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<< Savez-vous les mathématiques?» leur demandèrent alors les mandarins.

« Nous sommes deux vieillards qui les ignorons, répondit le père supérieur, mais en toute autre chose nous nous mettrions avec joie au service du roi. Le P. Ferdinand Verbiest est un mathématicien distingué, tant en théorie, qu'en pratique.

Cette réponse faite, les pères eurent l'autorisation de se relever; puis on s'assit et l'on se mit à causer. La conversation roula aussitôt sur le calendrier de Yam Quam Siem pour la huitième année de l'empereur Kang Hi, c'est-à-dire 1669.

Les mandarins demandèrent à Verbiest de leur montrer quelques-unes des erreurs qu'il contenait. Le père le fit avec tant de clarté, dit Magalhaens, auquel nous devons ce récit, qu'ils en étaient dans l'ébahissement. Il leur signala le 13 mois intercalaire, qui ne se justifiait pas et devait être reporté à l'année suivante; leur fit remarquer que le 19 jour de la 2e lune, la longueur assignée au jour était égale à celle de la nuit, tandis que l'équinoxe du printemps était mise le 21 du même mois. Cette dernière faute de Yam Quam Siem, palpable, grossière, provoqua un long accès d'hilarité. Les mandarins visiblement satisfaits retournèrent rendre compte au roi du résultat de leur visite.

Le soir, après le coucher du soleil, ils revinrent porteurs de nouveaux ordres. Le roi prescrivait aux pères de se rendre au palais le lendemain 26 décembre de grand matin. A leur arrivée, ils y trouvèrent déjà réunis de nombreux mandarins, tous les membres du tribunal des mathématiques, Uming Huen et Yam Quam Siem; le maure et l'adversaire, comme affecte de les nommer Magalhaens.

A un moment donné, tout le monde eut l'ordre de s'agenouiller, puis l'un des quatre mandarins députés la

veille en visite chez les pères, lut le rescrit royal, ainsi

conçu :

Moi, le roi, je vous ordonne à tous de mettre fin à vos querelles, controverses, injures et vieilles inimitiés; de vous efforcer avec bonne volonté de formuler une règle mathématique, sans équivoques ni erreurs, mais qui soit la meilleure possible. »

Cette lecture terminée, on se releva. Les quatre mandarins députés vers les pères leur étaient fort favorables. Interpellant Yam Quam Siem, ils lui demandèrent compte des erreurs de son calendrier. Pour toute réponse il riposta par des noms d'animaux et de grands coq-à-l'âne. J'emploie les expressions de Magalhaens. Les mandarins riaient et lui donnaient avec succès la réplique.

Vers l'heure de midi on se mit à table et l'on obligea les pères à s'asseoir à côté de Yam Quam Siem. Alors le collègue de ce dernier, Mahum, président tartare du tribunal des mathématiques (1), dit en élevant la voix :

« A quoi bon, Messeigneurs, s'épuiser en disputes que la plupart de nous ne comprennent pas ? Obéissez au roi. Terminez l'affaire vite et bien. Le roi vous commande d'établir une règle de mathématiques sûre, exempte d'erreur. La vraie règle des mathématiques est celle qui prédit, avec exactitude et sûreté, les éclipses observables à nos yeux ; qui détermine, avec vérité et certitude,le cours des planètes dont dépendent toutes les autres opérations mathématiques. Ces qualités se rencontrent toutes dans la règle européenne. Pourquoi vous attarder en chamaillis à en chercher une autre? Nous ne saurions la trouver. »

D'unanimes marques d'approbation accueillirent ce discours.

(1) Toutes les cours et commissions permanentes chinoises dites << tribunaux », étaient composées, en nombre égal, de membres chinois et tartares. Elles avaient deux présidents, un de chaque nationalité.

Êtes-vous prêt à suivre, défendre, publier la règle européenne, comme exempte de toute erreur? » demandèrent alors à Verbiest les quatre mandarins.

« Elle est la seule véritable, répondit-il ; je la défendrai volontiers. »

Ils ne s'adressèrent pas à Yam Quam Siem. Sa vieille règle chinoise était hors de cause. Elle était déjà condamnée par le roi, dit simplement Magalhaens, sans nous apprendre en quelle circonstance. Mais avisant Uming Huen: « Avez-vous l'intention de défendre votre règle?» dirent-ils.

<< Elle n'est encore ni formulée, ni corrigée », répondit le maure.

<< Mais alors, insistèrent-ils, le calendrier de la 8 année du règne de Kang Hi, c'est-à-dire, 1669, estil correct? »

<< Suffisamment ! » dit le maure.

« Suffisamment s'écria un des quatre mandarins. Prenez bien garde à vos paroles. Contient-il des erreurs oui ou non? »

<<< Il ne contient pas la plus légère erreur ayant besoin de correction », affirma Uming Huen.

<«< Ainsi donc, ajouta un autre mandarin, vous êtes assez osé pour présenter au roi un calendrier comme correct, tout en sachant qu'il ne l'est pas ! »

En fin de compte et malgré l'opposition de Yam Quam Siem, d'Uming Huen et d'un colao chinois fort hostile aux pères, on décida de s'en tenir aux règles européennes. Cependant le maure se défendait énergiquement. Trois ou quatre fois Verbiest se leva et lui fit des objections «< qui le mirent tellement dans le sac », dit Magalhaens, que s'il avait eu la moindre vergogne, il ne se serait plus risqué à causer mathématique.

Enchantés du succès de Verbiest, les quatre mandarins entreprirent de convertir le colao chinois à leur manière de voir. Ils réussirent sans trop de peine à lui faire avouer la supériorité de l'astronomie européenne.

Se sentant absolument isolé, Uming Huen se résigna, de mauvaise grâce, à l'accepter lui aussi. L'accord fut consigné par écrit, en chinois et en tartare, langue officielle de la cour.

Les quatre mandarins et le colao se retirèrent alors pour faire rapport au roi. Mis au courant, Kang Hi donna l'ordre d'introduire en sa présence Yam Quam Siem, Uming Huen, les trois pères et tout le tribunal des mathématiques. On entra et l'on se mit à genoux par ordre de dignité; les pères les derniers.

<<< Quel est parmi vous le mathématicien ? » leur demanda Kang Hi.

« Verbiest », dirent-ils.

Sur cette réponse, Kang Hi prenant un air grave et affable, le fit approcher, lui posa diverses questions, dont la dernière fut celle-ci : « Y a-t-il un moyen de nous faire voir quelle est la vraie et la fausse règle des mathématiques ? »

<<< Il en est un fort simple, dit Verbiest. Que les mandarins de Votre Majesté donnent à Yam Quam Siem une tige d'une forme et d'une hauteur à leur choix; qu'ils en donnent une autre à Uming Huen ; qu'ils m'en donnent une troisième. Un, deux, ou autant de jours qu'on le voudra avant celui de l'expérience, nous les fixerons perpendiculairement au sol, puis nous déterminerons quelle sera la longueur de l'ombre à midi. Celui de nous qui se trompera le plus dans le calcul, sera convaincu d'avoir la plus mauvaise mathėmatique.

La proposition plut à Kang Hi. Son entourage donnait aussi des signes d'assentiment. On s'adressa alors à Yam Quam Siem et à Uming Huen et on leur demanda, au nom du souverain, s'ils connaissaient le calcul des ombres et s'ils étaient prêts à tenter l'épreuve. Ils répondirent qu'ils connaissaient ce calcul et acceptaient le défi.

III SÉRIE. T. XXI.

16

S'adressant ensuite directement lui-même à Yam Quam Siem : « Acceptez-vous aussi de vous servir des règles de l'astronomie européenne, comme il vient d'être convenu? » interrogea Kang Hi.

Ainsi interpellé, le chinois s'emporta.

<< Un sujet de Votre Majesté, s'écria-t-il, ne peut avoir aucune accointance avec ces hommes toujours en révolte, au Japon d'abord, aux Philippines ensuite; qui maintenant, cette année même, cherchent à se rendre maîtres de l'empire, en bâtissant, avec la misère et le sang du peuple, d'innombrables églises, vraies citadelles contre Votre Majesté ! Déjà, si je n'eusse découvert leurs perfides machinations, ils eussent atteint leur but. Leur loi est diabolique. En elle-même, c'est une révolte. Elle consiste essentiellement à adorer comme Dieu un rebelle, crucifié pour ce motif sur un trone de bois, qui mourut dans les tourments en punition de ses crimes. » Ce disant, il étendait les bras en croix.

Il allait continuer, mais les deux anciens régents ses protecteurs, se jetèrent sur lui et l'obligèrent à se taire. Kang Hi ne fit pas un geste, mais la colère et l'indignation peignaient sur son visage. « C'est merveille, écrit Magalhaens, de voir l'empire que ce jeune homme de quatorze ans possède sur lui-même ! »

Prenant la parole en langue tartare, « J'ordonne à Mahum, président tartare du tribunal des mathématiques, dit-il d'un ton grave et sévère, de répéter en chinois à Yam Quam Siem, ce qui suit:

« Aujourd'hui même je vous ai commandé, à vous, et à tous, de mettre un terme à vos injures et à vos haines; de chercher, avec bonne volonté, à déterminer la vraie règle de la mathématique; et jusqu'en ma présence, vous vous permettez le contraire! N'est-ce pas là enfreindre mes ordres? Je vous interroge sur les mathématiques, et vous me répondez que les européens

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