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nous venons de le montrer, Jésus-Christ a promis qu'il subsisterait jusqu'à la consommation des siècles.

Ce n'est plus le christianisme primitif! Mais, franchement, n'est-ce pas toujours cette religion de foi, de charité, d'humilité, de prières, de bénédiction, de grâces... ainsi que nous le disions tout à l'heure? Cette religion prêchée par Jésus-Christ, puis par les apôtres, cette religion pratiquée par les premiers Chrétiens, en un mot, le christianisme primitif?

Ce n'est plus le christianisme primitif! Oui, peut-être, quant à la forme, quant à certains développements qui ne font rien à l'essence des choses. Mais quant au christianisme lui-même, quant au dogme et à la morale, quant aux sacrements, quant au fond même de la discipline, c'est toujours le christianisme primitif, Voyez, par exemple, un des points qui frappent le plus, et excitent, d'un certain côté, les plus vives réclamations, la question du Souverain Pontife. Que de changement à l'extérieur! Au lieu d'un pauvre pêcheur, qui ne possède rien, pas même ses filets, qu'il a quittés pour devenir pêcheur d'hommes, comme le lui avait dit son maître (Matth. iv, 19), c'est un roi; et quel roi! celui devant lequel s'inclinent les intelligences, les cœurs, les consciences... Mais, au fond, c'est absolument la même chose : c'est toujours le pêcheur d'hommes, le roc inébranlable sur lequel a été bâtie l'Eglise, contre laquelle toutes les puissances de l'enfer ne sauraient prévaloir, celui pour lequel Jésus-Christ a prié, afin que sa foi ne défaille pas et qu'il puisse confirmer ses frères, le souverain pasteur chargé de paître les brebis comme les agneaux.... Que sa houlette soit d'or ou de bois, peu importe ici : l'effet est toujours le même, je le vois clairement dans cet Evangile dont vous reconnaissez comme moi la divinité, et non moins clairement dans les faits si frappants qui se sont accomplis depuis plus de dix-huit cents

ans.

Vous me demanderez peut-être pourquoi la forme n'est plus la même dans le christianisme, et pourquoi elle ne s'est pas conservée comme le fond.

Là n'est pas la question. Il s'agit de savoir seulement si le christianisme est toujours le même, malgré les développements qu'il a pris et le changement de forme qui est résulté de ce développement. Je dis que oui, comme tous les bons Chrétiens, conime toutes les personnes raisonnables; et vous, vous ne pouvez le nier sérieusement: est-ce qu'un homme cesse d'être le même, parce qu'il a changé d'habits? est-ce qu'il n'est plus le même à soixante ans qu'à dix, parce que tout en lui s'est développé avec l'âge?

Pourquoi?... Mais c'est la marche générale dans l'ordre des choses spirituelles, comme dans l'ordre des choses matérielles.

Pourquoi ?... Mais ne le reconnaissez-vous pas vous-même? Est-ce qu'une religion, établie sur la terre pour le bonheur et la sanctification des hommes, ne doit pas, tout en

restant la même quant au fond, parce qu'elle est l'œuvre de Dieu, prendre les développements que demande la satisfaction de tous leurs besoins? Ne voyez-vous pas qu'il est absurde de soutenir que l'Eglise, qui embrasse aujourd'hui le monde entier, doit se présenter à nos yeux absolument dans les mêmes conditions où elle se trouvait quand elle était renfermée dans la crèche, ou réunie sur le Calvaire, ou recueillie dans le cénacle, ou resserrée encore dans les étroites limites de la Judée?

Ecoutez la réponse que fait l'abbé de Ségur à la même objection.

Moi, lui dit-on, je veux le pur Evangile, le christianisme primitif.

«Et moi aussi,» répond-il, « je le veux, et n'en veux pas d'autre; et je le possède, si je suis bon Catholique; et vous, vous pouvez le posséder aux mêmes conditions.

Si vous êtes bon Catholique, vous pratiquez l'Evangile dans toute sa pureté; vous avez le même christianisme, les mêmes croyances, la même religion que les premiers Chrétiens.

« Le temps n'a modifié le christianisme que dans quelques-unes de ses formes extérieures; le fond est le même, absolument le même depuis qu'il existe.

K Ces modifications, ces développements, qui font croire aux gens peu réfléchis que le christianisme actuel est différent du christianisme primitif, tiennent à la nature même des choses, et se rencontrent dans toutes les œuvres de Dieu.

« Ainsi, l'homme est-il un être différent de lui-même à un an, à dix ans, à trente ans? Non, évidemment; c'est le même individu, se développant peu à peu, et acquérant la perfection de son être.

• Il en est de même des œuvres de Dieu dans l'ordre surnaturel.

« L'Eglise catholique, au temps des apôtres, était dans son germe; on ne voyait pas encore toutes ses richesses, toute sa puissance, toute sa vie; mais tout cela existait, prêt à se développer avec les siècles.

« Plus on étudie l'antiquité chrétienne, plus on reconnaît la vérité de ce que nous disons ici. Et c'est cette étude consciencieuse qui a ramené à la religion catholique un grand nombre de savants protestants ou incrédules, qui trouvèrent dans les monuments des trois premiers siècles de l'Eglise les vestiges frappants et le princi, e de toutes nos institutions catholiques; entre autres, la suprématie spirituelle de l'Evêque de Rome, successeur de saint Pierre; son autorité doctrinale, ainsi que celle des évêques, successeurs des apôtres; la pompe du culte divin; le sacritice de la Messe, avec toutes les cérémonies que nous pratiquons encore, et dont la plupart remontent au siècle même des apôtres; le culte de la sainte Vierge, Mère de Dieu; le culte des saints, des reliques, des images; les sept sacrements, entre autres celui de la pénitence avec la confession faite au prêtre, etc., etc.

« On a découvert récemment dans les cata

combes de Rome, principalement dans celle de Sainte-Agnès, qui date du milieu du n° siècle, des chapelles entières avec plusieurs autels où reposaient les reliques des martyrs, avec des peintures, avec des images de la sainte Vierge, avec un siége pontifical, avec des bénitiers, avec des siéges confessionnaux, etc.

« On abuse donc grandement de la crédulité du peuple quand on lui prêche que le vrai christianisme, le christianisme des premiers temps, se trouve autre part que dans la croyance et dans la pratique de la religion catholique.

<< Dans tous les temps, Chrétien et Catholique ont été synonymes, et les bons Catholiques de notre temps ne diffèrent des bons Catholiques des premiers siècles que par l'habit; la foi, le cœur, les œuvres sont les mêmes.

<< Toutes les hérésies ont eu cette prétention qu'affichent de nos jours les prétendus réformateurs de la société et de la religion. Ils répètent ce que disaient, il y a trois siècles, Luther et Calvin, leurs grandspères: Nous venons « réformer » le christianisme, en le ramenant à sa pureté primitive. Vous, Eglise catholique; vous, prêtres catholiques, vous n'y entendez rien; vous avez corrompu la vérité, la religion, la doctrine de Jésus-Christ. Nous seuls la possédons et l'apportons au monde! Que chacun donc nous écoute les misères humaines vont cesser: voici l'ère nouvelle qui va commencer !!...

:

<< Laissons-les dire, et n'en croyous pas le premier mol. »

Et comment donc pourrions-nous ajouter foi à leurs promesses trompeuses? Sans aucune sorte de règle pour se diriger, ils s'en

vont, chacun de son côté, au gré des plus violentes passions, donnant eux-mêmes, entraînant les autres dans les excès les plus déplorables. Sous prétexte de ramener la société chrétienne au pur Evangile, celui-ci efface peu à peu toutes les pratiques religieuses, tous les préceptes, tous les dogmes... Si rien ne l'arrête, il arrivera bientôt au plus pur Evangile, en effet; car il ne lui restera en main que du papier blanc. Non content d'effacer les prescriptions les plus rigoureuses et les plus saintes du christianisme, cet autre s'efforce de détruire les institutions les plus respectables et les plus salutaires. Pour lui, plus d'images, plus de statues, plus de croix, plus d'autels, plus de temples; à moins qu'on n'appelle ainsi une maison nue, où rien ne nous rappelle la présence de Dieu. Si rien ne l'arrête non plus, il en arrivera bientôt également au christianisme le plus primitif: car ce sera le Calvaire, moins là croix; l'étable, moins la crèche; la terre au moment de la création, moins Dieu parlant à l'homme, et lui donnant positivement ses préceptes.

Non, ce n'est point là le pur Evangile, le christianisme primitif. Ah! plutôt, reconnaissons-le dans l'Eglise catholique, avec laquelle Jésus-Christ a promis de se trouver, comme nous le rappelions tout à l'heure, jusqu'à la consommation des siècles: car où Jésus-Christ a établi sa demeure, là doit se trouver son Evangile tel qu'il l'a donné au monde, là doit se maintenir sa religion telle qu'il l'a établie sur la terre. Et ecce ego vobiscum sum omnibus diebus usque ad consummationem sæculi. (Matth. xxvIII,

20.)

EVÊQUE.

Objections. A quoi sert un évêque? Ses revenus suffiraient à vingt prêtres, qui pourraient diriger vingt paroisses. - C'est un homme de luxe. C'est un despote. Les protestants n'ont point cet état-major ecclésiastique, qui se compose de l'évêque et de ses employés, et on ne voit pas leurs affaires en aller plus mal

Réponse. A quoi sert un évêque ? demandez-vous.

A quoi sert donc un général, dans l'armée? un préfet dans l'administration ? un président de tribunal, dans la magistrature? un recteur dans l'Université ? Dans toute réunion d'hommes tendant à un but quelconque, il faut absolument un chef, et la nécessité s'en fait d'autant plus sentir que la réunion est plus considérable, et que le but à obtenir est plus difficile et plus élevé. Sans lui, chacun allant de son côté et à sa guise, le but recherché ne pourrait être obtenu. Que dis-je ! Il n'y aurait pas même de réunion véritable, puisqu'il n'y aurait pas d'union. Tout chef est pour l'assemblée qu'il dirige ce qu'est la tête par rapport au corps. Voilà pourquoi cette tête s'appelle également chef.

Retranchez la tête, le corps tombe et périt. Il doit en être ainsi de toute assemblée qui n'a point de chef. Or, une église est une assemblée, son nom seul le dit; c'est une assemblée nombreuse, composée de prêtres et de fidèles, tendant à un but difficile et élevé, la pratique de toutes les vertus, pour le temps, la conquête du ciel, pour l'éternité. Il lui faut donc nécessairement un évêque pour la diriger.

Vous me direz qu'à défaut d'évêque un autre la dirigera.

Alors vous jouez sur les mots. Nous vous disons qu'il faut à toute Eglise, comme à toute autre assemblée, un chef convenable, et que ce chef pour l'Eglise, s'appelle évêque. Vous admettez la chose, et du reste, vous êtes bien obligé de le faire, mais vous refusez le mot. Ce n'est pas sérieux.

Vous me direz peut-être encore que cette direction n'est pas si nécessaire pour des ames naturellement unies déjà et portées au bien par la toute-puissance de la foi.

Vous vous trompez. Plus la nature des êtres à diriger est élevée, plus doit être élevé, dans la même proportion, le pouvoir diri geant. Pour la direction des corps, ou des

hommes considérés principalement comme êtres corporels, une main forte suffit, ou est du moins l'essentiel. Pour la direction des ames créées à l'image de Dieu, et allant à Dieu au milieu de toutes les misères et de toutes les difficultés de la terre, il faut un pouvoir formé aussi à l'image du pouvoir de Dieu, si je puis m'exprimer de la sorte, il faut le pouvoir de l'évêque.

Voilà pourquoi Jésus-Christ dit à ses apôtres, c'est-à-dire aux premiers évêques qu'il chargeait de continuer sa mission: « Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc prêcher toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé. Et voilà que je suis avec vous, tous les jours, jusqu'à la consommation des siècles. (Matth. xxvIII, 18.) Forts de la parole même de Jésus-Christ qui leur avait donné pour toujours le pouvoir qu'il tenait lui-même de son Père, les apôtres établissent à leur tour d'autres évêques pour coopérer avec eux à la prédication de l'Evangile, et pour la continuer après leur mort. Ceux-ci en font autant, et il en a été ainsi depuis l'établissement du christianisme, et il en sera ainsi jusqu'à la fin, suivant la promesse du Verbe incarné.

Pouvez-vous concevoir l'Eglise en général sans le corps épiscopal? Nullement. Autant faudrait-il la concevoir sans les apôtres qui l'ont établie, sans Jésus-Christ lui-même qui l'a fondée et la dirige encore par son esprit. Pouvez-vous concevoir une église particulière sans son évêque propre? Nullement encore. Je vous l'ai dit déjà, une église sans évêque, c'est un corps sans tête, c'est-à-dire un corps mort et qui ne tardera guère à entrer en dissolution. C'est l'évêque qui fonde l'Eglise, c'est lui qui la soutient. Cette Eglise prospère ou languit avec lui, et, quand il meurt, un autre le remplace pour continuer à lui communiquer cet Esprit de vie que Jésus-Christ a donné pour toujours à son Eglise en général, dans la personne de ses apôtres. Dans l'intervalle qui s'écoule depuis l'instant où la mort ou toute autre cause l'a fait descendre de son siége, jusqu'à celui où il est remplacé, l'église qu'il dirigeait l'est momentanément par des prêtres exerçant, jusqu'à un certain point, ce pouvoir épiscopal qui se trouve intégralement dans l'Eglise universelle, comme nous venons de le dire. Et encore faut-il que la vacance ne se prolonge pas trop; autrement, l'église vacante souffre nécessairement et finit même par périr ou par se rattacher à une église voisine, tant il est vrai qu'un évêque est absolument nécessaire à la direction d'une église, à sa vie même. C'est par lui qu'elle se rattache à Pierre, et par Pierre à Jésus-Christ, qui lui dit: Vous êtes Pierre et sur toi, Pierre, je batirai mon Eglise, et les puissances de l'enfer ne prévaudront point contre elle. (Matth. XVI, 18.) Et encore: Paissez mes agneaux..., paissez mes brebis. (Joan. xx1, 17.) C'est-àdire: Dirigez l'Eglise entière, pasteurs et

fidèles.

Conservez-vous des doutes a ce sujet? Lisez l'histoire de l'Eglise universelle, et Vous y trouverez à chaque page la preuve la plus irrécusable de ce que j'avance, la preuve par les faits de tous les temps et de tous les lieux. Voulez-vous une preuve plus rapprochée de vous, plus à la portée des simples fidèles? Jetez les yeux sur cette église particulière à laquelle vous appartenez. Soit que, partant de l'époque actuelle, vous remontiez jusqu'au moment de sa fondation; soit que, prenaut à cette fondation, vous descendiez jusqu'à nos jours, vous suivez une chaîne, en aucun temps brisée, d'évêques venus du siége apostolique, en communion avec ce même siége, puisant ainsi dans le sein de l'Eglise universelle, dans le sein de Dieu lui-même, l'esprit de vie qu'ils communiquent ensuite à l'église particulière qu'ils dirigent.

Est-ce à l'Eglise du Mans que vous appartenez? Vous remontez, comine nous venons de le dire, jusqu'à saint Julien, qui vivait dans les premiers siècles. Est-ce à l'Eglise de Tours? Vous remontez jusqu'à saint Gatien, qui vivait aussi dans les premiers siècles. Est-ce à l'Eglise de Paris? Vous remontez jusqu'à saint Denis, qui vivait à la même époque. Est-ce à l'Eglise de Lyon, toujours si féconde en apôtres et en martyrs? Vous remontez jusqu'à saint Pothin, qui vivait dès le premier siècle..

Après les malheurs de notre révolution, à l'époque de la restauration du culte, d'anciens siéges se sont trouvés supprimés, par suite des nouvelles circonscriptions diocésaines. Plus d'évêques en ces différentes localités, partant plus d'églises, et nécessité dès lors, pour elles, de se rattacher à des églises voisines. Mais à peine un nouveau siége est-il érigé, soit dans une de ces localités, soit dans une autre où il n'y en avait jamais eu, comme tout récemment à Laval, une église nouvelle est formée par cela même, laquelle puisant sans interruption désormais au cœur de l'évêque la séve vivifiante, comme le rameau récemment détaché d'un arbre, au sein de la terre, se développe quelquefois d'une manière merveilleuse.

Il est donc évident que l'évêque est la vie même de l'église qu'il dirige. Ne demandez donc point à quoi il sert.

A quoi sert l'évêque? avez-vous demandé. Mais il n'est pas seulement le principe vital de son église, il en est encore, pour ainsi dire, toute l'action.

Rappelons-nous ici les paroles de NotreSeigneur à ses premiers évêques : Allez donc instruire toutes les nations, leur dit-il, les baptisant au nom du Père, du Fils et du SaintEsprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé. (Matth. xxvIII, 18.) Ainsi, apprendre aux hommes la doctrine chrétienne, qui embrasse toutes les vérités de la foi et de la morale, c'est-à-dire ce qu'ils ont à croire et à pratiquer, leur administrer les sacrements, c'est-à-diré leur communiquer toutes les grâces dont ils ont besoin pour pratiquer cette doctrine chrétienne,

les diriger, c'est-à-dire les conduire dans cette voie où Dieu lui-même les appelle et les soutient; voilà ce que doit faire l'évêque, d'après l'ordre formel de Jésus-Christ. Or, je vous le demande, n'est-ce pas là, à proprement parler, toute l'action de l'Eglise sur les âmes? L'évêque en est donc réellement toute l'action.

Vous me direz, peut-être, que beaucoup d'antres que l'évêque instruisent dans son église, administrent les sacrements et sont chargés de la direction. Sans doute; mais c'est en son nom, par son autorité et sous le regard vigilant de ce divin inspecteur, comme son nom même le rappelle. De là ces remarquables paroles du grand Apôtre aux évêques Veillez sur vous-mêmes et sur tout le troupeau au milieu duquel vous a placés le Saint-Esprit, pour régir l'Eglise de Dieu. (Act. xx, 28.)

Ecoutons, à ce sujet, les réflexions d'un solitaire, dont la parole pleine d'énergie n'est pas moins pleine de vérité :

« L'évêque est une création chrétienne qu'il faut étudier en elle-même, car l'ancien monde n'offre rien de semblable. C'est le principe générateur des merveilles que nous voyons opérer au prêtre, au frère, à la sœur. Dans le cercle de la religion et de la bienfaisance, tout ce qui se fait sans qu'il ait dit oui, est éphémère, suspect, dangereux; tout ce qui se fait quand il dit non, tourne infailliblement au mal, à moins que luimême ne soit mal avec l'évêque des évêques, à qui il a été dit: Paissez les brebis et les agneaux... (Joan. xxi, 17.)

<< Rien de grand comme un évêque à la tête de son diocèse, donnant des audiences à tout le monde et n'en sollicitant de personne, si ce n'est à la porte des moribonds qui ne voient pas l'enfer allumé sous leur lit, à la porte d'un hôpital où l'on pleure, d'un taudis où la faim se lamente; si ce n'est encore à la porte dorée où l'opulence oublie que Dieu réserve aux riches l'honneur de nourrir, de chauffer et de vêtir l'HommeDieu dans ses pauvres.

« Il est grand, n'eût-il qu'une croix de laiton sur la poitrine et une crosse de bois à la main, l'évêque qui, après avoir employé la journée à donner des avis paternels à ses prêtres, à distribuer des secours et des consolations aux malheureux, se retire le soir au pied du même autel où il était à la naissance du jour, pour bénir encore une fois son troupeau et déposer dans le cœur du divin Pasteur tout ce que son cœur éprouve d'angoisses maternelles, à la vue de tant d'enfants qui s'égarent et s'endorment sur le bord des abîmes sans fond de l'éternité, fants dénaturés qui ne répondent aux plus touchantes sollicitations que par d'insolentes moqueries et une désolante indiffé

rence.

en

« Que j'aime à le contempler dans le jardin solitaire où il se promène à pas lents, méditant les paroles de vérité et d'amour qu'il ira bientôt redire à ses ouailles dispersées sur la montagne ou paissant dans les creux

des vallées, sous la garde du prêtre! « Qu'il est grand dans ses courses apostoiques, le préfet des âmes gravissant, le bâton à la main, le sentier étroit suspendu sur les abîmes où le torrent blanchit les rochers de sa bouillonnante écume et emplit la vallée de ses longs mugissements!

« Le pasteur du hameau caché dans les nuages est accouru avec les villageois au pied de la montagne pour lui dire: Monseigneur, les chemins sont impraticables, notre jeunesse descendra; n'exposez pas des jours si précieux au diocèse.

« Mes enfants, si les chemins sont impraticables, par où étes-vous arrivés? Votre jeunesse descendra; mais vos vieillards, vos enfants, vos malades, la plus chère partie du troupeau, viendront-ils recevoir ma bénédiction et la parole qui rend l'espérance à la vieillesse, éclaire l'enfance, adoucit la souffrance et la douleur? J'irai done; la charité me prêtera ses ailes. Si je meurs de fatigue au sein de vos montagnes, vous graverez sur ma tombe l'épitaphe que le Dieu-Pasteur imprima de son sang sur la croix, il y a dix. huit siècles : « Le bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis. » (Joan. x, 11.) Allons, mes enfants, vos âpres rochers se couvrent de roses quand on pense au Calvaire...

<«< Et nous, resterons-nous là? Non; trop souvent nous avons fait cortège au vice triomphant; suivons aujourd'hui celui de la vertu; mêlons-nous aux pompes religieuses, les seules connues de nos montagnards.

<< Voyez, dans le fond de l'étroite vallée, cette longue file d'enfants, de jeunes filles, de femmes, de jeunes gens, de vieillards parés comme aux plus beaux jours de fête, précédés d'éclatantes bannières, et s'avançant comme une guirlande mouvante sur les flancs noirs du rocher ;plus loin, cette double haie de bouleaux et de sapins sortis de la forêt pour rendre hommage au ministre de celui qui donne le suc à leurs racines, la verdure à leurs rameaux.

<«< Avançons, deux à deux, chapeau bas, au chant des saints cantiques, au son mille fois répété de la cloche lointaine; entrons dans le temple rustique dont les vertus du pasteur et l'innocence du troupeau sont le plus bel ornement; et ne perdons pas un instant de vue le messager du ciel.

« Prosterné au pied des autels, il n'a encore parlé qu'au Dieu qui l'envoie, et déjà des larmes roulent dans tous les yeux. Il se lève, il se tourne vers l'assemblée profondément recueillie. Que dira-t-il? il dira ce que le vénérable prêtre qui est à ses côtés n'a cessé de dire depuis vingt ou trente ans. Il expliquera la loi du ciel et de la terre, la loi du temps et de l'éternité, la loi sans laquelle les autres lois ne sont que des commérages de tribune, la loi qui commande toutes les vertus, proscrit tous les vices, règle tous les devoirs; la loi qui fait les bons rois, les bons sujets, les bons maris, les bonnes épouses, les bons maîtres, les bons serviteurs; la loi qui rend les magistrats incorruptibles, les soldats intrépides et humains; enfin la loi

qui ferait croire au bonheur dès cette vie, si elle ne nous apprenait que les joies de la vertu ne sont qu'un faible avant-goût des délices sans mesure et sans fin de la céleste patrie.

« Le catéchisme va commencer. Ecoutez les questions que l'auguste vieillard adresse à l'enfance, questions colossales qui ont fait radoter si longtemps les plus fortes têtes de l'antiquité; problèmes gigantesques que nos sublimes professeurs de philosophie ne tentent jamais de résoudre en dehors de l'Evangile sans faire rire jusqu'aux larmes le gros bon sens qui les écoute.

dirait une colonie de bienheureux descendus dans ces tristes montagnes où, sans la religion, on ne verrait que des sauvages et des ours.

a Eh bien ce qu'il a fait aujourd'hui, il l'a fait hier, il le fera demain, il le fera jusqu'au dernier soupir.

« Quelles journées pleines que celles d'un évêque! Comparons-leur les nôtres, nous hommes d'action et de mouvement, qui croyons franchement que le soleil s'éclipsera le jour où nous le jour où nous fermerons la paupière, et que la société expirera de douleur sur notre cercueil. » (Réflexions d'un solitaire.) A quoi sert un évêque, avez-vous dit? Mais, en dehors même de son église, où il est toute vie et toute action, où du centre

met tout, absolument tout en mouvement, comme nous venons de le montrer, ne savez-vous pas qu'il rend encore les plus grands services à la société, soit que, quittant momentanément son palais, il vienne succès que personne, excepté lui, ne pouvait lutter contre un danger inattendu, avec un obtenir, soit que, joignant à son caractère épiscopal le titre d'homme d'Etat, il remplisse un rôle politique avec une intégrité et un dévouement qu'un autre aurait eus bien difficilement? Ecoutez ce que nous avons dit ailleurs à ce sujet :

a Dites-moi, mon enfant, qui a créé le ciel, la terre et tout ce qu'ils renferment? Comment, pourquoi existez-vous vous-même? Qu'êtes-vous? un animal, un ange, ou un mélange de l'un et de l'autre? Qu'est-ce que la jusqu'aux extrémités de ce divin corps, il vie? Qu'est-ce que la mort? Pourquoi l'homme est-il si malheureux avec un si vif désir du bonheur, si vicieux avec tant d'estime pour la vertu, si ignorant, si rampant avec une si haute idée de ses lumières et de sa grandeur? » «Ecoutons la réponse de ces intelligences de huit ans, élevées au milieu du bêlement des troupeaux. Jamais la raison a-t-elle fait entendre un langage aussi ferme, aussi lumineux, aussi élevé, aussi divin? D'où vient aux petits enfants du påtre cette merveilleuse science refusée aux plus sublimes génies? Quel est ce petit livre que vous voyez entre leurs mains? C'est le plus beau des livres après l'Evangile, puisqu'il n'en est que le résumé fidèle; c'est le code éternel des intelligences et des cœurs; c'est le livre dont les plus beaux ne sont que le commentaire; c'est le plus parfait des livres, puisque des milliers de critiques acharnés y cherchent vainement une erreur depuis dix-huit cents ans; c'est le catéchisme, oui, le catéchisme ! Quel livre! Lisons-le, étudions-le, méditons-le. Brûlons tous nos autres livres, le mien le premier, si vous voulez, pourvu que les autres le suivent; nous en saurons bien assez, quand nous saurons notre catéchisme; nous ne serons que d'orgueilleux idiots tant que nous ne le saurons pas, fussions-nous des bibliothèques vivantes, des colonnes d'acadé

mies.

« Assistons actuellement aux adieux du pontife au petit troupeau. Il finit, comme il a commencé, par des bénédictions, par une parole d'amour. Elle est courte, mais elle est le dernier mot de l'Evangile, la plus complète formule du christianisme.

« Aimez-vous, mes enfants; aimez-vous les uns les autres. Si la terre et les intérêts vous

divisent quelquefois, que le ciel et ses espé

rances vous unissent; aimez-vous, c'est toute la loi, c'est le bonheur de l'homme, c'est le bonheur des anges.

« Il part à travers la foule de ses enfants agenouillés pour recevoir sa dernière bénédiction. Il part; mais que de saintes pensées il laisse dans les esprits! que de généreuses résolutions dans les cœurs! que d'inimitiés étouffées à sa voix! que de torts réparés ! que de vertus chancelantes raffermies! On

«La peste sévit avec fureur, je suppose. Chacun s'est empressé de fuir et de dérober au danger sa famille et ses amis. La famille, les amis de l'évêque, ce sont les victimes du fléau. Aussi le voyez-vous partout où le besoin l'appelle. Rien ne l'arrête. Et comment son courage ne serait-il pas supérieur à la fatigue, à la maladie, à la mort? Il a pour lui l'appui de la grâce, et il est soutenu par les plus hautes considérations. Si le fléau l'épargne, il aura pour lui l'approbation de sa conscience et celle des hommes, en attendant les récompenses de Dieu; s'il vient à succomber, il est aussitôt emporté par les anges pour jouir au ciel d'un bonheur infini. De tous les traits que je pourrais rapporter ici, je n'en citerai qu'un:

« Au mois de février 1832, le fléau le plus épouvantable dont l'humanité puisse être atteinte, le choléra sévit dans la capitale. Aussitôt l'archevêque de Paris, forcé alors de se cacher pour se dérober à la persécution, reparaît tout naturellement à l'HôtelDieu; il y reparaît au milieu des malades et des mourants entassés par la contagion. Ce n'est point assez pour lui des secours si abondants que la charité chrétienne lui donne à distribuer, il y joint l'abandon de son traitement; il veut que sa maison de Conflans devienne une maison de convalescence, et que le séminaire de Saint-Sulpice soit transformé en infirmerie. On le voit

transporter des cholériques dans ses bras; et si l'un d'eux qu'il bénissait lui crie: Retirez-vous de moi; je suis un des pillards de l'archevêché! on l'entend lui répondre: Mon frère, c'est une raison de plus de me réconci

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