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cuivre rouge que l'on appelle des vanesses (les vulcains, les paons du jour, les morios, les belles dames), on observe aussi de grandes demoiselles ou libellules, striées de vert et de bleu, aux yeux énormes, étincelants comme des diamants, par leurs milliers de facettes et qui semblent monter la garde en volant le long des allées ombragées des avenues, des mares ou des étangs, jusqu'au coucher du soleil.

Ces magnifiques aéroplanes névroptères, ainsi nommés parce que leurs quatre ailes membraneuses et transparentes se constituent d'un réseau aussi délicat que la dentelle, sont de redoutables carnassiers dont le manège singulier n'a d'autre but que de happer au vol toutes les mouches qui voltigent sous les ombrages ou sur les eaux.

D'où viennent ces vaisseaux de proie, ces pirates de l'air dont le vol dépasse en vélocité celui de l'hirondelle ?

Ils sortent du fond de l'eau, comme Vénus sortit un jour du sein de l'onde, s'il fallait en croire la mythologie des Grecs.

Ils réalisent le plus étonnant exemple de double vie, d'amphibiose, et de métamorphoses successives dont la nature est si prodigue et qui avaient si vivement frappé l'imagination des anciens, lesquels voyaient dans ces transformations subites d'une larve hideuse en un être gracieux et aérien le symbole ou l'image de la résurrection.

La larve des libellules, comme celle des éphémères et d'autres insectes, passe l'hiver au fond des eaux où elle se nourrit d'insectes, de mollusques, voire même de petits poissons. C'est un type curieux de vaisseau submersible formidablement armé, dont l'arrière constitue une pompe foulante et l'avant une terrible pince articulée qui se replie sous la gorge et se lance automatiquement sur la proie. Les pattes sont transformées

en véritables rames et les trachées s'ouvrent à l'anus par lequel elles viennent respirer à la surface de l'eau et faire provision d'air.

Au printemps, cette larve sort de l'eau et se métamorphose sur les plantes aquatiques, comme les roseaux, sur lesquelles on trouve abondamment ses carapaces transparentes, vides, après la nymphose, comme on trouve dans les rochers les carapaces d'écrevisses ou de homards qui ont changé de peau.

Chacun sait que les poissons possèdent une vessie natatoire qu'ils gonflent à volonté pour s'élever ou descendre dans l'eau. Les larves de libellules possèdent un organe analogue à l'extrémité de l'intestin où viennent aboutir les trachées qui forment des espèces de branchies destinées à séparer l'oxygène de l'eau, comme chez les poissons.

L'anus, formé de cinq valves épineuses, expulse et aspire l'eau au moyen d'un appareil musculaire qui sert également à produire et à régulariser les mouvements de natation.

Ce curieux dispositif peut s'observer aisément dans un bocal où l'on introduit des larves de libellules pêchées dans une mare ou un étang. Et c'est de cette larve paradoxale que va sortir le merveilleux aéroplane à quatre ailes de gaze et aux vives couleurs que l'on nomme une demoiselle. La nature est vraiment une grande magicienne.

Quand l'heure de la dernière métamorphose a sonné, le petit monstre aquatique grimpe sur une plante ou une pierre émergée et l'on voit bientôt sa peau de larve se fendre du haut en bas par le dos. Il ne reste plus qu'un fourreau et l'enveloppe du masque en forme de casque, de la pince articulée qui servait à capturer les victimes de ce requin d'eau douce.

Au bout de quelques heures, le miracle est accompli et la libellule s'envole pour commencer ses randonnées III SÉRIE. T. XX.

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et ses chasses aériennes, servie par des organes absolument différents des premiers, mais aussi parfaitement adaptés à leur nouveau milieu. De puissantes mandibules cornées ont remplacé le masque et des yeux énormes présentant chacun environ six mille facettes remplissent presque toute sa tête.

Argus aux cent yeux n'était qu'un pauvre myope en comparaison de ce roi des airs, dont l'aéroplane fonctionne avec une sûreté et une rapidité prodigieuses. Chez les névroptères, en effet, les deux paires d'ailes possèdent des moteurs musculaires distincts, absolument indépendants, tandis que chez les autres insectes les muscles élévateurs et abaisseurs agissent à la fois sur chaque paire.

Aussi chaque paire d'ailes peut suffire à voler indépendamment de l'autre. La preuve c'est qu'on peut couper une paire sans abolir la fonction, ce qui n'existe pas chez la plupart des autres insectes.

En vérité, chaque espèce d'insecte présente un dispositif different toujours admirablement adapté à ses conditions particulières d'existence et il faut être volontairement aveugle pour ne pas voir dans ces merveilleuses combinaisons, variées à l'infini, la marque d'une Intelligence Suprême, qui se joue des difficultés et des obstacles insurmontables pour le génie de l'homme.

L'étude approfondie du mécanisme du vol chez les insectes, comme chez les oiseaux, nous amène à conclure, avec les plus habiles biologistes contemporains, qu'en dépit des apparences, le problème est résolu par le système du plus lourd que l'air et qu'il se réduit plutôt à une question de poids et de puissance appliqués à des ailes bien adaptées qu'à une question de légèreté. Si les insectes n'étaient pas doués d'une force musculaire très supérieure à celle des animaux supérieurs

par rapport à leur poids et à leur dimension (1), s'ils ne parvenaient pas à utiliser mieux qu'eux l'énergie solaire soit directement, soit indirectement, ils seraient incapables de réaliser les tours de force que nous avons décrits.

Toutefois, on aurait tort de méconnaître l'existence de ces réflexes qui leur permettent de se gonfler ou de se dégonfler à volonté comme leurs larves aquatiques et de produire peut-être des gaz plus légers que l'air, ce qui les rapproche momentanément des ballons dirigeables ou des montgolfières, en réduisant au minimum la défense nécessaire à la production de la force musculaire.

Chez la libellule on a constaté que le nombre de battements d'ailes n'atteint pas en moyenne 30 par seconde, tandis qu'il s'élève à près de deux cents chez l'abeille et à plus de trois cents chez les mouches (2). Il semble donc que la grande demoiselle est un aéroplane beaucoup moins lourd, puisqu'il exige une moindre dépense d'énergie pour se maintenir et se diriger dans l'air.

On constate des faits analogues chez les oiseaux grands voiliers, qui présentent des poches à air très développées et des os plus creux. La nature ne fait rien en vain, n'en déplaise à certains naturalistes qui s'appuient trop volontiers sur des exceptions ou des anomalies pour nier la règle ou pour méconnaître la loi.

A. PROOST.

(1) Le Professeur F. Plateau de Gand a démontré par de nombreuses expériences que chez eux la puissance musculaire est en raison inverse de la taille. Une abeille est trente fois plus vigoureuse qu'un cheval, puisqu'elle peut traîner une charge équivalente à quatorze fois son poids.

(2) On trouvera dans l'ouvrage de M. Marcy, professeur au Collège de France, publié par la Bibliothèque nationale de Gernier-Ballière, la description des ingénieux appareils enregistreurs qui ont servi à démontrer le mécanisme du vol chez les insectes et chez les oiseaux.

LES

EXPLOSIONS DE POUSSIÈRES DE HOUILLE

Avant le désastre de Courrières, on n'ignorait pas absolument le danger d'inflammation et d'explosion des poussières de houille; mais, en dépit des avis si nets formulés par des physiciens éminents (1), on le tenait généralement pour accessoire et secondaire. Le grand, le principal ennemi du houilleur était celui-là qu'on lui connaissait depuis plusieurs siècles: le grisou. Aussi est-ce du grisou que nous avons surtout entretenu la Société Scientifique au lendemain de la catastrophe du 10 mars 1996, tout en insistant cependant sur le danger des poussières et sur le caractère éminemment explosif de celles de ces exploitations minières (2).

Depuis Courrières, l'opinion des techniciens s'est définitivement orientée. A vrai dire, on en est encore réduit à des conjectures sur la cause première de la catastrophe; mais l'enquête officielle, confirmant celle de MM. Cunynghame et W. N. Atkinson, a nettement mis en évidence l'intervention désastreuse des poussières. Ce furent elles seules qui propagèrent l'explosion et semèrent la mort sur un champ immense (3). Devant les résultats des récentes études, il n'est plus

(1) Cf. G. van der Mensbrugghe : Quelques pages de l'Histoire d'un grain de poussière, REVUE DES QUEST. SCIENT.. juillet, 1894.

(2) REVUE DES QUEST. SCIENT., avril-juillet, 1907.

(3) Cf. Heurteau, La catastrophe de Courrières. ANNALES DES MINES (France), 10 série, XII, pp. 317-444, voir surtout pp. 429-444, annexe B, p. 487.

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