Sayfadaki görseller
PDF
ePub

LA

QUOTITÉ DE VIE D'UNE NATION

COMME

INDEX UNIQUE DE SA SITUATION ÉCONOMIQUE ET MORALE

M. A. Julin, Directeur au Ministère de l'Industrie et du Travail, a publié un mémoire très documenté et très intéressant sur les indices des progrès économiques de la Belgique, dans les livraisons d'avril et de juillet 1911 de la REVUE DES QUESTIONS SCIENTIFIQUES (t. LXIX, pp. 369-401; t. LXX, pp. 100-150). Ces savants articles nous ont remis en mémoire une ancienne étude faite par nous sur un index unique de la situation économique et morale d'une nation, la quotité de vie, que nous définirons plus bas. Nous avons été conduit à la considération de cet index, en appliquant le calcul des probabilités aux lois d'accroissement de la population et de la vie moyenne dans les divers pays de civilisation analogue, comme le sont ceux de l'Europe occidentale. Nous donnons ici le résumé de cette étude.

I

POPULATION; VIE MOYENNE; QUOtité de vie

1. Population. On peut admettre, en général, qu'un accroissement de population est, pour un pays, un indice de prospérité matérielle et morale, si des causes fortuites, comme, par exemple, la découverte inattendue de grandes richesses minières, une immigration intense, ne viennent pas troubler la vie normale de la

nation.

Depuis trois quarts de siècle environ, des recensements périodiques, faits avec un soin toujours plus grand, font connaître avec précision la population des divers pays de l'Europe occidentale. Ainsi, en Belgique, nous avons eu des recensements en 1829, en 1846, 1856, 1866, 1880, 1890, 1900, 1910. En Allemagne et en France, les recensements se font même de cinq en cinq ans, depuis assez longtemps.

Autrefois, même les gouvernements ne connaissaient que très imparfaitement le nombre de leurs sujets, et des écrivains célèbres, Vossius, par exemple, attribuaient à de grands pays, comme la France ou les Iles Britanniques, un chiffre de population extrêmement réduit faute de données précises pour le calculer.

Il a fallu tout le génie de Vauban et sa profonde connaissance de toutes les parties de la France, pour parvenir à fixer la population de ce pays, en 1700, à 19 094 146 âmes (Dime royale, 2o partie, ch. VII) (1). Dans la préface de ce livre remarquable, il donne 5 175 000 pour le nombre d'hommes « qu'il y peut avoir dans l'Angleterre, l'Écosse et l'Irlande ». Ce dernier chiffre s'accorde avec l'estimation de Macaulay, qui dit,

(1) L'Annuaire du Bureau des longitudes de 1911 donne, nous ne savons pourquoi, 19 669 320 pour l'estimation de Vauban (p. 445).

au chapitre III de son History of England, en parlant du roi d'Angleterre : « About the same time... the number of his English subjects must have been about five million two hundred thousand ».

Un peu moins d'un siècle après, un manuel élémentaire de géographie qui en était à sa sixième édition en 1793 (Nouvel atlas des enfants, Amsterdam, B. Vlam), disait : « La France a 25 millions d'habitants » (p. 43) et << la population des trois royaumes est évaluée à douze millions, dont huit millions en Angleterre, 1 300 000 en Écosse et 2 500 000 en Irlande » (p. 109). L'auteur, au lieu de 12 millions, aurait dû dire évidemment 11 800 000. La France, sous Louis XV, s'était agrandie de la Lorraine.

Ces évaluations ne sont sans doute qu'approximatives (1). Cependant l'estimation de l'Atlas des enfants de 1793 est corroborée pour la France par un passage curieux et peu connu, de Laplace, dans sa Theorie analytique des Probabilités (Livre II, ch. VI, no 31, p. 391 de la troisième édition, 1820; reproduit pp. XLVXLVI de l'Introduction). Nous croyons devoir le citer à cause des renseignements qu'il contient sur un procédé expéditif de recensement employé au commencement du siècle passé :

« L'un des moyens les plus simples et les plus propres à déterminer cette population (d'un grand empire), est l'observation des naissances annuelles dont on est obligé de tenir compte pour déterminer l'état-civil des enfants. Mais ce moyen suppose que l'on connaît à très peu près le rapport de la population aux naissances annuelles, rapport que l'on obtient en faisant, sur plusieurs points de l'empire, le dénombrement exact des habitants, et en le comparant aux naissances correspondantes observées pendant quelques années consécutives on en

(1) D'après l'Annuaire du Bureau des longitudes pour 1911, p. 445, on évaluait la population de la France, en 1784, à 24 800 000 habitants.

conclut ensuite, par une simple proportion, la population de tout l'empire. Le gouvernement a bien voulu, à ma prière, donner des ordres pour avoir avec précision ces données. Dans trente départements distribués sur la surface de la France, de manière à compenser les effets de la variété des climats, on a fait choix de communes dont les maires, par leur zèle et leur intelligence, pouvaient fournir les renseignements les plus précis. Le dénombrement exact des habitants de ces communes, pour le 22 septembre 1802, s'est élevé à 2 037 615 individus. Le relevé des naissances, des mariages et des morts, depuis le 22 septembre 1799 jusqu'au 22 septembre 1802, a donné pour ces trois années,

[blocks in formation]

Le rapport des naissances des garçons à celles des filles, que ce relevé présente, est celui de 22 à 21; et les mariages sont aux naissances comme 3 à 14; le rapport de la population aux naissances annuelles est 28,325 845. En supposant donc le nombre des naissances annuelles en France égal à un million, ce qui s'éloigne peu de la vérité, on aura, en multipliant par le rapport précédent le dernier nombre, la population de la France égale à 28 352 845. »

La France de 1802 dont parle Laplace s'étendait jusqu'aux Alpes et au Rhin et comprenait, de plus que l'ancienne France, les conquêtes récentes, la Savoie, Nice, la Belgique et le pays rhénan. On remarquera le faible excédent des naissances sur les décès, 12 497 en trois ans, 4166 en un an sur 2 037 615 habitants, soit 1/5 p. % environ. La population de l'ancienne France.

n'avait donc guère dû augmenter pendant les guerres et les misères de la Révolution (1).

Voici encore quelques indications parallèles sur la France (cette fois diminuée de l'Alsace-Lorraine) et les Iles Britanniques (2) :

[blocks in formation]

Les estimations de la dernière ligne ne sont que probables.

Il n'est pas inutile d'observer qu'il ne serait ni raisonnable ni équitable de tirer, de ces données relatives à la France et aux Iles Britanniques, des conclusions sur la prospérité relative des deux nations. Pour les comparer scientifiquement, il faudrait les considérer avec les colonies qu'elles civilisent et exploitent à des degrés divers. De 1700 à 1802, la France a perdu une grande partie des siennes, l'Angleterre a, au contraire, considérablement étendu son empire colonial, notamment dans les Indes orientales, au point de ne pas souffrir de la perte des États-Unis. Les deux pays pris à part ne sont plus guère comparables.

2. Table de mortalité; vie moyenne. « La manière de former les tables de mortalité est fort simple », dit Laplace dans l'Introduction de son grand ouvrage. « On prend, dans les registres civils, un grand nombre d'individus dont la naissance et la mort soient indiquées.

(1) Dans l'Annuaire du Bureau des longitudes de 1911, on donne, pour la population de la France en janvier 1801 et janvier 1806, respectivement 27 349 003 et 29 107 425 habitants, dont la moyenne s'accorde assez bien avec l'estimation de Laplace (p. 445).

(2) Nous empruntons la plupart de ces données à l'Annuaire du Bureau des longitudes, année 1894 et année 1911.

[merged small][ocr errors]
« ÖncekiDevam »