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De même que Dieu est réellement et véritablement présent dans l'univers, qu'il remplit de son immensité: de même il est réellement et véritablement présent dans notre Eglise. En elle, comme dans l'univers, tout se tourne vers lui, tout aspire à le posséder; là également, c'est de lui que tout reçoit l'être, le mouvement et la vie.

« Et remarquez comme la religion catholique a montré une connaissance exacte de la nature dans l'érection de son temple! Si elle y avait répandu trop de clarté, comme dans le temple grec, c'eût été la reproduction d'une nature belle, riante, de la nature primitive peut-être, et non de la nature déchue, corrompue par le péché d'Adam. Si elle l'avait trop enseveli dans les ténèbres, si elle y avait fait prédominer la mort, comme dans les temples de l'Egypte et de l'Inde, c'eût été la reproduction de la nature chargée de la malédiction céleste, et non de la nature qui aspire à la réhabilitation, que le nom seul du Sauveur fait palpiter d'espérance. Mais ce mélange presque égal de lumière et de ténèbres, cette atmosphère indéfinissable d'où s'exhalent à la fois l'espérance et la crainte, la joie mélancolique et la délicieuse tristesse, c'est bien la nature telle qu'elle est au fond de nos cœurs, dans le monde entier, telle qu'elle est réellement.

<< Disons encore que la religion catholique a reproduit, pour ainsi dire, tout son symbole dans son architecture. Or, ce symbole étant, de l'aveu même de ses ennemis, le plus développé, le plus complet de tous les symboles connus, il suit de là que son architecture est la plus avancée, la plus complète de toutes les architectures.

«Tel est le premier art dont le temple favorise le développement. C'est par lui qu'il fallait commencer, non-seulement pour donner à l'assemblée des fidèles un abri indispensable, mais encore pour recueillir les autres arts, la science même, que nous allons voir naître et se développer successivement dans le temple.

« L'art que l'architecture appelle nécessairement à sa suite, celui avec lequel elle semble tellement unie, incorporée, qu'elle en est comme inséparable, e'est la sculpture. Figurez-vous, en effet, de grands murs, dépourvus de toute espèce d'ornement, est-ce qu'ils parleront à l'esprit et au cœur? Plus ils sont étendus, élevés, plus ils ont besoin d'accompagnement. Un petit édifice plaît quelquefois par sa simplicité; mais quand il grandit, quand il s'élève surtout, comme le temple chrétien, à des proportions colossales, il ne se suffit plus à lui-même, il a besoin que des ornements sans nombre viennent interrompre sa monotone uniformité. Or, c'est à la sculpture, avant tout, à embellir le terrain préparé, en quelque sorte, par l'architecture. Au commencement, nous dit la Genèse, Dieu créa le ciel et la terre. La terre était vide et ténébreuse; mais l'Esprit de Dieu planait sur le chaos, fécondant le germe de vie qu'il y avait déposé, et qui bientôt allait jaillir à la surface sous un

nombre infini de formes. La terre donc se couvrit d'abord de végétaux de toute espèce, depuis le roseau flexible, la mousse rampante, l'herbe inaperçue dans la vallée, jusqu'au chêne altier, jusqu'au cèdre de la niontagne, dont la cime ondoie dans les nues. Peu après, la terre produisit, à la voix du Créateur, des êtres doués d'une vie plus développée, de mouvement spontané, de sensibilité, d'instinct, d'un commencement d'intelligence; les animaux de toute nature et de toute grandeur, depuis le reptile honteux, toujours attaché à la terre, jusqu'à l'aigle sublime qui aime à monter vers les cieux; depuis l'infiniment petit, que notre faible regard aperçoit difficilement, dont notre esprit débile comprend à peine l'existence, jusqu'au vaste géant des mers, qui semble avoir été formé pour se jouer dans les flots. Enfin l'homme lui-même apparut, complétant l'immense tableau de la création. Formé à l'image de Dieu, il a reçu en partage une faible portion de la puissance, de l'intelligence, de l'amour, qui sont dans la nature divine à un degré infini. Le temple a aussi sa création. C'est d'abord une surface vide et comme ténébreuse; mais le génie de l'artiste plane au-dessus de cette espèce de chaos, fécondant le germe de vie qu'il y a déposé, et qui bientôt va se développer à la surface, sous mille formes diverses. Ce sont d'abord des végétaux de toute nature. Vous les voyez surgir au bas des murs; ils s'élèvent peu à peu, ils serpentent autour des colonnettes, ils s'étendent en guirlandes le long des plinthes et des frises; ils glissent sur les nervures des cintres; ils s'épanouissent autour des portes, des fenêtres et même dans les espaces laissés vides pour recevoir la lumière. Vous diriez que, comme lelierre, ils ont percé le mur du temple; car vous les reconnaissez au dehors, où vous apercevez la même végétation qu'à l'intérieur, ou plutôt une végétation plus variée, pius abondante encore. De nouveaux êtres apparaissent bientôt, doués d'une vie plus élevée ce sont des animaux de toute espèce, des animaux même purenient imaginaires, inconnus dans la nature réelle, comme si le génie de l'artiste eût tenté de le disputer en fécondité à la toute-puissance du Créateur. L'homme lui-même se montre aussi, afin de compléter cette nouvelle création. Il ne représente pas là seulement la nature humaine; comme il a été formé à la ressemblance du Créateur, il a cru pouvoir, sans idolâtrie, sans aucune sorte de profanation, choisir sa noble figure, pour représenter les esprits célestes, la nature divine ellemême.

« Arrivée à ce degré, la sculpture est parfaitement distincte de l'architecture; mais il n'en est point ainsi dès le commencement. Qu'est-ce que son œuvre alors? Quelque chose d'incomplet, d'inachevé, qui semble ne pouvoir vivre seul, et tient à la pierre comme l'embryon au sein maternel. Ce qui n'était d'abord qu'un simple relief se développe pes à peu jusqu'à ce qu'il se soit détaché du

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milieu où il a pris naissance, pour vivre de sa propre vie.

Cependant, quelles que soient les œuvres de la sculpture élevée à sa plus haute puissance, elle est loin de reproduire toutes les richesses de la création. Sans doute, elle a répandu un signe de vie et de clarté sur ces murs inanimés et sombres; sans doute elle a fait palpiter la pierre insensible, elle a manifesté même, jusqu'à un certain point, à cette froide surface, ce qu'il y a de plus intime et de plus caché en nous, le sentiment et la pensée. Mais peut-elle rendre les effets les plus merveilleux de la lumière et de la pers. pective; représenter ces êtres imperceptibles en eux-mêmes, et qui n'ont de valeur que par la combinaison; réunir en un cadre étroit ces objets divers, opposés même, qui se modifient en se rapprochant, et forment cet ensemble admirable que nous ne savons comment définir? Peut-elle combiner, suivre de point en point les scènes si variées de la vie? Peut-elle reproduire dans les différenles parties du corps humain, sur le visage. dans le regard surtout, ces mille mouvements qui changent à la moindre agitation de notre âme ? Evidemment non. De là la nécessité d'un nouvel art, pour compléter dans le temple la reproduction des œuvres de Dieu. Cet art, c'est la peinture. Procédant d'abord comme la sculpture, elle ne fera que compléter ce qui aura été commencé précédemment. Elle donnera une teinte azurée à la voûte terne et grise du temple; elle donnera quelquefois aux reliefs, aux statues, une couleur plus convenable que celle de la pierre; elle imprimera aux vitraux ces nuances variées qui, modifiées encore par les rayons du soleil, sont d'un effet merveilleux dans l'intérieur du temple. Mais bientôt, se détachant aussi du milieu où elle a pris naissance, elle vivra de sa vie propre. Donnant peu à peu l'essor à son génie, elle ne reconnaîtra plus de difficultés invincibles; on la verra même reproduire avec le pinceau les tableaux les plus compliqués de la nature ou de la religion, d'une manière aussi frappante que l'écrivain le plus habile avec sa plume.

« Les arts dont nous avons parlé jusqu'ici sont en rapport avec la vue et la lumière. Ils représentent plus spécialement la forme

extérieure des êtres, et ce n'est même que par cette représentation qu'ils nous initient à la connaissance de leur nature intime. Ceux dont nous avons à parler sont en rapport avec l'ouïe et le son. Ils manifestent plus spécialement la nature intime; car, qu'est-ce que le son, sinon 'écho, le retentissement extérieur de ce qu'il y a au fond de chaque être? Au dernier degré de cette nouvelle série des arts est la musique. Vous êtes entré, je suppose, dans une de nos plus belles églises, pour en étudier l'architecture, ou pour l'accomplissement de vos devoirs religieux; et vous y êtes resté jusqu'à la fin du jour, captivé par l'admiration ou l'amour. C'est l'heure où les hommes, fatigués d'un long travail, viennent en grand nombre, re

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mercier Dieu de ses grâces et lui en demander de nouvelles. Tandis que vous vous tenez immobile et comme absorbé dans la contemplation, vous sentez tout à coup en vous et hors de vous je ne sais quel tressaillement mystérieux qui appelle ailleurs votre attention. Il sort des hauteurs du temple une voix solennelle, comme l'écho d'un monde invisible, qui s'étend au loin, et qui, pénétrant en même temps au plus profond de vous-même, remue toutes les puissances de votre être. C'est la cloche. Le son qui s'élève et s'abaisse tour à tour est perpétuellement monotone; complexe néanmoins dans son unité, il se forme d'une infinité de sons différents dont le bruissement, se communiquant à tout ce qui vous environne, vous ravit, vous emporte hors de vous-même en des régions vagues, indécises, favorables aux méditations religieuses, aux pressentiments infinis. Ce son s'affaiblit peu à peu; puis il cesse complétement. La foule se presse sur le parvis sacré et remplit les longues nefs. Un son moins fort et moins pénétrant, mais non moins remarquable, retentit bientôt dans l'intérieur du temple: c'est le son varié de l'orgue. Les ondes harmonieuses s'écoulent inépuisables des tuyaux frémissants, sous les voûtes retentissantes de l'immense vaisseau. Elles s'élèvent, s'abaissent, pressent leur mouvement, et peu après le ralentissent; elles s'enflent de nouveau, puis s'affaiblissent encore. Les vents mugissent, le tonnerre gronde, la foudre éclate. Au même instant, vous entendez les accents doux, plaintifs de la prière, qui intercède auprès de la divine miséricorde en faveur du repentir. Le signal est donné. Les serpents se sont animés sous le souffle inspirateur, et les basses ont frémi sous les coups réitérés de l'archet. A ces sons graves, solennels, en rapport avec la grandeur du vaisseau et la souveraine Majesté qui le couvre de son ombre, s'unissent des sons suaves, perçants, qui semblent plus particulièrement s'adres ser à la Vierge Marie et à son fils Jésus. Tout s'émeut, tout s'agite dans le temple; tout y est pénétré d'un saint transport. Vous diriez que les parfums qui brûlent aux pieds des autels, d'où ils se répandent dans les parties les plus reculées de l'édifice, s'exhalent des fleurs que la sculpture a gravées de tous côtés. Aux vacillantes lumières des flambeaux et des lampes, les êtres divers qui y sont représentés semblent aussi s'animer et béuir l'universel Créateur. De nouveaux accents ont retenti: c'est la voix de l'homme. Jusqu'ici vous avez entendu des sons inanimés, si je puis m'exprimer de la sorte; actuellement vous entendez des sons ayant la vie en eux-mêmes. La voix du maître est aussitôt reconnue, comme au temps de la primitive création; les autres sons se taisent ou s'effacent pour faire ressortir davantage la voix dominatrice, ou plutôt ils l'accompagnent, suivant l'énergique expression du mot consacré, ils lui servent de milieu pour la porter plus digue jusqu'aux pieds du Roi des rois, où elle dé

pose la pensée et l'amour, adoration que demande avant tout celui qui est esprit et

amour.

« Ce ne sont donc plus seulement des sons que vous entendez; c'est la parole, expression de la pensée. La musique a bien pour but d'éveiller en nous la pensée, mais elle la fail seulement pressentir. Désormais vous l'entendez elle-même positivement. Cette parole, unie en ce moment à la musique, mesurée aussi, cadencée, remplie également d'harmonie et d'images, c'est la poésie. A l'exemple de la musique, elle s'adresse aux sens, il est vrai; mais elle commence à s'en détacher, pour se rapprocher de l'idée pure, à l'exemple de l'éloquence: fleur à demi éclose de l'intelligence, et revêtue encore de ses premières enveloppes, elle exhale aux pieds des autels les parfums les plus exquis de la pensée. La poésie a bien ses dangers: elle peut amollir, enivrer l'intelligence et le cœur. Toutefois elle n'est pas dans le temple ce qu'elle est souvent au dehors: elle se transforme en franchissant le seuil sacré; elle devient grave, recueillie, comme tout ce qui approche de Dieu; elle se pénètre des austères doctrines du catholicisme. Ecoutons quelques-uns de ses chants.

<< Vous vous cachez, Seigneur, au sein même d'une lumière inaccessible aux mortels. Les saints anges, en votre présence, tremblent et se voilent la face.

<< Ici-bas, nous restons ensevelis dans de profondes ténèbres; mais cette nuit se dissipera aux premiers rayons de l'éternelle lumière.

Paraissez! Ah! paraissez enfin, jour vivement désiré! Hélas! avant de vous posséder, il faut nous dépouiller d'une chair souillée par le péché.

O luce qui mortalibus Lates inaccessa, Deus.

(Hymn. Dominic., ad Vesp.)

« Vous reconnaissez là encore l'abrégé de la doctrine chrétienne : c'est toujours le souvenir ineffaçable de la déchéance originelle, l'embarras de la chair, l'ardente aspiration vers les cieux.

Le silence se fait de nouveau dans le temple, pour laisser quelque temps aux méditations et à la prière. Autour de vous, vous apercevez le mélange de la lumière et des ténèbres, comme la lutte, en face de Dieu, du bien et du mal, des saintes joies et de la tristesse, de la vie et de la mort. Au dedans de vous-même vous sentez le souffle mystérieux d'une puissance invisible qui vous pénètre et vous domine invinciblement, comme les apôtres dans le cénacle. Vers un milieu qui s'élève entre les voûtes et le parvis, on voit s'avancer le ministre de la parole. Ses vétements symboliques, sa lente démarche, son front grave et sévère inspirent le recueillement. Debout, immobile, il promène ses regards sur la multitude en attente. Puis, de ses lèvres commence à couler, comme un fleure de vie et de lumière, l'enseignement qui éclaire et nourrit l'esprit. Il dit ce que Dieu est en lui-même,

ce que peut exprimer le langage humain des mystères de sa trinité. Il raconte les merveilles de sa puissance dans la création, ses bienfaits envers l'homme, l'ingratitude de celui-ci, sa révolte, le premier péché, ses suites lamentables, l'incarnation du Verbe, son passage sur la terre, ses souffrances, sa mort pour accomplir la rédemption du genre humain. Il menace le pécheur, il ouvre devant lui l'éternel abîme, le presse, l'adjure de s'en détourner, de mettre à profit les jours de la miséricorde. Ses yeux, sa voix, sun geste s'animent; de sa poitrine haletante sortent des accents qui vont remuer les entrailles les plus endurcies.Comme les épis de la campagne, comme la mer agitée d'un mouvement intérieur, la foule tressaille, les têtes plient, elles s'abaissent courbées par le souffle invisible; on entend des soupirs, des sanglots étouffés. Peu à peu ces tempêtes se calment. Le ministre de Dieu épanche sur les hommes, avec les flots de sa suave parole, toutes les espérances de la foi, toutes les joies de l'amour. A travers les travaux de l'exil, les épreuves, les fatigues de cette route mystérieuse, où l'on trouve à chaque pas les divines traces du Fils de l'homme, il conduit le juste vers la patrie où s'évanouissent toutes les douleurs dans une félicité ici-bas incompréhensible, dans l'immuable possession du vrai, du bien, du beau infini; là où, par l'union réelle et mystique des créatures avec le Christ, du Christ avec son Père, toutes choses seront à jamais consommées dans l'unité. Et à mesure que descendent de la chaire sacrée ces consolantes promesses, ces sublimes enseignements, les sons affaiblis de la voix du prophète, l'inspiration de ses regards, le repos de ses traits, image du repos futur qu'il annonce, émeuvent, pénètrent ceux qui sont sous le charme de sa puissance, et portent jusqu'aux sens l'impression de cette paix, de cette joie inépuisable, inenarrable, dont l'homme régénéré s'abreuve sans fin dans les demeures éternelles. L'éloquence, on le voit, est sœur de la poésie; car la poésie n'implique pas essentiellement un mètre, un rhythme symétrique. Unies par d'étroits liens, elles different surtout en dans la poésie l'image et le sentiment prédominent, et la pensée dans l'éloquence. (Esquisse d'une philosophie.)

« Le ministre de l'Evangile n'est pas seulement orateur dans la chaire sacrée, il est en même temps historien, philosophe, théologien.

«Il est reeitement nistorien lorsque, la Bible à la main, il raconte l'origine du monde, la naissance d'Adam, ses premiers pas sur la terre, le développement du genre humain, sa dispersion dans tout l'univers, la conduite du peuple de Dieu, ses longues épreuves, les rapides instants de sa gloire et de ses jouissances, la rédemption des hommes, l'établissement et la conservation de l'Eglise, malgré les obstacles qu'elle est obligée à chaque instant de surmonter; ou bien, lorsque, brisant avec l'agneau le sceau des prophéties, il annonce les futures destinées de l'homme ici-bas, l'affaiblissement de la foi, le refroi dissement de la charité, la destruction uni

DES OBJECTIONS POPULAIRES. verselle, la résurrection, le jugement, l'éternité. Il est historien encore lorsque, fixant ses regards sur quelques individus sortis de la voie commune, qui se sont élevés par leurs actions au-dessus de la masse des hommes, il peint leurs privations, leurs combats, leurs triomphes; ou bien lorsque, racontant dans la chaire de vérité la vie des grands de la terre, il pèse au poids du sanctuaire cette poussière du monde dont le cœur dépravé des hommes aspire si souvent à se rassasier.

Pendant le cours indéfiniment prolongé de son enseignement, il quitte aussi le rôle d'orateur pour prendre celui de philosophe; ou plutôt, sans cesser d'être orateur, il s'élève au plus haut degré de la philosophie. Aux vacillantes lumières de la raison, il sonde l'impénétrable abìme de Dieu et de la nature. Quelle est la cause première de tout ce qui existe? Quels sont les attributs de l'être infini? Qu'est-ce que l'homme? Quelle est sa destinée pendant son rapide passage sur la terre? Que devient-il à la mort?... Telles sont les difficiles questions dont il cherche la solution en lui-même. Si la réponse est pénible au cœur humain, il ne craint pas de la faire entendre, quel que soit son auditoire. Il doit la vérité aux grands aussi bien qu'aux humbles, au roi lui-même aussi bien qu'au dernier de ses serviteurs ; il la lui dit donc tout entière. Cependant ce n'est point avec son orgueil qu'il écrase l'orgueil des autres hommes, comme l'ont fait les philosophes païens; c'est avec la grandeur suprême devant laquelle toute grandeur terrestre n'est que néant. Il comprend que rien. n'est louable en lui, si ce n'est la vertu et le sincère aveu qu'il fait de sa propre misère. Quelque exalté qu'il ait été par les hommes, il ne se sent point ébloui de ses triomphes. Après une longue carrière saintement employée dans l'exercice de son ministère, il Sommera quelquefois du haut de la chaire, avec une autorité irrésistible, toutes les gran deurs de ce monde à venir se ranger autour d'un cercueil; puis, s'avançant lui-même à la suite de ce deuil lamentable, tremblant à la vue des coups que frappe la Providence, il inclinera ses cheveux blancs en face de la mort, qui ne respecte pas plus le génie que la gloire.

"

Mais c'est principalement sur les bases sacrées de la théologie que le ministre de l'Evangile aime à appuyer son enseignement. Par sa propre expérience, comme

par l'expérience des autres, il a reconnu combien est chancelante toute science qui ne repose que sur la raison, faible émanation de la lumière incréée. Cette raison ne dissipe jamais complétement les ténèbres profondes qui l'environnent de toutes parts. Souvent elle démolit pièce à pièce, avec une extrême facilité, l'édifice intellectuel qu'elle a péniblement élevé pendant de longues années. Vous diriez qu'elle n'a de force que pour montrer son impuissance. Etonné à la vue de tant d'ignorance et d'incertitude, pensant d'ailleurs que ce ne sont pas seulement ses propres croyances, mais celles de ses frères qu'il est chargé d'éclairer et de consolider, le ministre de l'Evangile se hâte d'aller au ciel puiser la lumière qu'il répand ensuite par torrents sur la terre. Un autre motif l'empêche de trop s'appuyer sur la raison, pour l'enseignement de la doctrine chrétienne; c'est que cette doctrine n'est pas toujours conforme à la nature dégradée par le péché; c'est qu'elle a souvent pour but, au contraire, de la combattre, de la réformer, de la rappeler, par la voie des humiliations et des souffrances, à sa pureté primitive. Quelques progrès donc qu'il ait pu faire dans les sciences profanes, à l'exemple de l'Apôtre des nations, il ne veut se glorifier que dans la croix, il prétend ne rien savoir que Jésus crucifié. Mais, o prodige! de cette croix profondément méditée, de toutes ces plaies saintement éloquentes, jaillit mystérieusement, comme autrefois le sang régénérateur, la lumière destinée à éclairer le monde intellectuel.

« La prédication n'est pas le seul moyen que le ministre de l'Evangile ait à sa disposition, pour appeler et maintenir sur la terre l'immuable vérité, unique fondement de la science et des arts. Que fait-il pendant le chant des cantiques, l'administration des sacrements, la célébration des saints mystères? Que fait-il immobile au pied des autels? Il prie, il médite, il est en relation avec Dieu; il puise, par conséquent, à la source première, les trésors de la vérité, qu'il transmet immédiatement aux intelligences qui se mettent en contact avec la sienne. »>

Concluons de tout cela que, bien loin de répandre les ténèbres sur la terre, la religion catholique fait jaillir, à chaque instant, de ses temples, les plus vives, les plus pures, les plus solides lumières

LUXE.

Objection. Pourquoi tant de luxe dans les églises, dans les palais épiscopaux et autres maisons appartenant au clergé? Ne vaudrait-il pas mieux vendre tout cela et en donner le prix aux pauvres?

Réponse. Nous expliquons cette difficulté à nos articles EDIFICES RELIGIEUX et EVÊQUE. Nous ajouterons ici quelques réflexions.

Votre observation est absolument celle
DICTIONN. des object. popul.

des disciples de Jésus-Christ, quand ils virent une femme répandre sur sa tête un vase de parfum précieux: Pourquoi cette perte, disaient-ils avec indignation? Il valait mieux vendre cela un bon prix, pour le donner aux pauvres : « Potuit enim istud venumdari multo, et dari pauperibus. » (Matth. XXVI, 9.)-Vous savez la réponse du Sanveur: Pourquoi tourmenter cette femme? Elle a fait une bonne œuvre : « Quid molesti estis mulieri huic? Opus enim bonum operaia

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puis

est in me.» (Ibid., 10.)-Oui, elle avait fait une bonne œuvre, non-seulement à l'égard de Dieu, mais encore à l'égard des hommes, puisqu'un cœur embrasé d'amour pour Dieu l'est également pour les hommes, et devient plus apte, par là, à se dévouer à leur service. Aussi Jésus-Christ déclare-t-il que son Evangile sera annoncé par toute la terre, mais qu'en même temps on racontera à la gloire de cette femme ce qu'elle a fait : Amen dico vobis, ubicunque prædicatum fuerit hoc Evangelium in toto mundo, dicetur et quod hæc fecit in memoriam ejus. (Ibid., 13.)

C'est aussi la meilleure réponse que nous puissions vous faire. Est-ce que l'homme n'a d'obligation qu'envers les pauvres ? est-ce qu'il n'en a pas également et même avant tout envers Dieu ? Il nous est donc bien permis d'employer tous les moyens qui sont à notre disposition pour nous rappeler la pensée et l'amour du Créateur; d'autant plus que cette pensée et cet amour nous conduisent tout naturellement à la pensée et à l'amour des créatures, de celles surtout aux quelles nous devons être le plus attachés, comme les pauvres.

Pourquoi tous ces objets de luxe dans les maisons religieuses? demandez-vous. Ne vaudrait-il pas mieux les vendre, et en donner le prix aux pauvres?

Le principe posé, il faut en tirer toutes les conséquences. Je vous demanderai donc, à mon tour, pourquoi tous ces objets de luxe que je vois partout ailleurs, chez vous, sur vous-même peut-être? pourquoi ne pas les vendre, et en donner le prix aux pauvres ? Si vous repoussez mon idée, vous vous montrez inconséquent, et vous vous réfutez par cela même. Si vous l'adoptez, c'est bien autre chose.

Puisque tout le monde doit vendre ces objets de luxe, qui donc les achètera? Puisqu'il faut les vendre, à plus forte raison ne fautil point en faire. Dès lors, plus de culture des beaux-arts, plus de civilisation, et bientôt la barbarie avec ses misères et ses cri

mes.

Ceci me rappelle la conversation d'un enfant avec sa mère, précisément à ce sujet; conversation que j'ai racontée moi-même dans la Vie d'un respectable ecclésiastique. (Modèle de la vie chrétienne et sacerdotale.) C'était peu avant la révolution, qui détruisit, en effet, tant d'objets de luxe, et nous fit rétrograder jusqu'à la barbarie.

«Ne serait-il pas mieux,» disait l'enfant dont le cœur était embrasé d'une ardente charité, « ne serait-il pas mieux de vendre tout ce qui ne nous est pas nécessaire et d'en donner le prix aux pauvres? Si le maitre du château où nous demeurons voulait s'en défaire à leur profit, il soulagerait, je pense, toutes les misères des environs. J'ai vu cette pensée dans plusieurs livres qui n'étaient, en cela, que l'explication de l'Evangile où je lisais l'autre jour: Vendez tout ce que vous avez, el donnez-en le prix aux pauvres, vous aurez un trésor dans le ciel. (Matth. xix, 21.)

« Vous venez d'émettre, mon enfant, » lui répondit la mère, « une idée sainte en elle-même, mais dangereuse, quand les passions s'en emparent. Quelques-uns se dépouillent en effet, comme vous venez de le dire, de tout ce qu'ils possèdent. Ce sont les saints, ces hommes de temps en temps suscités de Dieu, pour rallumer dans les cœurs la charité presque éteinte. Cependant il n'est pas donné à tous de s'élever à cet héroïsme de la vertu. Je ne sais même si le détachement des choses de ce monde, porté par tous à ces limites extrêmes, n'aurait pas des résultats plus funesles encore qu'avantageux, puisqu'il détruirait notre société, fondée en grande partie sur l'inégalité des fortunes. Il y a sans doute de grands désordres dans cette société, car c'est l'homme multiplié à l'infini, et, avec lui, ses misères. Dans cet immense édifice d'hommes, le malheureux, placé à la base, gémit profondément, chargé qu'il est du poids de ses frères. Mais il y a là aussi, nous devons en convenir, des choses admirables. Quoi de plus grand que la patience et la résignation du malheureux au milieu de toutes les privations? Quoi de plus touchant que la commisération du riche qui va, le cœur ému, porter son aumône jusque dans les réduits les plus cachés de l'indigence, et se retire chargé des bénédictions de ceux qu'il a secourus? Quoi de plus beau que ce travail général qui, à un signal donné d'en haut, met en activité tous les membres du corps social, dans lequel il entretient la vigueur, la santé, la vie même, comme fait le mouvement dans le corps humain? Quoi de plus splendide que la culture des sciences el des arts, qui contribuent puissamment à polir les mœurs, inspirent le goût du beau, du vrai, élèvent le cœur jusqu'au sein de l'Etre infini, d'où il redescend sur la terre, comblé des dons célestes, après avoir, en quelque sorte, divinisé sa nature? Otons tout cela, et la civilisation périt, et nous descendons rapidement à l'état sauvage. Nous ne voyons là, il est vrai, ni riches ni pauvres; mais nous n'y trouvons, non plus, ni vertu ni bonheur. Le premier, c'est le plus fort. I tue son vieux père, son enfant débile, par pitié, pour les débarrasser de la vie. Quant au guerrier robuste, il le tue par convoitise, pour se charger de ses dépouilles. Il n'a pas de plus grand bonheur que de poursuivre son ennemi, de l'atteindre, de le percer de ses flè ches meurtrières; il n'a pas de plus grande gloire que d'enlever sa chevelure et de boire dans son crâne dépouillé.... Quoi qu'il en soit, mon enfant, renfermons-nous dans le cercle de nos devoirs, et réprimons l'essor de notre pensée indocile, quand elle veut trop approfondir ces mystères de Dieu et de l'humanité. »

Ainsi raisonnait cette mère pleine de sagesse; et les événements ne tardèrent pas a confirmer les considérations de son intelligence élevée. La révolution française arriva peu après. Frappée de quelques abus inhérents à la nature humaine, elle se dit aussi : « Pourquoi des riches et des pauvres, des

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