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et ses deux époux étant morts, on ne voit pas quel ménagement on aurait encore à garder. Au contraire, la justice veut qu'enfin on fasse connaître cette dame. Le rôle qu'elle joue dans les Entretiens sur la pluralité des mondes ne peut que lui faire beaucoup d'honneur. Elle a quelque droit à l'immortalité que la postérité semble promettre à cet ouvrage. Si pendant sa vie la modestie lui a fait garder l'incognito, on doit la dévoiler après sa mort, pour lui rendre ce qui lui est dû.

C. SUJETS DIVERS.

ΧΙ

L'ORIGINE DES SACRIFICES.

(Le jésuite Merlin et Bayle. Discussion dans une Société littéraire genevoise, sur l'origine, divine ou humaine, des sacrifices: arguments pour et contre. — Sacrifices eucharistiques, impétratoires, expiatoires.)

(Journal Helvétique, Juin 1738; Bibliothèque Germanique, année 1740, tome XLIX, art. VIII.)

MESSIEURS,

Le P. Merlin continue à attaquer M. Bayle dans les Mémoires ou Journal de Trévoux. Dans le cahier d'Avril 1738, page 678, ce jésuite redresse le Dictionnaire critique sur ce qu'il a dit d'Abel. A la vérité rien n'est moins intéressant que les questions que le censeur met sur le tapis. Il commence par examiner si Caïn et Abel étaient jumeaux, ou non. Que M. Bayle se soit trompé sur cette grave matière, c'est ce qui intéresse peu le public. Le P. Merlin prétend ensuite trouver encore M. Bayle en faute sur les offrandes de ces deux frères, c'est-à-dire sur l'opinion commune qu'il tomba un feu céleste sur les victimes d'Abel.

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Il y aurait une manière fort abrégée de faire sentir au jésuite que sa critique est trop sévère, c'est de lui rappeler l'avertissement qui finit cet article d'Abel. M. Bayle y dit formellement :

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Qu'en rapportant dans ses remarques les différents sentiments qui regardent Abel, il avait ramassé bien des mensonges et bien des fautes, mais que c'était là l'esprit et le but de son dictionnaire. Cette déclaration, que l'on trouve à la fin du texte, semblait être une précaution suffisante contre la mauvaise humeur des Pères Merlins.

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Sans m'arrêter davantage à ces minuties, je crois devoir vous rendre raison d'une conversation à laquelle cette critique du jésuite a donné lieu. Après avoir examiné, dans une Société littéraire, ce qu'il dit du sacrifice d'Abel, on remonta à l'origine des sacrifices. Cette espèce de culte est aussi ancienne que le monde, mais il s'agissait de savoir, si Dieu a prescrit les sacrifices aux premiers hommes, ou s'ils s'en sont avisés eux-mêmes. La question, comme vous voyez, Messieurs, est assez problématique. Je crois que vous ne serez pas fâchés que je vous rende raison de la manière dont elle fut discutée.

—ou

Ceux qui attribuèrent aux hommes eux-mêmes la pensée de sacrifier, firent d'abord valoir le silence de l'Écriture sainte. On ne voit pas, dans la Genèse, la moindre trace d'aucun commandement de Dieu à cet égard. On remarqua ensuite que les premiers hommes pouvaient fort bien s'être avisés de sacrifier, et d'offrir des présents à leur bienfaiteur, sans qu'il soit nécessaire de supposer que Dieu lui-même ait prescrit cette espèce de culte. Le premier établissement de cette cérémonie semble devoir son origine au dessein qu'eurent les hommes de faire hommage à la Divinité des biens qu'ils avaient reçus de sa main libérale. Dieu leur donnait les aliments pour leur subsistance: pour reconnaître qu'on tenait du ciel ces présents, on tâcha de lui en renvoyer une portion, que l'on regardait comme lui étant consacrée d'une manière particulière. Cet acte de reconnaissance leur parut juste et équitable.

Ce qui fortifie beaucoup cette conjecture, c'est que la matière des sacrifices était la même que celle des aliments dont les hommes se sont servis. On a toujours eu soin, dans les sacrifices, de donner à Dieu une portion de ce que l'on mangeait, et on choisissait pour cela ce qu'il y avait de meilleur dans chaque genre de nourriture. Porphire, dans son traité de l'Abstinence, remarque que les hommes qui vivaient au commencement de gland, faisaient brûler à l'honneur des dieux une petite quantité de ce fruit; qu'ils leur offrirent ensuite des noix, de l'orge, de la farine, et qu'enfin ils en vinrent à leur sacrifier des animaux. Si nous consultons les Livres sacrés, nous y trouverons aussi que les premiers aliments dont les hommes usèrent, furent choisis pour rendre les premiers hommages à la Divinité. On y voit que Caïn, qui s'appliquait à l'agriculture, pour reconnaître que Dieu est l'auteur de tous les biens, lui présente quelque partie des productions de son travail, comme des grains, des fruits, et d'autres choses de cette nature. Pour Abel, qui était berger, Grotius a fait voir qu'il n'offrit pas à Dieu la chair des animaux, mais leur lait. Il y a beaucoup d'apparence que c'est Adam qui avait appris à ses enfants qu'ils devaient marquer à Dieu leur reconnaissance par de semblables offrandes. On voit dans la suite qu'à mesure que le genre humain dégénéra de sa simplicité primitive, les sacrifices devinrent un peu plus somptueux. Ils se ressentirent du raffinement de la table des hommes.

Une remarque qui ne fut pas oubliée, c'est qu'avant l'établissement de la loi mosaïque, la manière de sacrifier était aussi arbitraire que la matière des sacrifices. Chacun était le ministre de ses propres offrandes, et il présentait ses victimes quand il jugeait à propos. Il ne paraît pas qu'il y eût précisément des temps marqués pour cette cérémonie. Cette espèce de culte étant ainsi laissée à la liberté des particuliers, semble marquer que la Divinité ne s'était pas expliquée là-dessus.

Mais comment les hommes s'avisèrent-ils de brûler ce dont

ils voulaient faire présent à leur bienfaiteur? Par quel progrès de raisonnement en vinrent-ils à détruire ce qu'ils destinaient à Dieu? Voici de quelle manière on essaya d'expliquer cet article, qui parait d'abord assez embarrassant. Il faut supposer que ces présents, destinés au Créateur, furent d'abord mis sur quelque espèce de table, dans l'espérance que celui à qui ils étaient consacrés viendrait peut-être les prendre lui-même, et marquer par là qu'il les acceptait, à peu près comme on mit dans la suite, sous la Loi, une poignée d'épis et d'autres offrandes sur une table destinée à des usages sacrés. Ces premiers hommes, s'étant vus à cet égard trompés dans leur attente, cherchèrent quelque expédient pour faire parvenir ce qu'ils lui offraient. Ils savaient que Dieu habite dans le ciel or il n'y a qu'une seule manière d'y élever les corps pesants, c'est de les réduire en fumée et en vapeurs, par le moyen du feu. Il y a donc beaucoup d'apparence que l'on brûla les victimes, comme l'on brûle l'encens, c'est-à-dire, afin de leur faire prendre le chemin du ciel, et de marquer par là à qui elles étaient destinées. Il est probable que c'est là la première vue de ceux qui ont employé le feu dans les sacrifices. Il n'est pas nécessaire d'avertir que, dans le premier âge du monde, on consumait entièrement la victime, et que l'on ne connaissait encore que les holocaustes.

Cette explication est assez simple et assez naturelle; cependant, Messieurs, je dois vous avouer qu'elle parut trop grossière à quelques-uns de nos Messieurs, pour qu'ils pussent l'adopter. On eut beau leur représenter qu'il ne faut pas juger de ces premiers temps par les idées que nous avons aujourd'hui ; qu'il faut se transporter dans ces commencements du monde, dans cette époque de simplicité et d'enfance du genre humain; ils répliquèrent qu'ils ne pouvaient pas se résoudre à faire les premiers habitants du monde si idiots; qu'on pouvait expliquer autrement cette destruction de la matière du sacrifice; qu'il valait mieux dire que ceux qui sacrifiaient, ayant destiné ces présents à la Divinité, ils les consumaient par le feu, pour mar

quer qu'ils renonçaient à la propriété qu'ils en avaient eue auparavant, qu'ils ne voulaient plus les reprendre, ni en faire usage, et que c'était un don irrévocable. Ils ajoutèrent, pour confirmer leur explication, qu'il fallait rapporter à cette vue les libations des païens, où l'on répandait à terre du lait, du vin, ou d'autres liqueurs, au pied de l'autel : que cette boisson ainsi jetée ne pouvait marquer que la désappropriation. On répliqua à cette dernière manière d'expliquer la destruction de la victime, qu'elle est assez ingénieuse; qu'elle peut bien être venue dans l'esprit des hommes, dans la suite, mais qu'elle ne semble pas être l'idée primitive qu'il s'agissait de trouver. A l'égard de la preuve tirée des libations, elle ne parut pas conclure pour ces anciens temps, où elles n'étaient pas encore en usage. On ajouta que lorsque la pratique en fut commune chez les païens, on y voit aussi des libations fumantes. Ils jetaient quelquefois la liqueur sur le feu de l'autel. Virgile, dans le quatrième livre des Géorgiques, vers 385, dit que Cirène, faisant un sacrifice à Neptune, jeta d'un excellent vin sur le feu de l'autel, jusqu'à trois reprises différentes; que la flamme s'éleva jusqu'à la voûte de la salle, et que ce fut là un heureux présage. C'était un bon augure lorsque le feu ne s'éteignait pas par les libations, et qu'au contraire il se ranimait : c'était là une heureuse marque, sans doute parce que la liqueur, réduite alors en vapeurs, prenait heureusement le chemin du ciel.

<«< Rien n'est plus aisé, Messieurs, que de vous accorder, répondit un tiers, qui faisait ici l'office de médiateur. Vos deux sentiments, quoique différents, peuvent fort bien se concilier. Il n'y a qu'à prêter aux premiers hommes qui ont sacrifié, l'une et l'autre des vues que vous venez d'indiquer. Quand ils ont offert quelque chose à la Divinité, ils ont pu avoir intention de marquer qu'ils ne voulaient plus en faire leur propre, et pour marquer qu'ils y renonçaient, ils auront pensé à le détruire; mais ils ont choisi le feu pour cela, afin que la fumée s'élevant au ciel indiquât que ce présent regardait la Divinité. Quoique

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