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pu apercevoir un maître et un prophète dans l'obscur artisan galiléen. Il paraît évident, d'après le récit des évangiles que Jean ne l'avait pas rencontré depuis de longues années. Il pouvait avoir oublié jusqu'aux traits de son visage, tout en ayant conservé le vague souvenir des événements de son enfance. Cependant quand Jésus s'approcha des bords du fleuve, Jean par une divine intuition reconnut sur son front le sceau d'une pureté sans tache; ce qu'il avait appris de sa naissance lui revint en mémoire, et, mesurant d'un regard la distance qui le séparait de ses prosélytes ordinaires, il s'écria: « C'est moi qui ai besoin d'être baptisé par toi et tu viens à moi. Il me faut accomplir tout ce qui est juste, répondit Jésus. » A peine s'est-il plongé dans les eaux du fleuve qu'une vision glorieuse achève d'éclairer Jean-Baptiste. Il voit le ciel s'ouvrir et l'Esprit de Dieu descendre sur Jésus sous la forme d'une colombe, douce image de l'inspiration continue; une voix qui n'est pas de notre monde fait entendre ces mots : « C'est ici mon Fils bien-aimé dans lequel j'ai mis mon bon plaisir '. » Alors le

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Baptiste (Vie de Jésus, p. 65). H était encore absolument seul, d'après tous les récits évangéliques.

1 D'après Jean, le témoin le plus immédiat de la scène du Jourdain, la vision fut pour le Baptiste seul (Jean I, 32, 33). Matthieu et Marc disent expressément que ce fut lui qui vit la colombe (Matth. III, 16; Marc I, 10). S'ils donnent un tour direct à la parole divine: Tu es mon Fils bien aimé, rien n'empêche d'admettre que le Précurseur ne l'eût entendue seul sous cette forme. La manière dont le récit sacré s'exprime montre surabondamment qu'il ne s'agit pas d'une colombe réelle (ὡσεὶ περιστεράν, Matth. 111, 16; σωματικῷ εἴδει, 5 TEρIOTEрáv, Luc III, 22). Il n'y a donc ici qu'une vision, mais

Baptiste s'écrie dans son extase: « Je ne le connaissais pas. C'est maintenant, en effet, que, pour la première fois, il connaît Jésus dans sa gloire de Fils unique et de Messie'.

Le baptême de Jésus marque une grande date dans sa vie. On ne saurait légitimement l'invoquer contre sa sainteté parfaite. Il est évident, par le récit évangélique, que cette cérémonie a revêtu pour lui un caractère exceptionnel. Jean montre clairement par ses scrupules qu'il sait bien qu'il baptise un être parfaitement saint. Pourquoi donc Jésus s'est-il soumis au baptême? Le Baptiste lui-même résout la question par cette parole significative: « Je suis venu baptisant d'eau, dit-il, afin qu'il fût manifesté à Israël 2. Ainsi le baptême du Christ a été, avant tout, destiné à inaugurer solennellement son ministère; voilà pourquoi il a été entouré de circonstances remarquables qui en relèvent la grandeur. Ne voir en lui que ce qui le rend semblable au baptême

cette vision est une révélation réelle qui a son action immédiate, et à laquelle correspond une communication effective de l'Esprit-Saint Jésus-Christ. Voilà le fait divin dont la vision n'est que l'expression symbolique. Jean-Baptiste, dans le quatrième évangile, ne distingue pas, pour le mode, la révélation qu'il a reçue au Jourdain de celle qui l'y avait préparé (Jean I, 32, 33). Preuve nouvelle en faveur de notre assertion.

1 Il nous semble que ce commentaire narratif du récit évangélique répond aux objections présentées par Strauss dans ses deux Vies de Jésus (ouvrage cité, pp. 195, 196), et par Schleiermacher (Leben Jesu, p. 146). Il n'y a donc pas de contradiction entre l'évangile de l'enfance et le récit du baptême.

• Ἵνα φανερωθῇ τῷ Ἰσραήλ, διὰ τοῦτο ἦλθον ἐγὼ ἐν ὕδατι βαπτίζων. (Jean I, 31.)

ordinaire, et négliger ce qui l'en distingue, c'est méconnaître ses traits distinctifs et sortir de la réalité historique. Jean, le représentant de l'ancienne alliance est chargé de proclamer au nom des saints et des prophètes dont il est l'héritier légitime, que la nouvelle alliance a commencé et que le Messie promis est venu. En outre, ce royaume des cieux qui va être inauguré sur la terre aura pour sujets les humbles, les cœurs brisés, ceux qui pleurent. Le baptême de repentance est le touchant symbole de toutes ces dispositions. Ne convient-il pas que le roi de ce peuple pénitent lui fraye la voie? Ne s'est-il pas identifié à la race qu'il vient représenter? Celui qui veut mourir pour elle ne peut-il pas se repentir pour elle et porter sur son cœur le fardeau de ses misères morales? Dans les institutions mosaïques les souillures n'étaient pas seulement personnelles; le contact d'un être souillé rendait la purification nécessaire. Ici, il n'y a pas un simple contact avec la race déchue; il y a la solidarité la plus intime, la plus absolue. Ce mystère est le fond même de la rédemption et il n'est pas plus difficile à admettre au bord du Jourdain qu'au jardin de Gethsémané et à la croix.

On se tromperait si l'on s'imaginait que Jésus n'ait reçu aucune grâce à son baptême. Il s'était placé dans les conditions complètes de l'humanité. Il puisait aux sources de la vie divine, comme nous y devons puiser nous-mêmes par la prière et par la foi. L'Esprit-Saint lui fut effectivement communiqué avec une richesse nou

velle à cette heure solennelle; ce fut son onction royale pour son œuvre de douleur et d'amour.

Le lendemain de ce grand jour, Jean-Baptiste rencontra Jésus. Il le désigna aux deux disciples qui l'accompagnaient par ce mot profond : « Voici l'Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde'. » Cette parole pouvait être facilement comprise par les pieux Israélites qui avaient assisté au sacrifice offert soir et matin dans le temple de Jérusalem, et qui avaient mangé l'agneau pascal, surtout s'ils avaient lu les oracles prophétiques où le libérateur promis était représenté sous l'image d'une victime2.

III. JEAN-BAPTISTE ET HÉRODE ANTIPAS.

Le Baptiste s'était rendu au sud du pays de Juda, à Hénon, près de Salim, localité célèbre par ses sources, surtout dans une contrée déserte et brûlée3. Déjà, à la première faveur, avait succédé l'opposition. Les principaux de la nation mettaient en cause son baptême. Ses disciples étaient d'autant plus

1 Jean I, 29.

2 Esaïe LIII.

3 On a voulu placer cette localité en Samarie, d'après l'Onomasticon de Jérôme. Mais nous trouvons bien plus plausible l'hypothèse de Wieseler, qui voit dans Hénon une contraction de Hen-Rimmon, petite ville située à l'extrémité sud de la tribu de Juda d'après Néhémie XI, 29. On ne comprendrait nullement l'activité de JeanBaptiste dans le pays des Samaritains.

C'est ce qu'on peut inférer de la discussion entre les disciples de Jean-Baptiste et les Juifs sur la purification (Jean III, 25). L'opposition des pharisiens et des docteurs est formellement indiquée dans Luc VII, 33

jaloux de son influence. Aussi vinrent-ils se plaindre à lui de ce que Jésus semblait vouloir le supplanter en pratiquant le rite qu'il avait institué. Cette plainte provoqua le plus beau témoignage de Jean-Baptiste. Il en appelle d'abord au mandat spécial qu'il a reçu et qui le met infiniment au-dessous du Messie. Quand la subordination est si tranchée, on ne saurait parler de rivalité. Il représente sa relation avec Jésus par une image poétique et touchante qui montre à quel point il s'est nourri de l'Ancien Testament. Le Messie est l'époux de la nation sainte; lui, il n'est que l'ami de l'époux, et son office se borne à préparer les divines fiançailles. Sa joie est d'entendre la voix du bien-aimé à la veille du jour où l'union mystique va se réaliser, et de disparaître en quelque sorte dans sa gloire et dans sa félicité. Il faut que celui-ci croisse et que je diminue'. » Voilà sa devise et l'inspiration de toute sa vie.

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Cette noble abnégation, ce dépouillement intérieur, est le secret de sa grandeur et de son courage. Il ne se soucie pas de l'approbation des hommes; c'est pour cela qu'il ne dépend d'aucun d'eux, et qu'il parlera toujours un langage mâle et hardi pour protester contre le mal sous toutes ses formes. Cette voix qui vient du désert est la grande voix de la conscience et de la justice. Il n'est au pouvoir de personne de lui imposer silence, parce que celui qui ne demande rien au monde

1 Ἐκεῖνον δεῖ αὐξάνειν, ἐμὲ δὲ ἐλαττοῦσθαι (Jean III, 30). Lia fin du chapitre, malgré les ingénieuses observations de M. Godet, me semble un développement de l'évangéliste. Les idées et les expres-sions dépassent évidemment le point de vue du Baptiste.

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