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PREMIER POINT.

Le péché est une dette: Dimitte nobis debita nostra (MATTH., VI. 12.), « Remettez-nous nos » dettes. >> On doit en deux façons : 1. ° lorsqu'on ôte à quelqu'un par injustice; 2.o lorsqu'il nous prête volontairement. Il nous a assistés dans notre nécessité, il est juste que nous lui rendions dans notre abondance. Nous devons à Dieu en toutes les deux manières. Contrat avec lui: si vous l'observez, bénédiction; sinon, malédiction : le peuple l'accepte; Amen (Deut., xxvII. 25 et seq.). Donc en observant, Dieu vous doit; autrement vous lui devez. Quoi ? toutes les malédictions. Au Deutér.

SECOND POINT.

Si bien que tout ce qui nous reste après le péché, ne nous reste plus que par grâce. Notre évangile : Jussit eum dominus ejus venumdari, et uxorem ejus, et filios, et omnia quæ habebat, et reddi (Matth., XVIII. 25.). Son maître >> commanda qu'on le vendit, lui, sa femme et >> ses enfants, et tout ce qu'il avoit, pour satisfaire » à cette dette. » Le pécheur mérite d'être affligé en sa personne, en ce qui lui est cher, en sa postérité : Insuper et universos languores, et plagas quæ non sunt scriptæ in volumine legis hujus (Deut., XXVIII. 61.); « et même tous les >> maux et toutes les plaies qui ne seroient pas » marquées dans ce livre de la loi; » parce que, temporelles. Mais il y a un autre livre, le nouveau Testament, qui n'a que des promesses, et aussi des menaces spirituelles, plus terribles.

Voilà ce que nous devons. [ Nous sommes insolvables] preuve, la croix de Jésus-Christ. Innocent, il ne devoit rien: Princeps hujus mundi in me non habet quidquam (Joan., XIV. 30.) : « Le prince de ce monde n'a rien en >> moi qui lui appartienne. » Pourquoi paie-t-il? Il est caution. On ne discute la caution que lorsque la partie principale est insolvable : Jésus est donc contraint par corps. Mais puisqu'il a payé, nous sommes donc quittes. [Nullement : il faut encore que] l'application [ de ses mérites se fasse en nous; ] autrement c'est comme s'il n'étoit pas mort. C'est pourquoi le supplice éternel s'ensuit; éternel, parce qu'il doit durer jusqu'à l'extinction de la dette or, jamais elle ne peut être acquittée, donc toujours pourrir dans la prison. Dette gratuitement remise par les sacrements.

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Voulez-vous toujours laisser votre caution dans la peine? ne le voulez-vous pas tirer de la croix où vos péchés l'ont mis? Tant que le péché est en vous, il est toujours en croix : Rursum cruci

figentes sibimetipsis Filium Dei (Heb., VI. 6.): « Autant qu'il est en eux, ils crucifient de nouveau » le Fils de Dieu. »

TROISIÈME POINT.

Application de la condition, pour les prisonniers. Sentiment de vengeance contre ceux qui les font recéler, etc. Imprécations, souhaits. C'est vouloir rendre Dieu complice de nos vengeances. Le Père de miséricorde, etc.

PREMIER SERMON

POUR LA FÊTE

DE L'EXALTATION DE LA STE. CROIX,

SUR LA

VERTU DE LA CROIX DE J.-C.

Combien grande l'entreprise de rendre la croix vénérable. Puissance absolue et miséricorde infinie, deux choses dans lesquelles consiste la gloire de Dieu; comment éclatent-elles mieux dans la croix du Sauveur. Changements admirables qu'elle a produits dans le monde; raisons que nous avons de mettre en elle toute notre gloire. Sentiments et actions qui prouvent que la croix est pour nous un sujet de scandale.

Mihi autem absit gloriari, nisi in cruce Domini nostri Jesu Christi.

Pour moi à Dieu ne plaise que jamais je me glorific, si ce n'est en la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ (Galat., VI. 14.).

Ce n'a pas été une petite entreprise de rendre la croix vénérable : jamais chose aucune ne fut attaquée avec des moqueries plus plausibles. Les Juifs et les gentils en faisoient une pièce de raillerie; et il faut bien que les premiers chrétiens aient eu une hardiesse et une fermeté plus qu'humaine, pour prêcher à la face du monde, avec une telle assurance, une chose si extravagante. C'est pourquoi le grave Tertullien se vante que la croix de Jésus, en lui faisant mépriser la honte, l'a rendu impudent de la bonne sorte, et heureusement insensé. « Laissez-moi, disoit ce grand homme

quand on lui reprochoit les opprobres de l'E» vangile, laissez-moi jouir de l'ignominie de mon » Maître, et du déshonneur nécessaire de notre » foi. Le Fils de Dieu a été pendu à la croix ; je » n'en ai point de honte, à cause que la chose >> est honteuse. Le Fils de Dieu est mort; il est »croyable, parce qu'il est ridicule. Le Fils de >> Dieu est ressuscité; je le crois d'autant plus >> certain que, selon la raison humaine, il paroît >> entièrement impossible (de carne Christi,

» n. 5.). » Ainsi la simplicité de nos pères se plaisoit d'étourdir les sages du siècle par des propositions étranges et inouïes, dans lesquelles ils ne pouvoient rien comprendre; afin que la gloire du monde s'évanouissant en fumée, il ne restât plus d'autre gloire que celle de la croix de Jésus.

Bienheureuse Mère de mon Sauveur, que la Providence divine, voulant éprouver votre patience, amena au pied de la croix, où l'on déchiroit vos entrailles, puisque vous êtes de toutes les créatures celle qui en a le mieux vu l'infamie, et celle qui en a le mieux connu la grandeur, aidez-nous, par vos pieuses intercessions, à célébrer la gloire de votre Fils crucifié pour l'amour de nous. Je vous le demande par cette douleur maternelle qui perça votre âme sur le Calvaire, et par la joie infinie que vous ressentîtes, quand le Saint-Esprit descendit sur vous pour former le corps de Jésus, après que l'ange vous eut saluée par ces divines paroles: Ave, etc.

Le grand Dieu tout-puissant, qui de rien a fait le ciel et la terre, qui a tiré les astres et la lumière du sein d'un abîme infini de ténèbres; ce Dieu, pour faire éclater sa puissance d'une façon extraordinaire en la personne de son cher Fils, a voulu que la plus grande infamie fùt une source de gloire incompréhensible. C'est pourquoi le Sauveur Jésus, encore qu'il eût vécu comme un innocent, a fini sa vie comme un criminel; et comme si le gibet et la mort n'eussent point eu pour lui assez de bassesse, il a choisi volontairement de tous les supplices le plus honteux, et de toutes les morts la plus inhumaine. En effet, le tourment de la croix qu'est-ce autre chose qu'une longue mort par laquelle la vie est arrachée peu à peu avec une violence incroyable, pendant qu'une nudité ignominieuse expose le pauvre supplicié à la risée des spectateurs inhumains ? si bien que le misérable patient semble en quelque sorte n'être élevé au-dessus de ce bois infâme, qu'afin de découvrir de plus loin une multitude de peuples, qui repait ses yeux du spectacle de sa misère.

Non, l'imagination humaine ne se peut rien représenter de plus effroyable; et jamais on n'a rien inventé ni de plus rigoureux pour les scélérats, ni de plus infàme pour les esclaves. Aussi le maître de l'éloquence accusant un gouverneur de province d'avoir fait crucifier un Romain, représente cette action comme la plus noire et la plus furieuse qui puisse tomber dans l'esprit d'un homme, et proteste que par un tel attentat la liberté publique et la majesté de l'Empire étoient violées (CICER. in VERREM, lib. vi. ). C'étoit assez d'être né libre, fidèles, pour être exempt de

cet horrible supplice. Il ne falloit pas seulement que ceux que l'on attachoit à la croix fussent les plus détestables de tous les mortels, mais encore les derniers et les plus abjects. Ainsi ce que les Romains trouvoient insupportable pour leurs citoyens, les Juifs parricides l'ont fait souffrir à leur Roi.

Mais ce qui surpasse tous les malheurs, c'est que, selon la remarque du saint Apôtre, « le >> crucifié est maudit de Dieu ( Gal., III. 13.), » comme il est écrit au Deutéronome : « Maudit » de Dieu le pendu au bois (Deut., XXI, 23.). » Et qu'y a-t-il donc de plus honteux que la croix, puisque nous y voyons jointes ensemble l'exécration des hommes, et la malédiction du Dieu tout-puissant? Après cela, dites-moi, je vous prie, quelle est notre audace de ne rougir pas d'adorer un Maître pendu? Et où est le front de l'Apôtre, qui, ayant dit aux Corinthiens, « qu'il »> ne souffrira pas que sa gloire lui soit ravie » (1. Cor., IX. 15.), » ne craint pas de dire aux Galates : « A Dieu ne plaise que je me glorifie en >> autre chose qu'en la croix de Jésus? » Quel honneur, quelle gloire à un homme qui témoigne en être jaloux! Ah! pénétrons sa pensée, chrétiens, et apprenons à nous glorifier avec lui dans les opprobres de notre Sauveur. Pour cela, suivez, s'il vous plaît, ce raisonnement.

La gloire du chrétien ne peut être que la gloire de Dieu; d'autant que le chrétien ne trouve rien qui soit digne de son ambition et de son courage, que les choses divines et immortelles. Or, la gloire de Dieu consiste en deux choses; premièrement en sa puissance absolue; et après, en sa miséricorde infinie: car, pour avoir de la gloire, il faut être grand, et il faut faire éclater sa grandeur. Si l'éclat n'est appuyé sur une grandeur solide, il est foible et n'a qu'un faux jour; et si la grandeur est cachée, elle ne brille pas de cette belle et pure lumière, sans laquelle la gloire ne peut subsister. Je dis donc que la gloire de Dieu est en sa puissance et en sa bonté. Par la première, il est majestueux en lui-même; par l'autre, il est magnifique envers nous. Par la puissance, il enferme en son sein des trésors et des richesses immenses; mais c'est la miséricorde qui ouvre ce sein, pour les faire inonder sur les créatures. La puissance est comme la source, et la miséricorde est comme un canal. La puissance fournit ce que distribue la miséricorde ; et c'est du mélange de ces deux choses que naît ce divin éclat que nous appelons la gloire de Dieu.

Ce qui a fait dire ces beaux mots au psalmiste: « Dieu, dit-il, a parlé une fois (Ps., LXI. 12.), ».

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J'entends ici par cette parole le bruit de la gloire de Dien, qui retentit par tout l'univers, selon ce que dit le même psalmiste: « Les cieux » racontent la gloire de Dieu, et le firmament » publie la grandeur de ses œuvres (Ps. XVIII. 1.).» Dieu done a parlé une fois, dit David : et qu'est-ce qu'il a dit, grand prophète? « Il a » parlé une fois ; et j'ai, dit-il, entendu ces deux » choses, qu'à Dieu appartient la puissance, et » qu'à lui appartient la miséricorde (Ps. LXI. 12, » 13.). » Par où vous voyez manifestement que Dieu ne se glorifie que de sa puissance et de sa bonté. C'est la véritable gloire de Dieu; parce que la miséricorde divine, touchée de compassion de la bassesse des créatures, et sollicitant en leur faveur la puissance; en même temps qu'elle orne ce qui n'a aucun ornement par soi-même, elle fait retourner tout l'honneur à Dieu, qui seul est capable de relever ce qui n'est rien par sa condition naturelle.

Ces choses étant ainsi supposées, passons outre maintenant, et disons: La gloire de notre Dieu est en sa puissance et en sa bonté, ainsi que nous l'avons vu fort évidemment : or, c'est en la croix que paroissent le mieux la puissance et la miséricorde divine; ce que je me propose de vous faire voir avec la grâce du Saint-Esprit. C'est pourquoi l'apôtre saint Paul, qui dit « que tout » l'Evangile consiste en la croix, » appelle l'Evan gile « la force et la puissance de Dieu (1. Cor., 1. » 17, 18.). » Et d'ailleurs il ne nous prêche autre chose, sinon que « la croix nous rend Dicu pro» pice, et nous assure sa miséricorde par Notre>> Seigneur Jésus-Christ (Ephes., 11. 16, 18; Col., » 1. 20.). » Par conséquent, il est vrai que la croix est la gloire des chrétiens; et quand je vous aurai montré dans le supplice de notre Maitre ces deux qualités excellentes, je pourrai dire avec l'apôtre saint Paul : « A Dieu ne plaise que je » me glorific en autre chose qu'en la croix de » Jésus! » C'est le sujet de cet entretien. Je considère aujourd'hui comme les deux bras de la croix du Sauveur Jésus; dans l'un je me représente un trésor infini de puissance; et dans l'autre, une source immense de miséricorde.

Inspirez-nous, o Seigneur Jésus, afin que nous célébrions dignement la gloire de votre croix. Et vous, ô peuple d'acquisition (1. PETR., II. 9.), vous que le sang du prince Jésus a délivré d'une servitude éternelle, contemplez attentivement les merveilles de la mort triomphante de votre invincible libérateur. Commençons avec l'assistance de Dieu, et glorifions sa toute-puissance dans l'exaltation de sa croix,

PREMIER POINT.

Si vous voyez Notre-Seigneur Jésus-Christ abandonné à la fureur des bourreaux, s'il rend l'âme parmi des douleurs incroyables, ne vous imaginez pas, chrétiens, qu'il soit réduit à cette extrémité par foiblesse ou par impuissance : ce n'est pas la rigueur des tourments qui le fait mourir; il meurt, parce qu'il le veut; « et il » sort du monde sans contrainte, parce qu'il y » est venu volontairement : » Abscessit potestate, quia non venerat necessitate (S. AUG., in JOAN, tract. XXXI. n. 6. tom. I. part. II. col. 522.). La mort dans les animaux est une défaillance de la nature : la mort en Jésus-Christ est un effet de puissance. C'est pourquoi luimême parlant de sa mort, il dit : « J'ai la puis»sance de quitter la vie, et j'ai la puissance de » la reprendre (JOAN., x. 18.). » Où vous voyez manifestement qu'il met en même rang sa résurrection et sa mort; et qu'il ne se glorifie pas moins du pouvoir qu'il a de mourir, que de celui qu'il a de ressusciter.

Et en effet, ne falloit-il pas qu'il eût en luimême un préservatif infaillible contre la mort; puisque, par sa seule parole, il faisoit revivre des corps pourris, et ranimoit la corruption? Ce jeane mort de Naïm, et la fille du prince de la Synagogue, et le Lazare, déjà puant (LUC., VII. 15; MARC., v. 42; JOAN, XI. 44.), n'ont-ils pas ressenti la vertu de cette parole vivifiante? Celui donc qui avoit le pouvoir de rendre la vie aux autres, avec quelle facilité pouvoit-il se la conserver à lui-même? En vain s'efforceroit-on de faire sécher les grandes rivières, ou de faire tarir les fontaines d'eau vive : à mesure que vous en ôtez, la source toujours féconde répare sa perte par elle-même, et s'enrichit continuellement de nouvelles eaux: ainsi étoit-il du Sauveur Jésus. Il avoit en lui-même une source éternelle de vie, je veux dire le Verbe divin; et celle source est trop abondante, pour pouvoir être jamais épuisée. Frappez tant que vous voudrez, ô bourreaux; faites des ouvertures de toutes parts sur le corps de mon aimable Sauveur, afin de faire, pour ainsi dire, écouler cette belle vie : il en porte la source en lui-même; et comme celle source ne peut tarir, elle ne cessera jamais de couler, si lui-même ne retient son cours. Mais ce que votre haine ne peut pas faire, son amour le fera pour notre salut. Lui qui commande, ainsi qu'il lui plaît, à la santé et aux maladies, il commandera à la vie de se retirer pour un temps de son divin corps. Il ne veut pas que la nécessité naturelle ait aucune part dans sa mort;

parce qu'il en réserve toute la gloire à la charité infinie qu'il a pour les hommes. Par où vous voyez, chrétiens, « que notre Maître est mort >> par puissance, et non par infirmité : » Potestate mortuus est, dit saint Augustin (de Nat. et Grat. n. 26. tom. x. col. 138.).

Aussi l'évangéliste saint Jean observe une chose qui mérite d'être considérée : c'est que le Sauveur étant à la croix, fait une revue générale sur tout ce qui étoit écrit de lui dans les prophéties; et voyant qu'il ne lui restoit plus rien à faire, que de prendre ce breuvage amer que lui promettoit le psalmiste, il demanda à boire. « J'ai soif, dit-il » aussitôt, afin que toutes choses fussent accom» plies (JOAN., XIX. 28.). » Puis, après avoir légèrement goûté de la langue le fiel et le vinaigre qu'on lui présentoit, il remarqua lui-même que tout étoit consommé, qu'il avoit exécuté de point en point toutes les volontés de son Père: et enfin ne voyant plus rien qui le pût retenir au monde, élevant fortement sa voix, il rendit l'âme avec une action si paisible, si libre, si préméditée, qu'il étoit aisé de juger que personne ne la lui ôtoit, mais qu'il la donnoit lui-même de son plein gré, ainsi qu'il l'avoit assuré : « Personne, dit-il, >> ne m'ôte mon âme ; mais je la donne moi-même » de ma pure et franche volonté (Ibid., x. 18.). » O gloire, o puissance du crucifié ! Quel autre voyons-nous qui s'endorme si précisément quand il veut, comme Jésus est mort quand il lui a plu ? Quel homme méditant un voyage marque si certainement l'heure de son départ, que Jésus a marqué l'heure de son trépas? De là vient que le Centenier, qui avoit ordre de garder la croix, considérant cette mort non-seulement si tranquille, mais encore si délibérée, et entendant ce grand cri dont Jésus accompagna son dernier soupir; étonné de voir tant de force dans cette extrémité de foiblesse, s'écria lui-même tout effrayé : « Vraiment cet homme est le Fils de » Dieu (MARC., xv. 39.). » Et lui, qui ne faisoit point d'état du Sauveur vivant, reconnut tant de puissance en sa mort, qu'elle lui fit confesser sa divinité.

Vous dirai-je ici, chrétiens, à la gloire de la eroix de Jésus, que ce mort que vous y voyez attaché, remue le ciel et les éléments, qu'il renverse tout l'ordre du monde, qu'il obscurcit le soleil et la lune, et, si j'ose parler de la sorte, qu'il fait appréhender à toute la nature le désordre et la confusion du premier chaos? Certes, je vous entretiendrois volontiers de tant d'étranges événements, n'étoit que je me suis proposé de vous dire de plus grandes choses. La croix a dompté

les démons; la croix a abattu l'orgueil et l'arrogance des hommes; la croix a renversé leur fausse sagesse, et a triomphé de leurs cœurs. J'estime plus glorieux d'avoir remporté une si belle victoire, que d'avoir troublé l'ordre de l'univers; parce que je ne vois rien dans tout l'univers de plus indocile, ni de plus fier, ni de plus indomptable que le cœur de l'homme. C'est en cela que la croix me paroît puissante, et vous le verrez très évidemment par la suite de ce discours. Renouvelez, s'il vous plaît, vos attentions, et suivez mon raisonnement.

Où la puissance paroît le mieux, c'est dans la victoire, surtout quand on la gagne sur des ennemis superbes et audacieux. Or, fidèles, ce Dieu infiniment bon, sous le règne duquel toutes les créatures seroient heureuses si elles étoient soumises, il a eu des rebelles et des ennemis, parce qu'il y a eu des ingrats et des insolents. Il a fallu dompter ces rebelles; mais pourquoi les dompter par la croix? C'est le miracle de la toute-puissance, c'est le grand mystère du christianisme. Pénétrons dans ces vérités adorables sous la conduite des Ecritures.

Sachez donc que le plus grand ennemi de Dieu, celui qui lui est le plus insupportable, celui qui choque le plus sa grandeur et sa souveraineté, c'est l'orgueil car encore que les autres vices abusent les créatures de Dieu contre son service, ils ne nient pas qu'elles ne soient à lui; au lieu que l'orgueil, autant qu'il le peut, les tire de son domaine. Et comment? c'est parce que l'orgueilleux veut se rendre maître de toutes choses; il croit que tout lui est dû son ordinaire est de s'attribuer tout à lui-même; et par-là il se fait lui-même son Dieu, secouant le joug de l'autorité souveraine. C'est pourquoi le diable s'étant élevé par une arrogance extraordinaire, les Ecritures ont dit qu'il avoit affecté la divinité (Is., XIV. 14.) : et Dieu lui-même nous déclare souvent qu'il est un Dieu jaloux (Exod., XXXIV. 14.), qui ne peut souffrir les superbes; qu'il rejette les orgueilleux de devant sa face (Is., XLII. 8.); parce que les superbes sont ses rivaux, et veulent traiter d'égal avec lui par conséquent il est véritable que l'orgueil est le capital ennemi de Dieu.

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cet esprit superbe, conservant sa première audace, même dans les cachots éternels, ne conçoit que de furieux desseins. Il médite de subjuguer l'homme, à cause que Dieu l'honore et le favorise; mais, sachant qu'il n'y peut réussir, tant que les hommes demeureront dans la soumission pour leur Créateur, il en fait premièrement des rebelles, afin d'en faire après cela des esclaves. Pour les rendre rebelles, il falloit auparavant les rendre orgueilleux. Il leur inspire donc l'arrogance qui le possède: de là l'histoire de nos malheurs; de là cette longue suite de maux qui affligent notre nature opprimée par la violence de ce tyran.

Enflé de ce bon succès, il se déclare publiquement le rival de Dieu: il abolit son culte par toute la terre; il se fait adorer en sa place par les hommes qu'il a assujétis à sa tyrannic. C'est pourquoi le Fils de Dieu l'appelle « le prince du » monde (JOAN., XII. 31.), » et l'Apôtre, encore plus énergiquement, « le Dieu de ce siècle (2. Cor., » IV. 4.). » Voilà de quelle sorte l'orgueil a armé le ciel et la terre, tâchant d'abattre le trône de Dieu. C'est lui qui est le père de l'idolâtrie : car c'est par l'orgueil que les hommes méprisant l'autorité légitime, et devenus amoureux d'euxmêmes, se sont fait des divinités à leur mode. Ils n'ont point voulu de dieux que ceux qu'ils faisoient; ils n'ont plus adoré que leurs erreurs et leurs fantaisies dignes certes d'avoir des dieux de pierre et de bronze, et de servir aux créatures inanimées, eux qui se lassoient du culte du Dieu vivant, qui les avoit formés à sa ressemblance. Ainsi toutes les créatures agitées de l'esprit d'orgueil qui dominoit par tout l'univers, faisoient la guerre à leur Créateur avec une rage impuis

sante.

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Elevez-vous, Seigneur; que vos ennemis disparoissent, et que ceux qui vous haïssent >> soient renversés devant votre face (Ps. LXVII. » 1.). » Mais, ô Dieu, de quelles armes vous servez-vous pour défaire ces escadrons furieux? | Je ne vois ni vos foudres, ni vos éclairs, ni cette majesté redoutable devant laquelle les plus hautes montagnes s'écoulent comme de la cire; je vois seulement une chair meurtrie et du sang épanché avec violence, et une mort infâme et cruelle, une croix et une couronne d'épines : c'est tout votre appareil de guerre ; c'est tout ce que vous à vos ennemis. Justement, certes, jusopposez tement; et en voici la raison solide, que je vous prie, chrétiens, de considérer.

C'est honorer l'orgueil, que d'aller contre lui par la force; il faut que l'infirmité même le

dompte. Ce n'est pas assez qu'il succombe, s'il n'est contraint de reconnoître son impuissance; il faut le renverser par ce qu'il dédaigne le plus. Tu t'es élevé, ô Satan, tu t'es élevé contre Dieu de toute ta force: Dieu descendra contre toi armé seulement de foiblesse; afin de montrer combien il se rit de tes téméraires projets. Tu as voulu être le Dieu de l'homme; un homme sera ton Dieu tu as amené la mort sur la terre; la mort ruinera tes desseins : tu as établi ton empire en attachant les hommes à de faux honneurs, à des richesses mal assurées, à des plaisirs pleins d'illusion; les opprobres, la pauvreté, l'extrême misère, la croix en un mot détruira ton empire de fond en comble. O puissance de la croix de Jésus !

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Les vérités de Dieu étoient bannies de la terre, tout étoit obscurci par les ténèbres de l'idolâtrie. Chose étrange, mais très véritable ! les peuples les plus polis avoient les religions les plus ridicules; ils se vantoient de n'ignorer rien, et ils étoient si misérables que d'ignorer Dieu. Ils réussissoient en toutes choses jusqu'au miracle : sur le fait de la religion, qui est le capital de la vie humaine, ils étoient entièrement insensés. Qui le pourroit croire, fidèles, que les Egyptiens, les pères de la philosophie; les Grecs, les maîtres des beaux arts; les Romains si graves et si avisés, que leur vertu faisoit dominer par toute la terre; qui le croiroit, qu'ils eussent adoré les bêtes, les éléments, les créatures inanimées, des dieux parricides et incestueux; que non-seulement les fièvres et les maladies, mais les vices les plus infâmes et les plus brutales des passions eussent leurs temples dans Rome? Qui ne seroit contraint de dire en ce lieu, que Dieu avoit abandonné à l'erreur ces grands mais superbes esprits, qui ne vouloient pas le reconnoître, et qu'ayant quitté la véritable lumière, le Dieu de ce siècle les a aveuglés pour ne voir pas des choses si manifestes?

Et le monde et les maîtres du monde, le diable les tenoit captifs et tremblants sous de serviles religions, desquelles néanmoins ils étoient jaloux, non moins que de la grandeur de leur république. Qu'y avoit-il de plus méchant que leurs dieux? Quoi de plus superstitieux que leurs sacrifices? Quoi de plus impur que leurs profanes mystères? Quoi de plus cruel que leurs jeux, qui faisoient parmi eux une partie du culte divin? jeux sanglants et dignes de bêtes farouches, où ils souloient leurs faux dieux de spectacles barbares et de sang humain. Cependant tant de philosophes, tant de grands esprits que le bel ordre du monde forçoit à reconnoître l'unique divinité qui gouverne toute la nature, encore qu'ils fussent choqués de tant de

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