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sensible ne se présentait ordinairement à olle, seulement elle aimait, elle admirait en silence, elle était suspendue et comme hors d'elle-même. »

Telle est quelquefois l'action de l'Esprit infini dans son intime union avec l'esprit créé, que ce n'est pas l'âme seulement, mais le corps même qui est élevé au-dessus de la terre et emporté vers les cieux. Aussi les dernières paroles du passage que nous venons de citer doivent-elles s'entendre à la lettre et non métaphysiquement, comme quelques-uns pourraient se l'imaginer: « Je me sentais,» dit sainte Thérèse, parlant de ses ravissements, « enlever l'âme et la tête, et quelquefois même le corps entier, en sorte qu'il ne touchait plus la terre. Ce dernier effort eut lieu rarement, il est vrai; mais je l'éprouvai d'une manière bien sensible un jour que j'étais à genoux, prête à communier. Cela me fit beaucoup de peine, parce qu'il me paraissait y avoir quelque chose de fort extraordinaire qui ne manquerait pas d'être remarqué. C'est pourquoi, en ma qualité de prieure, je défendis aux religieuses d'en parler. »

De tels prodiges qui tendent à tout spiritualiser, même la matière, paraîtront sans doute extraordinaires au siècle qui, de son côté, voudrait tout matérialiser, même l'esprit. Il est vrai que, si le cœur s'attache aujourd'hui de plus en plus à la terre, le génie semble s'en détacher, dans la même proportion, par l'étude approfondie des sciences et des arts. Nous ne savons ce qui résultera de certaines découvertes modernes, préconisées de tous côtés avec exaltation; mais, à moins de fermer les yeux, il nous est impossible de ne pas remarquer en ce moment, dans les régions élevées, la lutte ouverte entre l'esprit et les sens, les efforts multipliés de l'intelligence pour vaincre la matière. Il ne saurait y avoir toutefois de plus éclatante victoire remportée sur les sens que ces ravissements de quelques saints dont le plus hardi scepticisme ébranlerait difficilement la certitude. Le plus extraordinaire et le plus incontestable en même temps, puisqu'il se trouve dans les livres inspirés, c'est celui que l'Apôtre des nations rapporte dans sa II Epitre aux Corinthiens (xii, 2): Je connais un homme en Jésus-Christ qui fut élevé jusqu'au troisième ciel, dit-il en parlant de luiinême. Si ce fut avec son corps ou sans son corps, je n'en sais rien, Dieu le sait. Mais je sais que cet homme fut emporté dans le paradis, et y entendit des paroles secrètes qu'il n'est pas permis à la langue humaine de répéter. C'est bien là évidemment le plus grand triomphe de l'esprit sur la chair. Non-seulement il s'en dégage, mais il la dompte, il la maîtrise, il l'élève vers le séjour des purs esprits, d'où il lui fait entendre les sons affaiblis de ces harmonieux concerts qui n'ont point d'écho sur la terre, et ne peuvent être répétés par la langue des hommes. Malheureusement ces heures d'extase s'écoulent rapidement. Si j'osais comparer les petits objets de la nature aux grandes choses de la

religion, je dirais: Voyez ce faible oiseau qu'enchaîna la main d'un enfant. Il s'élève, par un instinct naturel, dans les airs où Dieu le plaça pour voler en liberté; mais, incapable de soulever longtemps les liens qui le retiennent, il est arrêté dans son essor et retombe aussitôt vers la terre. Il en est de même de l'âme humaine. Enchaînée aussi dans les liens du corps, elle cherche à s'élever aux cieux, où l'appelle le bonheur; mais, incapable de soulever longtemps le poids qui la retient, elle se sent arrêtée bientôt dans son essor sublime et retombe vers la terre, où elle retrouve toutes les misères de la vie.

Elle les supporte alors cependant avec résignation et même avec amour, parce qu'il vient de lui être révélé que, plus elle aura été éprouvée sur la terre, et plus elle sera élevée en gloire dans les cieux. De quoi sont Paul aime-t-il à se glorifier? De la grandeur de ses révélations? Non, car elles pourraient devenir pour lui une cause d'orgueil; mais il se glorifie volontiers de ses infirmités, pour que la vertu de Jésus-Christ habite en lui. Sainte Thérèse se plaît-elle dans ses ravissements? Au contraire, elle en est effrayée; elle cherche à les cacher aux hommes, elle résiste même à l'entraînement de l'Esprit divin. L'heure n'est pas arrivée pour elle de s'élever au ciel, et elle s'attache à la terre avec toute l'énergie de son humilité. Mais, quand le Seigneur permet aux souffrances de l'éprouver, son cœur tressaille d'allégresse C'est là son élément sur la terre, et vous diriez qu'elle ne peut vivre ailleurs. « Ou souffrir, ou mourir !» s'écrie-t-elle quel quefois. Cette parole, sortie de la bouche d'une femme épuisée par de continuel es souffrances, ne me paraît pas avoir été suffisamment admirée. C'est le sublime de la patience.

L'âme puise encore à cette source divine la force qui lui est nécessaire pour exécuter les plus difficiles entreprises. Voyez l'Apôtre des Indes. N'ayant pour arme que la croix de Jésus, ce conquérant des âmes soumet seul à l'Evangile un plus grand nombre de peuples que n'en soumettrait à sa domination le plus intrépide guerrier suivi d'une armée puissante. Voyez saint Vincent de Paul, ce pauvre prêtre, né dans un village inconnu, d'une famille plus inconnue encore, el devenu depuis si célèbre. Il est en ce monde bien des sortes de misères. Cependant vous n'en nommeriez peut-être pas une seule à laquelle il n'ait compati et qu'il n'ait essayé de soulager. Apôtre de la charité, répondant dignement à sa vocation, il a fait, seul, plus de bien à l'humanité que ne lui en feraient les princes les plus riches de la terre en se réunissant, Et, de peur qu'on ne dise qu'il se trouve quelquefois dans des âmes fortes une secrète énergie dont nous ne pouvons guère calculer la puissance, prenons une pauvre fille, faible, timide, sans aucune espèce de ressources. Supposons même, si vous le voulez, que son cœur se soil éner vé longtemps au sein des plaisirs, gagnée

enfin par l'attrait de la grâce, elle se donne tout entière à Jésus-Christ. Après avoir passé quelque temps dans la retraite, elle paraît au milieu du monde étonné du changement qui s'est fait en elle. Ses paroles et ses actions ont une force irrésistible. Il n'y a rien de si difficile qu'elle ne soit disposée à entreprendre, qu'elle ne se trouve en état d'exécuter pour la gloire de Dieu et le bien de l'humanité. Quelquefois même le ciel lui permet de disposer de cette puissance prodigieuse qui lui appartient en propre, comme on peut s' en convaincre en lisant l'histoire des héroïnes les plus remarquables du christianisme... Eh bien ! comment donc tant de force dans de simples mortels, et j'ajouterai même dans des êtres naturellement si faibles quelquefois? Ah! il est aisé de le voir, c'est qu'ils ne se trouvent plus dans les conditions ordinaires, c'est que la Divinité est unie moralement en eux à l'humanité, en sorte que, pour appliquer ici l'idée du grand Apôtre, ce ne sont point eux qui vivent véritablement; mais c'est le Christ qui vit en eux, tant leur nature est changée: Vivo autem, jam non ego; vivit vero in me Christus. (Galat. 11, 20.)

Il apparaît bien rarement sans doute de ces âmes privilégiées que Dieu envoie sur la terre pour renouveler, en quelque sorte, la mission du Verbe incarné; mais il en est bien peu aussi qui ne retrempent souvent dans la Divinité leur nature affaiblie par l'union avec le corps. L'influence de la vie mystique sur l'humanité est donc beaucoup plus grande qu'on ne se l'imagine communément. Et ce n'est pas seulement par rapport aux choses saintes que s'exerce cette influence : « Tous les inventeurs, tous les hommes originaux ont été des hommes religieux et même exaltés,» a dit un écrivain qui se trouve luimême dans ces conditions. « L'esprit humain, dénaturé par le scepticisme irréligieux, ressemble à une friche qui ne produit rien, ou qui se couvre de plantes spontanées inutiles à l'homme. Alors même sa fécondité naturelle est un mal: car ces plantes, en mêlant et en entrelaçant leurs racines, endurcissent le sol, et forment une barrière de plus entre le ciel et la terre. Brisez, brisez cette croûte maudite; détruisez ces plantes mortellement vivaces; appelez toutes les forces de l'homme; enfoncez le soc; cherchez profondément les puissances de la terre pour les mettre en contact avec des puissances du ciel. Voilà l'image naturelle de l'intelligence humaine Ouverte ou fermée aux connaissances divines. Les sciences naturelles mêmes sont soumises à la loi générale. Le génie ne se traîne guère appuyé sur des syllogismes. Son allure est libre; sa manière tient de l'inspiration : on le voit arriver, et personne ne l'a vu marcher. Y a-t-il, par exemple, un homme qu'on puisse comparer à Keppler dans l'astronomie? Newton lui-même est-il autre chose que le sublime commentateur de ce grand homme qui seul a pu écrire son nom dans les cieux? Car les lois du monde sont les lois de Keppler. Il y a surtout dans la troisième quelDICTIONN. DES OBJECT. POPUL.

que chose de si extraordinaire, de si indépendant de toute autre connaissance préliminaire, qu'on ne peut s'empêcher d'y reconnaître une véritable inspiration. Or, il ne parvint à cette immortelle découverte qu'en suivant je ne sais quelles idées mystiques de nombres et d'harmonie céleste qui s'accordaient fort bien avec son caractère profondément religieux, mais qui ne sont pour la froide raison que de pures rêves. » (Soirées de Saint-Pétersbourg.)

La mysticité n'est donc point une folie, mais bien plutôt un état heureux, sublime, source pour l'homme des plus grands avantages.

Elle ouvre la porte aux plus grands égarements, avez-vous dit encore, et nous pourrions le prouver par beaucoup d'exemples.

Oui, en dehors de la religion catholique; mais non pas tant qu'on reste sous la direction de cette divine Mère.

Reconnaissons-le donc ici hautement, cette exaltation de l'intelligence a aussi ses dangers placés tout à côté de ses avantages. L'âme, en effet, peut devenir alors le jouet d'une infinité d'illusions, et elle s'y attachera avec d'autant plus d'opiniâtreté qu'elle les prendra pour des inspirations. Si elle a secoué le joug de l'autorité légitime, en vain vous essayerez de la détromper, en vain vous Jui crierez: « Arrêtez-vous! » Appliquant à contre-sens les sublimes paroles des apôtres, elle vous répondra hardiment: Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes. (Acl. v, 29.) Elle s'égarera donc de plus en plus, jusqu'à ce qu'elle soit tombée au fond de l'abime comme l'ange rebelle, entraînant aussi peutêtre, dans sa chute malheureuse, un grand nombre d'esprits égarés à sa suite. On ne peut lire dans l'histoire, sans une douleur profonde, les extravagances funestes de tant d'âmes faussement illuminées par une mysticité sans règle. Et combien d'autres extravagances ne sont jamais tombées dans le domaine de la publicité !

Ces dangers ne sont plus les mêmes avec l'enseignement de la religion catholique. Etroitement uni à l'Eglise, sa Mère, l'homme s'abandonne sans crainte aux entraînements de son cœur, qui le portent vers son Père céleste. Sans doute il pourra encore s'égarer dans le sein de l'Eglise que Dieu lui a donnée pour le conduire, puisque l'ange s'est égaré dans le sein de Dieu lui-même; mais alors les avertissements de cette tendre Mère ne tarderont pas à arriver jusqu'à son cœur, et à le ramener à la vérité et à la vertu, pourvu qu'il ait encore une docilité suffi

sante.

Je vous atteste ici, pieux et savant Fénelon la noblesse de votre âme vous fit penser que nous pouvons aimer Dieu, sur la terre, d'un amour parfaitement désintéressé. Perdus, anéantis, pour ainsi dire, dans l'immensité de Dieu, nous pourrions alors, selon vous, tout oublier, jusqu'au bonheur éternel. Ce quiétisme de la terre vous semblait l'introduction la plus naturelle au repos sans

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fin de l'autre vie. Telle était en vous la puissance du talent et de la conviction que vous repoussâtes longtemps avec gloire les atta ques pressantes du génie le plus vigoureux qui fut jamais, et le plus exercé à la controverse. L'Eglise cependant condamne votre doctrine comme dangereuse en elle-même, plus dangereuse encore par ses tendances. Tous les regards se portèrent sur vous à ce moment décisif: «Que va-t-il faire? » se demandait-on de toutes parts. Mais, vous, plus grand peut-être encore au jour de votre condamnation que vous ne l'aviez été dans vos triomphes: « A Dieu ne plaise, » ditesvous, qu'il soit jamais parlé de moi, si ce

n'est pour se souvenir qu'un pasteur a cru devoir être plus docile que la dernière brebis du troupeau, et qu'il n'a mis aucune borne à son obéissance!» L'Eglise entière applaudit, et vos ennemis eux-mêmes se turent devant l'admiration du monde. Chose étonnante, unique peut-être dans l'histoire! Celui qui avait reçu de la nature tous les moyens de faire impression sur les hommes, celui qu'on n'eût point été étonné de voir entraîner après lui le monde entier, pour ainsi dire, dans les voies de l'erreur, celuici mourut sans qu'aucune secte se soit rattachée à son nom.

N

NEUVAINE.

Objection. Une neuvaine précisément! Pourquoi pas une huitaine ou une dizaine?

Réponse. Que vous êtes enfant! vous vous arrêtez à des mots, tandis que c'est le fond des choses qu'il faut avant tout considérer. De quoi s'agit-il ici? d'une prière dite pendant neuf jours, ce qui la fait appeler neuvaine, ou bien un seul jour par neuf personnes, ce qui est une neuvaine d'un autre genre. La prière n'est-elle pas toujours bonne en soi ? Oui. Dite pendant neuf jours, ou un jour seulement par neuf personnes, n'est-elle pas meilleure encore? Oui, puisque Jésus-Christ nous recommande, dans un endroit de l'Evangile, de prier avec persévérance, pour être écouté de Dieu, et, dans un autre endroit, de nous réunir plusieurs en son nom pour qu'il se trouve au milieu de nous. Or, voilà ce qui a lieu dans les deux sortes de neuvaines dont nous venons de parler. Elles n'ont donc rien qui prête au blame ou au ridicule. Au contraire, elles s'accordent parfaitement avec les recommandations de l'Evangile relativement à la prière.

Vous nous demandez, il est vrai, pourquoi une neuvaine plutôt qu'une huitaine ou une dizaine. Mais j'ai aussi le droit de vous demander, de mon côté, pourquoi une huitaine ou une dizaine plutôt qu'une neuvaine. Il fallait bien s'arrêter à un nombre. Celui de

neuf est adopté pour certaines prières : suivons l'usage; ou, du moins, qu'il nous soit loisible de le suivre; car il n'y a, en général, aucune obligation à ce sujet. Ainsi, quand bien même il n'y aurait aucune idée attachée à ce nombre, il ne s'ensuivrait pas qu'on eût mal fait de s'y arrêter. Cela n'est pas toutefois. «Dans l'Eglise chrétienne, dit Bergier, le nombre de trois est devenu sacré, parce qu'il est relatif aux trois personnes de la sainte Trinité. Comme ce mystère fut attaqué par plusieurs sortes d'hérétiques, l'Eglise affecta d'en multiplier l'expression dans son culte extérieur. Elle le devait d'ailleurs à la sublimité de ce mystère, le premier de tous. De là la triple immersion dans le baptême, le Trisagion ou trois fois saint chanté dans la liturgie, les signes de croix répétés trois fois par le prêtre pendant la Messe, etc. Par la même raison le nombre de neuf, ou trois fois trois, est devenu significatif : ainsi l'on dit neuf fois le Kyrie ou Christe eleison. Nous pensons qu'une nevvaine fait la même allusion. »> D'autres pensent que c'est en l'honneur des neuf chœurs angéliques. Quoi qu'il en soit, c'est toujours ce nombre impair qui plaît à la Divinité, dit le poëte :

Numero Deus impare gaudet.

NOUVEAU MONDE.

Objection. En ont-ils fait mourir les Espagnols, dans le Nouveau-Monde, de ces malheureux Indiens ! Et cependant ils se disaient le peuple le plus catholique de la terre, et ils avaient avec eux des ministres de la religion catholique.

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(VIRG., egl. vin, vers, 75.)

de la culpabilité des hommes; mais aussi voir le bien et le reconnaître. Or, ce n'est point ce que font certaines personnes à l'occasion de la découverte de l'Amérique, la plus grande conquête assurément que nous devions an génie de l'homme, puisqu'elle a ajouté tout un nouveau monde à l'ancien. Ceux dont nous parlons n'y veulent voir que le mal; et, ce qui est beaucoup plus injuste encore, ils en montrent la cause là où non-seulement elle n'est point, mais où en était le remède, au contraire, si on eût voulu l'appliquer.

En ont-ils fait mourir les Espagnols, dans

le Nouveau-Monde, nous dit-on, de ces malheureux Indiens !

Hélas! oui. Je viens de vous le dire, cela tient à la nature des choses, et plus encore aux passions des hommes. Connaissez-vous des conquêtes un peu importantes qui aient été faites sans la plus grande et quelquefois sans la plus coupable effusion de sang? Voyez nos voisins qui se croient de grands philanthropes, et qui ne sont que de grands marchands: quoiqu'ils aiment encore mieux manier, en pareil cas, la pièce de monnaie et le billet de banque que la pièce d'artillerie et la cartouche, que de victimes ils ont faites et font encore, chaque jour, dans les Irdes, en Chine, partout!

Beaucoup moins que les Espagnols dans le Nouveau-Monde, me direz-vous; et surtout, beaucoup moins inutilement.

J'admets le fait que je pourrais contester; et je l'explique fort bien, sans en aller chercher la cause, là où elle n'est pas, tant s'en faut, je veux dire dans les idées religieuses.

C'était à une époque où l'homme n'avait point encore cette douceur de mœurs que nous devons à une civilisation plus avancée; quoique pourtant les passions exaltées fassent oublier promptement cette douceur de mœurs, comme nous ne l'avons que trop reconnu pendant nos troubles politiques. L'Espagnol, homme du midi, est naturellement plus ardent dans ses passions que l'homme du nord. Les premiers qui s'embarquèrent pour le Nouveau-Monde étaient, en général, des risque-tout, sans foi et sans mœurs, incapables de supporter aucun joug en Europe, et à plus forte raison sur une terre où ils arrivaient en conquérants et en maîtres. Ils arrivaient là après de grandes fatigues, de grandes privations et de grands dangers. Ils trouvaient sur cette terre lointaine de quoi satisfaire toutes leurs passions, mais principalement celle qui tient le plus au cœur de l'homme et le pousse aux plus grands crimes, la soif insatiable de l'or. Les habitants de ces lieux étaient incapables de leur opposer aucune espèce de résistance, de leur inspirer aucune crainte. Les lois de la mère patrie leur paraissaient sans force à une telle distance... De là ies massacres que vous déplorez et condamnez, que nous déplorons et condamnons autant que vous, et plus encore peut-être, mais qu'il serait souverainement injuste de faire rejaillir sur la religion qui les eût prévenus et les eût nême changés en actes de dévouement, si elle eut toujours été écoutée, comme elle l'a été quel quefois.

Et cependant, ajoutez-vous, ils se disaient le peuple le plus catholique de la terre, et ils avaient avec eux des ministres de la religion catholique.

Se dire Catholique et l'être, n'est pas toujours la même chose, comme vous savez; pas plus que se dire impartial et l'être, juste et l'être, honnête homme et l'être, ne sont la même chose.

Ils se disaient Catholiques! qui donc ? Le gouvernement espagnol; mais ce n'était pas

lui qui commandait ces atrocités; il les ignora même longtemps; et, quand il en fut informé, il employa tous les moyens qu'il avait à sa disposition pour les faire cesser.

Qui donc encore? Certains membres de l'expédition; mais ils n'étaient pas les plus nombreux, les plus forts; le torrent les déborda, les entraîna même peut-être aussi dans le crime; alors ils ne pouvaient plus se dire Catholiques, ou, s'ils le faisaient encore, ils mentaient effrontément au monde et à leur propre conscience.

Il avaient avec eux des ministres de la religion catholique ! avez-vous ajouté.

Oui sans doute; mais, je vous le demande, en petit nombre, et sans autre force que celle de leur conscience et de leur sacré ministère, que pouvaient-ils au milieu de ce torrent débordé que la force n'eût pu contenir. Malgré cela, ils n'ont point manqué, pour la plupart, à ces difficiles devoirs qui leur étaient imposés dans ces graves circonstances, et quelques-uns se sont même immortalisés par leur dévouement. Je vous atteste ici, vertueux Las-Casas! attaché de cœur à ces pauvres Indiens que vous aimiez en raison même de leur ignorance, de leur faiblesse, de leur misère, de la persécution qu'ils avaient à endurer de la part de vos concitoyens, vous avez fait pour eux tout ce qu'il vous était possible de faire. Pour eux, Vous avez bravé, à plusieurs reprises, les dangers de la mer, et les dangers plus redoutables des passions déchaînées; vous n'avez pas voulu qu'un autre que vous-même plaidât leur cause à la cour d'Espagne; vous avez adouci leurs maux par tous les moyens imaginables, et, si vous ne les avez pas complétement réparés, c'est qu'ils étaient irréparables.

Anglicans, incrédules, vous n'avez pu vous empêcher, pour la plupart, de rendre hommage à sa conduite; et, si vous me demandez pourquoi nous n'avons pas plus de Las-Casas à vous présenter dans cette triste circonstance, je vous demanderai, à mon tour, pourquoi vous n'en avez pas un seul à nous présenter dans des circonstances analogues. Anglicans, montrez-moi doncun LasCasas, sorti de vos rangs, et plaidant avec un parfait désintéressement la cause de vos Indous ou même de vos Irlandais? Incrédules, montrez-moi donc aussi un Las-Casas, sorti de vos rangs, et plaidant avec un désintéressement complet la cause de ces victimes que persécutait votre fanatisme irréligieux, autant et plus peut-être que les Espagnols n'ont fait leurs Indiens? Je n'en vois pas un. C'est qu'il n'appartient qu'à la religion catholique, que vous osez taxer de cruauté, d'inspirer et de soutenir celte divine vertu de charité, qui prévient la plupart des maux, et les répare où les adoucit du'moins, quand ils ont eu lieu.

Ecoutons quelques réflexions que fait, à ce sujet, l'abbé de Frayssinous, dans la conférence où il venge la religion du reproche de fanatisme.

« Je viens, » dit-il, « au massacre des In

diens par les Espagnols. On a été jusqu'à écrire de nos jours qu'on avait immolé à Jésus douze millions de naturels du pays. Quand on lit ou qu'on entend de si atroces calomnies, on demeure immobile d'étonnement. Je veux que des Chrétiens ou des prêtres espagnols eussent été égarés par un zèle violent et meurtrier; où serait la justice de reprocher à l'Eglise chrétienne les excès de quelques-uns de ses membres, quand ellemême les abhorre? Et ne sait-on pas que c'est à la cruelle avarice, à l'insatiable rapacité des premiers conquérants qu'est dû le malheur des Indiens, et que la religion n'est intervenue dans ces conquêtes que pour en tempérer les rigueurs? lei ce n'est point un homme suspect, c'est un presbytérien (ROBERTSON, Hist. de l'Amérique) qui vengera l'Eglise romaine. Après avoir fait

observer que ce n'est pas à la politique du cabinet d'Espagne qu'on doit la dépopulation de l'Amérique, il ajoute : C'est avec plus d'injustice encore que beaucoup d'écrivains ont attribué à l'esprit d'intolérance de la religion romaine la destruction des Américains, et ont accusé les ecclésiastiques espagnols d'avoir excité leurs compatrioles à massacrer ces peuples innocents, comme des idolâtres et des ennemis de Dieu... Ils furent des ministres de paix pour les Indiens, et s'efforcèrent toujours d'arracher la verge de fer des mains de leurs oppresseurs. C'est à leur puissante médiation que les Américains durent tous les règlements qui tendaient à adoucir la rigueur de leur sort. On sait même qu'un membre du clergé, Barthélemy de Las-Casas, s'est immortalisé par son zèle ardent, infatigable, à plaider la cause des Indiens. »

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OFFRANDES.

Objections. Que d'offrandes à l'Eglise! Offrandes en argent, offrandes en pain et en gâteaux, offrandes en cire, etc., etc. -Ne dites-vous pas que tout est à Dieu ? Il est inutile de lui offrir ce qui lui appartient. Ne dites-vous pas que le saint sacrifice de la Messe tient lieu de toute autre offrande? I est inutile d'en faire d'autres, à moins que ce ne soit pour les prêtres. Que signifient ces ex-voto en cire, et autres matières, imitant différentes parties du corps humain, la tête, les bras, les jambes, etc? Tout cela est ridicule.

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Réponse. On appelle offrandes, généralement parlant, offerenda, ce qu'on dépose aux pieds d'un être devant lequel on s'abaisse, en reconnaissanca de sa supériorité et de ses bienfaits.

Que d'offrandes à l'Eglise! avez-vous dit. Offrandes en argent, offrandes en pain et en gâteaux, offrandes en cire, etc. etc.

On dirait, à vous entendre, que c'est la religion catholique qui a inventé les offrandes. N'y en a-t-il pas dans les lieux où elle.ue s'est point encore établie? N'y en avait-il pas avant elle, et même beaucoup plus qu'aujourd'hui, parce que l'oblation du Fils unique de Dieu, auprès de laquelle tout autre n'est rien, ne s'était point encore accomplie? N'en voyons-nous pas partout, en dehors même des idées religieuses et jusque dans les rapports les plus intimes du cœur ?

« L'usage d'offrir à Dieu des dons est aussi ancien que la religion. » dit à ce sujet Bergier. « C'est un témoignage de respect pour le souverain domaine de Dieu, de reconnaissance pour ses bienfaits, et un moyen d'en obtenir de nouveaux. Soit que ces dons aient été consumés par un sacrifice, employés à la subsistance des ministres du Seigneur ou destinés au soulagement des pauvres, c'est à Dieu lui-même que l'on a eu intention de les

offrir. Nous voyons les enfants d'Adam présenter à Dieu, l'un des fruits de la terre, l'autre les prémices de ses troupeaux. (Gen. iv, 3.) 11 est dit que Melchisédech, roi de Salem et pretre du Très-Haut, offrit à Abraham du pain et du vin, et bénit ce patriarche, et qu'Abraham lui donna la dîme des dépouilles qu'il avait enlevées à ses ennemis. (Gen. XIV, 18.) Jacob promet que, si le Seigneur le protége, il lui offrira la dîme de tous ses biens. (Gen. XXVIII, 22.) - Tout sacrifice était une offrande, mais toute offrande n'était pas un sacrifice. La principale oblation que les hommes aient faite à Dieu est celle de leur nourriture, parce que c'était pour eux le plus précieux de tous les biens. Avant le déluge, ils ne vivaient que des fruits de la terre et du lait des troupeaux, ce fut aussi leur offrande ordinaire; après le déluge Noé offre à Dieu des animaux purs en sacrifice, et Dieu lui permet, et à ses enfants, de manger la chair des animaux. (Gen. viii, 20; 1x, 3.) De même, lorsque la bouillie de riz était l'aliment ordinaire des Romains, Numa ordonna que l'on honorât les dieux en leur offrant du riz et de la bouillie de riz. Suivant Pline, jamais dans la suite, les Romains ne goûtèrent aux fruits nouveaux, sans en avoir offert aux dieux les prémices; mais l'usage de leur offrir de la bouillie de riz ou des tartes de riz: Adorea dona; adorea liba, subsistait au temps d'Horace, quoique l'on immolat pour lors des animaux dans les temples. >>

J'ai ajouté que l'usage des offrandes se retrouve en dehors des idées religieuses, et jusque dans les rapports les plus intimes du cœur. Qui ne l'a vu pratiquer? Qui ne l'a pratiqué soi-même ? Qui ne sait, par exemple, qu'à la fête d'un père, d'une mère, de toute personne qui nous est chère, nous leur offrons des fleurs, des gâteaux et autres présents? Tant l'idée d'offrande est naturelle

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