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Dieu mêle parmi les viandes de Carême je ne sais quelle bénédiction qui fait que les bons Catholiques passent le Carême avec autant de satisfaction et en aussi bonne santé que les hérétiques et les Catholiques sensuels. »

Mon médecin ne veut pas que je jeûne, avez-vous dit.

Est-ce bien vrai? Vous l'a-t-il dit bien clairement et bien positivement? N'est-ce point parce que vous lui en avez témoigné le désir d'une manière quelconque, et par condescendance pour votre faiblesse, comme ferait une mère à l'égard d'un enfant? En ce cas-là, ce n'est pas lui précisément qui ne veut pas que vous jeûniez, c'est vous plutôt qui ne le voulez pas. Ditesle donc franchement, et ne vous couvrez pas du nom de votre médecin !

Votre médecin ne veut pas que vous jeûniez? Mais quel est donc ce inédecin ! Estce un bon Chrétien? Est-ce un homme véritablement consciencieux? Son avis, en ce cas, doit être pris en très-sérieuse considération. Dans le cas contraire, c'est-à-dire si c'est un homme sans foi, comme on peut le craindre d'après le langage que vous lui prêtez, si c'est un homme sensuel et matérialiste même peut-être, comme on peut le craindre encore, son avis ne me surprend plus; mais il n'en faut point tenir compte; au contraire, par cela même qu'il défend les intérêts de la chair, dont il s'est constitué l'avocat, et pour cause, c'est à vous de n'en soutenir que plus énergiquement les intérêts de l'esprit que le jeûne fait nécessairement prévaloir sur la chair.

Votre médecin vous le défend? - Mais je n'en suis point surpris. Si tous observaient avec régularité l'abstinence et le jeûne, si tous modéraient leurs désirs, domptaient leurs passions, comme on le fait par une fidèle obéissance aux préceptes de la religion, et principalement à ceux de de l'abstinence et du jeûne, les médecins n'auraient presque plus rien à faire.

L'Eglise elle-même y consent, avez-vous dit encore.

« Ici votre conscience » repond pour moi, dit Massillon (Serm.sur le jeûne), « que toute dispense obtenue contre les intentions de l'Eglise, est une dispense vaine; et qui vous laisse toute l'obligation de la loi; c'est-à-dire que toute dispense qui ne suppose pas une impossibilité réelle d'obéir au précepte ne Vous dispense point devant Dieu, et rend votre transgression aussi criminelle que celle des contempteurs déclarés de la loi même. C'est la doctrine des saints. Donc, s'il n'y a rien en vous qui doive obliger l'Eglise à se relâcher en votre faveur, vous lui en imposez en obtenant ces dispenses. Mais qu'avancez-vous en la surprenant? Vous la faites consentir en apparence à votre transgression; mais en êtes-vous moins réellement transgresseur? L'artifice serait-il devenu pour vous un titre légitime? Ah! tout ce que je trouve ici de favorable à votre égard, c'est que vous ajoutez au crime de

la transgression le blâme de la mauvaise foi et de la surprise.

« Ce n'est pas que l'Eglise soit tellement abusée qu'elle ne découvre ces désordres. Elle voit avec douleur ces lâches fidèles borner presque toute leur soumission à son égard à la faire consentir elle-même au violement de ces préceptes; et si, malgré ses lumières, elle paraît encore favoriser leurs injustes demandes, c'est pour ne pas révolter leur orgueil, c'est pour es tenir toujours unis à elle, du moins par les liens extérieurs du respect et de l'obéissance. Elle ne consent à voir ses lois inutiles que pour ne pas les voir méprisées. C'est une mère compatissante qui de deux maux souffre le moins dangereux. Mais malheur à vous qui l'obligez à ces égards injustes! Il faut que le mal soit bien désespéré pour que l'on permette au malade le genre de vie qu'il souhaite. Souvenez-vous de ces Israélites charnels qui, ne pouvant plus s'accommoder de la manne, obtinrent de Moïse, à force de murmures des oiseaux du ciel. A peine eurent-ils touché à cette viande accordée à la dureté de leur cœur, qu'ils furent aussitôt frappés de mort, et que Dieu punit sur leur personne la condescendance de leur législateur: Adhuc escæ eorum erant in ore ipsorum, et ira Dei ascendit super eos. (Psal. LXXVII, 30.) Souvenez-vousen; et n'oubliez jamais que l'Eglise déteste quelquefois plus les abus qu'elle tolère que ceux qu'elle punit.

« Mais je vais plus loin: je suppose que vos raisons sont légitimes, et je dis que peut-être vous n'en êtes pas moins, aux yeux de Dieu, transgresseur de cette loi sainte, par la manière dont vous usez de l'indulgence de l'Eglise.

« Et premièrement, au lieu que l'observance du jeûne couvrait le visage des pharisiens d'une tristesse d'hypocrisie, l'impuissance où vous êtes de l'observer produit-elle dans votre cœur cette tristesse de foi, ce sacrifice d'un cœur humilié mille fois plus agréable à Dieu que le sacrifice du corps, et l'abstinence des viandes défendues? Gémissez-vous en secret de la faiblesse de votre chair, de l'impossibilité où elle vous met de satisfaire aux lois de l'Eglise? Prenez-vous, comme Esther, Dieu à témoin de votre nécessité, et de la haine qu'a votre âme pour les viandes profanes et pour les repas des incirconcis? Tu scis necessitatem meam, quod non placuerit mihi convivium regis. (Esther xiv, 16.) Seigneur! vous qui sondez les cœurs, vous voyez la douleur de mon ame; vous savez que je déteste les viandes d'Assuérus; mais vous êtes témoin de la triste situation où je me trouve, et du désir qui presse mon cœur de pouvoir manger avec votre peuple les viandes permises par la loi sainte Tu scis necessitatem meam, quod, non placuerit mihi convivium regis.

« Sont-ce là vos sentiments? Entrez-vous dans les pieuses dispositions d'Urie? Quoi! faut-il que je mange et que je boive à loi

sir, tandis qu'Israël et Juda combattent sous des tentes? Israel et Juda habitant in papilionibus, et ego ingrediar in domum meam, ut comedam et bibam? (11 Reg. xi, 11.)

<< Pourquoi faut-il que je sois réduit à manger une chair criminelle, tandis que toute l'Eglise combat sous la cendre et sous le cilice, et que tous mes frères sont entrés généreusement dans la sainte carrière de la pénitence? Pourquoi, Seigneur, n'aurais-je pas la force de satisfaire à votre justice, puisque j'ai encore la force de l'offenser ? Que n'avez-vous, Seigneur, donné un corps de fer à une âme aussi coupable que la mienne, afinque, du moins, je pusse trouver l'instrument de ma pénitence, où j'ai trouvé la source de tous mes crimes?

« Ah! si vous aviez de la foi, vous devriez être honteux devant Dieu d'une distinction si peu convenable à votre vie passée vous regarderiez cette singularité comme une espèce d'anathème et de retranchement du corps des fidèles; comme une lèpre qui vous éloigne de la société et du commerce des saints, des sacrifices et des expiations, du temple et de l'autel remplaçant ainsi, par la force et la ferveur de l'esprit, la faiblesse de la chair.

« Alors l'Eglise en userait à votre égard comme autrefois Judas Machabée en usa envers ceux des Israélites que leur infirmité empêcha de combattre avec le reste du peuple, mais qui ne pouvaient se consoler de n'être pas en état d'aller exposer leur vie avec leurs frères. Il les associa à l'honneur de la victoire, et au partage du butin: Debilibus et orphanis diviserant spolia. (11 Mach. VIII, 28.) Mais vous êtes ravi d'avoir des raisons qui vous exemptent de la loi commune. Vous êtes transgresseur du précepte dans la préparation du cœur; et, loin de partager, avec ceux qui l'accomplissent, le mérite de J'observance, vous participez à l'iniquité des pécheurs déclarés qui le méprisent.

<< En second lien, remplacez-vous par d'autres œuvres mortifiantes le jeûne que vous ne sauriez observer? Car, pour être dispensé de ce précepte, vous ne l'êtes pas pour cela de la pénitence. L'esprit de l'Eglise n'est pas de vous décharger de la croix, elle ne le saurait; c'est seulement de vous l'adoucir. Il faut que, par quelque endroit, le Carême soit pour vous un temps de rigueur et de souffrance. Saint Paul dit que ceux qui ne discernent pas le pain eucharistique des viandes communes, se rendent coupables du corps du Seigneur et je vous dis, quels que puissent être vos maux, que si vous ne discernez pas dans votre manière de vivre le temps du Carême des temps ordinaires, vous è es coupable de la loi du jeûne.

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« Or, priez-vous plus que dans un autre temps? Etes-vous plus charitable envers les pauvres; et, en les soulageant plus abondamment, dédommagez-vous Jésus-Christ, en leur personne, des soulagements que vous étes obligé de vous accorder à vous-même? Vous abstenez-vous de certains plaisirs légitimes peut-être en une autre saison? Car

désabusez-vous: il faut user ici de compensation. Dans la loi, à ceux qui ne pouvaient pas offrir le sacrifice d'un agneau, on demandait l'offrande de deux colombes. Dieu veut être dédommagé par quelque endroit. Puisque vous ne pouvez pas affliger vore chair par le jeûne, il faut la punir par le retranchement de mille commodités dont elle peut se passer; mortifier votre esprit par la retraite, avoir, pendant ce saint temps, moins de commerce avec le monde; vous renfermer un peu plus dans vos devoirs domestiques; fréquenter plus souvent nos temples, les sacrements, les lieux de miséricorde. Voilà le jeune, dit saint Chrysostome, que l'Eglise demande de vous. Il ne faut pour cela ni force ni santé, il ne faut que de la foi et de la crainte de Dieu. Mais c'est précisément ce qui vous manque. On ne veut rien souffrir, quelque grand pécheur que l'on soit. On se croit déchargé de tout, dès qu'on l'est de la loi du jeûne; et, parce qu'on ne peut pas faire tout ce qu'on doit, on se croit dispensé de faire du moins ce que l'on peut.

«Enfin, dans l'usage des viandes défendues, n'avez-vous égard qu'à la seule nécessité? Rejetez-vous celles qui ne sont destinées qu'à flatter le goût et la volupté? Vos repas se sentent-ils de la frugalité de ce temps de pénitence; et sont-ils marqués par quelque endroit du sceau de la mortification? Car Vous comprenez bien que l'intention de l'Eglise, en vous permettant l'usage des mels défendus, est de soulager votre fai blesse, et non d'aider votre sensualité: vous comprenez qu'elle ne veut pas aigrir, à la vérité, vos maux par une abstinence qui vous serait nuisible; mais aussi qu'elle ne prétend pas nourrir votre intempérance, en vous permettant des assaisonnements et des mets exquis dont vos maux peuvent se passer. Elle consent, à la bonne heure, que vous ne suiviez pas les Moïse sur la montagne pour jeûner quarante jours avec eux; mas elle n'entend pas aussi que, demeuré dans la plaine, vous imitiez les joies profanes, les excès et les festins des Israélites, et adoriez peut-être encore le veau d'or comme ce peule infidèle.

« Entrons donc,» dit encore Massillon, s'adressant, à la fin, à tous les fidèles, « entrons dans les véritables intentions de l'Eglise. Eh! pourriez-vous, tandis qu'elle gémit, qu'elle se couvre de ses vêtements de deuil et de tristesse, que ses ministres pleurent entre le vestibule et l'autel, que vos frères ont pris les armes spirituelles de la pénitence, pour combattre contre la chair et le sang, que tout annonce les mystères pénibles d'un Dieu souffrant; environnés de tout cet appareil de souffrance, pourriezVous croupir tout seul dans une indigne mollesse ? Vous excusez si souvent vos dé sordres par l'exemple commun, ne pourrait-il pas ici, à son tour, vous amener à la vertu ? Ah! si votre corps ne peut prendre aucune part au changement extérieur de l'Eglise, changez votre cœur et convertissez-vous au Seigneur. Si vous ne pouvez pas déchirer

par le jeûne ce vêtement de chair qui vous environne, déchirez, dit l'Esprit de Dieu, vos âmes par des larmes de douleur et de componction. Recueillez le fruit de l'abstinence, si votre faiblesse ne vous permet pas d'en accomplir la lutte. Surpassez vos frères dans les dispositions de l'esprit et du cœur, si vous ne pouvez les imiter dans les exercices du corps. Faites, devant eux, à la loi du jeûne

que vous n'observez pas, une espèce d'hommage et de réparation publique, par une attention plus chrétienne à tous vos autres devoirs. Réparez, en quelque façon, en présence des autres fidèles, par des mœurs plus pures et plus exacles, cette sorte de scandale que vous êtes forcé de leur donner. En un mot, vivez plus saintement qu'eux, et vous jeûnerez plus utilement. »

JEUNESSE.

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Réponse. Vous avez raison quand vous dites qu'il faut que jeunesse se passe. Les âges sont comme les saisons de l'année, si sagement établies par le Créateur de toutes choses. De même que chaque saison doit avoir son temps, de même aussi chaque âge de la vie doit avoir le sien. Nous ajouterons même ici que ce n'est point une nécessité malheureuse, mais bien une nécessité qui a son agrément autant que ses avantages. Elle a son agrément, à cause de la grande variété qu'elle apporte à l'uniformité de la vie, comme celle qui est produite, pendant l'année, par le changement des saisons. Sans cela la vie, déjà si ennuyeuse, serait souvent insupportable. Elle a aussi ses avantages, avons-nous dit, puisqu'un âge est la prépation à un autre âge, comme l'une des saisons de l'année est la préparation à une autre saison. Et, en effet, de même nous ne verrions point arriver l'automne, avec la maturité de ses fruits, si le printemps d'abord ne s'était passé, et l'été ensuite; de même nous ne verrions point, non plus, arriver l'âge mûr avec les fruits si délicieux de la sagesse, si l'enfance d'abord ne s'était pas passée, et ensuite la jeunesse. Vous avez donc parfaitement raison, je le répète, il faut que jeunesse se passe. En ce point, nous sommes parfaitement d'accord; mais où nous différons, c'est sur la manière dont doit se passer la jeunesse.

Quant à moi, direz-vous, je suis d'avis que la jeunesse jouisse de tous les plaisirs, quels qu'ils soient, qu'elle pourra se procurer; car, plus on fait de folies quand on est jeune, et plus on est sage quand on vieillit.

Il paraît que vous n'êtes pas encore bien vieux, vous qui parlez ainsi, car ce que vous dites n'est guère sage.

Vous êtes d'avis que la jeunesse jouisse de tous les plaisirs qu'elle pourra se procurer, quels que soient d'ailleurs ces plaisirs.

Quoi! fussent-ils même les plus déraisonnables! même les plus condamnés et les plus condamuables! même les plus dangereux pour le temps comme pour l'éternité, pour le corps comme pour l'âme! véritablement ce n'est guère sage.

Plus on fait de folies quand on est jeune, affirmez-vous, et plus on est sage, quand on vieillit.

Mais si on a le malheur de ne pas vieillir;

si la mort vient nous frapper pendant le temps que nous consacrons à la folie, et avant que ne soit arrivé celui que nous destinions à la sagesse, qu'arrivera-t-il alors? Nous n'aurons donc que des folies à présenter au tribunal du souverain Juge?... Cela est d'autant plus à craindre que la vie, qui s'use si rapidement en toute circonstance, s'use bien plus rapidement encore dans la jouissance des plaisirs. J'ai vu cent fois dans ma vie de jeunes vieillards, de ces cadavres ambulants. dont la divine Providence ne semble prolonger l'existence que pour qu'ils soient à leurs semblables un avertissement salutaire, et je ne me suis jamais douté que la folie qui leur avait donné cet air prématurément sépulcral fût un commencement de sagesse.

Admettons, si vous le voulez, que le jeune homme parvienne certainement jusqu'à l'âge mûr, et même jusqu'à la vieillesse la plus avancée. Est-il vrai qu'il sera sage, précisément parce qu'il aura été fou, et même d'autant plus sage qu'il aura fait plus de folies? Quelle absurdité! C'est comme si vous disiez Voulez-vous bien faire? Commencez par mal faire. Voulez-vous vous trouver à l'orient? allez à l'occident; au midi? allez au nord... Vous parlez de sagesse; mais savezvous bien ce que c'est? La sagesse! c'est la connaissance de ses devoirs; la sagesse ! c'est bien plus que cela, c'est la connaissance goûtée, pratiquée de ses devoirs : Sapientia. La sagesse ! c'est la domination de ses passions; puisqu'on ne peut pratiquer ses devoirs, sans avoir dompté ses passions qui s'y opposent. Toutes les fois donc que vous dites Voulez-vous être sage et bien sage? commencez par être bien fou. C'est comme si vous disiez à l'écolier: Voulez-vous faire de bonnes études et remporter tous les prix? ne travaillez point; au philosophe : Voulez-vous devenir la lumière du siècle? ne réfléchissez jamais; au militaire VoulezVous être un jour la terreur de vos ennemis et la sûreté de votre patrie? jetez-là vos armes et amusez-vous ou dormez.... Je ne cesserai de le dire: il est difficile de concevoir de plus grandes absurdités.

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Cela se dit pourtant, remarquez-vous Sans doute, puisque vous le dites. encore, répondez-vous. - Evidemment, tous ceux qui pensent comme vous, relativement aux choses religieuses; et malheureusement il y en a beaucoup. Je vous avouerai pourtant qu'on est souvent tenté de se faire illusion sur ce point. On voit quelquefois des ommes qui, après avoir donné dans tous les

égarements de la plus insigne folie, reviennent à la régularité de la plus profonde sagesse, et l'on se dit : Ce sont pourtant ceuxlà !... Dites seulement: Ce sont quelques-uns de ceux-là !... Car, ce n'est qu'une exception que Dieu rend quelquefois éclatante pour montrer qu'on peut revenir à lui en tout temps; mais, enfin, ce n'est qu'une exception d'après laquelle il serait très-dangereux de régler sa conduite.

Soyons donc sages dès nos plus tendres années, parce que tout âge appartient à Dieu, et doit lui être consacré! Soyons sages dès nos plus tendres années, parce que, comme le disent les saintes Ecritures, et comme l'expérience de tous les jours nous l'enseigne, l'homme doit suivre, dans un âge

plus avancé les sentiers dans lesquels il s est engagé jeune encore: Adolescens juxta viam suam, etiam cum senuerit, non recedet ab ea, (Prov. xxII, 6.) Soyons sages dès nos plus tendres années, parce que peut-être nous n'en aurons pas d'autres, parce que c'est la sagesse du jeune âge qui est la plus décisive, la plus féconde en grands résultats !

Sans doute la sagesse du jeune âge n'est ni ne peut être celle de la vieillesse, quant à l'expression du moins. Elle est douce, riante, aimable comme la jeunesse elle-même. Mais c'est toujours, quant au fond, cette sagesse, fille de Dieu, qui est de tous les temps et de tous les lieux, ou plutôt qui ne reconnaît ni temps ni lieux, parce que, comme Dieu luimême, elle est éternelle.

L

LATIN.

Objections. Pourquoi l'Eglise parle-t-elle latin, une langue morte? Ne pourrait-elle pas parler, dans chaque localité, le langage du pays? Parler une langue inconnue, c'est à peu près ne rien dire?

Réponse. Aujourd'hui que les esprits sont naturellement portés à l'indépendance et que les cœurs sont épris de je ne sais quel amour plus ou moins pur de nationalité, il n'est pas rare d'entendre répéter les questions que nous venons de poser. Questions, du reste, auxquelles il n'est pas difficile de répondre.

Pourquoi parler latin, une langue morte, nous dit-on ?

Il vous est peut-être venu en pensée, à vous-même, quand vous avez assisté aux saints offices, dit à ce sujet le directeur du catéchisme de Saint-Sulpice (Exposition de la doctrine chrétienne), que l'Eglise ferait mieux de les célérer en langue vulgaire. Pourquoi parler latin dans une assemblée de tidèles dont la plupart ne savent pas le latin? Dans les commencements, ajoute le même directeur, dont nous allons transcrire ici sinon les mots du moins l'idée, l'Eglise a célébré les Offices en latin dans l'empire romain, qui était très-étendu; elles les a célébrés en grec dans la Grèce; elle les a cé Jébrés en arménien, en éthiopien, dans le pays des Arméniens et des Ethiopiens; elle a fait de même pour d'autres peuples. Mais, quand ces peuples corrompirent leurs langues, ce qui arriva peu à peu, l'Eglise ne changea pas ses prières publiques, elle continua à les réciter comme autrefois. Voilà comment elle finit par célébrer presque partout les Offices en une langue qui avait cessé d'être la langue vulgaire. Ces prières sont si simples, si belles, si vénérables par leur antiquité, il y a tant d'avantages dans leur uniforme expression, et il y aurait tant d'inconvénients à reconnaître officiellement leur indéfinie traduction dans toutes les langues, dans tous les idiomes du monde, que

l'Eglise a jugé convenable non-senlement de les maintenir là où elles se trouvaient déjà, mais encore de les faire adopter par les peuples qui se convertissaient à la foi chrétienne, quelle que fût la langue de ces peuples.

Pourquoi l'Eglise parle-t-elle latin, une langue morte? Mais parce que c'est sa langue propre, celle qu'elle doit parler, par conséquent. Ce n'est donc point réellement une langue morte, mais bien une langue vivante, et qui le sera même toujours, puisque l'Eglise ne doit jamais périr.

Ce n'était point sans une disposition de la divine Providence que Rome était maîtresse du monde quand l'Eglise commença à s'y établir. C'était pour préparer les peuples à recevoir plus facilement l'Evangile qui allait leur être annoncé. Un des moyens les plus propres à cela, c'était la langue de la ville, reine des nations sous le rapport matériel, et qui allait le devenir pour toujours sous le rapport spirituel. L'Eglise adopta cette langue, répandue déjà plus ou moins communément par toute la terre, ou plutôt elle se l'appropria, en y introduisant des pensées et des sentiments précédemment inconnus. Qui ne le comprend aisément, en y réfléchissant le moins du monde. Le latin que parle l'Eglise n'est point la langue des Romains paiens, mais celle des Romains catholiques. Il ne diffère guère moins de la langue de Virgile et d'Ovide que de celle du Dante et du Tasse. Ce latin de l'Eglise n'est point devenu vulgaire, pour tous, après que cette Eglise se fut répandue par tout le monde, et il ne le deviendra probablement jamais; mais c'est encore, pensons-nous, par une secrète disposition de la divine Providence, de pene qu'en se vulgarisant il ne se corrompe, et qu'en se corrompant il ne périsse, comme tout ce qui se corrompt. Ce latin est la langue officielle de l'Eglise, celle avec laquelle elle prie et enseigne, elle est en rapport, par conséquent, avec Dieu et les hommes. C'est, dès lors, la langue de l'Eglise avec

laquelle Jésus-Christ a promis de se trouver jusqu'à la fin des siècles. Voilà pourquoi nous avons dit que bien loin d'être une langue morte, c'était une langue vivante, divinement vivante, en quelque sorte, et qui subsistera toujours avec l'Eglise qui se l'est appropriée.

Pourquoi parler latin?-C'est afin que l'unité soit plus complète dans l'Eglise de Jésus-Christ. Cette unité doit se trouver, avant tout, dans le symbole, qui est l'essence même du christianisme; mais elle doit se trouver également dans la prière, qui n'est pas autre chose que la foi passant par le coeur et l'élevant au ciel, d'où elle est descendue pour nous y appeler. Vous me direz peut-être que cette unité se trouverait dans les idées. Sans doute; mais, d'une part, n'est-il pas clair que, si elle se trouve aussi dans la parole, elle sera plus complète; et, d'une autre part, n'est-il pas clair encore que l'expression modifie souvent la chose exprimée, et que, si l'unité n'existe pas dans les paroles, elle pourra bien ne pas rester non plus dans les idées ?

Pourquoi parler latin?- Mais ne compre-nez-vous pas que cette unité de langage est très-propre à faire sentir l'unité de la famille chrétienne, je dirai même de la famille humaine, si tous les hommes voulaient entrer dans le sein de l'Eglise catholique, comme ils y sont appelés. De quelques points du globe que soient partis différents catholiques, quand ils viennent à se rencontrer, fat-ce au milieu des mers, ou sur quelque plage déserte, ils feront, je suppose, le signe de la croix, en prononçant les paroles qui y sont attachées. Puis: Credo in Deum..., dira l'Européen; et in Jesum Christum Dominum nostrum..., ajoutera l'Américain; Credo in Spiritum sanctum..., dira, à son tour, l'Africain; Carnis resurrectionem, vitam æternam..., dira en terminant l'habitant infortuné de quelqu'une de ces îles converties depuis peu au christianisme; et tous se serreront avec amour, en attendant une union plus intime en Dieu, dans les étreintes d'une douce charité qui ne se fût pas fait sentir de même sans la langue commune à tous de l'Eglise notre mère.

Ne demandez donc plus pourquoi l'Eglise parle, en tout lieu, la même langue, dans ses Offices principalement, et dans son enseignement officiel, si je puis m'exprimer de la sorte. Les raisons en sont évidentes aux yeux de tous, et plus on les approfondit, sous tous les rapports, ces raisons, plus on les trouve importantes et décisives.

Ne pourrait-elle pas parler, dans chaque localité, le langage du pays, nous dit-on

encore?

En admettant qu'elle le pût, nous devons reconnaitre que cela aurait toujours de grands inconvénients et serait même quelquefois difficilement praticable.

Qui ne voit, d'après ce que nous avons dit plus haut, que cette diversité toujours crois sante de langages officiellement reconnus par l'Eglise, nuirait, extérieurement, du

moins, à l'unité que Jésus-Christ a demandé à son Père pour les siens? Je vous prie pour eux, disait-il, afin qu'ils soient un, comme nous sommes un nous-mêmes : « Ut sint unum, sicut et nos unum sumus. » (Joan. xvii, 22.) Or l'unité du Père et du Fils consiste en ce que le Père se dit à lui-même tout ce qu'il est, dans un Verbe éternellement existant. Cette unité, dont celle de l'Eglise doit se rapprocher de plus en plus, semble done demander que le prêtre, ministre de JésusChrist, dise à l'homme ce qu'est Dieu, dans une langue partout et toujours la même. Qui ne voit que, de l'extérieur, cette diversité peut passer à l'intérieur, comme nous l'avons dit encore? Qui ne voit qu'une liturgie en langue nationale peut faire naître. l'idée et ensuite le désir d'une Eglise nationale, et bientôt engendrer le schisme, puis l'hérésie?

L'Eglise ne saurait donc adopter, dans chaque localité, le langage du pays, sans porter un coup plus ou moins funeste à l'unité. Ce serait affaiblir également les liens de cette fraternité qui résulte d'une langue commune. Vous me direz peut-être que cette fraternité n'en existerait pas moins pour cela. C'est possible; mais elle serait moins complète, et surtout moins sensible; est-ce que des hommes peuvent se regarder comme frères, quand, sous les yeux du même père et dans les bras de la même mère, ils parlent chacun un langage différent? En certains cas surtout, cela serait très-choquant. «Bien des fidèles sont obligés de voyager, dit à cette occasion l'auteur que nous citions tout à l'heure. Ils passeront, je suppose, et même à plusieurs reprises, d'un pays dans un autre. Ne leur est-il pas aussi agréable que commode, dans l'état où sont les choses, de voir partout les mêmes Offices, d'entendre partout les mêmes prières. Ils sentent alors que, quand on a le bonheur d'être Catholique, on n'est étranger nulle part. Supposez, au contraire, que chaque pays ait les Offices publics dans sa langue vulgaire, les étrangers n'y comprendront rien. Sans sortir même de la France, quel embarras n'éproveriez-vous pas en passant de la Normandie en Bretagne, de la Bretagne dans le pays Basque, de la Provence dans l'Alsace?..Ce serait tantôt l'allemand, tantôt le breton, tantôt le basque, tantôt le provençal: pensez-vous que ces variétés vous fussent agréables et vous parussent d'un bel effet? » Un homme était sur le point de quitter la paroisse qu'il habitait depuis longtemps, pour aller s'établir dans une paroisse voisine dont la liturgie n'était pas parfaitement semblable à celle à laquelle il était habitué: «Quoi done! lui dit quelqu'un, est-ce que vous ne voulez plus être des nôtres ?» Ainsi parlait le gros bon sens. Qu'aurait-il donc dit, s'il eût été question d'aller dans une paroisse où les paroles mêmes eussent été tout à fait différentes.

« Ce n'est pas tout,» ajoute le directeur des catéchismes de Saint-Sulpice. « Les langues vivantes, celles qu'on voudrait voir partout adoptées dans l'Eglise, changent continuel

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