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Ames revenus peut bien avoir diminué de moitié.

Or vous ne sauriez vous faire une idée, même approximative, de tous les besoins auxquels ils sont ordinairement obligés de subvenir avec ces modestes revenus.

Ils doivent, bien entendu, tenir leur maison avec toute la décence qui convient au rang qu'ils occupent. Mais ce n'est pas tout. Et leurs vêtements, et ces livres de piété et de science qu'ils sont dans la nécessité de se procurer, tant pour eux que pour les autres; et leur église, cette chère épouse que leur a donnée Jésus-Christ! Ils l'ont prise peut-être dans un état complet de déndment et même de misère, et il a bien fallu la rendre digne du Seigneur, à qui elle appartient avant de leur appartenir. Les revenus de la fabrique sont destinés à cela sans doute; mais, dans un grand nombre de campagnes, quelle est la vraie source des revenus de la fabrique, si ce n'est la générosité du prêtre ? Ei les pauvres de la paroisse, toujours si nombreux, disons-le aussi, toujours si exigeants à l'égard du curé, quelquefois plus pauvre qu'eux! Et la famille, ordinairement indigente, à laquelle il faut bien venir en aide de temps en temps ! Et ces bons vieux parents surtout qui ont eu si grand soin de leur enfance, et dont il est nécessaire actuellement de soigner la vieillesse ! Pour les élever aux honneurs du sacerdoce, ils auront épuisé, je suppose, leur fortune, leur santé peut-être; et ce serait une grande dureté, une insigne ingratitude de ne pas les payer de retour. Et le séminaire, cette autre maiSon paternelle qui les a nourris, élevés, pendant plusieurs années, gratuitement peut-être ou à peu près, et qui actuellement nourrit et élève de même la génération qui les remplacera un jour dans le saint ministère ! Il succombe habituellement sous le poids des sacrifices qu'il est obligé de faire; et il faut bien l'assister un peu chaque année.

Voilà des charges nombreuses assurément, et pourtant ce n'est point là tout encore, car il y en a beaucoup d'autres moins sacrées, moins obligatoires, si vous voulez, mais auxquelles il n'est guère possible aux prêtres de se soustraire complétement.

N'est-il pas vrai que dans le sein bienfaisant de la religion catholique, dans notre généreuse patrie principalement, il y a un asile pour toutes les infortunes, une école pour tous les dévouements? N'est-il pas vrai qu'il y a, pour chacun de ces établissements, outre l'église paroissiale, une chapelle particulière où Jésus se rend véritablement présent, afin de consoler ceux qui souffrent, et de soutenir ceux qui se dévouent à la soigner? Ces maisons si saintes, si nécessaires, au point de vue de l'humanité et de la foi, sont la propriété de tous en général, et n'appartiennent à personne en particulier. Mais comment ont-elles été élevées? comment sont-elles entretenues chaque jour, et quelquefois restaurées? En grande partie,

DICTIONN. DES OBJECT. POPUL.

par la charité. Et où se trouvent les principales ressources de la charité? chez les prêtres, vous dis-je, et toujours chez les prêtres.

Vous allez me répondre qu'ils peuvent refuser en pareil cos.

Il le faut bien quelquefois; mais enfin cela leur est très-pénible, et puis il est certains cas où il n'est pas possible de le faire. Savez-vous bien au nom de qui on parle ordinairement, quand, de toutes les parties de la France, et de plus loin encore, on fait appel à leur charité, tantôt de vive voix, tantôt par écrit? Mais c'est au nom de cette chère patrie, au nom de cette bien-aimée mère, la sainte Eglise catholique, au nom de Jésus-Christ qui les a rachetés et les a appelés à l'honneur de partager son divin

sacerdoce.

De tout cela, et de beaucoup d'autres choses encore qui découlent naturellement de ce que je viens de dire, vous devez conclure avec moi que les charges des prêtres sont énormes en tout temps, énormes surtout en ce moment, que leurs ressources baissent au lieu de s'élever dans la même proportion, et que personne, par conséquent, ne doit désirer plus vivement qu'eux que le blé diminue, bien loin de vouloir le rendre cher.

Rendre le blé cher! Savez-vous bien ce que cela veut dire? savez-vous bien quel crime énorme, monstrueux, se trouve renfermé dans l'énonciation de ces mots? cela est clair pourtant. Rendre le blé cher, c'est affamer une grande partie de la population, la partie la plus malheureuse déjà et la plus éprouvée, la partie la plus intéressante aux yeux de l'humanité et de la foi, les pauvres enfin, les meilleurs amis de Dieu, les membres souffrants de Jésus-Christ. C'est en faire mourir un grand nombre, et cela lentement, et comme à petit feu, pendant de longues années... Mais, après le crime incomparable du Calvaire, ce crime qui embrasse la passion et la mort d'un Dieu, l'un des plus affreux évidemment, c'est celui-ci qui embrasse la passion et la mort d'une partie notable de l'humanité.

Et qui donc accusez-vous de vouloir ce crime, ou plutôt ce monstrueux assemblage de tous les crimes? Ce sont précisément ceux que Dieu a marqués de son sceau pour être éternellement son partage; ce sont les ministres de Jésus-Christ, les continuateurs de sa mission, les dispensateurs de ses grâces, d'autres lui-même, ceux qui, à l'exemple de leur divin Maître, passent sur la terre en faisant le bien; ceux dont toute la vie n'est que charité et dévouement, comme la vie de celui qui, après les avoir envoyés, les nourrit chaque jour de sa parole et de sa substance. Vous ne savez donc pas ce que sont les prêtres véritablement, malgré tout ce qu'on pu vous dire, pour vous édifier sur leur compte, et malgré ce que vous voyez, à chaque instant, de vos propres yeux? Venez avec moi chez celui d'entre eux qui se trouvera occuper l'un des postes

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les moins importants, vous dirais-je, si tout n'était également important, quand il s'agit d'âmes rachelées par le sang d'un Dieu. C'est dans un pays pauvre, hérissé de montagnes arides, coupé partout de torrents dangereux. Nous sommes en plein hiver, et dans un hiver excessivement rigoureux. La glace et la neige couvrent la terre de tous côtés; et le vent, qui avait cessé pour laisser tomber la neige, soufle, en ce moment, avec une violence insupportable. Il est bientôt cinq heures du soir, et la nuit, l'une des plus mauvaises qu'on ait vues de l'hiver, a déjà commencé. On frappe violemment à la porte du presbytère. A ces coups redoublés, le prêtre a tressailli, malgré ses habitudes de dévouement, dans la prévision de ce qu'on vient lui annoncer. C'est lui-même, en effet, qu'on demande. Il faut aller à une lieue de son clocher; et il n'y a point à remettre au lendemain, car celui qui le demande a des besoins pressants sous le rapport corporel et des besoins plus pressants encore sous le rapport spirituel. Le ministre du Dieu d'amour n'hésitera donc point un seul instant, et, malgré le temps, malgré la nuit, malgré l'éloignement du lieu et les chemins impraticables, malgré son âge avancé déjà et les infirmités qui en sont la suite, malgré la mort qui le menace et le saisira peut-être avant son paroissien, il se rend avec empressement où l'appelle son ministère.

Et c'est cet homme, qui craint de faire languir une seule nuit le dernier peut-être de toute sa paroisse, et non-seulement c'est lui, mais ce sont tous ceux qui font partie du même corps, et que vous voyez partout disposés au même dévouement, ce sont ces hommes que vous supposez vouloir affamer les malheureux, les exposer à une mort Jente et cruelle, et cela sans raison, contre leurs intérêts propres? Mais, je le répète, c'est la plus manifeste des impossibilités, la plus répugnante des absurdités. Il y a, dans ces termes mêmes, la plus palpable des contradictions. C'est confondre le dévouement avec l'assassinat, le bien avec le mal, le ciel lui-même avec l'enfer.

Passons encore là-dessus, si vous le désirez; car telle est la bonté de ma cause que je ne saurais vous faire trop de concessions. Admettons toutes ces impossibilités, ces absurdités, ces contradictions, votre accusation n'en croule pas moins par la base, puisque, en supposant que les prêtres eussent réellement la volonté de commettre le crime dont vous parlez, ils n'en viendraient jamais à bout.

Les prêtres ne sont pas riches, avons-nous dit plus haut. Ils ont à peine de quoi subvenir à leurs propres besoins, et aux besoins d'autrui qui les assiégent de toutes parts. Voulez-vous que nous ayons exagéré? Soit. Eh bien! donc, chacun d'eux économisera, je suppose, cent francs, chaque année, terme Inoyen. Voulez-vous deux cents francs, trois cents francs? en voulez-vous quatre? C'est beaucoup; mais, pour donner plus de force à mes raisonnements, je puis vous accorder

tout ce que vous voudrez. Or, qu'est-ce que cela pour faire hausser le prix du blé? Vous me direz qu'ils sont en grand nombre, et que beaucoup de petites sommes réunies finissent par en faire une considérable. Sans doute, mais, si vous considérez les économies de tout le clergé, il faut prendre aussi les blés de toute la France, et mon raisonnement conserve toute sa valeur. Un prêtre ne peut rien sur le prix des blés de la commune où il se trouve. Donc, non plus, le clergé entier sur le prix des blés de toute la France. Il y a là une proportion d'une exactitude mathématique irrécusable.

Vous allez peut-être me représenter qu'on lui donne des secours.

ment.

Oui, on lui donne bien aussi, je suppose, terme moyen, une somme égale, à peu près, à ce qu'il peut économiser lui-même. Mais qu'est-ce que cela encore? Oui, on lui donne des secours; mais pour le bien, pour les bonnes œuvres de tous genres, qu'il est obligé de faire, ou de soutenir. Dès lors que Vous supposerez ces secours employés au mal, à des entreprises d'une perversité incroyable, ces secours cessent immédiateOn ne le saura pas, me direz-vous. --Tout se sait, principalement chez le prêtre. D'ailleurs, on verra bien s'il fait cu non des bonnes œuvres. Mais les nobles ét les riches sont de son parti. - Quoi! pour affamer aussi les populations! Pour soulever aussi contre eux, sans raison et sans intérêt, l'animadversion publique à laquelle ils ne sont déjà que trop en but! Pour s'exposer à être un jour pillés, massacrés, brûlés comme on les en menace depuis longtemps! Ce sont là de nouvelles absurdités à ajouter à toutes celles dont nous avons parlé plus haut.

Le défaut de ressources ne constitue pas seul l'impossibilité où sont les prêtres de rendre le blé cher, si, ce qui est également impossible, ils en avaient la volonté. Pour arriver à ce résultat vraiment diabolique, il faudrait des manœuvres de tous les instants et de tous les lieux, dont il percerait nécessairement quelque chose. Car, comme nous l'avons déjà dit, tout se sait, de la part des prêtres príncipalement... Et ces cotisations à régler, et cette bourse noire à constituer, et ces accaparements à faire d'abord, puis à écouler... Ces manoeuvres découvertes, ou seulement soupçonnées, occasionneraient aussitôt des dénonciations; ces dénon. ciations, des jugements; ces jugements, des peines, et même des peines proportionnées à ce grand crime de lèse-nation, ou plutôt de lèse-humanité. Or, je le demande, où sont, ici, ces peines, ces jugements, ces dénonciations, je ne dis pas contre les prêtres en général, mais contre un seul, ce qui, à la rigueur, ne prouverait rien contre les autres ?

Je vous entends me répondre encore que le gouvernement est également de leur parti.

Si votre accusation était fondée, le gouvernement n'y pourrait rien. Qu'il le voulût ou qu'il ne le voulût pas, nos prêtres coupa

bles, pris tôt ou tard en flagrant délit, seraient dénoncés sur l'heure par la clameur publique, à défaut de procureur. Que dis-je! exécutés ils seraient jugés, condamnés, peut-être sur les lieux mêmes, dans toute la rigueur, non pas des lois, mais de la vengeance, à ces cris furieux : Laissez passer la justice du peuple! Rien de semblable n'est jamais arrivé. Il y a plus, nous avons eu bien des fois des émeutes relativement à la cherté des grains, mais nous n'avons pas entendu dire que ces tourbillons d'hommes aient jamais rencontré des prêtres dans leur marche aveugle et violente. Comment donc expliquer cela, si ce n'est parce qu'ils ne s'y sont point exposés.

Le gouvernement est de leur parti, avezvous dit. Oui, sans doute; mais savez-vous bien pourquoi? Savez-vous comment il se fait que ce gouvernement qui change à chaque instant, que nous avons vu, depuis peu, prendre toutes les formes et toutes les couleurs, se montre toujours à peu près le même à leur égard? Ah! c'est parce qu'il voit en eux des instruments de bon ordre et de bien public. S'il reconnaissait le contraire, s'il les voyait surtout tremper dans les machinations dont vous parlez, et il ne manquerait pas de le savoir par la police qui découvre tout ce qu'elle a intérêt à connaître, même ce qui se passe dans l'intérieur des maisons, au fond des consciences quelquefois, il les briserait, ou lui-même ne tarderait pas à être brisé.

Gardez-vous donc bien de répéter avec d'autres fous, que cette cherté des grains est précisément ce que veut le gouvernement. Car ce fut toujours là, et c'est encore aujourd'hui son plus grand embarras, le plus redoutable écueil auquel il soit exposé. Soutenir donc qu'il désire cet embarras, qu'il va se heurter de lui-même contre ce dangereux écueil, c'est soutenir qu'il désire son malheur, et qu'il cherche sa propre

ruine.

:

Je résume, en quelques mots, ce que je viens de dire les prêtres ne peuvent vouloir la cherté des grains, ils ne pourraient l'obtenir, quand bien même ils la désireraient. Il y a donc autant d'injustice que de folie à les en accuser.

Il faut bien qu'il y ait quelque chose de semblable, avez-vous ajouté. Est-ce que sans cela les blés se seraient maintenus, depuis si longtemps, au prix où ils sont? Les récoltes ne sont pas mauvaises. Et puis, d'ailleurs, la plus mauvaise récolte suffit pour nourrir la France pendant plus de quatre ans...

Il y a dans tout cela autant de mensonges ou d'erreurs que de mots. La conséquence qu'on en tire surtout est de la plus grande absurdité.

Il y a longtemps, beaucoup trop longtemps, sans doute, que les blés se maintiennent à un prix élevé. Mais quelle en est la cause? Et, si vous ne l'apercevez pas bien clairement, est-ce une raison pour s'en prendre aux prêtres? Cela, après tout, ne peut venir

que des saisons. Est-ce que ce sont les prêtres qui les gouvernent? Tout ce qu'ils peuvent faire, c'est de prier Dieu de les rendre plus favorables. Ils le font sans aucun doute; et quand, par votre impiété et votre inconduite, vous avez détruit l'efficacité de ces prières, c'est précisément contre eux que vous tournez vos accusations et vos plaintes. Il y a là autant d'injustice que d'ingratitude. Croyez-vous d'ailleurs que les hommes n'ont jamais passé par de semblables épreuves, et même par de plus grandes et de plus longues encore? Avez-vous oublié ces épouvantables famines qui ont quelquefois décimé la France, l'Europe, le monde entier ? Avez-vous oublié cette famine de sept ans pendant laquelle on venait de toutes parts, en Egypte, chercher les vivres que pou-· vait seul donner Joseph, cette figure imparfaite du bienfaiteur universel vers lequel doivent se tourner, aujourd'hui, tous les peuples qui ont faim et soif de la vérité et de la justice?

Vous dites que les récoltes ne sont pas mauvaises.

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Sans doute, aussi n'y a-t-il point de famine, mais seulement gêne et souffrance. Elles ont été bonnes sans que pour cela le prix des grains ait baissé d'une manière sensible. C'est que, dans d'autres pays, elles étaient mauvaises, et qu'il fallait bien leur venir en aide, si nous ne voulions pas les laisser mourir de faim, et nous exposer nous-mêmes à un sort semblable, quand nous serions dans la nécessité d'aller, à notre tour, tendre la main. Cela nous arrive beaucoup plus souvent que vous ne vous l'imaginez. Car, quand vous affirmez que la plus mauvaise récolte suffit pour nourrir la France pendant plus de quatre ans, vous dites une chose tellement fausse qu'on ne comprend pas qu'un enfant même puisse l'admettre. Consultez les statistiques que le gouvernement fait dresser, chaque année, avec tant de soin, et vous verrez ce qu'elles vous diront. Sans remonter si haut, considérez ce qui se passe autour de vous. Quand une année est mauvaise, ou seulement médiocre, ne remarquez-vous pas que ceux mêmes qui habituellement vendent du blé sont obligés d'en acheter? Où donc prendre alors de quoi combler le déficit, si ce n'est à l'étranger?

Du reste, ce que je dis actuellement me semble étranger à ma thèse, ou ne lui est pas du moins très-nécessaire. Vous demandez pourquoi les blés se maintiennent si longtemps à un prix élevé. Je vous l'ai dit, sans y être obligé. Vous n'admettez pas la raison que j'en donne. Libre à vous; mais ce qu'il ne vous est pas permis de croire, moins encore d'affirmer, et surtout d'affirmer hautement, parce que c'est une chose aussi contraire au sens commun qu'à la justice, c'est que cela vienne des prêtres.

Quoi donc, dirais-je en terminant, si un assassinat venait d'être commis dans une commune, et que, si, après avoir fait les plus

minutieuses recherches, on ne pouvait en découvrir l'auteur, seriez-vous assez injuste, assez fou, pour en accuser le curé, surtout quand, au lieu de le charger, toutes les Voix s'accorderaient à vanter son humanité, son dévouement, toutes ses vertus? Voilà pourtant ce que vous faites. Et vous faites quelque chose de plus incroyable encore; car ce prêtre après tout, quelle que fût sa réputation, pourrait, à la rigueur, être coupable, tandis que vous accusez le clergé tout entier, c'est-à-dire cette assemblée sainte à laquelle Jésus-Christ a confié le double dépôt de sa vérité et de ses grâces qu'il a conservée miraculeusement jusqu'ici sur la terre, et qu'il conservera de niême jusqu'à la fin, malgré les calomnies et les

persécutions auxquelles elle ne cessera jamais d'être en butte.

Ah! vous connaissez bien peu les prêtres, vous qui élevez contre eux de telles accusations. Voulez-vous en avoir une plus haute et plus juste idée? Allez en trouver un seulement, celui qui se trouvera le plus à votre proximité et à votre convenance, n'importe lequel. Ouvrez-lui votre cœur en toute sincérité. Dites-lui vos soupçons à son égard, les accusations peut-être que vous aurez formulées contre lui. Croyez-moi, vous n'aurez pas achevé que déjà il vous aura pardonné, béni, et qu'il se fera un véritable plaisir, si vous vous trouvez dans l'indigence, de partager avec vous le morceau de pain nécessaire à ses propres besoins (1).

AME.

Objections. Quand on est mort, tout est rзort. Il y en a bien d'autres qui le disent comme moi. L'âme est un mot. C'est tout au plus un souffle, ainsi qu'on l'appelle communément, même dans nos livres religieux. C'est le corps qui pense. Si la faculté pensante était en nous réellement et substantiellement distincte du corps, elle aurait une existence à part, tandis que nous la voyons toujours commencer avec lui, se développer, décroître et finir en même temps que lui. Où serait d'ailleurs cette aine que jamais personne n'a pu voir, et dont on n'a jamais pu découvrir la place, quelques recherches qu'on ait faites?

Réponse. -Quand on est mort, tout est mort! vous écriez-vous. Oui, chez les chiens, les chats, les ânes, chez tous les animaux sans raison. Et cela est bien naturel créés pour la terre, n'ayant rien qui les appelle à une autre existence, n'en ayant pas même l'idée, le moindre instinct, comme il est facile de le voir, d'après leurs habitudes étudiées aujourd'hui avec tant de soin, pourquoi survivraient-ils au delà du tombeau? Quand l'un d'eux vient à mourir, il est vrai de dire que tout est bien mort. Mais pour l'homme créé à l'image de Dieu, comme nous le dit positivement la religion, et, avec la religion, la raison, le sentiment inné en chacun de nous, le consentement unanime des peuples, pour l'homme, roi de la création, appelé par ses goûts, ses désirs, par ses actes mêmes à une autre vie que cette vie terrestre, proclamé immortel par tout ce qui a une langue ici-bas, ayant jusque dans son corps, dans son noble visage, dans son front élevé, dans ses regards sans cesse tournés vers les cieux, la preuve irrécusable de cette immortalité, affirmer absolument la même chose, c'est par trop d'inconvenance et d'absurdité!

(1) Avant de livrer ces lignes à l'impression, nous avons eu la consolation de voir le prix des céréales, qui s'était maintenu longtemps très-élevé, redescendre à son état normal, par suite d'une récolte généralement satisfaisante, celle de 1857 : c'est la confirmation par les faits de ce que nous avons dit

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Quand on est mort, tout est mort, avezvous dit. Ne faudrait-il pas plutôt prendre la contre-partie de cette proposition, et dire: «Quand on est mort, rien n'est mort. Non, rien n'est mort! Ce n'est pas la substance pensante qui, créée à l'image de Dieu, ainsi que nous venons de le dire, spirituelle comme lui, ne peut périr par la dissolution des parties, et ne pourrait être détruite que par la volonté formelle du Créateur, volonté que rien ne saurait établir, puisque tout prouve au contraire que la volonté positive du Créateur est que cette substance, formée à sa ressemblance, participe également à son immortalité. Ce n'est pas, non plus, la substance matérielle, car si elle subit la dissolution des parties, ce n'est que pour un temps, ayant, elle aussi, jusque dans ce travail de la mort, l'assurance de la résurrection. J'en ai pour garant l'intime conviction de chacun de nous, le témoignage unanime de tous les peuples, le soin religieux que le plus impie et le plus corrompu lui-même n'hésite point à prendre des restes de ceux qu'il a perdus, quelque pénible et dispendieux que cela soit quelquefois. Vous qui affirmez avec le plus d'énergie que quand on est mort tout est mort, c'est à vous que je vais faire dire tout le contraire avec plus d'énergie encore. La mort vient de frapper aujourd'hui, je suppose, une épouse vertueuse, que vous aimiez avec une extrême tendresse, malgré l'égarement de vos idées. Elle est là encore sur ce litoù elle a enduré les plus grandes souffrances avec un héroïque courage qui a dû vous faire soupçonner déjà qu'il y a réellement une âme en chacun de nous, et que notre corps luimême, quel qu'il soit, est bien supérieur à celui des animaux. Cette idée n'est point parvenue chez vous à l'état de certitude. Eh bien ! approchez donc. Prenez-moi ce corps qui commence à se corrompre, et qui ne tardera pas à entrer en dissolution. Pour vous en plus haut, à savoir que la cherté des grains ne vient que de leur rareté, sinon partout, du moins dans certaines localités, qui sont obligées de s'approvisionner là où ils sont plus communs. De là le commerce qui a bien ses abus, mais qui n'en est pas moins utile et même nécessaire.

débarrasser plus promptement, allez le jeter à la voirie. Quoi ! vous reculez d'horreur à cette proposition ! Pourquoi donc cela? S'il est vrai que tout meurt véritablement à la mort, pourquoi appelez-vous votre épouse celle qui vient de mourir? pourquoi lui témoignez-vous plus d'amour et de vénération que jamais, pourquoi vous disposez-vous à rendre à son corps les honneurs que vous refusez de rendre à la Divinité ? C'est que vous êtes intimement convaincu, malgré vos blasphèmes, que nous survivons au delà du tombeau; que cette mort qui fait sur tous tant d'impression, et trompe nos sens, n'est, pour la raison comme pour la foi, que le passage à une autre vie supérieure; que le corps qu'elle a frappé ne fait que dormir, comme le disait Jésus-Christ en parlant de Lazare, comme nous le disons tous en termes plus ou moins explicites, et qu'il s'éveillera un jour à la voix de Dieu, pour être récompensé ou puni, lui aussi, pour les actions bonnes ou mauvaises auxquelles il aura coopéré de concert avec l'âme.

« C'est ici, s'écrie un écrivain célèbre, que la nature humaine se montre supérieure au reste de la création et déclare ses hautes destinées. La bête connaît-elle le cercueil, et s'inquiète-t-elle de ses cendres? Que lui font les ossements de ses pères? Ou plutôt sait-elle qui est son père, après que les besoins de l'enfance sont passés? Parmi tous les êtres créés, l'homme seul recueille les cendres de son semblable, et lui porte un respect religieux à nos yeux, le domaine. de la mort à quelque chose de sacré. D'où nous vient donc la puissante idée que nous avons du trépas? Quelques grains de poussière mériteraient-ils nos hommages? Non, sans doute nous respectons les cendres de nos ancêtres, parce qu'une voix secrète nous dit que tout n'est pas éteint en eux, et c'est cette voix qui consacre le culte funèbre chez tous les peuples de la terre. Tous sont également persuadés que le sommeil n'est pas durable, même au tombeau, et que la mort n'est qu'une transfiguration glorieuse. >> (Génie du. christianisme.)

Mais n'allons pas si loin en ce moment, et, laissant de côté le dogme bien important encore de la résurrection des corps, affermissons-nous de plus en plus, ce qui est l'essentiel, dans la croyance à l'immortalité de l'âme.

Soit que nous rentrions en dedans de nous-mêmes, et que nous considérions notre nature intime, soit que nous nous élevions jusqu'à Dieu et que nous méditions les attributs ses plus essentiels, soit que nous interrogions la croyance des peuples, en nous, au ciel et sur la terre, partout, en un mot, nous trouvons les preuves les plus nombreuses, les plus frappantes, les plus irrécusables de l'immortalité de notre âme.

« Oui,» s'écrie, à ce sujet, l'abbé de Frayssinous, dans sa conférence qui n'est que le résumé des idées de tous sur l'immortalité de l'âme;« oui, nous avons dans nous je ne sais quel orésage et que! pressentiment

d'une vie à venir. Pourquoi, en effet, cette envie secrète de nous survivre à nous-mêmes, d'éterniser notre nom dans la mémoire de nos semblables? Le villageois l'éprouve comme le savant et le guerrier.. Le savant veut aller à l'immortalité par ses ouvrages, le guerrier par ses exploits, et le villageois voudrait vivre du moins dans le souvenir de ses enfants: il s'afflige de l'idée que bientôt peut-être il en sera oublié; il voudrait pouvoir attacher son nom au bâtiment qu'il achève, à l'arbre qu'il a planté, au terrain qu'il a su rendre fertile. Mais voyez surtout dans les hommes fameux cet amour immense de célébrité, qui s'étend à la postérité la plus reculée, et se repaît de la pensée que leurs grandes et belles actions feront l'entretien de tous les âges. Pourquoi cela, s'ils n'étaient préoccupés de je ne sais quel espoir de jouir eux-mêmes de leur gloire dans les siècles futurs.

<< Dans tous les temps, on a préconisé, et avec raison, le dévouement de ceux qui savaient mourir pour la patrie; et, si l'âme est immortelle, je conçois très-bien comment on peut sacrifier la vie présente mais, si tout se borne au tombeau, l'existence actuelle est le bien suprême. La vie est d'un prix infini comparée au néant : vivre serait donc la souveraine loi; mourir pour ses semblables serait une inconséquence. Oui, l'homme n'affronte la mort que parce qu'il y voit le passage à une seconde vie. Ici le sentiment entraîne la raison, même dans celui qui serait matérialiste d'opinion. En mourant pour votre pays, vous aspirez à la gloire, lui dirai-je; niais si, après la mort, vous n'êtes pas plus que la statue ou la toile peinte qui pourra vous représenter, que Vous importent les chants du poëte, les éloges de l'orateur, ou les récits de l'histoire ? Caton, qui n'était pas animé par ces motifs purs que le christianisme inspire, était de bonne foi, quand il disait : Je n'eusse jamais. entrepris tant de travaux civils et militaires, si j'avais cru que ma gloire dût finir avec ma vie... Mais je ne sais comment mon esprit, s'élevant au-dessus de lui-même, semblait croire que c'était en sortant de cette vie qu'il commençait à vivre. »

Ces sentiments intimes se trouvent d une manière plus ou moins développée et plus ou moins pure dans toutes les âmes. Ils sont donc fondés sur la nature, et doivent être satisfaits, si l'homme répond aux desseins du Créateur. Or ils ne le sont point par l'immortalité que donne la terre, immortalité trompeuse et à laquelle reste souvent étranger celui qui est censé la posséder. Ils ne peuvent donc l'être que par l'immortalité dont l'âme jouit dans l'autre vie.

Une seconde preuve de l'immortalité de l'âme, preuve, du reste, intimement liée à celle que nous venons de développer, se tire de ces désirs immenses du bonheur qui sont en chacun de nous, et que rien, non plus, ne peut satisfaire ici-bas.

Je vous invite,» dit encore l'orateur que nous citions tout à l'heure, « à descen

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