Sayfadaki görseller
PDF
ePub

c'est la vôtre aussi, comme je viens de vous le montrer, c'est la vôtre avant tout, et même uniquement, car c'est bien vous qu'il s'agit de sauver.

Vous nous dites que je dois la demander, ajoutez-vous: mais je vous ferai encore la même réponse, puisque je ne saurais prier utilement sans la grâce.

Oui, sans doute, vous ne pouvez prier utilement sans la grâce, puisque nous venons de reconnaître que son assistance est nécessaire à toutes nos bonnes œuvres, et qu'il n'est pas moins certain que la prière est aussi une bonne œuvre, la source de beaucoup d'autres. Mais cette grâce vous étant toujours donnée, offerte généreusement, même pour la prière qui doit en demander d'autres, même pour la première prière, que dirai-je ? même pour ce premier et imperceptible mouvement du cœur qui, dans la puissante main de Dieu, peut devenir le moteur de toute une vie d'actions saintes et divines, que tardez-vous donc à l'accepter? Vous voulez absolument qu'on vous explique le concours de la grâce divine avec la volonté humaine; mais, je vous en prie, commencez par en profiter, et vous verrez ensuite; et, si l'explication que vous demandez ne peut vous être donnée au milieu des ténèbres de cette vie, vous l'aurez certainement dans le ciel.

Voyez l'homme tombé au fond d'un abime, d'où il ne peut sortir sans l'assistance des autres. Dès qu'un secours lui est offert, que ce soit une corde tendue ou tout autre moyen de salut, il s'empresse d'en profiter. Que diriez-vous de lui, si, au lieu de profiter du secours offert, de saisir, par exemple, la corde descendue jusqu'à lui, il vous objectait « Ce n'est point mon affaire de me sau

:

-

ver; mais c'est plutôt la vôtre, à vous qui êtes hors de l'abîme.»-« Cet homme est fou,» penseriez-vous; puis, élevant la voix: «Prenez la corde, » ne cesseriez-vous de lui répéter. « Vous ne pouvez vous sauver sans nous mais nous ne pouvons, non plus, le faire sans vous. Quant à savoir qui aura le plus contribué à votre salut, c'est ce que nous verrons quand vous serez hors du danger. »

Voilà votre position ici- bas. Par suite du péché originel et d'une infinité d'autres qui ont fait déchoir de plus en plus la nature humaine, vous êtes, comme chacun de nous, au fond d'un abîme d'où nous ne pouvons sortir sans l'assistance divine, que nous appelons communément la grâce. C'est comme une corde mystérieuse qui nous est tendue du haut du ciel, avec laquelle vous pouvez vous sauver, mais sans laquelle vous périrez infailliblement tôt ou tard. « Prenez la corde, soulevez-vous, et je vous sauverai! vous crie le Seigneur du haut des cieux.-« Prenez la corde, soulevez-vous, et Dieu vous sanvera!» vous répètent, après lui et en son nom, vos supérieurs, vos amis véritables, votre propre conscience. Ce n'est point mon affaire, répondez-vous, puisque je ne puis rien pour le ciel sans la grâce, pas même la demander. Homme absurde! pouvonsnous vous dire avec raison; mais cette grâce vous est offerte; elle vous touche, elle est en vous, elle vous attire même; suivez du moins son impulsion. Quant à bien comprendre le concours de cette grâce et de votre volonté, si c'est pour vous un mystère, il vous sera expliqué, comme tous ceux qui vous environnent au milieu des ténèbres de cette vie, quand vous serez parvenu au séjour de l'éternelle lumière.

GRANDS, NOBLES, RICHES.

Objection. Le prêtre n'aime que les grands, les nobles, les riches, tous ces aristocrates que Jésus, son maître, a maudits. C'est sans doute qu'il se ligue avec eux pour opprimer le peuple.

Réponse. Il faut convenir que le sort du prêtre est assez à plaindre, humainement parlant. Tous les yeux sont fixés sur lui; chacun veut le juger, et, quelle que soit sa conduite, on ne manque guère de la désapprouver. Aime-t-il la retraite et le silence? « C'est un loup, dit-on de lui. «Il devait se faire ermite et non prêtre. » Paraît-il quelquefois dans le monde? « C'est un amateur de plaisirs, ne manque-t-on pas de dire aussitôt; « il n'était pas fait pour porter la soutane. C'est toujours cette génération mauvaise que Jésus ne savait à quoi comparer, si ce n'est à des enfants. « Car,» remarquet-il, « Jean est venu ne mangeant, ni ne buvant, et ils disent: Il est possédé du démon. Le Fils de l'homme est venu, mangeant et buvant, et ils disent: Voici un homme qui aime à manger et qui aime le vin; il est ami

[ocr errors]
[merged small][ocr errors]

Vous vous trompez; le prêtre aime tous les hommes, parce que tous sont à Dieu et qu'il est le ministre de Dieu; et, s'il avait quelque prédilection, ce serait assurément pour ceux à qui Jésus a dit: Venez à moi, je vous donnerai une nouvelle vic. (Ibid., 28.) vous tous qui travaillez et qui éles chargés, et

Le prêtre n'aime que les grands!

Mais il ne s'aime dont pas lui-même, il n'aime donc pas les siens: car il est peuple lui aussi, et tous les siens appartiennent au peuple et le composent. Il n'aime pas le peuple! Mais c'est de là qu'il tire son sacristain, ses chantres, ses enfants de choeur, tous les employés de son église; c'est de là que vien nent ces élèves qu'il forme dès leurs plus tendres années, et qui seront un jour chantres, instituteurs, prêtres, et dont un peutêtre le remplacera; c'est là encore qu'il

trouve ces jeunes filles de piété et de dévouement qui approprient l'église, ornent les autels, apprennent le catéchisme aux enfants, visitent les malades, et font ainsi l'apprentissage de ces œuvres de charité qu'elles continuent peut-être jusqu'à la fin de leur vie, soit en restant au sein de leur famille humaine, soit en entrant dans quelques-unes de ces familles spirituelles qui se rencontrent partout dans la religion catholique. Il n'aime pas le peuple! Mais qui reçoit-il donc chaque jour dans son presbytère, si ce n'est le peuple? Qui a donc recours à son divin ministère, à toute heure du jour et quelquefois de la nuit, si ce n'est le peuple? Ön est venu le réveiller au plus fort de son sommeil pour aller à l'extrémité de la paroisse visiter un malade. Il s'est levé sans réflexion « Et qui est-ce donc ? » demandet-il enfin. Un tel, lui répond-on, le plus pauvre du pays. Tout manque chez lui. Et le prêtre n'y va qu'avec plus d'empressement. Est-ce là l'effet de l'indifférence et de la haine? et n'est-ce pas plutôt celui de l'amour le plus sincère et le plus généreux? En voici qui quittent leur famille bien-aimée, leur cher pays, pour s'en aller bien loin, jusque chez ces peuples sauvages où il n'y a ni grands, ni nobles, ni riches, où on ne trouve que l'abaissement de la misère ou l'élévation de la cruauté. Qui donc aiment-ils ceux-là, si ce n'est le peuple, le peuple seul, malgré toutes ses misères, ou plutôt à cause de toutes ses misères, le peuple pour lui-même, ou mieux encore, le peuple en Dieu et pour Dieu, le peuple en Jésus-Christ, par la croix el avec la croix de Jésus-Christ? Cessez donc de dire que le prêtre n'aime point le peuple. Toujours est-il, remarquez-vous, qu'il fréquente les grands, les nobles, les riches, tous ces aristocrates que Jésus, son maître, a maudits.

Vous tombez dans une grave et dangereuse erreur, quand vous affirmez d'une manière générale que Jésus a maudit les riches et les puissants de la terre. Il n'a maudit que ceux qui usent mal de leurs richesses et de leur puissance, et qui ne veulent pas revenir à de meilleurs sentiments, quant à ceux qui en usent bien ou qu'il a l'espoir d'en voir bien user, non-seulement il ne les maudit pas, mais il les appelle à lui, au contraire, il va même au-devant d'eux, eus sent-ils été de grands pécheurs; et lorsqu'on Jui en fait des reproches, il répon, avec autant de charité que de raison, qu'il est venappeler non les justes mais les pécheurs à la pénitence.

Jésus a maudit tous les riches et tous les puissants, pensez-vous.

Mais vous avez donc oublié les mages qui, de l'extrémité de l'Orient, viennent, avec lant de foi et de courage, jusque dans l'étable de Bethlehem, et déposent à ses pieds leurs riches présents? Vous avez donc oublié ce qu'il fait en faveur de Jaire, l'un des chefs de la synagogue, ce qu'il dit de l'humble et pieux centurion qui a montré une foi plus grande qu'aucun de tous les enfants.

d'Israël? Vous avec donc oublié qu'il recon-
naft solennellement que le pouvoir dont
Pilate use si mal à son égard lui est pour-
tant venu d'en haut ? Vous avez donc oublié
encore que c'est un disciple riche, Joseph
d'Arimatie, qui rendit les derniers devoirs à
son corps abandonné lâchement sur la croix
par les disciples pauvres qu'il a comblés de
ses plus grands biens? Il est donc faux de
penser que Jésus ait maudit généralement
les riches et les puissants, et plus encore,
qu'il ait interdit toute relation avec eux.
Le prêtre les fréquente, avez-vous dit.

Ne le peut-il pas ? ne le doit-il pas puisqu'ils sont aussi ses paroissiens? Ne faut-il pas qu'il les porte au bien, comme tous les autres?

Il les fréquente plus particulièrement, pen

sez-vous.

Vous vous l'imaginez peut-être faussement. Comme la demeure de ceux qui sont élevés au-dessus des autres a ordinairement quelque chose de remarquable, ceux qui y entrent sont aussi ordinairement remarqués. Quand cela serait d'ailleurs, n'est-ce pas naturel, nécessaire même? Le prêtre visite sa paroisse, je suppose. Vous êtes à vos travaux. Votre demeure se trouve donc fermée, et celui-ci, dès lors, ne peut y entrer. Vous n'êtes habituellement chez vous que quand vous êtes infirme ou malade, et alors le prêtre vous visite aussi fréquemment et même encore plus fréquemment que le grand, le noble et le riche. La demeure de ceux-ci est toujours ouverte, au contraire. Le prêtre y entre donc tout naturellement, je dirai même nécessairement, parce qu'il doit s'entendre avec eux sur les affaires concernant le bien général ou celui des particuliers.

Ce n'est donc point une ligue pour oppresser le peuple, comme vous l'avez dit si faussement et si odieusement; mais une en tente cordiale pour son bonheur, autant qu'il dépend du prêtre: « Je viens de visiter tels pauvres, tels malades, » dit celui-ci. « L'un aurait besoin d'un peu de bois, l'autre de viande, un autre de linge. » Et le prêtre obtient ordinairement ce qu'il demande. S'il n'obtient rien, ce qui est rare, ce n'est pas du moins sa faute. Une autrefois il parle de l'église, une autre fois encore de l'école. Ici, il est question de fonder un établissement pour instruire les petits, les enfants et soigner les malades, ceux dont le prêtre doit s'occuper particulièrement; et avec l'aide de Dieu, l'entreprise réussit. Ailleurs, il s'agit d'établir dans le monde un bon sujet auquel le prêtre doit naturellement s'intéresser.«J'aurais besoin de telle somme,» dit à un riche généreux le protégé du prêtre. « C'est un peu considérable, et ne sais à qui m'adresser.-A moi, dit l'homme de cœur. Vous deviez y compter par avance. » Et ainsi le bien se fait, sans que l'on sache pourquoi la plupart du temps. Que de ressources donc de toutes sortes dans ces opulentes maisons disséminées partout,de distance en distance,comme ces hautes montagnes d'où l'eau

descend dans a plaine pour y porter la fécondité et l'abondance ! Et vous ne vondriez pas que le prêtre s'en approchât? Quelle ab

surdité! quelle injustice! quel oubli de vos plus chers intérêts!

GUERRES DE RELIGION.

Objections.-Nierez-vous qu'il y ait eu des guerres de religion, et qu'il y en ait encore aujourd'hui ? On remarque même que ce sont ordinairement les plus opiniâtres. Vous dites pourtant que la religion est une cause de paix parmi les hommes, et JésusChrist, votre Dieu, a défendu de se servir de l'épée.

Réponse. Il fut un temps où l'on ne craignait pas de répéter sur tous les tons que Ja religion, et surtout la religion catholique, était la source de tous les maux. Injuste et absurde en soi,cette déplorable idée ne tarda pas à être noyée, par ses effets, dans des flots de sang. Malheureusement on y revient aujourd'hui, sinon complétement et directeinent, du moins en partie et par mille dé

tours.

Nierez-vous, nous dit-on, qu'il y ait eu des guerres de religion, et qu'il y en ait encore aujourd'hui ?

Nous ne pouvons ni ne voulons le nier: car cela est incontestab'e, mais, s'il est incontestable qu'il y a toujours eu, qu'il y a encore aujourd'hui des guerres de religion, il ne l'est pas moins que beaucoup de ces guerres regardées comme des guerres de religion ont eu une toute autre cause, et qu'on ne les appelle ainsi que pour déguiser le véritable motif, et leur donner plus d'énergic. A l'exception des croisades, ou, comme nous le faisons remarquer ailleurs, la politique n'était point étrangère, quelles guerres de notre part ont été, à proprement parler, des guerres de religion?

Il est incontestable encore, comme le suppose ce que nous venons de dire, que lenaturel effet de la religion de Jésus-Christ a été de rendre ces guerres moins fréquentes, et moins sanguinaires. Vous ne le croyez pas peut-être; mais j'ai à vous opposer des témoignages qui ne vous paraîtront suspects sous aucun rapport.

« Nos gouvernements modernes, » dit Rousseau,« doivent incontestablement au christianisme leur plus solide autorité et leurs révolutions moins fréquentes; il les a rendus eux-mêmes moins sanguinaires; cela se prouve par le fait, en les comparant aux gouvernements anciens. La religion, nieux connue, écartant le fanatisme, a donné plus de douceur aux mœurs chrétiennes. Ce changement n'est point l'ouvrage des lettres; car, partout où elles ont brillé, l'humanité n'a pas été plus respectée. Les cruautés des Athéniens, des Egyptiens, des empereurs romains, des Chinois, en font foi. Que d'œuvres de miséricorde sont l'ouvrage de l'Evangile! »

[ocr errors]

A ces paroles de Rousseau, ajoutons celles de Montesquieu, qui ne sont pas moins concluantes:

« Pendant que les princes mahometans donnent sans cesse la mort et la reçoivent, la religion chez les Chrétiens rend les princes moins timides et par conséquent moins cruels. Le prince compte sur ses sujets, et les sujets sur le prince. Chose admirable! La religion chrétienne, qui ne semble avoir d'objet que la félicité de l'autre vie, fait encore notre bonheur dans celle-ci.

« C'est la religion chrétienne qui, malgré la grandeur de l'empire et le vice du climat, a empêché le despotisme de s'établir en Ethiopie et a porté au milieu de l'Afrique les mœurs de l'Europe et ses lois...

«Que l'on se mette devant les yeux, d'un côté les massacres continuels des rois et des chefs grecs et romains, et de l'autre la destruction des peuples, des villes par ces mê mes chefs, Thimur et Gengiskan qui ont dévasté l'Asie, et nous verrons que nous devons au chris'ianisme, et dans le gouvernement un certain droit politique, et dans la guerre un certain droit des gens, que la nature humaine ne saurait trop reconnaître.»

Ainsi la religion de Jésus-Christ a rendu les gouvernements et les peuples plus éclairés, plus justes, plus doux. Done, moins portés à la guerre, sous tous les rapports, et pour quelque raison que ce soit.

Mais, quand bien même cela ne serait pas; quand il serait vrai de dire que, par l'attachement profond qu'elle nous inspire tout naturellement, elle nous dispose à prendre plus facilement les armes pour la défendre, que faudrait-il en conclure? que nous devons la rejeter? Nous devrions done rejeter également l'amour de la patrie et celui de la liberté qui nous mettent souvent aussi l'épée à la inain. La rejeter! mais, si nous la rejetons, une autre prendra sa place: car l'homme est naturellement, essentiellement religieux, comme tous à peu près en conviennent et comme l'expérience le démontre; ce sera dès lors le même feu dans mos âmes, moins toutefois la lumière et la douceur inhérentes à la foi chrétienne. Admettons cependant que ce triste résultat puisse s'obtenir; voilà les hommes sans aucune espèce de religion, par supposition. En sont-ils devenus plus pacifiques? Hélas! non. Ils se passionnent pour d'autres idées, et peut-être même pour leurs idées irréligieuses, comme autrefois pour leurs idées religieuses; et ils se combattent et se détruisent d'autant plus fréquemment qu'ils n'ont plus le frein de la loi divine pour les reteair. Princes et peuples, pour appliquer ici la pensée de Montesquieu, sont devenus des animaux terribles, qui ne sentent leur liberté que lorsqu'ils déchirent et qu'ils dévorent. C'est ce que nous n'avons que trop vu en France, il y a quelques années, el c'est ce que nous aurions vu encore tout

cemment en Belgique, si l'animal déchaîné ne se fut apaisé. Dieu veuille que les choses en restent là.

«Un des sophismes les plus familiers au parti philosophiste, »dit Rousseau,« est d'opposer un peuple supposé de bons philosophies à un peuple de mauvais Chrétiens; comme si un peuple de bons philosophes était plus facile à trouver qu'un peuple de vrais Chrétiens. Je ne sais si, parmi les individus, l'un est plus facile à trouver que l'autre ; mais je sais bien que, dès qu'il est question de peuples, in faut supposer qui abuseront de la philosophie, sans religion, comDe les nôtres abusent de la religion sans philosophie, et cela me paraît changer beaucoup l'état de la question.

Bayle a fort bien prouvé que le fanatisme est plus pernicieux que l'athéisme, et cela est incontestable; mais ce qu'il n'a eu garde de dire, et qui n'est pas moins vrai, c'est que le fanatisme, quoique sanguinaire et cruel, est pourtant une passion grande et forte, qui élève le cœur de l'homme, qui lui fait mépriser la mort, qui lui donne un ressort prodigieux, et qu'il ne faut que mieux diriger pour en tirer les plus sublimes vertus; au lieu que l'irréligion, et, en général, 'esprit raisonneur et philosophique, attache à la vie, effémine, avilit les âmes, concentre toutes les passions dans la bassesse de l'intérêt particulier, dans l'abjection du moi humain; et sape ainsi à petit bruit les vrais fondements de toute société; car, ce que les intérêts particuliers ont de commun est si peu de chose qu'il ne balancera jamais ce qu'ils ont d'opposé.

« Si l'athéisine ne fait pas verser le sang des hommes, c'est moins par amour pour la paix que par indifférence pour le bien; comme que tout aille, peu importe au prétendu sage, pourvu qu'il reste en repos dans son cabinet. Ses principes ne font pas tuer les hommes, mais ils les empêchent de naître, en détruisant les mœurs qui les multiplient, en les détachant de leur espèce, en réduisant toutes leurs affections à un secret égoïsme aussi funeste à la population qu'à la vertu. L'indifférence philosophique ressemble à la tranquillité de l'Etat sous le despotisme; c'est la tranquillité de la mort, elle est plus destructive que la guerre même. a Ainsi le fanatisme, quoique plus funeste dans ses effets immédiats, que ce qu'on appelle aujourd'hui l'esprit philosophique, l'est beaucoup moins dans ses conséquences. D'ailleurs, il est aisé d'étaler de belles maximes dans les livres; mais la question est de savoir si elles tiennent bien à la doctrine, si eles en découlent nécessairement; et c'est ce qui n'a point paru clair jusqu'ici. Reste à saoir encore si la philosophie à son aise et sur le trône, commanderait bien à la gloriole, l'intérêt, à l'ambition, aux petites passions de l'homme, et si elle pratiquerait cette humanité si douce qu'elle nous vante la plume

à la main. >>

à

Cette expérience a été faite malheureusement. Nous avons vu l'athéisme, je ne dirai

pas sur le trône, car elle l'avait renversé, mais au-dessus du trône et de l'autel, et elle a montré, par les faits les plus lamentables, qu'elle n'empêchait pas seulement les hommes de naître, mais qu'elle savait aussi bien les détruire, et faire couler leur sang par torrent, qu'elle avait également son fanatisme, lequel était d'autant plus dangereux qu'il ne reconnaissait ni rèle ni frein.

Cessez donc de nous reprocher les guerres communément appelées guerres de reli gion, et qui quelquefois ont eu lieu, en effet, soit pour elle, soit à son occasion. L'état de guerre dans lequel l'homme vit presque toujours ici-bas tient à ses passions que la religion a précisément pour but de combattre; d'où il suit que la religion détruite, par supposition, les guerres n'en seraient que plus fréquentes et plus redoutables. A tout ce que nous venons de dire, qu'il nous soit permis d'ajouter un fait connu de tous, et dont personne ne peut, ce nous semble, contester ici la valeur. Il y a chez le sauvage aussi peu de religion que possible. Or personne n'ignore qu'il est en hostilité continuelle soit avec les sauvages des tribus voisines, soit avec ceux de sa propre tribu.

On remarque même, avez-vous dit encore, en parlant des guerres de religion, que ce sont ordinairement les plus opiniâtres.

Cela doit arriver quelquefois, et nous ne devons point en être surpris. C'est l'effet naturel des idées, et surtout des idées religieuses, auxquelles l'homme tient beaucoup plus qu'à la vie. Qu'y a-t-il de plus opiniatre que les guerres d'indépendance? On ne les blame point cependant, bien au contraire. Pourquoi donc nous serait-il défendu de faire pour la religion ce que nous faisons pour la liberté, aux applaudissements de tous? Parlant un jour de la puissance d'es idées, le R. P. Lacordaire s'écriait devant son auditoire qui frémissait d'applaudissement à ses nobles accen's: «Rien n'est fort comme l'épée dans le monde, mais, quand c'est une idée qui la tient, elle ne cède ja mais!» Oui, me disais-je à moi-même, et surtout quand c'est une idée religieuse. Pourquoi donc, en effet, ne la préférerionsnous pas à la vie du corps, puisqu'elle est la vie de l'âme?

Hâtons-nous de le dire cependant, il n'en est pas toujours ainsi, tant s'en faut. Cela est démontré par tout ce que nous avons dit précédemment. Nous n'ajouterons ici qu'une réflexion. Sans doute nous tenous et nòus devons tenir à la religion plus qu'à tout autre chose, puisqu'elle est notre gloire, notre vie, notre éternelle espérance; mais celle même religion n'est-elle pas la première à nous prêcher la modération, l'oub'i des injures, l'amour de nos plus grands ennemis? D'où il suit.que, alors même que l'homme a été obligé de tirer l'épée pour défendre les intérêts de la religion, il doit être disposé à la remettre dans le fourreau, dès qu'il le peut sans honte et surtout sans compromettre ces intérêts sacrés qu'il ne doit ja mais perdre de vue.

terdire de repandre tout autre sang que le leur.

Il ne le fait pas toujours, me direz-vous ? Sans doute, inais il cesse dès lors d'être le champion de la religion pour devenir celui de ses passions. Bien loin d'être, comme précédemment, un défenseur des idées religieuses, il s'en montre l'ennemi, et quelquefois un ennemi encore plus dangereux que celui qu'il a entrepris de combattre.

Vous dites pourtant, avez-vous ajouté, que la religion est une cause de paix parmi les hommes, et Jésus-Christ, votre Dieu, a défendu de se servir de l'épée.

Qui, nous le disons et nous avons raison de le dire, puisque la religion rappelle à l'homme continuellement la rigoureuse observance de la justice, le support mutuel, le pardon des injures, l'amour des ennemis... toutes choses propres à conserver la paix parmi les hommes; mais si les hommes ne veulent point l'écouter, elle ne peut empêcher la guerre ; si ceux qui l'écoutent sont attaqués par ceux qui refusent de l'écouter, elle ne peut empêcher les siens de se défendre, et même si ceux-ci, sans être attaqués directement, sont lésés dans leurs droits, dans leurs biens, dans leur honneur, dans leurs intérêts religieux, elle ne peut encore leur défendre de prendre l'épée. Que dis-je? leur défendre, mais elle sera la première à le leur commander et elle leur apprendra même à se servir de l'épée, comme Dieu l'apprit autrefois à David (78).

Il est bien étonnant, me direz-vous, que la religion qui a été faite pour maintenir les hommes en paix les porte aussi à la guerre et quelquefois pour elle-même.

Pourquoi non, quand il y a nécessité ? La justice n'a-t-elle pas pour but également de maintenir les hommes en paix? Et cependant c'est elle qui leur commande la guerre, quand elle est violée.

Pourquoi non, quand c'est l'ordre qui le veut ? Pour conserver cet ordre, qui n'est pas autre chose que la volonté de Dieu, estce que la guerre n'a pas existé jusque dans les cieux ? L'ange fidèle a vaincu l'ange rebelle et l'a précipité au plus profond des enfers. C'est là la guerre sacrée par excellence : guerre terrible que le génie a chantée, que la vertu pleure tous les jours et qu'aucun de nous ne saurait nier, puisque nous en ressentons tous, à chaque instant, le contrecoup dans toutes les fibres de notre âme et de notre corps.

Jésus-Christ, votre Dieu, avez-vous remarqué, a défendu de se servir de l'épée, comme on le voit par ce qu'il dit à Pierre au moment où ses ennemis viennent pour le saisir Converte gladium tuum in locum suum. (Matth. xxvi, 52.)

Oui, il le défend à Pierre, et, dans sa personne à tous les ministres de sa religion qui, étant des hommes de paix par excellence, doivent imiter leur Maître et s'in

Oui, en cette circonstance, puisqu'il fallait que les Ecritures fussent accomplies et que la rédemption des hommes s'achevât; et que d'ailleurs Jésus pouvait prier son Père, comme il le dit lui-même, de lui envoyer plus de douze légions d'anges: An putas, quia non possum rogare Patrem meum; et exhibebit mihi modo plus quam duodecim legiones angelorum? Quomodo ergo implebuntur Scripturæ, quia sic oportet fieri? (Matth. xxvi, 53, 54.)

Est-ce à dire pour cela que Jésus défende absolument et à qui que ce soit de se servir de l'épée ? Point du tout; autrement il n'aurait pas voulu, vu la dégradation de l'homme et ses passions, le maintien de l'ordre, de la justice et même de la paix qui résulte souvent et ne peut résulter que de la guerre; autrement il eût réprouvé la loi judaïque, au lieu d'être venu pour la faire observer, tout en l'imprégnant de plus de douceur et de charité: Nolite putare quoniam veni solvere legem aut prophetas: non veni solvere, sed adimplere. (Matth. v, 17.) Autrement il n'eût point été lui-même le Seigneur Dieu des armées, comme l'appellent les Ecritures, tout en lui conservant son caractère de suréminente sainteté : Sanctus, sanctus, sanctus Dominus Deus exercituum. (Isa. v1, 3.)

Ecoutons encore l'abbé de Frayssinous réfutant, dans sa défense du christianisme, les injustes accusations portées contre la religion, à cause des guerres dont elle a été l'occasion ou le prétexte :

« A toutes les déclamations inspirées par la haine et le préjugé,» nous dit-il, « je puis d'abord répondre avec l'auteur de l'Esprit des lois (liv. XXIV, chap. 2): - C'est mal raisonner contre la religion de rassembler dans un grand ouvrage une longue énumé ration des maux qu'elle a produits, si l'on ne fait de même celle des biens qu'elle a fails. Si je voulais raconter tous les maux qu'ont produits les lois civiles, la monarchie, le gouvernement républicain, je dirais des choses effroyables. Avec cette belle manière de raisonner contre la religion, avec cette manie de la rendre responsable des abus qu'en font les hommes, d'oublier les biens dont elle est la source pour ne rappeler que des maux dont elle est le prétexte, savez-vous à quoi l'on aboutirait? à renverser l'ordre social, à nous ramener à l'état sauvage. Car enfin, moi aussi je puis rappeler les maux qu'a enfantés la société et dire: Parcourez les annales des peuples anciens et modernes, des Egyptiens, des Perses, des Grecs et des Romains, des Barbares qui ont renversé l'empire romain, des nations formées de ses débris ; étudiez l'his toire des quatre parties du monde, qu'y trouverez-vous? des vices qui sont le résultat de la civilisation, une suite de crimes

(78) Benedictus Dominus Deus meus, qui docet manus meas ad prælium, et digitos meos ad bellum. (Psal. CXLIII, 1.)

« ÖncekiDevam »