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n'y restons pas assez long!emps. Un bonheur de quelques jours ne saurait être le véritable bonheur, quelque grand qu'il soit en luimême. Que dis-je ! plus il est grand, plus la crainte que nous avons de le perdre doit être grande également. Un bonheur éphémère, c'est une déception, une amère dérision. Ce n'est donc point le bonheur.

Le ciel sur la terre ! Eh bien! dites-moi: en quoi consiste-t-il donc selon vous?

Le ciel, nous dit-on, c'est l'argent, c'est la gloire, c'est le plaisir, c'est ce qui est agréable à chacun.

L'argent serait le ciel y pensez-vous? Quoi ! ce métal que nous avons tant de peine à acquérir, et qui, une fois en notre possession, inspire et fait commettre tant de crimes! Mais il tue plus d'hommes que le fer, et c'est à lui bien plutôt qu'au fer qu'on devrait donner l'épithète d'homicide; car le fer n'est qu'un instrument du crime, et l'or en est le principe. Aussi, ne suis-je point surpris que Dieu ait fait périr vingt-trois mille personnes pour avoir adoré le veau d'or. Il n'y avait pas là seulement une punition, mais un symbole, un enseignement; c'était pour dire au monde que rien ne tue autant que l'or. Inutile enseignement! symbole perdu! Les hommes ne l'ont guère compris; et ceux à qui il s'adressait tout particulièrement encore moins que les autres; car l'adoration de l'or est aujourd'hui la passion la plus dominante des débris d'Israël.

La gloire serait le ciel! Quoi encore ! Cette fumée, ou, si vous l'aimez mieux, cette lumière incertaine qu'un souffle apporte audessus de notre tête, sans qu'on sache pourquoi, la plupart du temps, et qu'un autre souffle emporte de même, ce serait là le ciel? Tachez donc du moins de la fixer au-dessus de votre tête, puisque vous ne pouvez la faire entrer en vous. Portez-y la main; tenez-la solidement. Mais non, c'est impossible. Ce n'était que de la fumée, ai-je dit avec raison; il y avait bien aussi un peu de lumière. Quoi qu'il en soit, tout cela vous échappe, au moment où vous vous y attendiez le moins; et quand la gloire ne vous échappe pas, c'est vous qui échappez à la gloire; car la mort est venue vous frapper, tandis que vous frappiez les autres peut-être, et elle vous a enseveli à six pieds dans la terre. La gloire pourra-t-elle vous suivre en ce lieu d'obscurité! Hélas! non; car vous ne pouvez plus avoir là pour société que les vers, lesquels même vous délaisseront, quand de cadavre votre corps sera devenu ce je ne sais quoi qui n'a plus de nom dans aucune langue, comme a dit Bossuet, après Tertullien. Vous connaissez l'histoire du conquérant des temps modernes. Je ne sais si je ne ferais pas mieux de dire de la gloire incarnée elle-même : Depuis les deux grands noms qu'un siècle au siècle anJamais nom qu'ici-bas toute langue prononce [nonce, Sur l'aile de la foudre aussi loin ne vola. Jamais d'aucun mortel le pied qu'un souffle efface N'imprima sur la terre une plus forte trace, Et ce pied s'est arrêté là?...

Il est là!... sous trois pas un enfant le mesure!
Son ombre ne rend pas même un léger murmure.

Le pied d'un ennemi foule en paix son cercueil. Sur ce front foudroyant le moucheron bourdonne, Et son ombre n'entend que le bruit monotone D'une vague contre un écueil.

En espérez-vous davantage? en pouvez-vous même attendre autant? Non, assurément. Eh bien! voilà donc ce que fut l'une des plus belles gloires du monde? Et encore, l'inconstante s'était-elle hâtée de quitter d'ellemême son favori, avant que la mort fût venue l'en séparer.

Voyons actuellement le plaisir. Le plaisir serait le ciel? Oui, le ciel de Mahomet; mais de tout homme ayant un peu de conscience, du bon sens même ? non jamais. Le plaisir, c'est le père du remords! Le plaisir, c'est le principe de la corruption ! Le plaisir, c'est le concierge ordinaire des hôpitaux et des cimetières! Et en effet, bien peu d'hommes entrent dans ces tristes lieux, sans y avoir été poussés plus ou moins par le plaisir. II serait donc absurde de dire que le plaisir est

le ciel.

Du reste, vous êtes si peu convaincu vousmême d'être dans le vrai quand vous affirmez que le ciel est ou l'argent ou la gloire ou le plaisir, que vous vous hâlez d'ajouter que le ciel c'est ce qui est agréable à chacun. Mais il est facile de vous vaincre encore dans ce dernier retranchement. Vous dites que le ciel, c'est ce qui est agréable à chacun. Vous vous trompez; car, le cœur humain étant le même partout, il suit de là que le ciel, qui est destiné à le satisfaire, doit être le même pour tous. Le ciel est ce qui est agréable à chacun? Eh bien! soit. Or, rien ne pouvant satisfaire le cœur sur la terre, comme nous venons de le prouver, en montrant que les objets qu'on croyait les plus propres à atteindre ce but ont un effet tout contraire, il faut en conclure que rien ne saurait être le ciel ici-bas.

Qu'est-ce que la religion peut nous offrir de préférable? nous demande-t-on.

Tant de réponses ont déjà été faites à cette question, qu'il nous paraît bien inutile d'en chercher une nouvelle en nous-même.

<< O vous qui me conviez aux délices du paradis, »disait un philosophe persan, «< ce n'est pas le paradis que je cherche, mais celui qui a fait le paradis. (Voy. de Chardin, t. V.)

« Cette parole est tellement au-dessus de toutes les idées répandues parmi les hommes sur l'autre vie, » reprend ici l'un des plus récents apologistes du christianisme (Auguste Nicolas), que nous avons peine à croire qu'elle n'ait pas été inspirée par quelque notion de la seule religion qui y répond. Aucune religion sur la terre, aucune que le christianisme, n'a imaginé de donner à l'homme pour récompense, pour aliment, pour ciel, Dieu lui-même, et n'a fait entendre cette parole étonnante: Ego merces tua. (Gen. xv, 1.) C'était le nœud gordien de notre immortalité. Le christianisme seul est venu le dénouer. Cette solution une fois donnée, toutes les facultés de notre âme ont reconnu en elle cette vérité nécessaire, qui explique et démontre en précisant son objet, le dogme

de notre immortalité. Quoi de plus simple et de plus évident que ceci? Une soif insatiable de connaître et d'aimer réclame un objet infini et souverainement parfait, et il n'y a d'infini et de souverainement parfait que Dieu : Dieu seul doit donc être notre fin, et sa possession notre récompense...

Ouvrez-vous, portes du ciel chrétien! que vous êtes resplendissantes! et qui peut Soutenir l'éclat que vous nous découvrez! Toutes les fausses religions nous peignent le ciel la religion de Jésus-Christ ne le fait point. C'est que toutes les autres religions peignent le ciel d'après la terre, et que celle de Jésus-Christ ne peut le peindre que d'après lui-même, si elle est la vérité; dès lors elle doit s'abstenir de nous le représenter, parce que nous ne le comprendrions pas. Par là elle se prive d'un grand élément de succès, et fait preuve d'un désintéressement humain qui convient bien à une religion divine. Mais par cela même aussi, elle donne du ciel en le voilant, une idée d'autant plus digne de lui, d'autant plus vraie, d'autant plus entraînante pour la raison, lorsqu'elle fait entendre ces paroles, si puissantes par leur impuissance même : L'œil n'a point vu, l'oreille n'a point entendu, le cœur de l'homme n'a jamais senti monter en lui une félicité comparable à celle que Dieu a préparée pour ceux qui l'aiment. (1 Cor. 11, 9.) Voilà tout ce qu'elle peut nous dire pour nous faire comprendre quelle est la largeur, la hauteur et la profondeur de ce mystère. (Ephes. 1, 18.) Ne vous semble-t-il pas, dit ici Bossuet, entendre un homme qui aurait vu quelque magnifique palais semblable à ces châteaux enchantés de qui nous entretiennent les poëtes, et qui ne parlerait d'autres choses, sinon de la hauteur des édifices, de la largeur des fossés, de la profondeur des fondements, de la longueur prodigieuse de la campagne qu'on découvre? au reste, ne pouvant pas donner une seule marque pour le reconnaitre, ni en faire une description gui ne soit grossière: tant il est ravi en admiration de ce beau spectacle. (Sermon pour le jour de la Toussaint.)

-

Tous les biens réunis de ce monde, en comparaison de celui-là, sont comme du fumier: sicut stercora (Philipp. 11, 8); — toules les souffrances de la vie présente ne sont pas d'un mérite proposable, non sunt condigna, en échange de cette gloire du siècle fuur; car le moment si éphémère et si léger des fflictions de cette vie, produit en nous le poids éternel d'une souveraine et incomparable gloire (17). Quelle étonnante idée, et quel puissant levier offert à la faiblesse humaine our se détacher des liens corrupteurs de e monde, et pour en accepter courageusement les maux! Nous ne craignons pas de le dire, si le christianisme était la vérité même, pourrait-il s'exprimer autrement? Et pourquoi dès lors ne pas voir en lui la vérité? D'où vient qu'il n'est venu à l'idée d'aucune utre religion de procéder ainsi? N'est-ce

(17) Id enim, quod in præsenti est momentaneum eleve tribulationis nostræ, supra modum in sublimi

pas que la vérité est une, et qu'il n'y a qu'elle seule qui ait le secret de son propre langage? Mais il faut laisser parler ici le bon sens en personne; il faut voir avec quelle force de raison notre Montaigne, armé de la foi, fustige toutes les folies humaines, et relève la suprême, l'incomparable vérité du christianisme :

a Quand Platon nous deschiffre le vergier de Pluton, et les commoditez ou peines corporelles qui nous attendent encore après la ruine et anéantissement de nos corps, et les accommode au ressentiment que nous avons en cette vie...; quand Mahumet promet aux siens un paradis tapissé, paré d'or et de pierrerie, peuplé de femmes d'excellente beauté, de vins et de vivres singuliers; je vois bien que ce sont des mocqueurs qui se plient à nostre bestise, pour nous emmieller et attirer par ces opinions et espérances, convenables à nostre mortel appetit... Il fauldrait lui dire, de la part de la raison humaine: Si les plaisirs que tu nous promets en l'aultre vie sont de ceux que j'ai sentis ça bas, cela n'a rien de commun avecques l'infinité. Quand tous mes cinq sens de nature seraient comblés de biens, el cette Ame saisie de tout le contentement qu'elle peult désirer et espérer, nous sçavons ce qu'elle peult; cela, ce ne serait encore rien : s'il y a quelque chose du mien, il n'y a rien de divin : si cela n'est aultre que ce qui peult apparte. nir à celle nostre condition présente, il ne peult être mis en compte; tout contentement des mortels est mortel... Nous ne pouvons dignement concevoir la grandeur de ces haultes et divines promesses, si nous les pouvons aulcunement concevoir; pour dignement les imaginer, il les fault imaginer inimaginables, indicibles et incompréhensibles, et parfaite ment aultres que celles de nostre misérable expérience.« OEil ne saurait voir, » dit saint Paul, el ne peult monter au cœur d'homme l'heur que Dieu prépare aux siens. » (1 Cor. 11, 9.) (Essais, liv. 11, chap. 12.)

« Et comme tout se lie et se justifie dans le christianisme! S'il nous dit qu'il nous est impossible de se représenter le bonheur du ciel, ce n'est pas pour exalter vaguement l'esprit par une emphatique espérance de tous les biens que nous pouvons imaginer, ce qui ne serait qu'une donnée pour le fanatisme et la superstition; mais c'est que le ciel est la possession de Dieu, et que Dieu est infini et íncompréhensible. Le bonheur du ciel est ainsi précisé dans sa nature, en même temps qu'il est infini dans son terme; et cette infinité résulte de cette nature même. On comprend dès lors pourquoi on ne peut pas concevoir ici le bonheur du ciel, et cette impossibilité de le concevoir en est la meilleure conception. Tout ce qu'il y a de vrai, de beau, de bon, dans les choses que nous connaissons, tout ce que nous pouvons imaginer de plus parfait n'est qu'un don de Dieu, mais n'est pas Dieu; et tout ce qui n'est pas Dieu est périssable, fini, corruptible, et dès lors

tate æternum gloriæ pondus operatur in nobis. (11 Cor. iv, 17.)

:

nul ne les lui donnait. Mais les chiens venaient, et lui léchaient ses ulcères. Cependant il arriva que le mendiant mourut et fut porté par les anges dans le sein d'Abraham (18). Le ricke mourut pareillement, et fut enseveli en enfer.

impuissant à satisfaire l'âme humaine, dont le propre est d'être insatiable et infinie dans ses ardeurs et dans ses désirs. Mais Dieu, l'auteur même de toute beauté, de toute bonté, de toute vérité; Dieu, l'original de la beauté: Dieu, qui n'est pas beau seulement, comme on peut le dire des plus belles créatures, mais qui est la beauté, ce d'après quoi tout le reste est beau, et qui n'est beau que par lui-même voilà le ciel. Et ce que nous disons de la beauté, il faut le dire de tous les autres attributs de l'être par essence : la vérité, l'amour, la justice, la puissance, la gloire; et tout cela en substance et en infiuité. Réunissez tout ce que l'univers vous présente de plus parfait dans l'accablante variété de toutes ses merveilles; composez une beauté de toutes ses beautés, une vérité de toutes ses vérités, une magnificence de toutes ses magnificences, une seule harmonie de toutes ses harmonies, un seul amour de tous ses amours qu'aurez-vous? Rien, comparativement à l'Auteur de tout cela, parce que tout cela est l'ombre fugitive de ce qui est en lui réalité immuable, et qu'il n'y a pas de calcul proportionnel entre le fini et l'infini. Quelle accablante, mais en même temps quelle juste idée du ciel! Ce n'est pas là une vaine et fade amplification, c'est une vérité simple, rigoureuse, nécessaire, cela doit 'être cela est...

<< Nous venons de voir quel est le ciel chrétien et maintenant à qui est-il promis? Quels en seront les habitants?

<< Voilà encore qui n'appartient qu'au christianisme : les pauvres, les petits, les humbles, les victimes de l'oppression, les pacifiques, les affligés de la terre, la balayure du monde, voilà les rois et les princes du monde, voilà ceux qui jugeront la terre: c'est pour eux que les portes du ciel s'ouvrent et se dilatent sans mesure. Et, au contraire, malheur aux riches, aux grands, aux superbes, aux sensuels, à ceux qui sont sans entrailles et qui écrasent leurs frères ! pour ceux-là la porte du ciel se rétrécit; un câble passerait plutôt par le trou d'une aiguille; à ceux-là il sera dit: Allez, maudits! je ne vous connais pas.... Vous avez reçu votre récompense. (Matth. xxv, 12, 41; vi, 16.)

« Quelle révolution morale a apportée dans le monde ce simple mot: Les premiers seront les derniers!... (Matth. xx, 16.) Quel germe de résignation déposée dans le cœur du pauvre et de l'esclave! Quelle inquiétude salutaire éveillée dans l'âme du riche et du maître ! Quel retour de lot jeté à travers tous les faux partages de la fortune! Ecoutez :

« Il y avait un homme riche qui se revétait de pourpre et de soie, et chaque jour il faisait une chère splendide. Il y avait d'autre part un certain mendiant nommé Lazare, qui gisait à la porte de ce riche, plein d'ulcères. Lazare eût bien voulu pouvoir se rassasier des mielles qui tombaient de la table du riche; et

(18) Abraham est ici le père des Croyants. (19) Ce dernier trait est d'une vérité frappante. Ce n'est pas le défaut de preuves, c'est le défaut de

Comme il était dans les tourments, lerant les yeux, il vit de loin Abraham et Lazare dans son sein, — et s'écriant, il dit : Père Abraham, ayez pitié de moi, el envoyez-moi Lazare, afin qu'il trempe le bout de son doigt dans l'eas pour me rafraîchir ma langue, parce que je souffre horriblement dans cette flamme.-Mais Abraham lui dit: Mon fils, souvenez-vous que pendant la vie vous avez reçu les biens, et Lazare, les maux pendant la sienne : et maintenant, il est consolé; et vous, vous souffre. De plus, il y a entre nous et vous un grand abime, tellement que ceux qui veulent passer d'ici là, ne le peuvent, ni de là passer ici.—El le riche reprit Père, je vous prie alors d'en voyer dans la maison de mon père, où j'ai laissé cinq frères, afin qu'ils soient avertis de ceri, pour qu'ils ne viennent pas, eux aussi dans ce lieu de tourments. - Et Abraham lui dit : Ils ont Moïse et les prophètes; qu'ils les écoutent. Ils n'en feront rien, dit le riche; mais si quelqu'un des morts va à eux, ils feront péniAbraham lui répondit : S'ils n'ècoutent ni Moïse ni les prophètes, quelqu'un des morts ressusciterait qu'ils ne le croiraient pas (19).

tence.

« Quelle saisissante parabole! et comme elle rend vivement cette puissante révolution chrétienne qui a pris l'esclave et le pauvre dans la poussière, pour les porter au faîte de la vraie grandeur; qui a substitué aux Hercule, aux Thésée, aux Achille, aux Alexandre et aux César, les Pierre, les Paul, les Jean, les Jacques, les Madeleine, les Marie; et qui a donné pour patronne au plus fier, au plus valeureux peuple du monde, une pauvre gardeuse de brebis (20).

« Cette révolution, si éminemment civilisatrice, date du christianisme seul; cela est incontestable. Quaud elle s'opéra, elle décon certa toutes les idées reçues, et Jésus-Christ la mettait sur la même ligne que ses grands miracles: «Allez, » disait-il aux envoyés de Jean,« rapportez ce que vous venez de voir << et d'entendre; dites que les aveugles voient, <«< que les boiteux marchent, que les sourds « entendent, que les morts ressuscitent, que « l'Evangile est annoncé aux pauvres. » (Matth. XI, 5.)

« Cependant, tout en élargissant son sein pour recevoir et honorer les pauvres, christianisme ne présente pas le salut comme impossible aux riches, mais aux mauvais riches. Il leur fait même trouver le salut éternel dans les richesses employées au salut temporel des pauvres; et ainsi, par une économie admirable, il fait d'un seul coup el l'un par l'autre le bonheur de la terre el du ciel. Pendant qu'il prêche aux pauvres la ré signation et l'amour des souffrances en vue

bonne volonté qui fait les incrédules. Il y a des té moins des miracles de Jésus Christ qui n'ont pas cru. (20) Sainte Geneviève, patronne de Paris.

du royaume des cieux, il s'occupe à les soulager même ici-has, en poussant les riches à venir à leur secours, en vue du même royaume des cieux, Attachant ainsi le même prix à la pauvreté et à la charité, il fait à la fois le soulagement temporel des pauvres sans nuire à leur bonheur éternel, le salut éternel des riches sans nuire à leur bonheur temporel, et le bien-être universel de l'humanité, par ces mêmes richesses qui jusquelà avaient été les plus grandes sources de sa corruption. Chose admirable! peut-on dire

ici avec Montesquieu, la religion chrétienne' qui ne semble avoir d'objet que la félicité de l'autre vie, fait encore notre bonheur dans celle-ci. » (Esprit des lois, liv. xxiv, chap. 3.)

En sorte que, pouvons-nous ajouter ici, en terminant cet article, vous qui ne voulez le ciel que sur la terre, vous ne pouvez le trouver nulle part, tandis que la religion, qui ne le place que dans l'autre vie, commencerait à nous y introduire dès celle-ci, si nous voulions tous écouter et suivre son divin enseignement.

CIMETIÈRE.

Objections.-Il est évident que c'est la religion qui a placé les cimetières au milieu des villes et qui cherche encore à les y retenir. Et pourtant c'est triste, nuisible au commerce et à la santé publique. C'est encore là une invention qui, comme dit Boileau,

Pour honorer les morts fait mourir les vivants.

Réponse. Le christianisme a toujours fait en tout le mieux possible,» dit ici l'illustre auteur du Génie du christianisme; « jamais il n'a eu de ces demi-conceptions si frequentes dans les autres cultes. Ainsi, par rapport aux sépulcres, négligeant les idées intermédiaires, qui tiennent aux accidents et aux lieux, il s'est distingué des autres religions par une coutume sublime; il a placé la cendre des fidèles dans l'ombre des temples du Seigneur, et déposé les morts dans le sein du Dieu vivant.

Lycurgue n'avait pas craint d'établir les tombeaux au milieu de Lacédémone; il avait pensé, comme notre religion, que la cendre des pères, loin d'abréger les jours des fils, prolonge en effet leur existence, en leur enseignant la modération et la vertu, qui conduisent à une heureuse vieillesse. Les raisons humaines qu'on a opposées à ces raisons divines sont bien loin d'être convaincantes. Meurt-on moins en France que dans le reste de l'Europe, où les cimetières sontencore dans les villes?

«Lorsque autrefois parmi nous on sépara les tombeaux des églises, le peuple, qui n'est pas si prudent que les beaux esprits, qui n'a pas les mêmes raisons de craindre le bout de la vie, le peuple s'opposa à l'abandon des antiques sépultures. Et qu'avaient en effet les modernes cimetières qui pût le disputer aux anciens? Où étaient leurs lierres, leurs ifs, leurs gazons nourris depuis tant de siè cles des biens de la tombe? Pouvaient-ils montrer les os sacrés des aïeux, le temple, la maison du médecin spirituel, enfin cet appareil de religion qui promettait, qui assurait même une renaissance très-prochaine? Au lieu de ces cimetières fréquentés, on nous assigna dans quelque faubourg un en

(21) Les anciens auraient cru un état renversé si l'on eût violé l'asile des morts. On connaît les belles lois de l'Egypte sur les sépultures. Les lois de Solon séparafent le violateur des tombeaux de la DICTION, DES OBJECT. POPUL.

clos solitaire abandonné des vivants et des souvenirs, et où la mort, privée de tout signe d'espérance, semblait devoir être éternelle.

« Qu'on nous en croie c'est lorsqu'on vient à toucher à ces bases fondamentales de l'édifice que les royaumes trop remués s'écroulent (21). Encore si l'on s'était contenté de changer simplement le lieu des sépultures! Mais non satisfait de cette première atteinte portée aux mœurs, on fouilla les cendres de nos pères, on en enleva les restes, comme le manant enlève dans son tombereau les boues et les ordures de nos cités.

« fut réservé à notre siècle de voir ce

qu'on regardait comme le plus grand malbeur chez les anciens, ce qui était le dernier supplice dont on punissait les scélérats, nous entendons la dispersion des cendres; de voir, disons-nous, cette dispersion applandie comme le chef-d'oeuvre de la philosophie. Et où était donc le crime de nos aïeux pour traiter ainsi leurs restes, sinon d'avoir mis au monde des fils tels que nous! Mais écoutez la fin de tout ceci, et voyez l'énormité de la sagesse humaine dans quelques villes de France, on bâtit des cachots sur l'emplacement des cimetières; on éleva les prisons des hommes sur le champ où Dieu avait décrété la fin de tout esclavage; on édifia des lieux de douleurs pour remplacer les demeures où toutes les peines viennent finir; enfin il ne resta qu'une ressemblance, à la vérité effroyable, entre ces prisons et ces cimetières, c'est là que s'exercèrent les jugements iniques des hommes, là où Dieu avait prononcé les arrêts de son inviolable jus

D'après ces faits qu'il n est guere possible de contester, vous voyez que ce n'est pas la religion catholique seulement qui a placé les cimetières dans les villes, et qui s'efforce de les y retenir.

C'est toujours une idée religieuse, me direz-vous; et, à cause de cela, la religion catholique en a fait et du faire, sous ce rapport, plus que toute autre religion.

Sans doute, et nous venons de le recon

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de sa famille et, pour tous, ies privations du cœur, naturellement religieux ou simplement sensible.

naftre; mais, au lieu de l'en blâmer, nous ne devons que l'en louer. Est-ce que l'esprit religieux n'est pas infiniment respectable, nécessaire même ? Est-ce qu'il ne fait pas vivre et prospérer, en tout point, les peuples comme les individus?

C'est triste, avez-vous dit.

Mais ces tribunaux, ces gendarmeries, ces prisons, établis à la place de nos cimetières, est-ce beaucoup plus gai? D'ailleurs, est-ce que tout doit être gai dans le cours de la vie? Est-ce qu'une religieuse tristesse n'a pas son utilité, sa nécessité et jusqu'à une certaine délectation? Qui donc osera vous conseiller d'ôter de votre chambre la représentation de vos bien-aimés parents, sous prétexte que c'est triste?

Vous parlez de commerce. Mais tout commerce honorable a pour base la justice, et la justice a besoin de cette sanction divine, qui se réalise à la fin de la vie.

Vous parlez de santé publique et de mort. ~ Nous avons déjà répondu : Meurt-on moins dans les lieux où les cimetières sont éloignés que dans ceux où ils sont proches. S'il sort de là des odeurs pestilentielles, qui ne comprend qu'elles nous atteindront aussi bien à un ou deux kilomètres qu'à quelques pas de nous? J'ai demeuré longtemps aussi près que possible d'un cimetière, et j'affirme n'avoir rien senti, rien éprouvé de fâcheux; tandis que, j'ai vu tomber malades et mourir même des personnes qui avaient assisté à des enterrements faits dans des cimetières éloignés. Et la perte de temps, et les dépenses de toutes sortes, pour celui qui est obligé de gagner son pain et celui

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L'auteur du Génie du christianisme nous parle seulement de ce qu'on a mis à la place de nos cimetières dans les villes; mais que dirons-nous de ce qui les remplace dans nos campagnes? L'Eglise est toujours là. On ne parle point encore de la transporter loin de toute habitation, comme triste, nuisible au commerce et à la santé publique. Il faut done que quelque chose l'entoure. Autrefois c'étaient les cimetières et les presbytères. Que sera-ce donc actuellement qu'on ne veut plus y souffrir les cimetières ni guère les presbytères? Ce seront le champ de foire, la danse publique, les cabarets.

Tout cela est plus gai du moins, me direz

vous.

Elle est touchante et bien à sa place votre gaieté! Elle est de longue durée surtout! Tout cela est plus favorable au commerce! Il est édifiant et bien à sa place encore votre commerce!

Et la santé publique? vous n'en parlez point. C'est par oubli sans doute que vous omettez d'examiner s'il ne sort pas des danses publiques et des cabarets des miasmes d'immoralité infiniment plus funestes à la santé publique que ce qui peut sortir de nos cimetières. Quant à moi, je vous le répète, je n'ai jamais vu personne mourir ni même être malade de la proximité des cimetières; mais j'en ai vu beaucoup, et des plus robus tes, s'user rapidement la santé, et même périr, de la proximité des danses publiques et des cabarets.

CLERGÉ.

Objections. A quoi bon se clergé?-C'est une caste privilégiée, une nation dans la nation. Séparés de leurs còncitoyens dès le commencement, les membres qui le composent ont une éducation à part, une vie à part; ils ne prennent ni les idées, ni les opinions du pays; ils sont opposés aux progrès de 'a civilisation et des lumières; et ils peuvent, dans un temps donné, faire courir à la patrie des dangers d'autant plus grands qu'ils se trouvent sous la direction suprême d'un chef étranger. Voyez le clergé de France, qu'on représente cependant comme un modèle, que ne lui manque-t-il pas sous tous les rapports?

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Réponse. Il n'y a que les passions et les préjugés qui puissent faire tenir un pareil langage. Car, pour qui est, je ne dirai pas chrétien, mais seulement raisonnable, toutes ces difficultés n'ont aucune valeur, et n'existent même pas.

A quoi bon le clergé, demandez-vous? Mais pour enseigner la religion et la faire pratiquer. A quoi bon le clergé, ditesvous avec assurance, comme si vous émettiez une opinion évidemment utile, ou seulement indifférente? Mais à quoi bon une armée, une magistrature, un corps ensei

gnant?... Vous admettez volontiers la nécessité, l'extrême importance, du moins, d'hommes spéciaux pour toutes sortes de choses, et vous ne voudriez pas reconnaître cette même nécessité, cette même importance, du moins, pour la plus utile, la plus indispensable de toutes, la religion? Quelle inconséquence de votre part!

Vous me direz peut-être que les parents sont obligés d'enseigner la religion à leurs enfants et que quelques-uns le font d'une manière admirable. Oui, sans doute; mais cela ne suffit pas. Vous le reconnaissez vousmême forcément. Quelques uns, dites-vous, le font d'une manière admirable. Mais qui donc le fera pour ceux qui le font mal ou ne le font pas du tout? Qui donc viendra en aide à ceux dont la bonne volonté reste souvent impuissante dans l'accomplissement de ce difficile devoir ? Ne voyez-vous pas qu'on peut appliquer aux sciences, à la justice, à la défense de la patrie, ce que vous venez de dire par rapport à la religion? - Tous les parents sont obligés d'enseigner à leurs enfants, quand ils le peuvent, les principes des sciences, et quelques-uns le font admirablement. - Tous sont obligés de leurdonner une connaissance suffisante des lois de leur pays, et la plupart s'en acquittent d'une

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