Sayfadaki görseller
PDF
ePub

sur sa valeur actuelle, sur sa destinée et sa direction générale. Mais pour reprendre contact avec la totalité du réel et de nos puissances, il nous faut vivre en quelque sorte dans un monde complet, détaché cependant du monde actuel où s'impose la dure spécialisation. Il nous faut pouvoir vivre en quelque sorte d'une seconde vie, dans un second univers, nous appartenant tout entier, et qui cependant ne vient jamais troubler le monde effectif où s'étalent nos activités normales. Il nous faut mener, pour me servir d'un terme devenu classique, une existence interne complète et désintéressée. Cherchons chez les psychologues les plus connus, nous trouverons que pareille existence se réalise dans la vie esthétique et que nous la puiserons, si nous ne sommes pas irrémédiablement racornis, dans les grandes productions de l'art. Concluons sans réserve que l'art, dans ses manifestations les plus hautes, peut jouer un rôle très important dans les vacances du spécialiste. Si l'on y joint le contact immédiat avec la nature, contact dégagé de toute systématisation, l'art constitue la donnée la plus importante dans cette seconde période des vacances, qui pour le spécialiste doivent avoir la valeur d'une cure intellectuelle.

Lorsqu'on se sera ainsi rempli l'âme de grandes et belles et bonnes choses, lorsque, au moins psychiquement, on se sera assuré la vie intégrale, par la simple poussée de notre nature personnelle la spécialité fera jour à nouveau dans une troisième et dernière période des vacances. Son apparition à ce moment est particulièrement intéressante. Elle se détache sur ce fond d'une prodigieuse richesse que nous venons d'acquérir par la vie intégrale dans l'art et la nature, et elle lui emprunte une surprenante quantité d'associations nouvelles. En termes moins techniques, la troisième période des vacances doit être, dans la vie du spécialiste, relativement à sa spécialité, le temps le plus fécond en idées nouvelles. Ce n'est pas le moment de

l'élaboration, de la vérification méthodique : ce travail ardu et souvent ingrat est celui des mois de labeur volontaire de l'année académique; mais c'est le temps radieux de l'inspiration, de l'innovation, du progrès. Je n'insiste ni sur sa valeur, ni sur ses inoubliables jouissances, parce que nous cherchons les remèdes aux inconvénients de la spécialisation, et je me contente de conclure qu'avec la lecture d'une sérieuse revue générale, le contact entre spécialistes, la formation classique, et l'étude de la philosophie, les vacances sainement comprises, sagement organisées, sont une nécessité pour le spécialiste qui ne veut point étouffer dans sa spécialité.

Lorsque nous prendrons toutes ces mesures, nous n'aurons plus rien à craindre de la spécialisation. Dans le champ de nos études personnelles, nous nous trouverons d'autant plus à l'aise, nos explorations seront d'autant plus fructueuses, que nous n'aurons aucune crainte d'y perdre quelque ressource vitale de notre

nature.

On trouve dans le Faust de Goethe l'étrange conseil de laisser rouler le grand Univers, et de nous contenter du petit monde que nous embrassons de notre regard et de nos intérêts immédiats. Mais n'oublions pas que c'est un conseil de Méphisto. Nous travaillerons scientifiquement dans un petit monde parce que nous voulons chercher avec fruit et comprendre avec pénétration. Mais nous vivrons dans le grand Univers où nous a placés le Créateur, parce que étant physiciens, chimistes, médecins ou psychologues, nous voulons rester des hommes en possession de facultés intégrales, placés en face de toute la nature, en face de toute la vie et en face de Dieu.

P. M. DE MUNNYNCK, O. P. Professeur à l'Université de Fribourg en Suisse.

LA

FERTILISATION DES ROCHERS

DES GARIGUES ET DES MARAIS EN ITALIE ET EN PROVENCE (1)

Voilà bientôt trente-six ans que nous avons l'honneur d'enregistrer périodiquement dans cette REVUE les progrès réalisés par la science agricole, et d'exposer ou de publier dans les ANNALES DE LA SOCIÉTÉ nos observations personnelles, lesquelles, d'ailleurs, ont été souvent contredites ou discutées par des cultivateurs ou par des professeurs imbus des anciennes théories, et parfois moins soucieux de répéter des expériences que de trancher à priori en s'inspirant des enseignements de leurs pères ou de leurs maîtres.

L'exposé des découvertes et des progrès réalisés chez nos voisins, nous permettra de revenir en passant sur ces recherches qui ont été confirmées pour la plupart par des savants étrangers, surtout depuis la généralisation des champs d'expériences en grande et en petite culture.

S'il est une science qui a marché à pas de géants et réalisé des prodiges depuis un demi-siècle, c'est bien

(1) Conférence donnée à l'Assemblée générale de la Société scientifique, à Bruxelles le mardi 25 avril 1911.

la science agricole. Lorsque, en mil huit cent soixante treize, je fus nommé Secrétaire de la Société Centrale d'agriculture où, soit dit en passant, notre Société scientifique a pris naissance, grâce au concours généreux des membres du bureau de cette association, tous morts hélas aujourd'hui (1), les cultivateurs flamands et wallons se débattaient encore en plein empirisme. La preuve, c'est qu'en 1880 M. Demarbaix, notre regretté collègue, pouvait dire à la Société centrale qu'il n'existait pas en Belgique six fermiers capables d'employer les engrais chimiques en connaissance de cause. Et lorsque je préconisais, dans ma chaire universitaire, l'emploi des écrémeuses centrifuges pour le traitement rationnel du lait, M. Demarbaix lui-même se faisait l'écho des préjugés des paysans, en affirmant que le beurre fait à la main dans sa ferme de la Campine serait toujours très supérieur au beurre préparé à la machine.

D'autre part, des hommes politiques éminents étaient encore tellement imbus de préjugés contre la science agricole qu'ils ne craignaient pas de dire, en plaisantant, dans les couloirs de la Chambre, « que notre thèse était certes un bel exercice de rhétorique, mais l'on savait bien que l'agriculture, c'est une brouette de fumier, une bêche ou une charrue et de bons bras pour

s'en servir ».

Il est intéressant pour ceux qui nous suivent aujourd'hui dans la carrière de rappeler cette mise au point, ne fût-ce que pour inspirer plus de confiance à la jeunesse dans cette science naturelle dont les pédagogues et les rhéteurs de l'ancienne école ont fait si bon marché dans leurs programmes, pendant que les découvertes se succédaient rapidement et transformaient la face du Monde.

(1) Voir ANNALES DE LA SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE DE BRUXELLES, 1892, session d'avril, Banquet, p. 44, discours de M. Mansion, secrétaire général.

Je n'insisterai pas sur les progrès réalisés en Belgique depuis cette époque. Ils sont assez connus de tous ceux qui s'intéressent à l'avenir économique de notre pays. Nous voulons aujourd'hui jeter les yeux au delà des frontières et comparer ce qui a été réalisé, parallèlement à nos progrès, par nos voisins du Midi, dans des sols et sous des climats différents du nôtre.

Ayant été chargé récemment par M. le Ministre de l'Agriculture d'une mission dans le Nord de l'Italie et dans le Midi de la France, j'ai pu me rendre un compte exact des résultats souvent merveilleux obtenus par ces trois facteurs dont nous n'avons cessé de préconiser le concours à cette tribune, depuis l'origine de la Société la Science, l'Association et le Crédit.

1

On a pu dire, avec raison, que la Foi soulève les montagnes. La Science se borne à les percer et à les féconder, comme elle apprend à transformer des landes stériles et des marais pestilentiels en champs cultivés, en étangs poissonneux, en bois ou en jardins, qui enrichissent en quelques années les régions les plus déshéritées.

Commençons par la Provence, dont le beau ciel fut chanté par les poètes depuis le règne des rois d'Aragon et qui, vue de près, présente souvent le triste spectacle de l'aridité et de la stérilité la plus complète.

Telles, ces vastes plaines du Vaucluse et de la Crau, couvertes de cailloux, que les alluvions torrentielles du Rhône ont envahies après la dernière époque glaciaire et qui sont balayées par le mistral une bonne partie de l'année et ravagées par les débordements périodiques de la Durance.

«Le Parlement, le Mistral et la Durance, sont les trois fléaux de la Provence », disait avec raison un vieux proverbe français.

Eh bien, la baguette magique de la Science a transformé tout cela en quelques années.

« ÖncekiDevam »