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un acharnement incroyable pendant presque toute la durée de sa longue carrière; il a suscité contre elle tout ce qu'il a pu lui trouver d'ennemis dans son entourage et ailleurs ; poésie, prose, histoire, érudition, philosophie, sciences, mensonge, immoralité, tout a été mis en usage, par lui et par ses associés pour la ruiner dans l'esprit des peuples. Qu'est-il résulté de tout cela cependant? Voltaire est mort. Rousseau est mort, comme sont morts tous les ennemis que la religion avait eus avant eux, et comme mourront tous les ennemis qu'elle aura encore dans la suite. Mais la religion, elle, subsiste toujours, elle est toujours la même, depuis plus de dixhuit siècles, et le passé nous répond qu'il en sera ainsi dans l'avenir. Que dis-je ? elle subsiste toujours, elle est toujours la même ! Mais elle s'affermit encore par les coups qu'on lui porte. En vain donc ses ennemis battent des mains, quand ils sont parvenus à faire tomber quelque pan inutile de l'indestructible édifice, eux seuls sont atteints et dispersés, la plupart du temps; quant à l'édifice lui-même, il n'en paraît que plus dégagé et plus solidement établi, une fois dissipée la poussière qui le déroba peut-être un instant aux regards.

Vous ne voyez pas cela? vous ne comprenez pas que plus les ennemis de la religion sont nombreux et puissants, et plus ils prouvent la divinité de cette religion qu'ils ne peuvent détruire ni même ébranler? C'est pourtant bien simple.

Prenons Voltaire, par exemple. Jamais personne n'eut autant d'esprit que lui, disent, d'un commun accord, ses amis et les ennemis de la religion, qui sont, en général, les mêmes. Je ferai là-dessus les concessions qu'on me demandera, et même plus encore, s'il est possible. Je conviendrai, si on veut, non seulement que personne n'a eu autant d'esprit que lui, mais que personne n'en aura jamais autant. Comment se fait-il que cet incomparable Voltaire, aidé d'auxiliaires innombrables, dignes de lui en général, n'ait rien pu contre une religion fondée par un charpentier qui semble n'avoir rien appris, et qui ne choisit pour aides que douze ignorants? Ce que j'ai dit de Voltaire, je le dirai, toute proportion gardée, de Rousseau, qui n'eut pas autant d'esprit que lui, mais qui eut certainement une éloquence plus chaleureuse et plus entraînante. Ce que j'ai dit de Voltaire et de Rousseau, je le dirai également, toute proportion gardée encore, de tous ces incrédules éminents qui apparaissent de temps en temps, comme pour empêcher les fidèles de s'endormir dans la paix et préparer de nouveaux triomphes à la religion. Comment donc aucun d'eux, comment donc tous, par leurs efforts incessants, n'ont-ils pu renverser ni même affaiblir ce qui a été établi et consolidé par ce qu'il y a de plus intirme selon le monde? Ah! cela est évident, si les plus grandes forces humaines ne peuvent rien, ni n'ont jamais rien pu, contre la religion, c'est que cette religion n'est point l'ouvrage de l'hom

me. Divinement établie, elle est divinement conservée, et sa divinité n'en ressort que mieux par la multitude et la valeur de ses eunemis qui, venant tous expirer à ses pieds, rendent hommage ainsi involontairement à son incomparable supériorité.

Je remarque, dites-vous encore, qu'ils se montrent particulièrement hostiles à la religion catholique.

C'est bien simple. La religion catholique, c'est la seule véritable Eglise de Jésus-Christ, celle qu'il a établie il y a plus de dix-huit siècles, celle qu'ont prêchée ses apôtres, celle qui a résisté à tous les efforts combinés de l'erreur et du vice: c'est donc elle aussi que les ennemis de Jésus-Christ et de sa doctrine doivent naturellement attaquer. Et quoi donc voulez-vous qu'ils attaquent, si ce n'est elle? le schisme, l'hérésie? Ce sont des auxiliaires souvent; quand ce sont des ennemis, ce ne sont du moins que des ennemis faibles, qui se dissiperont d'eux-mêmes tôt ou tard. Il est donc tout naturel de diriger ses efforts contre la religion catholique qui seule oppose une continuelle résistance.

Ils attaquent plus particulièrement, ditesvous, la religion catholique. - Mais vous ne pouvez ignorer pourquoi. C'est elle qui les condamne, non-seulement dans leurs erreurs, mais encore dans leurs passions. C'est donc elle aussi qu'ils doivent combattre. Pourquoi des luttes ailleurs? Pourquoi du moins ne feraient-ils pas de grandes concessions là où on leur en fait de semblables?

Voulez-vous savoir pourquoi encore ils combattent plus particulièrement la religion ́ catholique ? Parce que c'est elle qui possède le monde, qui est la reine des intelligences. Voulant régner, à leur tour, et régner sur les intelligences, ils doivent chercher à détruire celle dont ils désirent prendre la place. Quand on veut conquérir un royaume, c'est le roi qu'on attaque, et non ses ennemis.

Ils attaquent plus particulièrement la religion catholique, avez-vous dit.

Vous avez raison; et c'est elle aussi qui leur résiste; et c'est elle qui triomphe; et c'est elle qui atteste encore par là sa divine institution. Oui, rien n'est plus vrai; en vain Voltaire et Rousseau, en vain les savants et les gens d'esprit incrédules, de tous les temps et de tous les lieux, se sont ligués et se liguent encore contre le pêcheur, que Jésus-Christ a établi pour toujours directeur de toutes les intelligences, quand il lui a commandé de paître ses agneaux et ses brebis Pasce agnos meos... pasce oves meas. (Joan. XXI, 16, 17.) O miracle! le pêcheur leur a toujours résisté, il leur résiste toujours, et les lumières du passé et du présent éclairant l'avenir, nous pouvons affirmer avec la même certitude qu'il leur résistera toujours, prouvant ainsi aux yeux de tous que c'est bien à lui que Jésus-Christ, Dieu comme son Père, adressa ces remarquables paroles: Tu es Pierre, el sur cette pierre je bâtiraimon Eglise, et toutes les puissances de l'enfer ne prévaudront jamais contre

elle: «Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam, et portæ inferi non prævalebunt adversus eam. » (Matth. XVI, 18.)

Qu'avez-vous à leur opposer? demandez

Yous.

Nous voilà réellement bien embarrassés! Vous nous demandez ce que nous avons à opposer à Voltaire, et à Rousseau, et à tant d'autres savants ou gens d'esprit, qui ne sont point pour la religion, et qui se montrent particulièrement hostiles au Catholicisme. Mais cette religion elle-même avec toutes les preuves qui établissent sa divinité, à savoir: l'incomparable pureté de sa doctrine, les prophéties qui l'ont annoncée, les prodiges sans nombre qui l'ont accompagnée, son établissement si extraordinaire et sa conservation plus extraordinaire encore, son fondateur, ses apôtres, ses martyrs, ses docteurs, ses anachorètes, ses vierges, la sainteté de ses plus modestes fidèles, etc., etc. Nous n'avons pas besoin, d'ailleurs, de la leur opposer, cette religion, si incontestablement divine; elle résiste assez d'elle-même à toutes leurs attaques, ainsi que nous venons de le montrer. Depuis plus de dix-huit cents ans, ils n'ont cessé de l'attaquer de toute manière, et toujours elle est sortie victorieuse des luttes qu'elle a eu à soutenir. Elle n'aurait donc pas besoin d'autre chose, à la rigueur, avons-nous dit avec raison, pour prouver sa divinité aux yeux mêmes les plus prévenus.

Dites-moi, ceux dont vous parlez n'ont pas attaqué la religion seulement, ils ont également attaqué la morale, si ce n'est même davantage. Ils l'ont attaquée cette divine morale par leurs actions comme par leurs écrits. Or, de bonne foi, la morale at-elle souffert le moins du monde de ces at taques? Parce que Voltaire a distillé, en prose et en vers, dans presque tous ses écrits, la corruption qui était dans son cœur; parce que Rousseau, parce que tous les 3avants et gens d'esprit incrédules out agi à peu près de même, lapudeur est-elle une moins belle vertu aux yeux de tous les hommes, à vos propresyeux,comme à ceux des autres? Non assurément. Donc, aussi, la religion, cette incorruptible et sévère gardienne de la morale, que vos savants et gens d'esprit incrédules n'attaquent la plupart du temps qu'à cause de cela ne saurait souffrir, non plus, de leurs attaques, ni en paraître moins belle et moins respectable aux yeux des homnies.

Ce que nous pouvons leur opposer! demandez-vous.

Mais d'autres savants et d'autres gens d'esprit, en bien plus grand nombre, et dont le témoignage en faveur de la religion a autant de valeur que celui des incrédules contre elle en a peu.

« Voilà ce qui manque aux savants irré, ligieux, dit ici l'abbé de Ségur:

a Ou bien ils sont indifférents et ignorants en matière de religion; absorbés dans leurs ótudes mathématiques, astronomiques, physiques, ils ne pensent ni à Dieu ni à leur DICTIONN. DES OBJECT. POPUL.

Ame; et alors il n'est pas étonnant qu'ils n'entendent rien aux choses de la religion. Par rapport à la religion, ils sont ignorants, et leur jugement sur elle n'a pas plus de valeur que celui d'un mathématicien sur la musique ou la peinture. Il y a tel savant qui est plus ignorant en religion qu'un enfant de dix ans assidu au catéchisme.

<< Ou bien, ce qui arrive plus souvent, ces hommes sont des orgueilleux qui veulent juger Dieu, traiter avec lui d'égal à égal et mesurer sa parole aux dimensions de leur faible raison. L'orgueil est le plus profond des vices. Aussi sont-ils justement repoussés comme des téméraires, et privés des lumières qui ne sont données qu'aux cœurs simples et humbles. Le bon Dieu n'aime pas les insurrections.

« Ou, ce qui arrive plus souvent encore, et ce qui, habituellement, est joint aux deux autres vices, ces savants ont des passions mauvaises qu'ils ne veulent pas abandonner, et qu'ils savent incompatibles avec la religion chrétienne.

« Si l'on veut, en outre, peser le nombre et la valeur des témoignages, la difficulté disparaît entièrement.

On peut affirmer que depuis dix-huit cents ans, parmi les hommes éminents de chaque siècle, il n'y a pas eu un incrédule sur vingt.

Et, parmi ce faible nombre d'incrédules, on peut affirmer encore que la plupart ne furent point stables dans leur incrédulité et se réfugièrent, avant de mourir, dans les bras de cette religion qu'ils avaient blasphémée.-Tels furent, entre autres, plusieurs des chefs de l'école voltairienne du dernier siècle, Montesquieu, Buffon, Laharpe, etc.

«Voltaire lui-même, malade à Paris, fit appeler le curé de Saint-Sulpice un mois environ avant sa mort. Le danger passa, et, avec le danger, la crainte de Dieu. Mais une seconde crise survint; les amis de l'impie accoururent... Son médecin, témoin oculaire, nous atteste que Voltaire réclama de nouveau les secours de la religion... Mais cette fois ce fut en vain; on ne laissa point le prêtre pénétrer jusqu'au moribond, lequel expira dans un hideux désespoir.

« D'Alembert voulut également se confesser; et il en fut empêché, comme l'avait été son maître, par les philosophes qui entouraient son lit. « Si nous n'eussions « été là,» disait l'un d'eux,» il eût fait le plon<< geon comme les autres! »

« Quelle valeur morale ont ces hommes ?. Et que prouve leur irréligion, surtout si vous leur opposez la foi éclairée des plus grands savants, des plus profonds génies. des hommes les plus vénérables qui aient paru sur la terre?

« La foi, notez-le bien, leur imposait, comme à tous les hommes, des contraintes désagréables, des devoirs assujettissants. L'évidence seule de la vérité du christianisme a pu forcer leur adhésion.

« Sans parler de ces admirables docteurs

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que l'Eglise appelle les Pères, et qui furent presque les seuls philosophes, les seuls savants des quinze premiers siècles, tels que saint Athanase, saint Ambroise, saint Grégoire le Grand, saint Jérôme, saint Augustin, saint Bernard, saint Thomas d'Aquin (l'homme le plus prodigieux peut-être qui ait jamais existé), combien de noms magnifiques la religion ne compte-t-elle pas sur la liste de ses enfants?

Roger-Bacon, Copernic, Descartes, Pascal, Malebranche, d'Aguesseau, Mathieu Molé, Cujas, Domat, De Maistre, de Bonald, etc., parmi les grands philosophes, les juriconsultes et les savants du monde;

a Bossuet, Fénelon, Bourdaloue, Massillon, parmi les grands orateurs;

« Corneille, Racine, Le Dante, Le Tasse, Boileau, Châteaubriand, etc, parmi les littérateurs et les poëtes.

« Et nos gloires militaires, ne sont-elles pas pour la plupart des gloires religieuses? Charlemagne n'était-il pas Chrétien? Godefroi de Bouillon, Tancrède, Bayard, Du Guesclin, Jeanne d'Arc, Crillon, Vauban, Villars, Catinal, etc., n'abaissaient-ils pas devant la religion leurs fronts glorieux ceints des lauriers de mille victoires? Henri IV, Louis XIV, étaient Chrétiens. Turenne état Chrétien; il avait communié le jour même de sa mort. Le grand Condé était Chrétien.

Et au-dessus de tous, saint Louis, ce héros véritable, cet homme si aimable et si parfait, la gloire de la France en même temps que de l'Eglise.

<< Chacun sait les sentiments du grand Napoléon touchant le christianisme. Dans l'enivrement de sa puissance et de son ambition, il s'écarta gravement, je le sais, et des règles et des devoirs pratiques de la religion, mais il en conservait toujours la croyance et le respect: Je suis Chrétien, catholique romain, disait-il; mon fils l'est comme moi, j'aurais un grand chagrin, si mon petitfils ne pouvait l'être. Le plus grand service que j'aie rendu à la France, ajou ait-il encore, c'est d'y avoir rétabli la religion ca→ tholique. Sans la religion, où en seraient les hommes? Ils s'égorgeraient pour la plus belle femme ou pour la plus grosse poire!

« Lorsqu'il se trouva seul avec lui-même, à Sainte-Hélène, il se prit à réfléchir à la foi de son enfance, et, dans son profond génie, Napoléon jugea la foi catholique véritable et sainte.

« Il demanda à la religion ses consolations suprêmes...

«Il fit venir à Sainte-Hélène un prêtre catholique, et il assistait à la Messe célébrée 'dans ses appartements. I recommandait à son cuisinier de ne pas servir gras les jours maigres. Il étonnait les compagnons de son exil par la force avec laquelle il exposait les doctrines fondamentales du catholicisme.

«Etant près de mourir, il congédia ses médecins, fit venir l'abbé Vignoli, son aumônier, et lui dit: Je crois à Dieu; je suis

dans la religion catholique je veux rem

plir les devoirs qu'elle impose et recevoir les secours qu'elle administre...

« Et l'empereur se confessa, reçut le saintviatique et l'extrême-onction. Je suis heureux d'avoir rempli mes devoirs, dit-il au général Montholon. Je vous souhaite, général, d'avoir à votre mort le même bonheur... Je n'ai point pratiqué sur le trône, parce que la puissance étourdit les hommes. Mais j'ai toujours eu la foi; le son des cloches me fait plaisir, et la vue d'un prêtre m'émeut. -Je voulais faire un mystère de tout ceci; mais c'est de la faiblesse... Je veux rendre gloire à

Dieu!...

« Puis il ordonna lui-même que l'on dressât un autel dans la chambre voisine, pour l'exposition du Saint-Sacrement et la prière des quarante heures.

« Et ainsi mourut Napoléon, en chrétien.» (Réponses.)

Et aujourd'hui encore, malgré l'affaiblissement de la foi dans une génération sortie des horreurs de la révolution, la plupart de nos savants sont Chrétiens, et Catholiques romains, comme disait Napoléon. Quelques-uns pratiquent, et même de la manière la plus édifiante, les autres gardent la foi au fonddu coeur et ne manquent pas de la manifester à l'occasion.

Tout le monde sait dans quels sentimen's de soumission à l'Eglise catholique est mort le célèbre historien Thierry.

« Où trouver, » disait récemment dans le Siecle, journal peu sympathique à la religion, M. Ch. Blanchard, « où trouver le successeur de notre grand mathématicien Cauchy, cette étoile si subitement éteinte, de l'analyse transcendante, auteur de près de cinq cents Mémoires, où sa plume se faisait un jeu de la solution des prob èmes les plus ardus du calcul différentiel et intégral, des questions de haute physique, de mécanique et d'astronomie? »

Eh bien en même temps que son esprit était si profondément occupé de la science, son cœur ne l'était pas moins de toutes sortes. de bonnes œuvres. Il n'est point d'institutions catholiques et charitables, ce qui es! ordinairement tout un, qu'il n'ait établies ou fait établir dans la paroisse à laquelle il ap partenait. Il faisait, pour cela, des dépenses incroyables, dont une partie vient d'être ré

vélée à sa mort.

Quel savant encore que cet illustre Thénard à qui le ministre de l'instruction publi que, en plein conseil de l'instruction, c'està-dire devant les sommités intellectuelles de France, a rendu, immédiatement après sa mort, l'hommage que nous transcrivons ici:

« Avant d'entretenir le conseil impérial des projets de la session, » leur dit-il, « je veux répondre à l'impression de tous en rendant le plus sincère et le plus éclatant hommage à la mémoire du vénérable collè gue que la mort vient d'enlever à nos affec tions. M. le baron Thénard a fourni une de ces laborieuses et nobles carrières dans les quelles on ne sait ce qu'il faut le plus admi

rer, des effets et des succès de l'intelligence ou de la pratique de toutes les vertus que Dieu a mises au cœur de l'honnête homme.

« L'Université, la France, l'Europe, ont proclamé depuis longtemps le nom de savant et illustre défunt, et je ne saurais rien dire qui puisse ajouter à la gloire de celui qui a tant donné à son pays. Bientôt et de tous rôtés, à des regrets universels on mêlera l'éloge des travaux qui ont enrichi la science et l'industrie, et la reconnaissance publique aura, dans ce devoir pieux, les organes les plus accrédités et les plus éminents. Permettez-moi, Messieurs, de rappeler surtout au conseil impérial l'homme si dévoué à l'instruction de la jeunesse, si heureux de ses progrès, si ferme et si bienveillant pour tous ceux qui se dévouaient au labeur ingrat mais honorable du professorat. Dans sa vieillesse vigoureuse et respectée, M. Thénard était comme la chaîne des traditions universitaires, et il nous dominait tous, autant par sa bonté affectueuse que par son expérience profonde. Esprit vaste et sûr, cœur excellent, il a partagé sa vie entre l'étude et les bienfaits. Aussi je ne sais pas de plus haute, de plus pure, de plus impérissable renommée. Nous lui devons notre tribut, Messieurs, et j'ai l'honneur de proposer au conseil impérial d'exprimer ses plus vifs regrets de la perte du baron Thénard. »

Tandis que la science témoignait ainsi ses regrets de la perte du savant Thénard, la religion ne le regrettait pas moins, tant à cause de son inépuisable charité qu'à cause du bon exemple qu'il donnait aux fidèles. Ecoutez plutôt la touchante allocution prononcée par M. le curé de Saint-Sulpice, aux obsèques de l'illustre défunt, immédiatement après le saint sacrifice, offert par lui à son intention.

<< Permettez-moi, Messieurs, d'interrompre un instant cette lugubre solennité par quelques paroles que mon cœur ne peut retenir captives. D'autres diront la belle intelligence et les nobles travaux de l'illustre défunt: pour moi, la religion et ma reconnaissance m'obligent à dire qu'il y avait dans le baron Thénard quelque chose de meilleur encore que le grand esprit et les vastes connaissances qui honorent une académie savante il y avait un cœur profondément chrétien, dans lequel ne pouvaient trouver entrée ni cette insouciance de Dieu et de l'éternité, une des plus grandes plaies de notre époque, ni cette réligiosité vague, qui est une chimère, ni cette séduction de la gloire qui avait pu l'abuser autrefois, disait-il, mais dont il était depuis plusieurs années pleinement détrompé, parce qu'il en sentait tout le vide.

:

« Le baron Thénard avait une foi intelligente qui lui montrait au ciel un Dieu à honorer, en lui-même une âme immortelle à sauver; il avait une foi éclairée qui lui faisait voir dans la divine autorité de l'Eglise la règle sûre et toute faite de ses croyances et de ses mœurs; mais, par-dessus tout, il avait une foi pratique, qui ne lui permettait pas d'être inconséquent avec lui-même, de croire d'une manière et de vivre d'une autre.

« Comprenant que jamais l'homme n'est plus raisonnable que quand il laisse diriger sa faible raison par la raison divine, dont l'enseignement de l'Eglise est l'expression authentique, que jamais il n'est plus grand que quand il s'abaisse devant Dieu, il soumettait son esprit à tous les dogmes comme sa volonté à tous les préceptes; chaque di manche il venait, confondu avec le simple peuple, assister à nos saints Offices, les yeux et le cœur fixés sur le livre de la prière, et, à nos grandes fêtes, il communiait. Il n'était pas de ceux qui disent: Je me confesserai à la mort. Il avait trop d'esprit pour livrer ainsi à l'aventure ses destinées éternelles; il avait trop de cœur pour se faire de la santé et de la vie, ces deux grands bienfaits du ciel, une raison de fouler provisoirement sous les pieds les commandements de Dieu et de l'Eglise; et certes, bien lui a pris s'il eût raisonné comme le monde, combien grande eût été sa déception! Car la mort est venue le frapper tout à coup, sans qu'il ait pu articuler une seule parole au prêtre accouru près de sa couche. Mais, grâce à sa prudence chrétienne. il était prêt quelques jours seulement avant le coup fatal, il avait de nouveau, en pleine santé, purifié sa conscience au tribunal sacré, avec la simplicité du plus hum-ble pénitent.

« Voilà, Messieurs, des faits que j'aime à dire bien haut, parce qu'ils sont à la fois une gloire pour celui qui n'est plus, une leçon pour ceux qui lui survivent, et une garantie de son bonheur éternel pour ceux qui l'ai

ment.

« A ces paroles que la religion m'inspire, la reconnaissance m'oblige à ajouter une autre louange : c'est que jamais je n'ai fait appel à sa belle âme en faveur du malheureux qu'il ne se soit empressé d'y répondre; c'est que, le plus souvent même, il n'a pas attendu mon appel, il a été délicat jusqu'à le prévenir; c'est que jamais la sœur de SaintVincent de Paul, la dame de Charité n'a frappé à la porte de son cœur sans en rapporter une généreuse aumône, c'est que bien souvent j'ai découvert des pauvres obscurs qu'il secourait dans le secret, content que Dieu seul connût le bienfait, arce que de Dieu seul il en attendait la récompense. J'aime donc à le proclamer bien haut en perdant le baron Thénard, je perds un des meilleurs soutiens de nos pauvres; et dans la douleur que cette perte me cause, ce m'est une conso'ation de dire ma reconnaissance aussi bien que la louange de ce vrai Chrétien, de cet homme éminemment bon que j'ai toujours trouvé secourable au malheur. J'avais besoin, Messieurs, d'épancher mon cœur devant vous, après l'avoir épanché devant Dieu dans ce saint sacrifice; et vos cœurs, j'en suis sûr, me pardonneront cet épanchement. »

Il n'en est point ainsi de tous, je dois en convenir. J'entends quelques-uns m'objecter ici celui qui fut longtemps le plus intrépide défenseur de notre religion, et qui, après avoir fait concevoir l'espérance qu'il serait

mis un jour au rang des Pères de l'Eglise, n'est même pas mort en bon fidèle. Mais c'est là une bien rare exception; et puis d'ailleurs est-il bien sûr qu'il eût perdu la foi? Je ne saurais le croire. Un nuage, le plus épais de tous, le nuage de l'orgueil, dérobait à ses yeux ce divin flambeau qui l'enveloppa si longtemps de ses plus éclatantes lumières; mais, au fond, il croyait; et j'en ai pour garant ces paroles qu'il adressait à ses nombreux lecteurs à une époque où il s'était déjà séparé de l'Eglise :

« Vous êtes nés Chrétiens,» disait-il, «bénissez-en Dieu. Ou il n'est point de vraie religion, de lien qui unisse les hommes entre eux et avec l'auteur éternel des choses, ou le Christianisme, religion de l'amour, de la fraternité, de l'égalité, d'où dérive le devoir comme le droit, est la vraie religion. Comparez aux autres nations les nations chrétiennes, et voyez ce que lui doit l'humanité: la progressive abolition de l'esclavage et du servage, le développement du sens moral et l'influence de ce développement sur les mœurs et les lois, de plus en plus empreintes d'un esprit de douceur et d'équité inconnu auparavant; les merveilleuses conquêtes de l'homme sur la nature, fruit de la science et des applications de la science; l'accroisse ment du bien-être public et individuel; en un mot, l'ensemble des biens qui élèvent notre civilisation si fort au-dessus de la civilisation antique et de celle des peuples que l'Evangile n'a point éclairés. » (Le Livre du peuple.)

Je sais bien qu'il parle, après cela, de ce rajeunissement du christianisme, mis en avant par je ne sais quels rêveurs dont il sembla partager les espérances; mais il connaissait trop bien la religion, qu'il défendit si longtemps et avec tant de succès, pour ne pas comprendre qu'il n'y avait là réellement qu'un rêve.

Ne nous demandez donc point ce que nous avons à opposer aux savants et aux gens d'esprit incrédules; car il est évident, aux yeux de tous, que nous en avons beaucoup plus qu'il n'en faut pour contre-balancer leur autorité.

Ce que nous pouvons leur opposer, demandez-vous? Mais eux-mêmes; oui! euxmêmes; et j'ajouterai, de plus, que leur témoignage en faveur de la religion a beaucoup plus de valeur que quand il est

contre.

Tout le monde connaît la belle et victorieuse réponse de cette femme injustement condamnée par Philippe, roi de Macédoine, après son repas:-J'en appelle ! s'écria-t-elle.

Et devant qui? reprit Philippe. - Devan: Philippe à jeun.

La religion est cette femme injustement condamnée, dans l'enivrement des passions, par Voltaire, par Rousseau, par la plupart des savants et gens d'esprit incrédules. Ce n'est point à elle à se défendre; car, comme Dieu, dont elle est l'ouvrage, elle est audessus de toutes les attaques des créatures; mais nous, chargés de sa défense, sinon pour

elle-même, du moins pour nous et pour nos frères, nous élevons la voix, en disant : - J'en appelle ! - Devant qui donc? demandez-vous. - Devant qui? Nous voilà bien embarrassés. N'eussions-nous pas d'autres tribunaux d'appel (ce qui n'est pas assuré ment), celui qui nous a condamnés nous suffit de Voltaire, de Rousseau, de tous ces savants et gens d'esprit incrédules, enivrés par la passion; j'en appelle à ces mêmes incrédules, dans leur bon sens.

Tout le monde sait, en effet, que les plus célèbres incrédules ont rendu, en certaines circonstances, le plus éclatant hommage à la religion. Tantôt, comme chez celui dont nous venons de parler, c'est la première partie de leur carrière qui réfute la seconde ; tantôt, au contraire, comme chez Laharpe, c'est la seconde qui réfute éloquemment la première. La plupart du temps, c'est un mélange d'affirmations et de négations qui se combattent réciproquement. C'est ce qui se voit chez le poëte Lamartine, qu'un homme d'esprit définissait, il y a quelque temps, une girouette harmonieuse. C'est bien cela: une girouette, car il tourne à tout vent; mais une girouette harmonieuse, car de quelque côté que le vent le porte, il rend des sons enchanteurs, et comme on en a rarement entendus. C'est ce qui se voit encore dans Rousseau, qui, après nous avoir représenté l'Evangile comme un livre divin, ajoute qu'il renferme cependant des obscurités et des contradictions, ou qui, après avoir assuré que le Catholicisme est une religion fanatique et sanguinaire, affirme néanmoins qu'elle est pure et sainte. C'est ce qui se voit également dans Voltaire. C'est un incrédule assurément, il est même généralement regardé comme le patriarche de l'incrédulité; et pourtant on trouve aussi chez lui le chrétien, le croisé même, et quel croisé Ecoutons-le lui-même. Nous savons cela peut-être par cœur; mais il n'en faut pas moins remettre le morceau sous les yeux, pour en tirer nos conséquences. C'est le touchant et éloquent plaidoyer de Lusignan à sa fille, pour la rappeler à la foi de ses pères :

Mon Dieu, j'ai combattu soixante ans pour ta gloire,
J'ai vu tomber ton temple, et périr ta mémoire ;
Dans un cachot affreux abandonné vingt ans,
Mes larmes t'imploraient pour mes tristes enfants;
Et lorsque ma famille est par toi réunie,
Quand je trouve ma fille, elle est ton ennemie!
Je suis bien malheureux.... C'est ton père, c'est moi,
C'est ma seule prison qui l'a ravi ta foi.

Ma fille, tendre objet de mes dernières peines,
Songe, au moins, songe au sang qui coule dans tes veines
C'est le sang de vingt rois, tous Chrétiens comme moi,
C'est le sang des héros, défenseurs de ma loi,
C'est le sang des martyrs.... O fille encor trop chère !
Connais-tu ton destin? sais-tu quelle est ta mère?
Sais-tu bien qu'à l'instant que son flanc mit au jour
Ce triste et dernier fruit d'un malheureux amour,
Je la vis massacrer par la main forcenée,
Par la main des brigands à qui tu t'es donnée !
Tes frères, ces martyrs égorgés à mes yeux,
T'ouvrent leurs bras sanglants tendus du haut des cieux
Ton Dieu que tu trahis, ton Dieu que tu blasphèmes,
Pour toi, pour l'univers, est mort en ces lieux mêmes,
En ces lieux où mon bras le servit tant de fois,
En ces lieux où son sang te parle par ma voix.
Vois ces murs, vois ce temple envahi par tes maîtres

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