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mais de quelle utilité peut-il être à l'homme de croire un Dieu en trois personnes.

Quand bien même ce mystère n'aurait pas d'autre utilité pratique que celle de tout mystère, en général, qui est d'assujettir notre esprit au joug de la foi, ne serait-ce pas suffisant? La vertu consiste précisément dans la soumission. Dès lors que la croyance au mystère de la sainte Trinité nous exerce à la soumission, et je dirai même à la première de toutes, la soumission de l'esprit, elle a donc aussi son utilité.

Il y a encore, dites-vous une certaine utilité pratique à croire le mystère de l'Incarnation et celui de la Rédemption.

Votre concession n'est pas grande. Quoi! l'école de la crèche et celle du Calvaire ne vous semblent que d'une certaine utilité ? Vous pourriez bien admettre avec nous qu'il n'y en a pas de plus utiles. Mais enfin passons là-dessus; votre concession nous suffit ici. Vous reconnaissez donc jusqu'à un certain point du moins, l'utilité de l'Incarnation et de la Rédemption. Or ces deux mystères supposent nécessairement celui de la Trinité, sans lequel ils n'existeraient pas. En effet, s'il n'y avait les trois personnes en Dieu, l'une d'elles, la seconde, n'aurait pu s'incarner et nous racheter, en satisfaisant à la justice divine, offensée par nos péchés. Dès lors que vous admettez l'utilité pratique du mystère de l'Incarnation et de celui de la Rédemption, vous admettez, par cela même, indirectement du moins, l'utilité du mystère de la sainte Trinité.

Mais, outre cette utilité indirecte et générale que vous ne pouvez vous empêcher de reconnaître dans la sainte Trinité, est-ce qu'elle n'a pas aussi son utilité propre, son utilité intrinsèque et essentielle? Qui ne le voit? Qui ne le reconnaît dans ce que nous disions tout à l'heure? Cette sainte et indivisible Trinité, à la ressemblance de laquelle nous avons été créés, elle n'est pas seulement le modèle de la sainteté à laquelle nous devons aspirer, mais de l'intime union dans laquelle nous devons vivre avec nos frères, créés comme nous à l'image de Dieu. Et puis, pour que nos efforts soient couronnés de succès, est-ce que chacune des trois personnes divines ne nous aide pas à nous établir et à nous conserver dans cette difficile et nécessaire union: Je suis la voie, la vérité et la vie, disait Jésus-Christ à ses disciples et à tous les Chrétiens qui devaient leur succéder Personne ne vient au Père que par moi. Je suis sorti de mon Père, et je suis venu dans le monde ; maintenant je laisse lemonde, et je m'en retourne à mon Père. Mais je prierai mon Père, et il vous donnera un autre consolateur, afin qu'il demeure éternellement avec

vous. L'Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu'il ne le voit point, et qu'il ne le connaît point. Mais pour vous, vous le connaîtrez, parce qu'il demeurera avec vous, et qu'il sera en vous. Après que je m'en serai allé, je vous retirerai à moi, afin que là où je serai, vous soyez aussi. En ce jour vous connaitrez que je suis en mon Père, et vous en moi et moi en vous. Comme mon Père m'a aimé, je vous ai aussi aimés : demeurez dans mon amour. Ce que je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres, comme je vous ai aimés. Si quelqu'un m'aime, mon Père l'aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure. Père saint, conservez en votre nom ceux que vous m'avez donnés, afin qu'ils soient un comme nous! je ne prie pas seulement pour eux (les premiers apôtres), mais encore pour ceux qui doivent croire en moi par leur parole, afin que tous ne soient qu'un. Comme vous, mon Père, êtes en moi et moi en vous, qu'ils soient de même un en nous. Mon Père, je désire que là où je suis ceux que vous m'avez donnés y soient aussi avec moi, afin qu'ils contemplent ma gloire que vous m'avez donnée, parce que vous m'avez aimé avant la création du monde. (Joan. XIV, XV, XVI, XVII, passim.)

« Quelle doctrine sublime,» s'écrie ici l'autcur que nous citions précédemment, « et à quelle hauteur elle élève l'homme sans rabaisser Dieu! Comprenez-le bien, nous devons nous aimer les uns les autres, nous dit Jésus-Christ. Comment? Comme il nous a aimés; et comment nous a-t-il aimés? Comme son Père l'a aimé. Et quel sera le résultat de cet amour? de faire que nous soyons tous un, comme le Père et le Fils, unis par le Saint-Esprit, sont un; de réaliser en nous l'unité, c'est-à-dire la vie même de Dieu. Ce n'est pas assez dire, de nous associer à cette unité: Comme vous, mon Père, étes en moi, et moi en vous, qu'ils soient de même un en nous); et en nous unissant tous les uns aux autres du même amour, de la même unité, qui éclatent dans le mystère de la Trinité, de nous identifier à Jésus-Christ. et par Jésus-Christ à Dieu, de manière à faire de l'homme une des trois personnes divines, en quelque sorte, un Dieu. »

«O grandeur! 6 dignité de l'Eglise ! 6 sainte société des fidèles! disait aussi Bossuet, qui doit être si parfaite et si achevée, que Jésus-Christ ne lui donne point d'autre modèle que l'unité du Père et du Fils, et de l'Esprit qui en procède! Qu'ils soient un, dit le Fils de Dieu, non point comme les anges, ni comme les archanges, ni comme les cherubins, ni comme les séraphins, mais qu'ils soient, dit-il, un comme nous.» (BOSSUET, Sermon sur le mystère de la trèssainte Trinité.)

U

UNITÉ.

Objection. Vous parlez sans cesse de et vos disputes, comme les protestants? votre unitě. N'avez-vous pas vos variations Vous croyez aujourd'hui bien des choses que

Vous ne croyiez pas autrefois, et il n'y a peut-être pas un seul article de votre Symbole que vos docteurs n'aient discuté et ne discutent encore. S'il en est ainsi pour la foi, que dirons-nous de la discipline?

Réponse.-Nous avons bien raison de parler sans cesse de notre unité; car, d'après les paroles mêmes de Notre-Seigneur JésusChrist, d'après la raison, d'après l'expérience générale, c'est bien là un des caractères les plus essentiels de l'Eglise.

Père saint, disait Jésus-Christ, conservez, en votre nom, ceux que vous m'avez donnés, afin qu'ils soient un comme nous... Je ne prie pas seulement pour un, mais encore pour ceux qui doivent croire en moi par leur parole; afin que tous ensemble ils ne soient qu'un, comme vous, mon Père, êtes en moi et moi en vous; qu'ils soient de même un en nous, pour que le monde croie que vous m'avez envoyé. Et je leur ai donné la gloire que vous m'avez donnée, afin qu'ils soient un, comme nous ne sommes qu'une même chose. Je suis en eux el vous en moi, afin qu'ils soient consommés en l'unité, et que le monde connaisse que vous m'avez envoyé, et que vous les aimez comme vous m'avez aimé... Je leur ai fait connaître votre nom, et le leur ferai connaître encore, afin qu'ils aient en eux ce même amour dont vous m'avez aimé, et que je sois moi-même en eux. (Joan. XVII, 11-20.)

Est-il possible de rien voir de plus formel et de plus clair, relativement à l'unité de l'Eglise !

La raison nous dit également que, si l'unité n'existe pas dans l'Eglise, il y a dès lors plusieurs Eglises, ou plutôt il n'y en a aucune; de même qu'admettre plusieurs dieux c'est n'en reconnaître aucun, parce que l'Eglise doit être une essentiellement, comme la vérité dont Jésus-Christ lui a confié le dépôt sacré.

Enfin l'expérience nous montre que rien n'est fort, rien n'est beau, rien ne peut subsister que par l'unité. « Qu'est-ce en effet que la mort?» disons-nous ailleurs. (Bienfaits du catholicisme.) « Est-ce autre chose que la séparation? C'est toujours l'idée que nous nous en faisons non-seulement par rapport à nous-mêmes, mais encore par rapport aux autres. Etablissez une séparation complète entre les parties constitutives d'un être, et vous l'avez détruit. Il prend une autre forme, une autre dénomination; mais il n'est plus ce qu'il était autrefois, il est mort. Or, il entrait dans les desseins de Dieu de donner à son Eglise une beauté parfaite, une indestructible existence. Il devait donc lui imprimer le caractère le plus frappant d'unité. »

N'avez-vous pas, avez-vous dit, vos variations et vos disputes, comme les protestants? Vous croyez aujourd'hui bien des choses que vous ne croyiez pas autrefois, et il n'est pas un seul article de votre foi que vos docteurs n'aient discuté et ne discutent encore.

Non, c'est faux: nous n'avons pas nos va

riations comme les protestants. Catholiques comme nous d'abord, les protestants ont nié l'autorité de l'Eglise; puis, cette base de toute vérité rejetée, ils ont rejeté tour à tour, pour la plupart, les autres articles du Symhole sans cesser d'être protestants. Cesser de croire ce qu'on a cru d'abord, c'est là de la variation, ou il n'y en a pas. Voyez-vous rien de semblable chez nous ? Rejeter les moindres articles du Symbole, le révoquer en doute seulement, c'est cesser d'être Catholique.

Mais, dites-vous, vous croyez aujourd'hui bien des choses que vous ne croyiez pas autrefois.

Quand bien même cela serait, non-seulement pour nous, mais pour toute l'Eglise, qu'en concluriez-vous? Ce ne serait point une variation, mais un développement. Une vérité déduite d'une autre vérité n'en est point la condamnation. Je leur ai fait connaître votre nom, disait Jésus-Christ à son Père, en parlant des siens, et je le leur ferai connaître encore. Qu'est-ce à dire, si ce n'est que Jésus-Christ devait leur faire connaître certains points de sa doctrine qu'ils ne connaissaient point encore? Ce n'était point une variation qu'il annonçait, mais un développement.

J'ai encore beaucoup de choses à vous dire mais vous ne pourriez. les porter présentement, disait Jésus-Christ à ses apôtres. Mais lorsque l'Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité. Leur for a-t-elle changé alors? Non, mais elle s'est développée.

Ainsi le développement dans la foi n'est point la même chose que la variation: ce n'est point un changement; c'est plutôt un perfectionnement.

Hâtons-nous de le dire cependant, ce développement n'est point pour l'Eglise, mais pour les fidèles seulement. Ce que l'Eglise croit aujourd'hui, elle l'a toujours cru. L'Esprit de vérité n'a-t-il pas enseigné aux apôtres toute vérité (Joan. XVI, 13), selon la promesse formelie de Notre-Seigneur? Prenons pour exemple le dugme de l'Immaculée Conception: l'Eglise le croyait assurément; mais chaque fidèle, en particulier, n'avait pas reçu de l'Eglise, chargée par Dieu de l'instruire, l'attestation de sa croyance. De là sa proclamation. Comprenez-vous bien ce mot, comme pour nous rappeler que ce n'est point une nouveauté? Ainsi, d'une part, tout Catholique croit toutes les vérités enseignées par l'Eglise comme venant de Jésus-Christ; d'une autre part, il croit, dans l'Eglise et par l'Eglise, toutes les autres vérités qui viennent également de Jésus-Christ, les eût-il rejetées, combattues lui-même par erreur involontaire. Il ne peut donc y avoir une unité plus grande que celle qui se trouve dans la religion catholique. Pour l'Eglise, c'est l'unité absolue; pour les fidèles, c'est l'unité relative, telle qu'elle peut exister pour chacun d'eux. Que peut-on demander davantage?

Il n'est pas un seul article de votre foi,

dites-vous, que vos docteurs n'aient discuté et ne discutent encore.

Oui, pour l'approfondir et le développer, pour le considérer soi-même et le montrer aux autres sous toutes ses faces. Pour le rejeter ou le révoquer en doute? Non; autrement ils ne seraient point Catholiques. Ces discussions continuelles sur toutes les vérités de la foi ne doivent surprendre personne. Elles sont naturelles, nécessaires même. Elles naissent d'une croyance profonde, d'un amour ardent. Ne discutons-nous pas sans cesse l'existence de Dieu, Fimmortalité, et autres vérités semblables?

S'il en est ainsi de la foi, avez-vous ajouté, que dirons-nous de la discipline,?

Vous direz, si vous êtes de bonne foi, que ces variétés de la discipline, qui n'est que la police extérieure de l'Eglise, variétés que demande la diversité des temps et des lieux, n'empêchent pas l'unité de l'Eglise, qui est la réunion des âmes en Dieu par Jésus-Christ. Vous irez même plus loin, et vous direz que,

si ces variétés resserrent davanꞌage les âmes en Dieu par Jésus-Christ, elles favorisent l'unité de l'Eglise au lieu de la détruire. Estce qu'il y a moins d'unité dans une famille parce que chaque membre est à des fonctions diverses et quelquefois opposées? Estce qu'il y a moins d'unité dans une armée, parce que chaque corps fait des évolutions diverses et quelquefois opposées? Est-ce qu'il y a moins, d'unité dans le ciel, parce que les anges, ministres du Seigneur, remplissent les missions différentes qui leur sont confiées?

Ajoutons à cela que ces variétés, qui ne sont qu'à l'extérieur, sont moins considérables qu'on ne se l'imagine, et que le but constant de l'Eglise a été, non pas de les faire disparaître complétement, ce qui est impossible, et ce qu'elle ne pourrait même tenter sans de grands inconvénients, mais de les coordonner au tout, et de les noyer ainsi dans sa divine unité.

USURE.

Objection. Hier encore vous interdisiez toute sorte de prêt à intérêt, en quelque sorte; aujourd'hui, vous faites tout le contraire quelle contradiction choquante dans l'Eglise !

Réponse. Vous vous trompez; il n'y a ici nulle contradiction de la part de l'Eglise.

L'Eglise a toujours défendu l'usure et elle la défendra toujours. N'a-t-elle pas raison? Vous-même, qui êtes si disposé à blâmer sa conduite, ne l'approuvez-vous pas en ce point? Qu'est-ce, en effet, que l'usure, si ce n'est un vol coloré, un vol avec hypocrisie, et, par conséquent, un vol encore plus odieux, en un sens, qu'un vol à découvert et avoué. Aussi n'est-il rien de plus méprisable et de plus méprisé, aux yeux de tous, non-seulement dans la société religieuse, mais encore dans la société civile, qu'un vil usurier. En cela donc, nul désaccord, nulle contradiction, non-seulement dans l'Eglise, mais en dehors de l'Eglise, et parmi tous ceux en qui le sentiment de la justice reste fortement prononcé.

Toutefois, si le principe est incontestable, l'application du principe, ici comme en toute chose, a ses difficultés. Tout gain retiré du prêt est-il usuraire, et, par conséquent, condamnable? Non, assurément. Ainsi, quand j'éprouve une perte par suite du prêt que j'ai fait, ou bien quand je me trouve, par cela même, privé d'un gain que j'aurais fait légitimement, ce qui est pour moi une perte véritable, ou bien encore quand j'expose mon argent à un danger véritable, je puis sans usure, et, par conséquent, sans injustice, stipuler et recevoir un intérêt compensatoire; car ce n'est plus en vertu du prêt précisément que je stipule et reçois cet intérêt, mais pour les causes que je viens de dire, et qu'on appelle en théologie: Dam

num emergens, lucrum cessans, periculum sortis. Cela est parfaitement juste; car, si je ne le faisais, je rendrais service aux autres à mon détriment. Or, nul n'est obligé de le faire dans le cours ordinaire des choses, puisque, comme on dit ordinairement, charité bien ordonnée commence par soimême.

Mais supposons un cas où il n'y ait aucune de ces circonstances qui rendent licite aux yeux de tous le gain retiré du prêt de son argent, à savoir une perte réelle, la privation d'un gain légitime, un danger véritable. Puis-je alors stipuler et recevoir l'intérêt légal, uniquement en vertu de la loi? Non, disent les uus; car c'est toujours l'usure, c'est-à-dire une chose essentiellement mauvaise qu'aucune loi positive ne peut pas plus légitimer que le vol. Qui, affirment les autres; car, en vertu du haut domaine qu'elle a sur les choses, l'autorité souveraine peut fort bien, dans l'intérêt général, transférer la possession, comme elle le fait pour la prescription. En ce cas, elle ne change point la nature de l'usure, mais elle fait qu'il n'y en a point; de même que, dans le cas de la prescription, elle ne change pas la nature du vol, mais elle fait qu'il n'y en a point.

Il y a quelques années, la plupart de nos théologiens regardaient comme incontestable la première opinion, et agissaient en conséquence, c'est-à-dire qu'ils refusaient l'absolution à ceux qui prêtaient à intérêt légal sans autre titre que la loi. Depuis quelque temps, leurs idées se sont un peu modifiées, d'après l'impulsion qui leur a été donnée d'en haut, et ils en sont tous ou presque tous revenus à la seconde opinion, sinon pour eux-mêmes, du moins pour leurs pénitents qui la suivent de bonne foi, jusqu'à ce qu'une décision positive ait été donnée à ce sujet par l'Eglise. J'avoue, quant à moi, que cela me paraît d'autant plus rai

sonnable, que, outre le titre de la loi civile, il est bien difficile que, dans tout prêt fait aujourd'hui, il n'y ait pas l'un de ces autres titres qui en légitiment le gain de l'aveu de tous. Qui ne voit, par exemple, que, vu la facilité que tous ont en ce moment de retirer de leur argent un gain légitime, il est comme impossible de le prêter sans faire une perte quelconque, et, par conséquent, sans être en droit d'en recevoir la compensation.

Objection.

Quoi qu'il en soit, là se horne toute la contradiction que l'on prétend avoir existé dans l'Eglise. D'une part, il ne s'agit point du principe même de l'usure, mais de son application; d'une autre part, il n'y a eu de contradiction que dans quelques théologiens seulement. Il n'y a donc pas de raison, en cela pas plus qu'en aucune autre chose d'adresser à l'Eglise elle-même des reproches.

V

VIE FUTURE.

N'attendons pas pour vivre que nous soyons morts. Il est bien plus sûr de jouir de la vie présente que d'attendre un avenir incertain.

Réponse.- Qui vous dit que l'avenir est incertain? Qui ne vous dit, au contraire, qu'il est aussi certain, encore plus certain s'il est possible, que le présent? Pourquoi croyons-nous à la vie présente? Parce que nous sommes intimement convaincus de sa réalité, et parce que, à l'exception de quelques fous qui prétendent qu'il est sage de douter de tout, les autres hommes avec lesquels nous sommes en rapport nous confirment encore dans notre conviction. Il en est de même pour la vie future. J'ai ajouté que l'avenir était encore plus certain, en quelque sorte, que le présent: je ne crois pas m'être trop avancé. Comment voyons-nous la vie présente? Par le regard le plus assuré du corps. Comment apercevons-nous la vie future? Par le regard le plus assuré de l'âme. Quel témoignage confirme surtout le nôtre par rapport à la réalité de la vie présente? Le témoignage des hommes. Quel témoignage confirme surtout le nôtre par rapport à la réalité de la vie future? Le témoignage de Dieu. Or, le regard de l'âme est en soi plus perspicace que le regard du corps, et le témoignage de Dieu est également en soi beaucoup plus sûr que le témoignage des hommes.

Vous voyez par là combien sont absurdes ceux qui disent: N'attendons pas pour vivre que nous soyons morts!

Morts! Est-ce que nous mourons, à proprement parler? Ce qui nous paraît la mort, et que nous appelons ainsi, qu'est-ce autre chose qu'un changement avantageux, une heureuse transformation? Aussi, à ceux qui nous disent : « Quand on est mort, tout est bien mort!» répondons-nous avec vérité : « Quand on est mort, rien n'est mort! >> Qu'y aurait-il donc, en effet, de détruit en nous? L'âme? Mais tout l'assure de son immortalité le désir profond, indestructible, insatiable du bonheur, qu'elle n'a point trouvé sur la terre; l'attente des récompenses promises à sa vertu, qu'elle n'a point obtenues ici-bas; l'accord sur ce point de tous les peuples, sans exception; la parole

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mille fois répétée de Dieu, qui est la vérité même... L'âme ne peut donc être détruite à la mort; d'autant plus que, toute spirituelle de sa nature, elle ne peut périr par la dissoIntion des parties, et qu'il faudrait pour cela la volonté formelle du Créateur, volonté qu'on ne peut jamais supposer, puisque Dieu irait alors et contre les promesses faites par lui plusieurs fois au genre humain, et contre les rigoureuses exigences de sa justice, de sa sagesse, de sa sainteté, de tous ses attributs les plus essentiels. Il est donc bien clair que l'âme ne périt point à la mort. Or, l'âme, c'est la partie essentielle de notre être; c'est par elle que nous jouissons ou que nous souffrons; c'est, à proprement parler, le moi humain; le corps n'est que son serviteur, son instrument, son enveloppe matérielle.

Ce corps, d'ailleurs, périt-il à la mort? Non, encore, quoi qu'en disent les apparences. Il n'est déposé dans la terre que comme toute semence, selon la comparaison de saint Paul, afin d'en sortir plus tard avec une vie plus abondante. Tout nous le dit encore: notre conviction intime, le témoignage des hommes, celui de Dieu lui-même; et c'est en effet justice, car, ayant combattu avec l'âme sur la terre, il doit être récompensé avec elle dans le ciel.

Admettons pour un instant, si on veut, que la certitude de la vie future ne soit pas aussi inébranlable qu'elle l'est en effet; qu'il soit possible, à la rigueur, de concevoir quelques doutes à ce sujet faudrait-il en : conclure que nous ne devons point nous en occuper du tout, qu'il n'est pas bon du moins d'en faire son occupation principale? Ce serait absurde. Supposons des enfants à qui une personne grave aura dit : « Travaillez une heure seulement, et vous serez parfaitement heureux le reste de vos jours. >> Est-ce que tous ne se mettraient pas avec ardeur au travail, lors même qu'ils n'auraient pas une complète certitude de la récompense? Est-ce que ceux qui resteraient dans l'inaction ne seraient pas regardés comme des insensés? Or, la vie est infiniment moins, par rapport à l'éternité, qu'une heure, par rapport à la vie entière. Je vous laisse vous-même tirer la conclusion. Mais pourquoi avoir recours à des exemples ima

ginaires, lorsqu'il y en a tant de réels qui frappent de tous côtés nos regards? Rappelezvous l'athlète d'autrefois : comme il combattait courageusement pour obtenir une couronne qu'il n'était pas sûr d'avoir ! Voyez le soldat comme il expose sa vie pour une récompense qu'il n'est pas sûr de recevoir, et dont il est encore moins sûr de jouir! Voyez l'écolier comme il travaille avec ardeur pour un prix qu'il n'est pas sûr de remporter! Et vous, sous prétexte, que la vie future offre à vos yeux quelque incertitude, vous prétendez qu'il est plus sûr de jouir de la vie présente! Vous avez donc moins de raison que les écoliers eux

mêmes?

Il est plus sûr de jouir de la vie présente, dites-vous. Mais est-ce que celui qui songe à la vie future n'en jouit pas également? Est-ce qu'il n'y a pas, jusque dans les luttes les plus pénibles de la vertu, des jouissances infiniment préférables à celles que l'on trouve dans la satisfaction des passions les plus enivrantes?

Vous parlez de l'incertitude de la vie future; mais ce n'est pas sérieusement que vous parlez ainsi. Cette incertitude n'est que dans vos paroles, et nullement dans votre esprit, ou, si elle y est, ce sont les passions qui l'y ont mise, les vôtres ou celles d'autrui; et quand ces passions n'y seront plus, quand elles se seront affaiblies seulement, la certitude de la vie future brillera de nouveau à vos yeux de tout son éclat.

A l'appui de ce que nous venons de dire, nous pourrions citer mille traits. En voici un que nous empruntons à l'une de nos feuilles religieuses les plus accréditées :

« La fille d'un général connu pour l'un des incrédules les plus déclarés, car il répandait autour de lui les pernicieuses doctrines de l'irréligion, tomba dangereusement malade. Lorsqu'elle sentit la gravité de son état, elle fit venir son père auprès de son lit, lui prit la main, et lui adressa ces mots d'une voix mourante: « Mon père, je mourrai bientôt. Veuillez bien me déclarer, en votre âme et conscience, si je dois croire ce que vous m'avez enseigné, c'est-à-dire qu'il n'y a ni Dieu, ni ciel, ni enfer, ou bien si je dois croire ce que j'ai appris de la bouche de ma mère?»Sa mère était une personne chrétienne et pieuse. - Le général demeura quelques instants interdit, les yeux fixés sur le lit de sa fille: son cœur était en proie à une violente douleur. Enfin il s'approcha d'elle, et lui dit d'une voix entrecoupée de sanglots : « Mon enfant, crois seulement ce que ta mère t'a appris! » Qu'on s'imagine l'étonnement des incrédules qui se trouvaient présents. L'un d'eux, qui avait depuis longtemps abjuré sa foi, interrogé sur ce qu'il en pensait, répondit : « Le général a raison; il est plus commode de vivre dans l'impiété, mais il vaut mieux mourir dans la foi et dans les sentiments qu'inspire la religion. >>

Vous allez me dire peut-être qu'il y a encore quelque doute dans ces paroles.

Dans les paroles! oui, peut-être; mais sachez que. quand des incrédules déclarés parlent ainsi, c'est qu'il y a la conviction la plus profonde en eux-mêmes. Toujours est-il, du reste, que d'après eux, il est beaucoup plus sûr de compter sur l'avenir.

VIERGE MARIE (LA SAINTE).

Objections. - A quoi sert le culte de Marie? — Je ne répéterai point, sur son compte, les grossièretés qui ont cours en certains lieux; mais n'est-il pas clair que vous en dites et que vous en faites beaucoup trop?

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Vous l'appelez Mère de Dieu: or une femme, née dans le temps, ne peut avoir engendré Dieu, qui existe de toute éternité.

Vous l'appelez Vierge et mère: ce qui est contradictoire. En supposant d'ailleurs qu'elle fût restée Vierge jusqu'à la naissance de Jésus-Christ elle ne l'est point restée après, comme le prouvent ces différents passages de l'Evangile : Antequam convenirent, inventa est in utero habens (Matth. 1, 18), et non cognoscebat eam donec peperit filium suum primogenitum. (Ibid., 25.) Mater ejus et fratres stabant foris. (Matth. xii, 46.)--Vous la dites exempte du péché originel ce qui est encore contradictoire dans vos idées, puisque vous prétendez que tous les descendants d'Adam en sont coupables. Vous la priez autant et plus peut-être que Dieu lui-même. Elle a autant d'autels; et ces autels sont peut-être chargés d'un plus grand nombre d'offrandes. Qu'est-ce que cela, si ce n'est un retour au paganisme? - Dieu seul peut être ainsi prié, ainsi honoré.

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Réponse. Après le nom de Jésus, qui est au-dessus de tout nom, nous dit saint Paul quod est super omne nomen (Philipp. n, 9), il n'en est pas de plus élevé que celui de Marie. Aussi n'en est-il point qui ait été en but à plus de contradictions, de la part des enfants des hommes. Nous venons de rappeler les principales, et nous allons y ré pondre.

A quoi sert le culte de Marie, demandezvous?

A lui rendre l'honneur qui lui est dû, comme à la Mère de Dieu. Cette diguité l'élève incontestablement au-dessus de toute créature. Il faut donc lui rendre un honneur supérieur à ceux que nous rendons aux autres créatures.

Le culte que l'Eglise nous prescrit, à si juste titre, à l'égard de Marie, est moins pour elle encore que pour nous; car Marie pourrait fort bien se passer du culte que

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