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prise à cause de votre jeunesse, dit saint Paul à son disciple Timothée; mais rendez-vous l'exemple et le modèle des fidèles dans les entretiens, dans la manière d'agir avec le prochain, dans la charité, dans la foi, dans la chasteté. (1 Tim. v, 12.) Il fait à Tite une recommandation absolument semblable : Rendez-vous vous-même un modèle de bonnes œuvres en toutes choses, lui dit-il, par la pureté de la doctrine, par l'intégrité des mœurs, par la gravité. Que vos paroles soient saines et irrépréhensibles, afin que nos adversaires rougissent, n'ayant aucun mal à dire de nous. (Tit. 11, 7, 8.)

Cette tradition de bonnes œuvres, dans le clergé, a passé ainsi de génération en génération, et est arrivée jusqu'à ce jour, pour durer jusqu'à la consommation des siècles, avec la tradition de la saine doctrine, en sorte que, suivant le désir de Jésus-Christ, sor sacerdoce a toujours été, est et sera toujours, la lumière du monde, destinée à éclairer tous les hommes, malgré les nuages qui, de temps en temps, l'obscurcissent à leurs

yeux.

<< Sans doute, » dit à ce sujet l'abbé de Frayssinous (Du sacerdoce chrétien), « nous ne prétendons ni dissimuler, ni justifier les désordres qui ont pu souiller le sanctuaire; mais il faut savoir réduire les choses à leur juste valeur, et surtout ne pas se prévaloir contre le christianisme des vices de quelques uns de ses ministres. Vous reprochez au clergé des désordres et des scandales, et comment en serait-il exempt? Les prêtres ne sont pas des anges, mais des hommes. Enfants de leur siècle, placés au milieu d'un monde pervers, environnés de mauvais exemples, entraînés par les penchants d'une nature faible et corrompue, exposés aux périls inséparables de leur ministère même, est-il donc si étrange qu'ils soient atteints de la contagion commune? Vous recueillez avec complaisance, dans les fastes de l'Eglise, les traits de libertinage, d'avarice, d'ignorance qui en sont la honte, et vous dissimuJez les grandes vertus qui en sont la gloire: vous oubliez tant de saints pontifes qui, par la pureté de leur vie, ont été le modèle de leur troupeau; tant de saints pasteurs qui se sont dévoués à l'instruction des peuples des campagnes, et qui se sont dépouillés de tout pour soulager les malheureux; tant de saints missionnaires qui, dans chaque siècle, ont bravé les périls, les tourments et la mort, pour porter aux nations infidèles l'Evangile avec les vertus qu'il inspire; tant de membres vénérables de ces corporations religieuses qui se dévouaient avec autant de succès que de zèle à l'éducation de la jeunesse. Il faut bien l'observer le vice est effronté, on le remarque; la vertu est modeste, elle est ignorée, et un seul prêtre vicieux rend injuste envers un grand nombre d'autres qui ne le sont pas.

« Je conviens que les vices du prêtre sont plus révoltants à cause de la sainteté même de sa vocation et de son caractère; mais enEn la vertu est faite pour tous. Or, dans la

société civile, où est la profession qui soit sans reproche? Tous les magistrats ont-ils toujours suivi, dans leurs affaires personnelles ou bien dans l'administration de la justice, cette probité, cette impartialité dont ils avaient les dehors et le langage? Tous ceux qui ont exercé l'art de guérir ont-ils gardé pour eux-mêmes la tempérance qu'ils prêchaient aux autres? Tous ces philosophes réformateurs qui ont déclamé contre les vices du clergé, étaient-ils irréprochables, ou plutôt la licence de leurs écrits n'était-elle pas trop souvent l'expression fidèle de la licence de leur conduite? Tous ces jeunes gens qui invectivent contre nous, leur langue est-elle assez pure pour donner des leçons de vertu? Croyez-moi, que chacun, loin de se flatter, ne soit que juste envers lui-même, et il sentira le besoin d'être indulgent envers les autres.

Si nous consultons l'histoire, qu'y verrons-nous? Que même dans les âges les plus décriés par leurs désordres et leur barbarie, dans le ix, le x, le x1 siècle, le clergé a fourni dans toutes les parties de l'Europe de très-saints personnages, saint Dunstan en Angleterre, saint Udalric en Allemagne, saint Adalbert en Bohême, saint Boniface martyr en Russie, saint Brunon en Prusse, saint Gérard en Hongrie, et l'on sent bien que leurs vertus ont dû avoir beaucoup d'imitateurs dont les noms ne sont pas parvenus jusqu'à nous. (FLEURY, Mœurs des Chrétiens, n. 61.) De nos jours, malgré la décadence de la foi, l'Eglise de France n'a-t-elle pas donné au monde le spectacle des vertus portées jusqu'à l'héroïsine, et ne pouvonsnous pas en appeler ici aux nations hospitalières, même à celles d'une communion différente, au milieu desquelles tant de généreux ministres de la religion ont été jelés par nos tempêtes politiques? Oui, l'on peut appliquer à l'Eglise gallicane cette parole des Livres saints: Elle a vu avec calme et dignité les jours de ses disgrâces: « Spiritu magno vidit ultima. » (Eccli. XLVIII, 27.)

<< Sans cesse on revient sur les scandales et les infamies qui ont souillé quelquefois le siége de Rome; mais, pour quelques pontifes abominables, on a l'injustice d'oublier lo grand nombre de ceux qui se sont rendus ecommandables par les plus nobles vertus. Dans les neuf premiers siècles de l'Eglise chrétienne, que trouvez-vous sur le siége apostolique, qu'une suite de Pontifes d'une éminente piété? Beaucoup ont été les martyrs de la foi, et dans cet espace de neuf cents ans il n'en est que trois ou quatre, comme l'observe Fleury (Mœurs des Chrétiens, n. 32), qui ne soient pas en vénération par leur sainteté.

« Dans le cours des trois derniers siècles, il n'en est pas un seul qui n'ait eu des mœurs irréprochables. Trouvez-moi sur la terre un trône occupé depuis dix-huit siècles par une succession de princes, qui soit en général aussi imposante, anssi éclairée, aussi vénérable que celle des Pontifes romains ! »>

Ainsi, à quelque époque, en quelque lieu,

en quelque situation que nous le considérions. que ce soit au commencement du christianisme, au moyen âge ou de nos jours, en Chine ou dans l'Europe, dans la solitude des campagnes ou au milieu des cours les plus brillantes, dans les chaînes ou sur le trône, nous voyons toujours le sacerdoce chrétien

planant par la majorité de ses membres audessus du reste de l'humanité. Que voulezvous de plus? Qu'il soit parfait, dans le sens absolu du mot, c'est-à-dire qu'il soit Dieu ? Ce serait absurde évidemment, en mênie temps qu'impie.

F

FAINÉANTISE.

Objection. C'est pour vivre, et bien vivre saus rien faire, que les uns se font prêtres, les autres religieux. Ce sont tous des fainéants. A quoi servent-ils ?

Réponse. Voilà un échantillon des discours que tiennent certaines personnes grossières, qui, ne comprenant rien à la vie spirituelle et aux exercices qu'elle prescrit, la regardent comme une vie d'oisiveté et de bonne chère.

C'est pour vivre et bien vivre sans rien faire, affirmez-vous, que les uns se font prêtres, les autres religieux.

Yous croyez! C'est pour vivre et bien vivre sans rien faire que Jésus-Christ s'est fait prêtre et.le modèle des prêtres. Sa vie incomparable, qui commence à la crèche et finit sur le Calvaire, vous paraît une vie d'oisiveté et de bonne chère. C'est pour vivre et bien vivre sans rien faire que saint Pierre, saint Paul, tous les apôtres se sont chargés de continuer la mission de Jésus-Christ. Leur vie sacerdotale qui, comme celle de leur Maitre, commence et finit dans les humiliations et les souffrances, vous paraît aussi sans doute une vie d'oisiveté et de bonne chère. C'est pour vivre et bien vivre sans rien faire que les Pères de l'Eglise, qui ont été et sont encore, par leurs vertus comme par leurs écrits, la continuation des apôtres, ont embrassé la carrière sacerdotale. C'est pour vivre et bien vivre sans rien faire que saint Thomas, dont les œuvres semblent plutot celles d'une communauté entière que tôt d'un seul homme, que saint Vincent qui fit lui seul plus de charité que n'en eût pu faire tout un royaume, que Bossuet, qui écrivit et parla notre langue comme nul ne l'a fait ni ne le fera sans doute jamais, que tant d'au tres qui ne sont point indignes d'être placés après ceux-ci, ont embrassé la carrière sacerdotale. C'est pour vivre et bien vivre sans rien faire que les courageux martyrs et confesseurs qui se sont montrés dans notre révolution, que nos missionnaires qui, pour gagner des âmes à Jésus-Christ, ne balancent point à quitter leur patrie et à aller vivre avec les sauvages, que nos prêtres, nos évêques, tous si laborieux, si dévoués, et néanmoins si peu récompensés ici-bas de leurs travaux et de leur dévouement, ont embrassé la même carrière...

Puisque vous avez nommé les religieux, permettez-moi de vous le dire actuellement. C'est pour vivre et bien vivre sans rien

faire que les anachorètes et tous les moines. de la primitive Eglise, dont les austérités sout à peine croyables aujourd'hui, ont embrassé la vie religieuse. C'est pour vivre et bien. vivre que l'abbé de Rancé a réformé la Trappe, que Mme Louise a quitté Versailles et s'est enfermée dans la pauvre abbaye de Saint-Denis. C'est pour vivre et bien vivre que nos religieux et religieuses quittent aujourd'hui le monde et embrassent une carrière qui n'offre guère que pauvreté, privation, travail et fatigues de toute nature.

Il y en a pourtant, me direz-vous, qui n'on! pas d'autre but.

C'est possible, mais c'est l'exception, et en ce moment surtout la très-rare exception.

Ce sont tous des fainéants, avez-vous dit encore. A quoi servent-ils?

Non, ce ne sont point des fainéants, car ils travaillent tous, et même beaucoup, pour la plupart. Ils travaillent bien plus qu'on ne le fait communément dans le monde, que ne le font surtout ceux qui les accusent de fainéantise. Les uns travaillent de corps plus particulièrement, les autres d'esprit, les uns et les autres se livrent dans l'intervalle de leurs occupations terrestres, et quelquefois même pendant ces occupations, aux exercices de la vie spirituelle, notamment de la prière. Que pouvez vous demander de plus? A quoi servent-ils ? demandez-vous. A quoi ils servent! mais à l'affaire la plus importante, la seule véritablement importante qu'il y ait au monde: à l'affaire du salut. Ils travaillent à leur propre sanctification d'abord, puis à celle de leurs frères, ou plutôt ils se sanctifient en sanctifiant les autres, et cela par la mortification, la prière, la prédication de l'Evangile, l'exercice de toutes les vertus, en tête desquelles se trouve la charité, cette vertu du prêtre et du religieux.

A quoi ils servent! Qui? eux? le religieux et le prêtre le prêtre principalement? Mais ils continuent la mission du Sauveur, par le sacrifice et par toutes sortes de bonnes cuvres. Sans eux, le christianisme s'éteindrait, et le monde retomberait dans les ténèbres et les abominations de l'idolâtrie qui couvraient la terre, quand Jésus-Christ est venu sur la terre.

Ecoutons l'abbé de Ségur répondant à la même objection, en ce qui concerne le prê

tre:

« Les prêtres sont des fainéants: à quoi servent-ils?» s'est-il fait demander.

Et immédiatement il répond: «A sauver les âmes! Certes voilà un emploi qui en vaut un autre !

« L'ouvrier travaille la matière; le prêtre, lui, travaille l'âme. Autant l'âme est au-dessus de la matière, autant l'œuvre du prêtre est au-dessus de tous les travaux de la terre.

« Le prêtre continue le grand travail du salut du monde. Jésus-Christ, son Dieu et son modèle, l'a commencé; ses prêtres continuent son œuvre à travers les siècles.

« A son exemple, le prêtre passe en faisant le bien. Il est l'homme de tous; son cœur, son temps, sa santé, ses soins, sa bourse, sa vie, appartiennent à tous, surtout aux petits, aux enfants, aux pauvres, aux abandonnés, à ceux qui pleurent et qui n'ont pas d'amis.

<< Il n'attend rien en échange de ce dévouement; le plus souvent, il ne reçoit que des insultes, des calomnies abominables et des traitements pénibles. Véritable disciple de son divin Maître, il n'y répond qu'en continuant à faire du bien. Quelle vie! quelle abnégation surhumaine!

« Dans les calamités publiques, dans les guerres civiles, dans les maladies contagieuses, dans les choléras, quand les ministres protestants et les philanthropes se sauvent, on le voit exposer sa santé et sa vie pour soulager et sauver ses frères: tel monseigneur Affre, sur les barricades de Paris; tels Belzunce et saint Charles Borromée, dans les pestes de Marseille et de Milan; tel, dans le choléra en 1832 et en 1849, tout le clergé de Paris et de tant d'autres villes, qui s'était fait comme le serviteur public de tout le peuple.

Voilà à quoi servent les prêtres! Je voudrais bien savoir si ceux qui les attaquent servent à quelque chose de meilleur.

« Les ingrats ils ne se lassent point d'abreuver d'amertume celui qu'ils appellent auprès de leur chevet dans de mauvais jours, celui qui a béni leurs enfants et qui ne cesse de prier pour eux!

« Tous les malheurs de notre pays viennent de ce qu'on ne pratique pas ce qu'en seigne le prêtre. Et notre pauvre France, déchirée par les discordes civiles, par les bouleversements politiques, peut s'appliquer la parole qu'adressait à l'aumônier d'une des prisons de Paris un pauvre condamné à mort, revenu à Dieu de tout son cœur. Le prêtre lui avait donné un petit manuel du Chrétien: « Ah! mon père,» lui dit i un jour en lui montrant ce livre, « si j'avais connu « ce qu'il y a là-dedans, et si je l'avais praa tiqué toute ma vie, je n'aurais point fait ce « que j'ai fait, et je ne serais point où je << suis ! »>

« Si la France avait connu, si elle connaissait ce qu'enseigne le prêtre, stelle avait fait, si elle faisait ce qu'il dit de faire, elle n'au

rait pas été bouleversée par trois ou quatre révolutions en cinquante ans, et elle ne serait pas à se demander aujourd'hui, dans son épuisement: Vais-je périr? Puis-je encore être sauvée ?

« Oui, elle peut !'être, si elle peut redevenir catholique! Oui, elle peut l'être, si elle veut écouter les ministres de celui qui sauve le monde !

« Les prêtres sont le salut de la France! sans les prêtres, la société est perdue.

Plus que jamais on doit honneur, vénération, reconnaissance au prêtre. Tout homme qui le repousse n'a pas l'intelligence de notre siècle ni de notre patrie.

«Loin de nous done tous nos vieux préjugés! Loin de nous ces grossiers et injurieux sobriquets dont l'aveugle impiété du voltairianisme avait flétri le sacerdoce catholique !

« Respectons nos prêtres. Si nous voyons en eux des imperfections, des vices même, souvenons-nous qu'il faut faire à l'homme la part de sa faiblesse.

« Tâchons alors de ne pas regarder l'homme, et de ne voir que le prêtre en tant que prêtre, il est toujours respectable, et son ministère est toujours saint; car il est le continuateur de Jésus-Christ, souveraio prêtre, à travers les siècles, et c'est de lui que

Sauveur a dit : Qui vous écoute, m'écoute; et qui vous méprise me méprise. » (Luc. x, 16.) (Réponses.)

Et les religieux ? me direz-vous.

J'en ai parlé moi-même précédemment. Ajoutons ici que tout ce que nous venons de citer leur est également applicable, soit parce qu'un grand nombre sont réellement prêtres, soit parce que ceux qui ne le sont pas ont cependant avec le prêtre une grande ressemblance.

Je sais qu'on a comparé le prêtre, qui vit au milieu du monde, tout occupé du salut de ses frères, à celui qui ne craint point de braver les dangers de la mer, pour sauver ceux qui y sont exposés, et le religieux, qui entre au couvent, à celui qui reste sur le rivage, tout occupé de sa propre conservation. Mais ce ne sont là que des comparaisons nécessairement défectueuses comme toujours. Remarquons d'abord que ce qui a été dit du religieux ne pourrait être vrai tout au plus que de ces religieux solitaires, ou renfermés dans le cloître, qui ne sont pas en trèss grand nombre, tant s'en faut; ajoutons ensuite que le religieux solitaire ou enfoncé dans le cloître, ne reste pas pour cela indifférent au salut de ses frères, qu'il le demande à Dieu, maître absolu de toutes choses, par ses prières, par ses mortifications, par les actes de vertu qu'il ne cesse de pratiquer, et que, quand cela est nécessaire, il ne craint point, soit par esprit d'obéissance, soit par dévouement propre à son cœur, d'affronter les mêmes dangers que le prêtre, avec une abnégation et une intrépidité semblables, sinon plus remarquables encore.

Objections.

FANATISME RELIGIEUX.

Le fanatisme religieux a fait seul plus de mal au monde que tous les fléaux réunis. Je ne le vois nulle partautant que dans la religion catholique. - II est là, dans le religieux, dans le prêtre, dans la femme même et dans l'enfant.

Réponse. Le mot fanatisme est un de ceux dont on s'est longtemps servi pour épouvanter les esprits faibles, et même ceux qui ne l'étaient pas, en toute autre circonstance du moins. Quand, à propos de je ne sais qui ou de je ne sais quoi, on avait dit bien haut: C'est du fanatisme! on croyait avoir tout dit; et, chose beaucoup plus surprenante ! ceux à qui ces mots étaient adressés ne savaient souvent que répondre. C'était comme une absence de sens, une espèce de folie, folie un peu passée aujourd'hui, nous devons en convenir, mais dont il reste néanmoins quelque chose. Ce n'est point à cela que nous avons entrepris de répondre. - L'absurdité ne se réfute pas : on se contente de l'exposer froidement. Il me semble qu'on ne doit parler de fanatisme que quand il y a emportement, violence, fureur; en sorte que, si l'on veut s'entendre, on appellera fanatisme un zèle violent et sanguinaire. Cela reconnu, qu'avez-vous donc à nous objecter à l'occasion du fanatisme?

Le fanatisme religieux, dites-vous, a fait seul plus de mal au monde que tous les fléaux réunis.

Est-ce bien vrai? êtes-vous convaincu vous-même de ce que vous dites? en croyezvous le premier mot?

Quoi le fanatisme religieux aurait fait plus de mal au monde, selon vous, que la peste, la famine, la guerre... que tous ces fléaux réunis, dont un seul pourtant fauche sur la terre la malheureuse humanité, comme le fer l'herbe des champs?

Mais n'en cherchons pas si long pour vous répondre. Il est un fanatisme qui a fait encore plus de mal au monde que le fanatisme religieux, c'est le fanatisme irréligieux. Pour en avoir la preuve, et une preuve malheureusement trop convaincante, nous n'avons pas besoin d'aller bien loin, chez un peuple barhare, dans un âge reculé; je la trouve en France, chez la nation la plus policée qui fat jamais, dans le siècle qui suivit le grand siècle et qui a précédé le nôtre. Vous ne le croyez pas peut-être ! Les témoins pourtant ne sont pas loin; nous entendons encore leur voix; plusieurs d'entre nous peuvent dire comme eux ce qu'ils ont vu et entendu; nous pouvons tous parler, car les ruines sont encore sous nos yeux, et le seront longtemps sans doute.

Les faits parlent, » s'écrie Laharpe Discours prononcé à l'ouverture du Lycée, le 31 décembre 1794) à peine sorti de ce déluge de maux où il fut sur le point d'être englouti avec tant d'autres victimes; «<les faits parlent, ils sont encore tout près de nous...

La vérité vengeresse, longtemps muette sous le glaive et dans la mort, est sortie tout à coup, je ne dirai pas des tombeaux, les tombeaux mêmes manquaient aux victimes, et la nature était outragée dans l'homme, même après qu'il n'était plus; mais du fond de ces fosses immenses, comblées de cadavres mutilés et palpitants. De la pourriture des cachots et de l'infection des hospices, devenus les cimetières des captifs; du sein des rivières stagnantes de carnage; des pierres de nos places publiques, partout imprégnées de traces sanglantes; des ruines de nos cités démolies et incendiées; des débris de ces vastes destructions, où la chaumière a été engloutie avec les châteaux; enfin de tous ces innombrables monuments d'une rage exterminatrice, dont on n'avait ni l'idée ni l'exemple, s'élève, éclate et retentit, multipliée de toutes parts en longs et lamentables échos, la voix plaintive et terrible de l'humanité en souffrance et en indignation; une voix telle qu'on n'en a pas entendu de semblable depuis qu'il y a des hommes et des crimes, une voix qui serre le cœur, qui glace les veines, qui déchire les fibres, qui torture l'âme; une voix qui crie incessamment vengeance au ciel, au monde, aux races futures, et laisse dans le cœur de l'homme de bien l'inconsolable douleur d'avoir vécu.

« Et pourtant ces horreurs n'ont été encore que partiellement esquissées dans les feuilles éparses; chacun a raconté ce qu'il a vu et souffert : la plainte a toujours été expressive, et quelquefois éloquente; mais nul n'a pu tout dire ni tout savoir. Il faudra que le génie de l'histoire se place à sa hauteur accoutumée, au-dessus des générations ensevelies, qu'il interroge toutes les tombes, qu'il entende toutes les révélations de la mort, toutes les confidences de l'infortune, toutes les abominables vanteries de la scé lératesse, peut-être même (et plût au ciel !) les aveux du repentir, pour en composer le récit détaillé qui doit effrayer et instruire les âges suivants. Jusque-là on ne peut en avoir qu'une idée très-imparfaite; et qui sait encore si l'histoire la donuera tout entière, quand même elle l'aurait acquise? s'il sera toujours possible d'exprimer ce qu'il a été possible d'exécuter, et si le génie qui tiendra la plume ne s'arrêtera pas quelquefois, soit pour lui-même, soit pour les autres, et ne répugnera point à passer toutes les mesures connues de l'horreur et du dégoût?... »

Voici ce qu'il disait encore quelques années après (Disc. sur l'état des lettres en Europe, prononcé en 1797) :

«Toutes les fois que je rencontre sous ma plume quelqu'une de ces innombrables ruines dont nous sommes environnés, et que je considère d'un côté ce qu'on a détruit, et de l'autre ce qui en a pris la place, je me prosterne en idée, et je paye à ces tristes et vénérables souvenirs le tribut que leur doit tout ce qui n'a pas renoncé à la raison hu

maine, tout ce qui a conservé des sentiments d'homme; car qu'y a-t-il aujourd'hui, parmi nous de saint et de vénérable, si ce n'est des ruines, à commencer par les autels qui sont des ruines, par les temples où l'on adore Dieu sur des ruines, par les tombeaux où l'on pleure les morts sur des ruines, par les asiles de la vertu, de l'instruction, de l'humanité, où l'on ne marche que sur des ruines? Et je me dis en gémissant: Ici une race nouvelle et étrangère parmi les hommes, la race révolutionnaire a passé; et que peut-il rester après son passage, si ce n'est le chaos renouvelé, et le génie du mal planant encore au-dessus du chaos, et s'applaudissant d'avoir tout détruit, comme autrefois le Créateur s'applaudissait d'avoir tout fait ?»>

Vous allez me dire peut-être que cet hommeparle au milieu des ruines dont il eut aussi à souffrir.

Sans doute, et son témoignage n'en est que plus irrécusable. Craignez-vous que sa plainte ne soit un peu exagérée ? En voici un qui affecte de n'exprimer ces incroyables atrocités qu'avec le froid langage des chiffres,

« Il n'a péri, dit-on, que six mille victimes parles tribunaux révolutionnaires. C'est peu! Reprenons les choses à leur origine.

« Le premier numéro du Bulletin des lois contient le décret qui institue le tribunal révolutionnaire : on maintient ce décret à la tête du recueil, non pas, je suppose, pour en faire usage en temps et lieu, mais comme une inscription redoutable gravée au fronton du temple des lois, pour épouvanter le législateur et lui inspirer l'horreur de l'injustice. Ce décret prononce que la scule peine portée par le tribunal révolutionnaire est la peine de mort. L'article 9 autorise tout citoyen à saisir et à conduire devant les magistrats, les conspirateurs et les contre-révolutionnaires; l'article 13 dispense de la preuve testimoniale; et l'art. 16 prive de défenseur les conspirateurs. Ce tribunal était sans appel.

« Voilà d'abord la grande base sur la quelle il nous faut asseoir notre admiration: honneur à l'équité révolutionnaire! honneur à la justice de la caverue! Maintenant compulsons les actes émanés de cette justice. Le républicain Prudhomme, qui ne haïssait pas la révolution et qui a écrit lorsque le sang était tout chaud, nous a laissé six volumes de détails. Deux de ces six volumes sont consacrés à un dictionnaire où chaque criminel se trouve inscrit à sa lettre alphabétique, avec ses nom, prénoms, age, lieu de naissance, qualité, domicile, profession, date et motif de la condamnation, jour et lieu de l'exécution. On y trouve parmi les guillotinés 18,613 victimes ainsi réparties:

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<< Dans ces nombres ne sont point compris les massacrés à Versailles, aux Carmes, à l'Abbaye, à la Glacière d'Avignon, les fusillés de Toulon et de Marseille après le siége de ces deux villes, et les égorgés de la petite ville provençale de Bédoin dont la population périt tout entière.

« Pour l'exécution de la loi des suspects, du 21 septembre 1793, plus de cinquante mille comités révolutionnaires furent installés sur la surface de la France. D'après les calculs du conventionnel Cambon, ils coûtaient annuellement cinq cent quatre-vingtonze millions (assignats). Chaque membre de ces comités recevait trois francs par jour, et ils étaient cinq cent quarante mille. C'était cinq cent quarante mille accusateurs, ayant droit de désigner à la mort. A Paris, seulement, on comptait soixante comités révolutionnaires; chacun d'eux avait sa prison pour la détention des suspects.

« Vous remarquerez que ce ne sont pas simplement des nobles, des prêtres, des religieux, des gens morts dans la Vendée, qui figurent dans le registre mortuaire; s'il ne s'agissait que de ces gens-là, la terreur serait véritablement la vertu; canaille, sotte espèce! Mais voilà 18,933 hommes non nobles, de divers états, 2,231 femmes de laboureurs ou d'artisans, 2,000 enfants, guillotinés, noyés, fusillés, lotinés, noyés, fusillés, sans compter un nombre infini d'autres. A Bordeaux, on exécutait pour crime de négociantisme..... Des femmes ! Mais vous savez que dans aucun pays, dans aucun temps, chez aucune nation de la terre, dans aucune proscription politique, les femmes n'ont été livrées au bourreau, si ce n'est quelques têtes isolées, à Rome sous les empereurs, en Angleterre sous Henri VIII, la reine Marie et Jacques II. La terreur a seule donné au monde le làche et impitoyable spectacle de l'assassinat juridique des femmes et des enfants en masse.» (CHATEAUBRIAND, Etudes historiques, Préface.)

Le tableau est sombre, me dites-vous; mais ne serait-il pas un peu chargé ? Il n'est pas d'une main amie.

Eh quelle main honnête le serait de pareilles atrocités ? Mais remarquez que tout repose sur des témoignages que vous ne pouvez récuser. En voulez-vous de recueillis par une main non suspecte en pareille matière?

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