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foi des nouveaux catholiques; motifs pressants pour les fidèles de les soulager dans leurs besoins.

Exallari oportet Filium hominis.

Il faut que le Fils de l'homme soit exalté (JOAN., 111. 14.). Christo confixus sum cruci.

Je suis attaché à la croix avec Jésus-Christ (Gal., 11. 19.).

Toute l'Ecriture nous prêche que la gloire du Fils de Dieu est dans les souffrances, et que c'est à la croix qu'il est exalté : il n'est rien de plus véritable. Jésus est exalté à la croix par les peines qu'il a endurées; Jésus est exalté à la croix par les peines que nous endurons. C'est, mes frères, sur ce dernier point que je m'arrêterai aujourd'hui comme sur celui qui me semble le plus fructueux; et je me propose de vous faire voir combien le Fils de Dieu est glorifié dans les souffrances qu'il nous envoie. Mais, chrétiens, ne nous trompons pas; dans la gloire qu'il tire de nos afllietions, il y est glorifié en deux manières, dont l'une certainement n'est pas moins terrible, que l'autre est salutaire et glorieuse.

Voici une doctrine importante, voici un grand mystère que je vous propose; et afin de le bien entendre, venez le méditer au Calvaire, au pied de la croix de notre Sauveur ; vous y verrez deux actions opposées que le Père y exerce dans le même temps. Il y exerce sa miséricorde et sa justice; il punit et remet les crimes; il se venge et se réconcilie tout ensemble: il frappe son Fils innocent pour l'amour des hommes criminels, et en même temps il pardonne aux hommes criminels pour l'amour de son Fils innocent. O justice! ô miséricorde ! qui vous a ainsi assemblées ? C'est le mystère de Jésus-Christ; c'est le fondement de sa gloireet de son exaltation à la croix, d'avoir concilié en sa personne ces deux divins attributs, je veux dire, la miséricorde et la justice.

Mais cette union admirable nous doit faire considérer que, comme en la croix de notre Sauveur la vengeance et le pardon se trouvent ensemble; aussi pouvons-nous participer à la croix en ces deux manières différentes, ou selon la rigueur qui s'y exerce, ou selon la grâce qui s'y accorde. Et c'est ce qu'il a plu à Notre-Seigneur de nous faire voir au Calvaire. Nous y voyons, dit saint Augustin, trois hommes en croix, un qui donne >> le salut, un qui le reçoit, un qui le méprise : >> Tres erant in cruce, unus salvator, alius salvandus, alius damnandus (Enar. 11, in Psal. XXXIV, n. 1, tom. iv, col. 238.). Au milieu, l'auteur de la grâce; d'un côté un qui en profite; de l'autre côté un qui la rejette. Discernement ter

rible, et diversité surprenante! Tous deux sont à la croix avec Jésus-Christ, tous deux compagnons de son supplice; mais hélas! il n'y en a qu'un qui soit compagnon de sa gloire. Ce que le Sauveur avoit réuni, je veux dire la miséricorde et la vengeance, ces deux hommes l'ont divisé. JésusChrist est au milieu d'eux, et chacun a pris son partage de la croix de Notre-Seigneur. L'un y a trouvé la miséricorde, l'autre les rigueurs de la justice; l'un y a opéré son salut, l'autre y a commencé sa damnation : la croix a élevé jusqu'au paradis la patience de l'un; la croix a précipité au fond de l'enfer l'impénitence de l'autre. Ils ont donc participé à la croix en deux manières bien différentes; mais cette diversité n'empêchera pas que Jésus ne soit exalté en l'un et en l'autre, ou par sa miséricorde, ou par sa justice: Exaltari oportet Filium hominis.

Apprenez de là, chrétiens, de quelle sorte et en quel esprit vous devez recevoir la croix. Ce n'est pas assez de souffrir; car qui ne souffre pas dans la vie? Ce n'est pas assez d'être sur la croix ; car plusieurs y sont comme ce voleur impénitent, qui sont bien éloignés du crucifié. La croix dans les uns est une grâce, la croix dans les autres est une vengeance; et toute cette diversité dépend de l'usage que nous en faisons. Avisez donc sérieusement, ô vous, âmes que Jésus afflige, Ô vous que ce divin Sauveur a mis sur la croix; avisez sérieusement dans lequel de ces deux états vous voulez y être attachés; et afin que vous fassiez un bon choix, voyez ici en peu de paroles la peinture de l'un et de l'autre, qui fera le partage de ce discours.

PREMIER POINT.

Pour parler solidement des afflictions, connoissons premièrement quelle est leur nature, et disons, s'il vous plaît, Messieurs, avant toutes choses, que la cause générale de toutes nos peines, c'est le trouble qu'on nous apporte dans les choses que nous aimons. Or il me semble que nous voyons par expérience que notre âme y peut être troublée en trois différentes façons : ou lorsqu'on lui refuse ce qu'elle désire; ou lorsqu'on lui ôte ce qu'elle possède; ou lorsque, lui en laissant la possession, on l'empêche de le goûter.

Premièrement on nous inquiète quand on nous refuse ce que nous aimons: car il n'est rien de plus misérable que cette soif, qui jamais n'est rassasiće; que ces désirs toujours suspendus, qui s'avancent éternellement sans rien prendre; que cette fâcheuse agitation d'une âme toujours frustrée de ce qu'elle espère: on ne peut assez expri

mer combien elle est travaillée par ce mouvement. Toutefois on l'afflige beaucoup davantage, quand on la trouble dans la possession du bien qu'elle tient déjà entre ses mains; parce que, dit saint Augustin (de lib, Arbit., lib. 1, n. 33, tom. 1, col. 583.), « quand elle possède ce qu'elle a aimé, » comme les honneurs, les richesses ou quelque » autre chose semblable, elle se l'attache à elle>> même par le contentement qu'elle a de l'avoir, »> l'aise qu'elle sent d'en jouir; elle se l'incorpore en quelque façon, si je puis parler de la sorte; cela devient comme une partie de nous-mêmes, ou, pour dire le mot de saint Augustin, «< comme » un membre de notre cœur, » Velut membra animi: de sorte que si l'on vient à nous l'arracher, aussitôt le cœur en gémit; il est comme déchiré et ensanglanté par la violence qu'il souffre.

La troisième espèce d'affliction, qui est si ordinaire dans la vie humaine, ne nous ôte pas entièrement le bien qui nous plait; mais elle nous traverse de tant de côtés, elle nous presse tellement d'ailleurs, qu'elle ne nous permet pas d'en jouir. Par exemple, vous avez acquis de grands biens, il semble que vous devez être heureux; mais vos continuelles infirmités vous empêchent de goûter le fruit de votre bonne fortune : est-il rien de plus importun? C'est être au milieu d'un jardin, sans avoir la liberté d'en goûter les fruits, non pas même d'en cueillir les fleurs ; c'est avoir, pour ainsi dire, la coupe à la main, et n'en pouvoir pas rafraichir sa bouche, bien que vous soyez pressé d'une soif ardente; et cela vous cause un chagrin extrême. Voilà, Messieurs, comme les trois sources qui produisent toutes nos plaintes; voilà ce qui fait murmurer les enfants des hommes.

Mais le fidèle serviteur de Dieu ne perd pas sa tranquillité parmi ces disgrâces, de laquelle de ces trois sources que puissent naître ses afflictions: et quand même elles se joindroient toutes trois ensemble pour remplir son âme d'amertume, il bénit toujours la bonté divine, et il connoît que Dieu ne le frappe que pour exalter en lui sa miséricorde Oportet exaltari Filium hominis. En effet, il est véritable; et afin de nous en convaincre, parcourons, je vous prie, en peu de paroles, ces trois sources d'afflictions; sans doute nous y trouverons trois sources de grâces.

Et premièrement, chrétiens, il n'est rien ordinairement de plus salutaire que de nous refuser ce que nous désirons avec ardeur; et je dis mème dans les désirs les plus innocents: car pour les désirs criminels, qui pourroit révoquer en doute que ce ne soit un effet de miséricorde, que d'en

empêcher le succès? Tu es enflammé de sales désirs, et tu crois qu'on te favorise quand on te laisse le moyen de les satisfaire. Malheureux, c'est une vengeance par laquelle Dieu punit tes premiers désordres, en te livrant justement au sens réprouvé : car si tu étois si heureux, qu'il s'élevât de toutes parts des difficultés contre tes prétentions honteuses, peut-être qu'au milieu de tant de traverses tes ardeurs insensées se ralentiroient; au lieu que ces ouvertures commodes, et cette malheureuse facilité que tu trouves, précipitent ton intempérance aux derniers excès; tellement qu'à force de t'abandonner à ces funestes appétits que la fièvre excite, de fou tu deviens furieux, et une maladie dangereuse se tourne en une maladie désespérée.

Reconnoissez donc, ô enfants de Dieu, avec quelle miséricorde Dieu nous laisse dans la foiblesse et dans l'impuissance : c'est que ce souverain médecin sait guérir nos maladies de plus d'une sorte. Quelquefois il nous laisse dans un grand pouvoir, qu'il réduit à ses justes bornes par droite volonté ; en sorte que celui qui a été maître de transgresser le commandement ne l'a point transgressé : Qui potuit transgredi, et non est transgressus ( Eccli., XXXI. 10.). Quelquefois il se sert d'une autre méthode, et il réduit la volonté en restreignant le pouvoir : Frænatur potestas, ut sanetur voluntas, dit saint Augustin ( ad MACED., Ep. CLIII, n. 16, t. 11, col. 530.). Sa miséricorde, qui nous veut guérir, oppose à nos désirs emportés des difficultés insurmontables: ainsi il nous dompte par la résistance; et fatiguant notre esprit, il nous accoutume à ne vouloir plus ce que nous trouvons impossible.

Mais, Messieurs, si vous trouvez juste qu'il s'oppose aux volontés criminelles, peut-être aussi vous semble-t-il rude qu'il étende cette rigueur jusqu'aux désirs innocents; toutefois ne vous plaignez pas de cette conduite. Un sage jardinier n'arrache pas seulement d'un arbre les branches gâtées; mais il en retranche aussi quelquefois les accroissements superflus. Ainsi Dieu n'arrache pas seulement en nous les désirs qui sont corrompus; mais il coupe quelquefois jusqu'aux inutiles; et la raison de cette conduite est bien digne de sa bonté et de sa sagesse: c'est que celui qui nous a formés, qui connoît les secrets ressorts qui font mouvoir nos inclinations, sait, qu'en nous abandonnant sans réserve à toutes les choses qui nous sont permises, nous nous laissons aisément tomber à celles qui sont défendues. Et n'est. ce pas ce que sentoit saint Paulin, lorsqu'il se plaint

familièrement au plus intime de ses amis? «< Je >> fais, dit-il, plus que je ne dois, pendant que je >> ne prends aucun soin de me modérer en ce que » je puis : » Quod non expediebat admisi, dum non tempero quod licebat (ad SEVER., Ep. XXX, n. 3.). La vertu en elle-même est infiniment éloignée du vice; mais telle est la foiblesse de notre nature, que les limites s'en touchent de près dans nos esprits, et la chute en est bien aisée. Il importe que notre âme ne jouisse pas de toute la liberté qui lui est permise, de peur qu'elle ne s'emporte jusqu'à la licence; et que s'étant épanchée à l'extrémité, elle ne passe aisément au-delà des bornes. C'est donc un effet de miséricorde de ne contenter pas toujours nos désirs, non pas même les innocents: cette croix nous est salutaire.

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Mais notre Sauveur va beaucoup plus loin ; et cette même miséricorde qui dénie à notre âme ce qu'elle poursuit, lui arrache quelquefois ce qu'elle possède. Chrétien, n'en murmure pas : il le fait par une bonté paternelle; et nous le comprendrions aisément, si nous nous savions connoître nous-mêmes. Ne me dis pas, âme chrétienne Pourquoi m'ôte-t-on cet ami intime? pourquoi un fils, pourquoi un époux, qui faisoit toute la douceur de ma vie? Quel mal faisois-je en les aimant, puisque cette amitié est si légitime! Non, je ne veux pas entendre ces plaintes dans la bouche d'un chrétien; parce qu'un chrétien ne peut ignorer combien la chair et le sang se mêlent dans les affections les plus légitimes, combien les intérêts temporels, combien de sortes d'inclinations qui naissent en nous de l'amour du monde. Et toutes ces inclinations ne sont-ce pas, si nous l'entendons, comme autant de petites parties de nous-mêmes qui se détachent du Créateur pour s'attacher à la créature, et que la perte que nous faisons des personnes chères nous apprend à réunir en Dieu seul, comme des lignes écartées du centre? Mais les hommes n'entendent pas combien cette perte leur est salutaire; parce qu'ils n'entendent pas combien ces attachements sont dangereux : ils ne se connoissent pas eux-mêmes, ni la pente qu'ils ont aux biens périssables.

O cœur humain, si tu connoissois combien le monde te prend aisément, avec quelle facilité tu t'y attaches; combien tu louerois la main charitable qui vient rompre violemment ces liens, en te troublant dans la possession des biens de la terre! Il se fait en nous, en les possédant, certains nœuds secrets qui nous engagent insensiblement dans l'amour des choses présentes; et cet engagement est plus dangereux, en ce qu'il est

ordinairement plus imperceptible. Oui, le désir se fait mieux sentir, parce qu'il a de l'agitation et du mouvement; mais la possession assurée, c'est un repos, c'est comme un sommeil ; on s'y endort, on ne le sent pas : c'est pourquoi le divin Apôtre dit, que ceux qui amassent de grandes richesses, «< tombent dans de certains lacets invi»sibles: » Incidunt in laqueum (1. Tim., VI. 9.), où le cœur se prend aisément. Il se détache du Créateur par l'amour désordonné de la créature, et à peine s'aperçoit-il de cet attachement excessif. Il faut, chrétiens, le mettre à l'épreuve ; il faut que le feu des tribulations lui montre à se connoître lui-même ; « il faut, dit saint Augustin, » qu'il apprenne, en perdant ces biens, combien >> il péchoit en les aimant : » Quantùm hæc amando peccaverint, perdendo senserunt (de Civit. Dei, lib. 1, cap. x, tom. VII, col. 11.).

Et cela de quelle manière? Qu'on lui dise que cette maison est brûlée, que cette somme est perdue sans ressource par la banqueroute de ce marchand; aussitôt le cœur saignera, la douleur de la plaie lui fera sentir par combien de fibres secrètes ces richesses tenoient au fond de son cœur, et combien il s'écartoit de la droite voie par cet engagement vicieux : Quantùm hæc amando peccaverint, perdendo senserunt. Il connoîtra mieux par expérience la fragilité des biens de la terre, dont il ne se vouloit laisser convaincre par aucuns discours : dans les débris des choses humaines il tournera les yeux vers les biens éternels, qu'il commençoit peut-être à oublier; ainsi ce petit mal guérira les grands, et sa blessure sera son salut.

Mais si Dieu laisse à ses serviteurs la 'jouissance des biens du siècle; ce qu'il peut faire de meileur pour eux, c'est de leur en donner du dégoût, de répandre mille amertumes sur tous leurs plaisirs, de ne leur permettre pas de s'y reposer, de secouer et d'abattre cette fleur du monde qui leur rit trop agréablement; de leur faire naître des difficultés, de peur que cet exil ne leur plaise, et qu'ils ne le prennent pour la patrie. Vous voyez donc, ô enfants de Dieu, qu'en quelque partie de sa croix qu'il plaise au Sauveur de vous attacher, soit qu'il vous refuse ce que vous aimiez, soit qu'il vous ôte ce que vous possédiez, soit qu'il ne vous permette pas de goûter les biens dont il vous laisse la jouissance; c'est toujours pour exercer en vous sa miséricorde, et exalter sa bonté dans vos afflictions.

O Dieu! si je pouvois vous faire comprendre combien elle est glorifiée par vos souffrances, que ce discours seroit fructueux, et ma peine

utilement employée! Mais si mes paroles ne le peuvent pas, venez l'apprendre de ce voleur pénitent, dont je vous ai d'abord proposé l'exemple. Pendant que tout le monde trahit Jésus-Christ, pendant que tous les siens l'abandonnent, il s'est réservé cet heureux larron pour le glorifier à la croix : « Sa foi a commencé de fleurir où la foi » des disciples a été flétrie : » Tunc fides ejus de ligno floruit, quando discipulorum marcuit (S. AUG., lib. 1. de Anima et ejus orig. n. II. tom. x. col. 342.). Jésus, déshonoré par tout le monde, n'est plus exalté que par lui seul: venez profiter d'un si bel exemple; voici un modèle accompli.

Il n'oublie rien, mes frères, de ce qu'il faut faire dans l'affliction; il glorifie Jésus-Christ en autant de sortes qu'il veut être glorifié sur la croix : : voyez premièrement comme il s'humilic par la confession de ses crimes. « Pour nous, » dit-il, c'est avec justice, puisque nous souf» frons la peine que nos crimes ont méritée. » Et nos quidem justė, nam digna factis recipimus (Lvc., XXIII. 41.). Comme il baise la main qui le frappe, comme il honore la justice qui le punit c'est là, mes frères, l'unique moyen de la tourner en miséricorde. Mais ce saint larron ne finit pas là: après s'être considéré comme criminel, il se tourne au juste qui souffre avec lui: « Mais celui-ci, ajoute-t-il, n'a » fait aucun mal : » Hic verò nihil mali gessit (Ibid.). Cette pensée adoucit ses maux : il s'estime heureux, dans ses peines, de se voir uni avec l'innocent; et cette société de souffrances lui donnant avec Jésus-Christ une sainte familiarité, il lui demande avec foi part en son royaume, comme il lui en a donné en sa croix : Domine, memento mei, cùm veneris in regnum tuum (Ibid., 42.). « Seigneur, souvenez-vous de moi, » lorsque vous serez venu en votre royaume. » Je triomphe de joie, mes frères, mon cœur est rempli de ravissement en voyant la foi de ce saint voleur. Un mourant voit Jésus mourant, et il lui demande la vie ; un crucifié voit Jésus crucifié, et il lui parle de son royaume; ses yeux n'aperçoivent que des croix, et sa foi ne se réprésente qu'un trône. Quelle foi et quelle espérance! Si nous mourons, mes frères, nous savons que Jésus-Christ est vivant, et notre foi chancelante a peine toutefois à s'y confier celui-ci voit mourir Jésus avec lui, et il espère, et il se console, et il se réjouit même dans un si cruel supplice. Imitons un si saint exemple; et si nous ne sommes animés par celui de tant de martyrs et de tant de saints, rougissons du moins, chrétiens, de nous laisser TOME II.

surpasser par un voleur. Confessons nos péchés avec lui reconnoissons avec lui l'innocence de Jésus-Christ si nous imitons sa patience, la consolation ne manquera pas. Aujourd'hui, aujourd'hui, dira le Sauveur, tu seras avec moi dans mon paradis. Ne crains pas, ce sera bientôt; cette vie se passe bien vite, elle s'écoulera comme un jour d'hiver, le matin et le soir s'y touchent de près ce n'est qu'un jour, ce n'est qu'un moment, que la seule infirmité fait paroître long: quand il sera écoulé, tu t'apercevras combien il est court (S. AUG., tract. c. in JOAN., n. 6. tom ш. part. п. col. 753. ). Aie donc patience avec ce larron, exalte cette rigueur salutaire qui te frappe par miséricorde. Mais si cet exemple ne te touche pas, voici quelque chose de plus terrible qui me reste maintenant à te proposer; c'est la justice, c'est la vengeance qui brise sur la croix les impénitents; c'est par où je m'en vais conclure.

SECOND POINT.

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Nous apprenons par les saintes Lettres, que la prospérité des impies est un effet de la vengeance de Dieu, et de sa colère qui les poursuit. Oui, lorsqu'ils nagent dans les plaisirs, que tout leur rit, que tout leur succède; cette paix que nous admirons, qui, selon l'expression du Prophète, « fait sortir l'iniquité de leur graisse, Prodiit quasi ex adipe iniquitas eorum (Ps. LXXXII. 7.), qui les enfle, qui les enivre jusqu'à leur faire oublier la mort, c'est un commencement de vengeance que Dieu exerce sur eux : cette impunité, c'est une peine qui, les livrant aux désirs de leurs cœurs, leur amasse un trésor de haine en ce jour d'indignation et de fureur implacable.

Si nous voyons dans l'Ecriture que Dieu sait quelquefois punir les impics par une félicité apparente, cette même Ecriture, qui ne ment jamais, nous enseigne qu'il ne les punit pas toujours en cette manière, et qu'il leur fait quelquefois sentir son bras par des misères temporelles. Cet endurci Pharaon, cette prostituée Jézabel, ce maudit meurtrier Achab; et sans sortir de notre sujet, ce larron impénitent et blasphémateur, rendent témoignage à ce que je dis, et nous font bien voir, chrétiens, que ce n'est pas assez d'être sur la croix pour être uni au crucifié. Ainsi cette croix, que vous avez vue comme une marque de miséricorde, vous va maintenant être présentée comme un instrument de vengeance: et afin que vous entendiez comme elle a pu sitôt changer de nature, remarquez, s'il vous plaît,

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Messieurs, qu'encore que toutes les peines soient nées du péché, il y en a néanmoins qui lui peuvent servir de remède.

Je dis que toutes les peines sont nées du péché, et en punissent les déréglements: car sous un Dieu si bon que le nôtre, l'innocence n'a rien à craindre, et elle ne peut jamais espérer qu'un traitement favorable: il est si naturel à Dieu d'être bienfaisant à ses créatures, qu'il ne feroit jamais de mal à personne, s'il n'y étoit forcé par les crimes. Toutefois il faut remarquer deux sortes de peines: il y a la peine suprême, qui est la damnation éternelle; il y a les peines de moindre importance, comme les afflictions de cette vie : « Toutes deux, >> dit saint Augustin, sont venues du crime, » toutes deux en doivent venger les excès. » Mais il y a cette différence, que la damnation éternelle est un effet de pure vengeance, et ne peut jamais nous tourner à bien; au lieu que les afflictions temporelles sont mêlées de miséricorde, et peuvent être employées à notre salut, suivant l'usage que nous en faisons : « C'est pourquoi, dit le » même saint, toutes les croix que Dieu nous >> envoie peuvent aisément changer de nature, >> selon la manière dont on les reçoit : il faut con» sidérer, non ce que l'on souffre, mais dans quel » esprit on le souffre: » Non qualia, sed qualis quisque patiatur (de Civit. Dei, lib. 1. cap. VIII. tom. vi. col. 8.). Ce qui étoit la peine du péché, étant sanctifié par la patience, est tourné à l'usage de la vertu; « et le supplice du criminel devient » le mérite de l'homme de bien : » Fit justi meritum etiam supplicium peccatoris (Ibid., lib. XIII. cap. IV. col. 328. ).

S'il est ainsi, chrétiens, permettez que je m'adresse à l'impie qui souffre sans se convertir, et que je lui fasse sentir, s'il se peut, qu'il commence son enfer dès ce monde; afin qu'ayant horreur de lui-même, il retourne à Dicu par la pénitence. Et afin de le presser par de vives raisons; car il faut, si nous le pouvons, convaincre aujourd'hui sa dureté, disons en peu de mots : Qu'est-ce que l'enfer? L'enfer, chrétiens, si nous l'entendons, c'est la peine sans la pénitence. Ne vous imaginez pas, chrétiens, que l'enfer soit sculement ces ardeurs brûlantes. Il y a deux feux dans l'Ecriture: un feu qui purge, Opus probabit ignis (1. Cor., III. 12.); « un feu qui >> consume et qui dévore, » Cum igne devorante; ignis non extinguetur (Is., xXXIII. 14; LXVI. 24.). La peine avec la pénitence, c'est un feu qui purge; la peine sans la pénitence, c'est un feu qui consume; et tel est proprement le feu de l'enfer. C'est pourquoi les afflictions de la vie

sont un feu où se purgent les âmes pénitentes : Salvus erit, sic tamen quasi per ignem (1. Cor., III. 15.); il en est ainsi des âmes du purgatoire. Elles se nettoient dans ce feu; parce que la peine est jointe aux sentiments de la pénitence, qu'elles ont emportée en sortant du monde; Quasi per ignem. Par conséquent, concluons que la peine sanctifiée par la pénitence nous est un gage de miséricorde; et concluons aussi au contraire que le caractère propre de l'enfer, c'est la peine sans la pénitence.

Si vous voulez voir, chrétiens, des peintures de ces gouffres éternels, n'allez pas rechercher bien loin ni ces fourneaux ardents, ni ces montagnes ensoufrées qui vomissent des tourbillons de flammes, et qu'un ancien appelle « des che>> minées de l'enfer : » Ignis inferni fumariola (TERTUL., de Panit. n. 12.). Voulez-vous voir une vive image de l'enfer et d'une âme damnée? regardez un pécheur qui souffre et qui ne se convertit pas? Tels étoient ceux dont David parle comme d'un prodige, « que Dieu avoit dissipés, »> nous dit ce prophète, et qui n'étoient pas tou>> chés de componction : » Dissipati sunt, nec compuncti (Ps. XXXIV. 16.); serviteurs rebelles et opiniâtres, qui se révoltent même sous la verge; abattus et non corrigés, attérés et non humiliés, châtiés et non convertis. Tel étoit le déloyal Pharaon, dont le cœur s'endurcissoit tous les jours sous les coups incessamment redoublés de la vengeance divine. Tels sont ceux dont il est écrit dans l'Apocalypse (Apoc., XVI. 10, 11.), que Dieu les ayant frappés d'une plaie horrible, de rage ils mordoient leurs langues, blasphémoient le Dieu du ciel, et ne faisoient point pénitence. Tels hommes ne sont-ils pas des damnés qui commencent leur enfer dès ce monde?

Et il ne faut pas dire: nous souffrons. Il y en a que la croix précipite à la damnation avec ce larron endurci au lieu de se corriger par la pénitence, et de s'irriter contre eux-mêmes, et de faire la guerre à leurs crimes, ils s'irritent contre le Dieu du ciel ; ils se privent des biens de l'autre vie, on leur arrache ceux de celle-ci : si bien qu'étant frustrés de toutes parts, pleins de rage et de désespoir, et ne sachant à qui s'en prendre, ils élèvent contre Dieu leur langue insolente, par leurs murmures et par leurs blasphèmes ; « et il » semble, dit Salvien, que leurs fautes se multi» pliant avec leurs supplices, la peine même de >> leurs péchés soit la mère de nouveaux crimes: »> Ut putares pœnam ipsorum criminum, quasi matrem esse vitiorum (de Gubernat. Dei, lib. vi, n. 13, pag. 140.).

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