Sayfadaki görseller
PDF
ePub

Qu'on doit se soutenir en frères, dans la vie,
Imitez ce monarque, auguste et généreux,
Qui s'est montré vraiment l'ami des malheureux
Et le père de la patrie.

Riches, que votre cœur commande à votre main !
Le pauvre est nu, le pauvre a soif, le pauvre a faim:
Donnez toujours, donnez sans cesse.

Donnez aux inondés qui n'ont, dans leur détresse,
Qu'une place au soleil, une place au foyer;
Donnez une charrue, une veste, un métier,

Des outils, du travail au père de famille :
Vous lui conserverez ainsi

Ce qui faisait sa joie et qui fait son souci,
La santé de son fils, la vertu de sa fille,

Ses rêves, ses chansons, peut-être son honneur,
Et votre charité vous portera bonheur.

P.-M. TARGE.

Saint-Cyr, au Mont-d'Or, ce 21 juin 1856.

DE

LA POÉSIE ET DU STYLE

AU XVIII SIÈCLE.

La littérature du siècle de Louis XIV est un objet d'études calmes, fécondes, et qui n'engendre pas d'irritantes controverses; les questions qu'elle soulève gardent l'éternel attrait des grands problèmes de l'art et de la philosophie, mais elles se présentent à nous désintéressées des passions et des haines de partis. Elle nous conduit, sans doute, à des discussions de systèmes et d'écoles, mais à des discussions graves et sereines, circonscrites dans le sanctuaire des idées, et semblables à ces disputes augustes que la main divine de Raphaël a personnifiées sur les murs du Vatican dans les sublimes figures de l'école d'Athènes. Le XVIIIe siècle, au contraire, n'offre presque pas un seul nom, une seule œuvre qui ne nous entraîne fatalement en dehors de la littérature, sur le terrain de la politique et jusqu'au milieu des démélés contemporains. On ne saurait prononcer encore aujourd'hui les noms des grands écrivains de ce temps sans risquer de voir la critique littéraire se terminer en une ardente polémique de croyances et de partis hostiles, comme l'époque elle-même

s'est terminée dans une immense et terrible bataille. C'est que la littérature du XVIIIe siècle avait son but tout à fait en dehors de la littérature elle-même; de là sa faiblesse et aussi sa grandeur. Elle songeait moins à devenir une œuvre d'art durable, qu'à être une grande machine de guerre; quitte à s'écrouler elle-même avec les abus qu'elle aurait détruits et les ruines qu'elle aurait faites. Jamais écrivains d'une même époque, à travers les dissidences et les haines, n'ont marché avec plus de concert à une même conclusion. Aussi est-il impossible de juger parmi eux un nom de quelque importance, sans être amené à faire le procès au siècle tout entier. Or, le XVIIIe siècle dure toujours; les jugements qu'on en porte ne peuvent être encore le jugement de l'histoire; j'y vois ou des apologies ou des accusations; c'est-à-dire la lutte même des idées, des passions, des intérêts qui agitent la société de notre temps.

Sans vouloir toucher à la théologie, à la politique, aux problèmes sociaux, nous rencontrons, à propos de style, d'art et de poésie, les mêmes questions morales, mais dégagées des irritations qui les compliquent sur un autre terrain, et par cela même plus faciles à la fois et plus instructives. L'état des mœurs, la grandeur ou l'abaissement des caractères, la situation des âmes vis à vis de la vérité religieuse, tout cela se peint dans le style, dans les tableaux des poètes et des peintres aussi clairement que dans les manifestes des philosophes et des publicistes.

Ce n'est pas seulement dans son ensemble et par les idées que la littérature est l'expression de la société, c'est aussi par les conditions de forme et de langage, et dans les détails de l'art qui semblent de prime-abord les plus étrangers au mouvement religieux et politique.

La littérature exprime la vie accidents et les caprices du style.

sociale jusque par les L'art est la physionomie

d'une époque, c'est son àme devenue visible, c'est son caractère qui tombe sous les sens. L'état moral et religieux d'une société est aussi apparent dans le coloris, dans le dessin, dans le mouvement du style de ses poètes ou de ses peintres, que les sentiments d'un homme et ses habitudes sont apparents dans son regard, sur son front, dans son sourire, dans l'accent de sa voix et dans tous ses gestes.

Ne craignons donc pas d'amoindrir les questions en nous occupant uniquement de l'art et du style, dans une époque qui doit sa célébrité à son esprit de réformes positives, aux graves débats qu'elle a soulevés sur l'organisation sociale, sur la vérité philosophique. Nous pouvons être certains d'une chose, c'est que si nous arrivons à une notion juste de la valeur du XVIIIe siècle en matière de style et de poésie, si nous avons apprécié sainement l'idée qu'il a eu du beau, ne fût-ce que dans la versification et le dessin, nous aurons son exacte mesure dans l'ordre métaphysique et moral. Les vers de la Henriade et les doctrines de l'Essai sur les Mœurs se supposent et s'expliquent mutuellement.

En cherchant ce que sont devenus, au XVIIIe siècle, la poésie du Cid et l'éloquence des Oraisons funèbres, les vers de Corneille et le style de Bossuet, nous arriverons à constater les dispositions morales qui ont remplacé à cette époque le sentiment chevaleresque de l'honneur, la grandeur d'âme et la haute inspiration religieuse.

C'est donc sur ces deux points seulement, la poésie, le style, que nous essayons d'apprécier la littérature du XVIIIe siècle.

Quand on veut juger une littérature par ce côté spécial, le sentiment poétique, la première difficulté, lorsqu'on se trouve en face des critiques français, c'est de savoir si on a le droit d'admettre que la poésie est quelque chose d'essentiel; si elle existe en elle-même; si elle est autre chose qu'une certaine condition de forme et de langage; si la versification,

[blocks in formation]

jointe à certaines habitudes conventionnelles dans le mouvement de la phrase, n'est pas la seule différence qui sépare la poésie de la prose.

La plupart de nos théories sur ce point, non seulement dans les livres de l'école, mais aussi dans le monde et dans la presse procèdent presque toujours d'une façon plus ou moins directe, plus ou moins avouée, de cette idée que la poésie n'a pas d'existence essentielle, qu'elle est un simple accident de la forme, qu'elle ne vit que par des conventions, qu'elle est incorporée à la rime et à la césure et s'évanouit avec elles.

A nos yeux, la poésie est un élément très-positif des choses, aussi positif que l'électricité ou le calorique ; la poésie existe par sa propre vertu, et non pas en vertu de la prosodie et de la grammaire; quand une œuvre littéraire remplit toutes les conditions voulues par la prosodie, il n'est pas prouvé, par cela même, qu'elle appartienne à l'ordre poétique.

La poésie existe. Il paraît peut-être singulier d'entendre affirmer comme une chose qui a besoin d'être démontrée et presque comme une chose nouvelle, une vérité si évidente; mais cette vérité est explicitement ou implicitement niée par presque tous les écrivains qui ont disserté en France sur les matières littéraires. La poésie existe donc comme sentiment, et abstraction faite des conditions de langage qui lui sont propres.

La poésie est un état particulier de l'âme humaine, c'est là sa principale essence; mais elle est aussi une certaine manière d'être des choses et n'existe pas dans tous les objets. Ainsi, quoique la poésie abonde dans la nature, qu'elle puisse s'y mêler à tout, cependant tous les faits de la nature ne sont pas poétiques, pas plus que toutes les figures humaines ne sont belles. Nous ne pouvons pas entreprendre dans ce court exposé de déterminer toutes les conditions né cessaires pour que la poésie existe dans les objets ; bornons

« ÖncekiDevam »