvés : Tite lui-même ne les voyoit périr qu'à regret. Or il falloit à la justice divine un nombre infini de victimes: elle vouloit voir onze cent mille hommes couchés sur la place dans le siége d'une seule ville; et après cela encore, poursuivant les restes de cette nation déloyale, elle les a dispersés par toute la terre; pour quelle raison? Comme les magistrats, après avoir fait rouer quelques malfaiteurs, ordonnent que l'on exposera en plusieurs endroits, sur les grands chemins, leurs membres écartelés, pour faire frayeur aux autres scélérats: cette comparaison vous fait horreur; tant il y a que Dieu s'est comporté à peu près de même. Après avoir exécuté sur les Juifs l'arrêt de mort que leurs propres prophètes leur avoient, il y avoit si long-temps, prononcé; il les a répandus çà et là parmi le monde, portant de toutes [parts] imprimée sur eux la marque de sa vengeance.

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Peuple monstrueux, qui n'a ni feu ni lieu sans pays, et de tout pays; autrefois le plus heu reux du monde, maintenant la fable et la haine de tout le monde; misérable, sans être plaint de qui que ce soit; devenu dans sa misère, par une certaine malédiction, la risée des plus modérés. Ne croyez pas toutefois que ce soit mon intention d'insulter à leur infortune: non; à Dieu ne plaise que j'oublie jusqu'à ce point la gravité de cette chaire: mais j'ai cru que mon évangile nous ayant présenté cet exemple, le Fils de Dieu nous invitoit à y faire quelque réflexion; donnez-moi un moment de loisir pour nous appliquer à nous-mêmes celles que nous avons déjà faites, qui sont peut-être trop générales.

Chrétiens, quels que vous soyez, en vérité, quels sentiments produit dans vos âmes une si étrange révolution? Je pense que vous voyez bien par des circonstances si remarquables, et par le rapport de tant de prophéties; et il y en a une infinité d'autres qui ne peuvent pas être expliquées dans un seul discours; vous voyez bien, dis-je, que la main de Dieu éclate dans cet ouvrage. Au reste, ce n'est point ici une histoire qui se soit passée dans quelque coin inconnu de la terre, ou qui soit venue à nous par quelques bruits incertains: cela s'est fait à la face du monde. Josèphe, historien juif, témoin oculaire, éga lement estimé et des nôtres et de ceux de sa nation, nous l'a raconté tout au long: et il me semble que cet accident est assez considérable pour mériter que vous y pensiez.

Vous croirez peut-être que la chose est trop éloignée de notre âge pour nous émouvoir: mais, certes, ce nous seroit une trop folle pensée de ne pas craindre, parce que nous ne voyons pas toujours à nos yeux quelqu'un frappé de la foudre. Vous devriez considérer que Dieu ne se venge pas moins, encore que souvent il ne veuille pas que sa main paroisse : quand il fait éclater sa vengeance, ce n'est pas pour la faire plus grande; c'est pour la rendre exemplaire : et un exemple de cette sorte, si public, si indubitable, doit servir de mémorial ès siècles des siècles. Car enfin, si Dieu en ce temps-là haïssoit le péché, il n'a pas commencé à lui plaire depuis; outre que nous serions bien insensés d'oublier la tempête qui a submergé les Juifs: puisque nous voyons à nos yeux des restes de leur naufrage, que Dicu a jetés, pour ainsi dire, à nos portes et ce n'est pas pour autre raison que Dieu conserve les Juifs; c'est afin de faire durer l'exemple de sa vengeance. Enfin il est bien étrange que nous aimions mieux nous-mêmes peut-être servir d'exemples, que de faire protit de celui des autres. La main de Dieu est sur nous trop visiblement, pour ne le pas reconnoître; et il est temps désormais que nous prévenions sa juste fureur par la pénitence. Quand nous ne verrions, dans le peuple juif, qu'une grande nation qui est tout à coup renversée, ce seroit assez pour nous faire craindre la même [punition, ] particulièrement en ces temps de guerre, où sa justice nous poursuit et nous presse si fort. Mais si nous considérons que c'est le peuple juif, autrefois le peuple de Dieu, auquel nous avons succédé, qui est la figure de tout ce qui doit nous arriver, selon que l'enseigne l'Apôtre (1. Cor., X. 6, 11.); nous trouverons que cet exemple nous touche bien plus près que nous ne pensons; puisqu'étant l'Israël de Dieu et les vrais enfants de la race d'Abraham, nous devons hériter aussi bien des menaces que des promesses qui leur sont faites.

Mais il faut, ô pécheur, il faut que j'entre avec toi dans une discussion plus exacte; il faut que j'examine si tu es beaucoup moins coupable que ne le sont les Juifs. Tu me dis qu'ils n'ont pas connu le Sauveur ; et toi, penses-tu le connoître? Je te dis en un mot avec l'apôtre saint Jean, « que qui pèche ne le connoît pas, et ne >> sait qui il est : » Qui peccat, non vidit eum, nec cognovit eum (1. JOAN., III. 6.). Tu l'appelles ton Maître et ton Seigneur; oui, de bouche tu te moques de lui; il faudroit le dire du cœur. Et comment est-ce que le cœur parle?

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Par les œuvres : voilà le langage du cœur ; voilà ce qui fait connoître les intentions. Au reste, ce cœur, tu n'as garde de le lui donner: tu ne le peux pas; tu dis toi-même qu'il est engagé ailleurs dans des liens que tu appelles bien doux. Insensé, qui trouves doux ce qui te sépare de Dieu! et après cela, tu penses connoître son Fils. Non, non, tu ne le connois pas ; seulement tu en sais assez pour être damné davantage, comme les Juifs dont les rébellions ont été punies plus rigoureusement que celles des autres peuples, parce qu'ils avoient reçu des connoissances plus particulières.

Mais, direz-vous, les Juifs ont crucifié le Sauveur. Et ignorez-vous, ô pécheurs, que vous foulez aux pieds le sang de son testament, que vous faites pis que de le crucifier: que s'il étoit capable de souffrir, un seul péché mortel lui causeroit plus de douleur que tous ses supplices? Ce n'est point ici une vaine exagération: il faut brûler toutes les Ecritures, si cela n'est vrai. Elles nous apprennent qu'il a voulu être crucifié, pour anéantir le péché; par conséquent il n'y a point de doute qu'il ne lui soit plus insupportable que sa propre croix. Mais je vois bien qu'il faut vous dire quelque chose de plus; je m'en vais avancer une parole bien hardie, et qui n'en est pas moins véritable. Le plus grand crime des Juifs n'est pas d'avoir fait mourir le Sauveur cela vous étonne; je le prévoyois bien, mais je ne m'en dédis pourtant pas : au contraire, je prétends bien vous le faire avouer à vousmêmes ; et comment cela? Parce que Dieu, depuis la mort de son Fils, les a laissés encore quarante ans sans les punir. Tertullien remarque très bien que ce temps leur étoit donné pour >> en faire pénitence (Lib. I. cont. MARC., n. » 23.). » Il avoit donc dessein de la leur pardonner. Par conséquent, quand il a usé d'une punition si soudaine, il y a eu quelque autre crime qu'il ne pouvoit plus supporter, qui lui étoit plus insupportable que le meurtre de son propre Fils. Quel est ce crime si noir, si abominable? c'est l'endurcissement, c'est l'impénitence. S'ils eussent fait pénitence, ils auroient trouvé dans le sang qu'ils avoient violemment répandu, la rémission du crime de l'avoir épanché.

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laisse rebeller contre lui des siècles entiers: sa miséricorde est infinie; mais ses effets ont leurs limites prescrites par sa sagesse : elle qui a compté les étoiles, qui a borné cet univers dans une rondeur finie, qui a prescrit des bornes aux flots de la mer, a marqué la hauteur jusqu'où elle a résolu de laisser monter tes iniquités. Peut-être t'attendra-t-il encore quelque temps; peut-être : mais, ô Dieu, qui le peut savoir? c'est un secret qui est caché dans l'abime de votre providence. Mais enfin tôt ou tard ou tu mettras fin à tes crimes par la pénitence, ou Dieu l'y mettra par la justice de sa vengeance; tu ne perds rien pour différer. Les hommes se hâtent d'exécuter leurs desseins; parce qu'ils ont peur de laisser échapper les occasions, qui ne consistent qu'en certains moments dont la fuite est si précipitée : Dieu, tout au contraire, sait que rien ne lui échappe, qu'il te fera bien payer l'intérêt de ce qu'il t'a si long-temps attendu.

Que s'il commence une fois à appuyer sa main sur nous, ô Dieu, que deviendrons-nous? quel antre assez ténébreux, quel abime assez profond nous pourra soustraire à sa fureur? Son bras tout-puissant ne cessera de nous poursuivre, de nous abattre, de nous désoler; il ne restera plus en nous pierre sur pierre: tout ira en désordre, en confusion, en une décadence éternelle. Je vous laisse dans cette pensée ; j'ai tâché de vous faire voir, selon que Dieu me l'a inspiré, d'un côté la miséricorde qui vous invite, d'autre part la justice qui vous effraie: c'est à vous à choisir, chrétiens, et encore que je sois assuré de vous avoir fait voir de quel côté il faut se porter, il y a grand danger que vous ne preniez le pire. Tel est l'aveuglement de notre nature; mais Dieu par sa grâce vous veuille donner et à moi de meilleurs conseils !

ABRÉGÉ D'UN SERMON

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La parabole du serviteur à qui le maître avoit quitté dix mille talents, qui fait exécuter son conserviteur, pour cent deniers, avec une rigueur effroyable (MATTH., XVIII. 23.).

Trois vérités dans cette parabole : 1.° que tout pécheur contracte une dette envers la justice divine; 2. qu'il ne peut jamais lui en faire le paiement, ni en être quitte, si Dieu ne la lui remet par pure grâce; 3.o que la condition qu'il y appose, c'est que nous remettions aux autres.

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