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en lui ne vient point du protestantisme. D'où il suit qu'on ne peut rien conclure, contre la religion catholique, de sa réputation trompeuse. Je ne sais même s'il ne nous est pas permis de tirer une conclusion opposée, je veux dire de nous glorifier, en un sens, de ce qu'il est protestant et non catholique. Oui, vous avez raison, ce peuple n'est pas catholique, mais protestant, car le catholi

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ANIMAUX.

Objection. Vous dites que l'homme a la supériorité sur les animaux est-ce bien vrai? -Les animaux ne valent-ils pas l'homme par la force, par l'intelligence et même par la vertu ? Que dis-je! mais l'homme s'abaisse souvent bien au-dessous des animaux, en sorte qu'il n'aurait point été trop modeste celui qui a dit qu'entre lui et son chien il n'y avait de différence que l'habit.

Réponse. - Ce que vous soutenez là n'est pas sérieux. Ecoutons cependant. Vous dites que l'homme a la supériorité sur les animaux est-ce bien vrai? demandez-vous.

Oui, c'est bien vrai que l'homme a, sous tous les rapports, une supériorité incontestable sur tous les animaux. Et ce n'est pas moi seulement qui le dis, mais tout ce qui conserve une ombre de raison est bien obligé de le reconnaître avec moi. Et vousmême, ne le reconnaissez-vous pas également? Dans un instant de boutade, ou par esprit de contrariété, vous soutiendrez peutêtre le contraire; mais, au fond, vous êtes bien éloigné d'avoir cette idée dégradante, absurde, et vous seriez désolé que l'on vous prit au mot. Que diriez-vous, en effet, à celui qui vous donnerait le nom d'un de ces animaux au niveau desquels vous vous rabaissez, qui vous enverrait manger avec eux, vivre avec eux, qui vous accuserait d'avoir eu des rapports charnels avec quelques-uns d'entre eux? Ah! cette idée seule Tous fait rougir de honte. Tant vous êtes profondément convaincu, alors même que vous la niez extérieurement, de l'infranchissable distance qui vous en sépare naturellement.

Dieu a dit à l'homme, dès le commencement: Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tous les animaux qui se meuvent sur la terre. (Gen. 1, 28.) Il répète la même chose à Noé après le déluge: Que tous les animaux vous craignent et vous redoutent. « Et terror vester, ac tremor sit super cuncta animalia terræ. » (Gen. IX, 2.) Le Psalmiste bénit le Seigneur de cet empire qu'il a donné à l'homme sur tous les animaux: Omnia subjecisti sub pedibus ejus. (Psal. vIII, 8.) Que dis-je! mais les philosophes eux-mêmes, ceux qui ont observé la nature avec un sens droit, sont les premiers à nous faire remarquer que cet ordre du Créateur s'exécute par toute la terre. En effet, le plus grand nombre des animaux est docile, s accoutume aisément avec l'homme,

semble souvent rechercher sa compagnie et implorer sa protection; les autres fuient devant lui, ils ne l'attaquent point, à moins que des besoins extrêmes ne les jettent, pour ainsi dire, hors de leur naturel. L'éléphant, tout monstrueux qu'il est, se laisse conduire par un enfant; le lion s'éloigne de tous les lieux habités par les hommes, et l'immense baleine, au milieu de son élément, tremble et fuit devant le petit canot d'un Lapon. (Etudes de la nature.)

Ne demandez donc point s'il est vrai que l'homme ait la supériorité sur les animaux. Cette question ne saurait être embarrassante : la raison, le sens commun, nos contradicteurs eux-mêmes, tout la résout et est bien obligé de la résoudre dans le même sens qne la religion.

Les animaux ne valent-ils pas l'homme, demandez-vous encore, par la force, par la raison et même par la vertu?

Je vous l'ai dit déjà, l'homme a, sous tous les rapports, une supériorité incontestable sur tous les animaux. Parmi ceux-ci sans doute quelques-uns le valent bien, le dominent même par une force brute, toute matérielle, en quelque sorte. Qu'y a-t-il d'étonnant à cela? Le rocher qui tombe sur lui et l'écrase, le domine bien davantage encore sous ce rapport. Quant à la force intelligente, si je puis m'exprimer ainsi, celle qui finit toujours par prévaloir, la seule qui mérite ce nom, puisque l'autre n'est que de la pesanteur, l'homme la possède incontestablement sur tous les animaux, puisque partout où il s'établit les autres sont obligés de fuir ou de se soumettre. Quelques-uns nous demandent si le requin n'engloutit pas le matelot qui tremble à sa vue, et si le crocodile ne dévore pas l'Egyptien. Sans doute, pouvons-nous répondre ici avec saint Augustin, à qui les Manichéens faisaient la même observation, sans doute, mais c'est là une exception qui ne tarde point à disparaître devant la règle générale. Cela prouve bien que le roi de la nature trouve quelquefois des rebelles parmi ses sujets; mais il n'en résulte pas que sa domination soit chimérique. Pour un matelot englouti par un requin, il y a mille requins harponnés par les hommes; pour un Egyptien dévoré par les crocodiles, il y a mille crocodiles éventrés par les Egyptiens. L'empire de l'homme sur les animaux n'est point illimité ni affranchi des règles de la prudence; lorsque les forces lui manquent, j'entends les forces brutes et purement matérielles, comme j'ai

déjà dit, l'industrie y supplée et le rend enfin le maître.

Mais si l'homme domine déjà les animaux par la force, il le domine bien davantage encore par l'intelligence.

« Observez les animaux,» dit l'abbé de Frayssinous, dans sa conférence sur la spiritualité de l'âme, « vous verrez qu'ils marchent toujours dans la même route, que leurs actions sont constamment, universellement les mêmes. Incapables de combinaisons nouvelles, ils n'inventent rien, ne perfectionnent rien; les enfants ne sont pas plus instruits que leurs pères, ils savent même sans avoir appris. Quel animal à découvert une nouvelle manière de se défendre, de se garantir des piéges de l'homme, de bâtir sa demeure, de viva en société? L'hirondelle du Mogol maçonne son nid de la même manière que celle d'Europe; au delà de la Vistule, comme au delà de l'Ebre, l'abeille construit ses alvéoles avec la plus ressemblante régularité; le castor n'est ni plus ni moins habile qu'il l'était il y a deux mille ans. Cette rigide, cette insurmontable uniformité semble supposer que les animaux sont plutôt mus par une force dont ils n'ont pas la direction que par une raison qui mé dite, combine et se détermine avec choix. Surtout, qui osera dire que l'animal peut s'élever jusqu'à l'auteur de son être, qu'il admire les perfections divines dans la beauté de cet univers; qu'il connaît l'ordre, la vertu ; qu'il suit des lois par conscience, et rend au Créateur des hommages volou taires? Quant à l'homme, voyez quelle admirable variété dans ses ouvrages; comme if fait sans cesse des découvertes nouvelles: comme, avec ses arts et ses sciences, il mai trise la matière, et change la face de la terre; comme sa raison se promène dans tous les ouvrages du Créateur, pour y admirer la suprême sagesse, tantôt éclatante, tantôt plus cachée et toujours adorable; comme elle s'élève à la connaissance du bien, de la vérité, de l'éternité! »

Vous allez dire peut-être : Que de choses étonnantes nous faisons faire aux animaux. Oui, c'est bien le mot : Nous faisons faire; car ces choses étonnantes sont de nous bien plus que d'eux. En sorte que ce que nous admirons alors, c'est l'intelligence humaine qui leur est appliquée, à force d'exercice, et qu'ils manifestent ensuite par habitude, comme ferait une mécanique animée, si je puis m'exprimer de la sorte.

Quant à la vertu, c'est bien autre chose encore. Est-ce qu'il y en a, à proprement parler, dans les animaux? J'y vois bien des modèles et même d'admirables modèles de vertu. Ici, c'est le modèle de la fidélité; là, le modèle du courage; chez un autre, le modèle de la reconnaissance. Ces modèles de toutes les vertus morales qu'on admire en eux y sont pour nous les rappeler à nous-mêmes, pour nous les faire aimer et prati quer; mais d'où viennent ils? de celui qui a fait les animaux, et de celui qui a développé leurs qualités natives. Quant aux animaux eux-mêmes, nulle li

berté, de leur part; nul choix, nul combat. nul mérite, et, par conséquent, nulle vertu proprement dite. Pour en revenir à l'idée que j'exprimais tout à l'heure, ce sont des modèles, en effet, mais des modèles tout faits, des modèles imprimés, si je puis m'exprimer de la sorte, à peu près comme ceux qui nous sont présentés dans des livres ou sur des images. Beaux modèles réellement, modèles que nous ne saurions trop admirer, mais que nous ne pouvons louer, parce qu'ils ne supposent aucun mérite dans le sujet qui nous les présente. Aussi ririez-vous, l'enfant lui-même rirait-il aux éclats, si on s'avisait de vouloir faire concourir les animaux avec les hommes pour le prix de vertu. D'où celá vient-il, si ce n'est de ce que chacun est profondément convaincu qu'il ne peut y avoir chez les animaux, ni mérite, ni démérite, el, par conséquent nulle vertu véritable.

Que dis-je? avez-vous ajouté. Mais l'homme s'abaisse souvent bien au-dessous des animaux, en sorte qu'il n'aurait point été trop modeste celui qui a dit qu'entre lui et son chien il n'y avait de différence que l'habit.

Sans doute, l'homme s'abaisse souvent bien au-dessous des animaux; mais d'où cela vient-il? De ce qu'il est libre de tout faire, même ce qu'il y a de plus mal. Mauvaise, du reste, par l'abus que nous en faisons, cette liberté est excellente dans son principe, et prouve encore l'incontestable supériorité de l'homme sur les animaux, puisque lui seul la possède de toutes les créatures terrestres. Oui, l'homme s'abaisse souvent bien au-dessous des animaux, mais, quand il s'abaisse, il peut également s'élever au-dessus d'eux. Que dis-jel au moment même où il est si profondément abaissé, il peut se relever sans peine, et se montrer aussi supérieur à tous les animaux qu'il paraft leur être inférieur actuellement..

Qui ne le voit chaque jour dans les autres. Qui ne le sent en soi-même, quand il a le malheur de se trouver en cet état ? L'homme alors est un roi tombé, et, si l'on veut même profondément tombé, mais c'est toujours un roi, et il peut se relever quand il lui plaît, et reprendre son empire. C'est un ange déchu, et, si l'on veut même, profondément déchu, mais il peut, quand il lui plaît, remonter vers les cieux, et aller se reposer en Dieu, tandis que les animaux au-dessous desquels il était abaissé par sa chute resteront toujours attachés à la terre.

Ne dis donc jamais, homme! qu'entre toi et ton chien il n'y a de différence que l'habit. Non, cela n'est pas. Il y a réellement, au contraire, entre toi et le premier de tous les animaux, une différence immense, une différence fondée, non pas sur des choses extérieures, mais sur la nature, et même sur ta nature la plus intime, sur tes pensées, tes sentiments, sur toute ton âme. Quoil toi, l'égal de ton chien? toi, cynique? Comme tu dis quelquefois effrontément. Y pensestu? Le crois-tu? Eh bien! approche donc, ou, du moins, attends que ie te redresse

avec le bâton, quand tu auras manqué, comme je ferais à l'égard d'un chien, sans que personne le trouvât mauvais. Mais, non. Cette idée seule te révolte et t'indigne. Tu ne parles donc pas sérieusement, comme je l'ai déjà dit. Quand tu te mets au rang des animaux, quand tu feins de t'abaisser audessous d'eux, c'est donc par singularité, pour te distinguer des autres, et, dès lors, par orgueil; ce qui prouve encore, en un sens, ta supériorité naturelle sur les animaux. Car, qu'est-ce que l'orgueil, dans T'homme, si ce n'est le souvenir impur de sa grandeur déchue?

Chose étrange! » s'écrie l'abbé de Frayssinous dans la conférence que nous citions tout à l'heure, a l'homme, assez superbe pour s'arroger ce qui vient du Créateur et pour être jaloux du bien de son semblable, fait aujourd'hui des efforts prodigieux de science et d'esprit, pour se persuader que les bêtes le valent bien, et qu'entre elles et lui la différence est légère mais, en même temps qu'on dégrade l'homme jusqu'au rang de la brute et même de la plante, on veut ennoblir celles-ci, en leur prêtant les facultés et Fintelligence de l'homme. On célèbre les inclinations et le sentiment des plantes; on s'extasie devant la résignation, devant la raison d'un oiseau malade; la dignité de l'espèce humaine est avilie; une philosophie, plus abjecte encore qu'elle n'est audacieuse, cherche en quelque sorte à dépouiller l'homme de ses droits, à soulever contre lui le reste des créatures. Pour me servir de l'expression originale d'un grand écrivain, le peuple de la création semble conspirer

<«< pour en détrôner le roi. » Mais non, la royauté de l'homme ne périra pas; malgré les sophistes, toujours il sentira l'excellence de Ses destinées. Sa prééminence éclate de toutes parts: elle se voit, et dans la majesté de son port, et dans la dignité de son front, et dans la sublimité de ses regards, et dans la position de son bras qu'il tient élevé, étendu sur son empire: mais surtout la grandeur de son rang éclate dans cette pensée qu'il répand autour de lui par la parole, et que, par l'écriture, il porte en tous lieux; dans cet esprit dont les livres saints donnent une idée si magnifique, en disant qu'il est fait à l'image de Dieu. Oui, par son empire sur celte portion de matière qui lui est unie et qu'elle gouverne, l'âme retrace quelque chose de l'action puissante du moteur de l'univers; par la rapidité de ses pensées, la mémoire du passé, la conscience du présent, le pressentiment de l'avenir, elle se rapproche de l'intelligence infinie, qui, d'un coup d'œil, embrasse tous les temps et tous les lieux. L'impétuosité de ses désirs insatiables, l'étendue de ses espérances sans bornes, l'avertissent qu'elle doit posséder par grâce cette éternité que Dieu possède par nature. O Dieu, créateur de l'univers! Vous êtes le seul roi immortel des siècles; mais vous avez daigné établir l'homme roi du globe qu'il habite, et c'est mépriser vos dons que de ne pas sentir le prix d'une dignité que nous tenons de votre divine munificence. Elle doit nous être chère, cette royauté, parce qu'elle vient de vous, parce qu'elle est le prélude de la royauté sans fin que nous devons partager avec vous dans le séjour de l'immortalité. »

APOTRES.

Objections.--Les apôtres étaient des iguorants. Pierre, leur chef, l'était peut-être encore plus que les autres. Ils étaient, du reste, moins fiers que leurs successeurs, et mangeaies! volontiers ce qu'on leur servait.

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Réponse.-Les apôtres, dites-vous, étaient des ignorants. Oui, sans doute, relativement aux sciences purement humaines, à celles surtout qui n'ont aucun rapport à la sanctification des âmes; quant à la science de Dieu et des créatures dans leurs rapports avec Dieu, que de lumières ! Quelles lumières pures, profondes, incomparables! Quand bien même cela ne serait point attesté par l'Evangile et prouvé par leurs œuvres, la plupart surnaturelles, ne voyez-vous pas à leur enseignement, qui date depuis plus de dix-huit cents ans, que ce n'est point l'homme qui parle en eux, mais la Divinité elle-même? Où avaientils donc pris cette doctrine, dont aucune autre n'approche, ni n'approchera jamais? Et puis, comment se fait-il que cette doctrine est encore écoutée aujourd'hui, comme au commencement? Comment produit-elle toujours les mêmes changements dans les âmes? Comment se trouve-t-elle utile à tous, au roi comme à ses sujets, aux riches comme aux pauvres, aux savants comme aux ignoDICTIONN. DES OBJECT POPUL

rants, au plus redouté potentat comme au plus malheureux des esclaves, aux peuples eux-mêmes comme aux simples individus? Comment a-t-elle tout à la fois une simplicité si touchante qu'il n'y a point de petit enfant qui ne puisse la comprendre, et une profondeur sí désespérante qu'il n'y a point de savant qui ne se perde quelquefois dans sa méditation.

D'où cela vient-il donc?
De Jésus-Christ, dites-vous.

Mais Jésus-Christ lui-même, s'il n'était Dieu, où aurait-il donc puisé une telle doc trine? Comment l'aurait-il communiquée à ses apôtres ?

Ne comprenez-vous pas que plus vous les supposez naturellement ignorants, et plus cette instruction, ou plutot cette illumina tion soudaine et cependant permanente, montre aux yeux de tous l'action de la Divinité.

Quoit les Romains, maîtres du monde, ont des poëtes, des philosophes, des orateurs d'une supériorité véritablement désespérante; et cependant leurs œuvres ont bien de la peine à se conserver dans le cabinet des savants et elles n'ont peut-être pas changé, à proprement parler, une seule âme. Du sein de l'obscure Judée, de ce pays

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la mort viendra détruire complétement les illusions déjà un peu dissipées de votre jeunesse ?... Quant aux apôtres, quant à Pierre, en particulier, quelle différence !... »

foulé aux pieds par les Romains, je vois sortir tout à coup douze ignorants, sachant à peine parler et écrire. Sans avoir eu le temps de se concerter, ils prêchent partout une doctrine nouvelle qui soumet le monde entier aux pieds de la croix sur laquelle est mort leur Maître et qui l'y tient enchaîné-chose plus surprenante encore! depuis plus de dix-huit siècles. Et vous ne voulez pas que j'admire en ce dernier cas? Ah! je ferai plus encore, j'écouterai, j'aimerai, j'obéirai, et, si vous êtes raisonnable, vous en ferez autant que moi.

Vous dites que Pierre, leur chef, était peutêtre encore plus ignorant que les autres.

C'est possible; mais ne remarquez-vous pas que cela ajoute encore à la grandeur du prodige, et doit exciter davantage notre adiniration.

Pourquoi Jésus-Christ n'a-t-il pas voulu choisir ses apôtres parmi les savants? Pour mieux faire sentir ce qu'il y avait de surnaturel dans sa religion.

C'est aussi pour le même motif qu'il met à latête du collège apostolique, de l'Eglise entière par conséquent, Pierre lui-même, le plus ignorant de tous, peut-être, comme vous avez dit. Ainsi que nous le faisons remarquer ailleurs, c'est là sans doute sa pensée quand il dit: Tu es Pierre, el sur toi, pierre, je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront jamais contre elle. (Matth. xvi, 18.)

Du temps que Béranger habitait la ville de Tours, un prêtre de ma connaissance allait quelquefois le visiter. La conversation tombait alors naturellement sur la religion et sur ses ministres : « Saint Paul, » disait Béranger, « voilà un homme! mais saint Pierre, ce n'est rien. » Je ne sais ce que le prêtre lui répondait, car on ne dit pas toujours sa pensée devant une supériorité; mais je sais bien ce qu'il pouvait lui répondre : « Oui, sans doute, ce n'est que Pierre, comme le fait remarquerNotre-Seigneur, mais sur cette pierre il a bâti son Eglise, et les puissances de l'enfer n'ont jamais prévalo, ni ne prévaudront jamais contre elle. C'est moins qu'une pierre, c'est un grain de sable, rien, comme vous dites; et c'est ce qu'il a choisi pour confondre ce qu'il y a de plus fort selon le monde, afin que tous admirent davantage la puissance divine et qu'aucune créature ne se glorifie en sa présence: Infirma mundi elegit Deus, ut confundat fortia... ut non glorietur omnia caro in conspectu ejus. (1 Cor. 1, 27, 29.)

Il aurait pu ajouter encore: « Oui, sans doute, ce n'est rien; mais comment donc ce rien dure-t-il toujours, enseigne-t-il toujours par lui-même et par ses successeurs? Où a-t-on vu, où voit-on, où verra-t-on rien de semblable? Vous-même, qui êtes certainement une de nos supériorités intellectuelles, que serez-vous dans cent aus? Qui pensera à vous? Qui vous lit en ce moment, si ce n'est pour s'égayer un instant? Qui a foi en votre parole? Y croyez-vous vous-même? Y croirez-vous surtout quand

« Il y a dix-huit siècles, » avons-nous dit nous-même, dans un autre ouvrage (Bienfails du catholicisme), «un étranger, pauvrement vêtu, s'approchait de Rome. C'était le chef de ces envoyés à qui Jésus de Nazareth avait ordonné d'annoncer partout une doctrine nouvelle. Qu'on nous permette une supposition qui a déjà été faite plusieurs fois avant nous. Sur le point d'entrer dans la ville, Pierre aurait rencontré un de ces philosophes qui apparaissent toujours en grand nombre dans une société à son déclin. Le modeste disciple du Nazaréen se serait approché du présomptueux ami de la sagesse, et ils auraient eu ensemble le curieux entretien que nous allons transcrire.

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Le philosophe. « Vous parlez de Rome: c'est elle en effet. Vous l'appelez la dominatrice des nations, vous semblez ne porter sur elle que des regards d'admira tion.... Mon ami, il y a un an environ, étranger comme vous, je suis venu dans cette ville pour voir de près toutes les merveilles dont j'avais entendu parler. Avant d'arriver, j'avais cette impatience que je remarque en vous. Je ne sais si, comine vous le dites, elle est la maîtresse des nations; mais ce que je sais, à n'en pouvoir douter, c'est quelle n'est pas maîtresse d'elle-même. Là, je n'ai rien vu, si ce n'est des esclaves qui commandaient à d'autres esclaves. Et si je considère réunis en société ces êtres individuellement faibles et dégradés, je vois un vaste corps qui étend sur tous les peuples ses bras convulsivement agités par des souffrances intérieures. Ceux sur qui ses bras s'appesantissent s'écrient: Qu'il est puissant! Cependant, il a au coeur un ver qui le ronge, et qui ne tardera pas à le réduire en pous

sière.

Pierre. « Qui êtes-vous donc," vous que je trouve si peu semblable au reste des hommes?

Le philosophe. « Je ǹaquis en Grèce. Je suis du nombre de ces hommes privilégiés qui font profession d'aimer la sagesse. J'ai passé par toutes les sectes de la philosophie, recueillant ce que je trouvais de meilleur dans chacune, et enrichissant de mes propres idées le dépôt de mes connaissances acquises. Quoique la science humaine ne m'ait jamais satisfait moi-même, j'ai voulu la communiquer aux autres hommes. Dans cette intention, je suis venu à Rome, la plus célèbre de toutes les villes de la terre. Je l'ai vu, cet amas de pierres et de boue, ce vaste tombeau où gisent tant d'intelligences ensevelies dans la poussière. Je me suis détourné avec dégoût et mépris; je retourne avec empressement à mes premières études.

Pierre. -« Je ne m'étonne pas que vous ayez embrassé successivement toutes les sectes sans vous attacher à aucune; il n'y en a point qui puissent satisfaire l'esprit humain. Dieu a eu pitié de nous, et ce que n'ont pu faire les hommes les plus sages, il le fait en ce moment. Vous avez vu la société telle que l'ont faite les erreurs et les passions des hommes, et vous avez détourné la tête avec dégoût et mépris. Cette société va changer; Rome elle-même sera renouvelée, la lumière céleste brillera au milieu des ténèbres, et les ténèbres seront dissipées; la parole divine soufflera sur ces Ossements arides, et ces ossements se ranimeront.

Le philosophe.

« Quand donc arrivera le règne heureux que vous nous annoncez ?

Pierre. « Il a déjà commencé. Je suis le chef de ceux que le Fils de Dieu a chargés de répéter ses paroles aux autres hommes. Venant à Rome, je ne fais que suivre l'ius piration de son Esprit. C'est dans cette ville que je dois établir le siége d'où, par moimême et par mes successeurs, je gouvernerai jusqu'à la fin des siècles ses disciples répandus sur toute la terre.

Le philosophe. « Qui êtes-vous donc, pour obtenir de tous les hommes ce que Socrate el Platon, les plus illustres des philosophes, n'ont pu obtenir de quelques hommes seulement ?

Pierre. « Je suis pêcheur. Je ne savais rien que conduire ma barque et jeter mes filets. L'envoyé de Dieu m'a appelé à lui, et je l'ai suivi. Pendant trois ans, il m'a nourri, il m'a préparé à la mission sublime pour laquelle il m'avait appelé. J'avais suivi mon Maître pendant les jours heureux, je l'ai abandonné dans l'adversité. Il m'a rappelé à lui par de nouvelles marques d'amour. En retournant au ciel, dans le sein de son Père, il m'a béni, et il m'a ordonné d'enseigner toutes les nations.

Le philosophe. « Mon ami, n'espérez pas réussir. Non, vous ne réussirez pas, quand vous auriez pour vous les savants, les sages, tous ceux qui ont sur la terre quelque puissance.

Pierre.« Nous ne comptons sur aucun appui terrestre. Aux savants nous dirons : Vous vous tourmentez l'esprit de mille choses inutiles et même funestes. Vous acqué rez des connaissances précieuses en ellesmêmes; mais, parce que vous ne les faites pas tourner au profit de votre âme, elles ne servent qu'à irriter votre orgueil. Aux riches Malheur à vous qui avez placé votre consolation dans cette courte vie, parce que, dans l'autre, qui est éternelle, vous aurez en partage les gémissements et les larmes! (Luc. vi, 24, 25.) Aux grands, aux puissants de la terre Malheur à vous, qui vous élevez, car il est à craindre que vous ne soyez rabaissés! (Matth. xxm, 12.) Aux rois: Toute domination de l'homme sur l'homme n'est point autorisée par la loi chrétienne. Si vous voulez être les premiers parmi vos

frères, soyez les serviteurs de tous... (Marc. x, 43, 44.) Aussi serons-nous persécutés. A l'exemple de notre divin Maître, nous terminerons dans les souffrances notre vie déjà si malheureuse.

Le philosophe.« Et alors vous verrez s'évanouir vos présomptueuses espérances.

Pierre. << Nos corps seront détruits, mais nos pensées sont] immortelles. La parole divine que nous aurons déposée dans les cœurs s'y conservera impérissable, elle se propagera de tous côtés, et notre sang sera la rosée qui fera germer cette semence féconde. L'Eglise de Jésus aura d'abord de faibles commencements. Tous ceux qui travaillent et qui souffrent, voilà ceux à qui notre Maître nous a recommandé de nous adresser de préférence, et qui nous écouteront les premiers. Mais bientôt, étonnés de son accroissement extraordinaire, les hommes, sans distinction de naissance et de fortune, y accourront en foule. Les savants, les grands de la terre, les rois eux-mêmes suivront l'impulsion donnée par les peuples. Voyez-vous ce Capitole, voyez-vous ces tours, ces palais, ces édifices magnifiques, irrécusables témoins de la grandeur et du génie de l'homme, un jour viendra, et ce jour n'est pas éloigné, un jour viendra où la croix les dominera tous, en signe de ses triomphes et de sa supériorité. Vous voyez ces temples superbes qui renferment une infinité de faux dieux qu'adore aujourd'hui l'homme aveugle au temps dont je parle, toutes ces statues auront été renversées. A leur place, que verra-t-on? L'image du Père éternel et de son Fils Jésus, l'image de la Vierge dans le sein de laquelle le Fils de Dieu s'est incarné, la représentation de la croix sur laquelle coula le sang qui a racheté le monde.

Le philosophe.« Et moi aussi je vous promets d'être des vôtres, quand j'aurai vu vos desseins, je ne dis pas accomplis, mais seulement en voie d'exécution. Oui! j'en jure par toutes les puissances du ciel et de la terre! Je ne crains point que vous veniez un jour me sommer de tenir mon serment, car je verrai la terre chanceler sur sa base, le firmament tomber sur nos têtes, toute la nature physique se bouleverser et périr, plutôt que de voir le monde moral éprouver les révolutions que vous m'annoncez. Si je vous ai écouté si longtemps, c'est que j'ai vu en vous quelque chose d'extraordinaire. Vous êtes philosophe. L'excès des études aura troublé vos idées.

Pierre. Ma philosophie, c'est la croix; mon étude, c'est la prière; mon maître, c'est l'Esprit de Dieu. Du reste, n'oubliez pas la promesse que vous venez de me faire: je vous déclare que la folie de la croix ne tardera pas à vaincre toute la sagesse de ce monde.

«Pierre se rend à Rome. Seul, il entre dans cette capitale du monde, et il va attaquer la superstition profondément enracinée encore dans les cœurs et armée de tou

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