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DE LA POÉSIE ET DU. STYLE

tout le XVIIIe siècle se résume en celui-ci : La clarté. Mais d'abord était-ce une qualité bien nouvelle dans notre langue? Les plus hardis de nos grands classiques, Corneille et Bossuet, sont-ils donc si obscurs? La langue du XVIIIe siècle est très-claire, il est vrai; mais à la condition d'être complètement dépourvue de couleur; elle a la clarté de l'eau. Elle a gardé un certain mouvement, mais elle n'a plus ni l'éclat de l'image, ni la solidité du contour.

Ce défaut de richesse, de variété, d'énergie dans le style, témoigne de l'état moral aussi bien que le fond des idées recouvert par cette transparence banale du langage. Avant de connaître, par l'histoire, les mœurs et les opinions du temps de Louis XV, à eux seuls l'état de la langue et les allures du style, nous indiqueraient l'amollissement des cœurs, l'abaissement des caractères et l'effacement des individualités.

Le style du XVIIIe siècle est naturel; mais autre chose est le naturel de la conversation et de la vie commune, et le naturel de l'oeuvre écrite, de tout ce qui aspire à durer comme œuvre d'art. L'art ne doit pas se sentir dans le style, mais il est nécessaire; une facilité trop dégagée et trop complète, exclut cette fermeté, cette solidité de contour nécessaires pour faire subsister une œuvre.

Le scepticisme et la mollesse sont coulants et faciles; les mots leur viennent aisément et sont aisément compris; mais ces vices ne sauraient donner au langage la vigueur, le caractère qu'ils détruisent dans les âmes. Un siècle de scepticisme et de corruption est nécessairement aussi pauvre en matière de style qu'en matière de poésie.

Le XVIIIe siècle en est-il moins une grande époque intellectuelle ? Nous rendons hommage à ce qui fait sa véritable valeur; mais nous ne sommes pas obligés de lui attribuer l'universalité à laquelle il a pu prétendre, à l'imitation de

l'homme dont il a fait son Dieu. La gloire de l'art, celle de la poésie et du style, ne sont pas les seules gloires de l'intelligence; quand le XVIIIe siècle, qui n'a été ni artiste, ni poète, ne serait pas non plus un philosophe comme il a cru l'être, il lui resterait encore d'autres prétentions légitimes.

Sans juger son action politique et religieuse, sans lui faire un mérite ou un crime de son esprit de réforme et de propagande, en ne l'appréciant qu'au point de vue purement intellectuel, reconnaissons en lui l'auteur d'une des grandes créations modernes.

Le dernier siècle, et c'est là sa seule originalité, a créé la langue, le style et l'esprit scientifique. Non pas qu'il ait découvert la méthode scientifique ou créé des sciences tout à fait nouvelles, comme on l'en glorifie quelquefois ; il a formé, du moins, non seulement le vocabulaire de telle ou telle science en particulier, par exemple, de la chimie, mais une langue courante, un style merveilleusement propre aux expositions scientifiques et à la vulgarisation de toutes les idées.

Pour donner à la langue et au style cette aptitude aux sciences physiques, à la géométrie, à la consignation et à l'explication exacte de tous les faits matériels, à l'enseignement des théories abstraites et générales, il fallait la dépouiller, autant que possible, de tout autre élément que les éléments logiques et la clarté ; il fallait lui ôter tout coloris qui aurait pu modifier sa transparence de cristal, toute sonorité trop vive, tout ce qui vient de l'imagination et tout ce qui s'adresse à elle. A cette langue, qui devait être un instrument si admirable pour les opérations logiques et l'intelligence pure, il ne fallait que des qualités abstraites, des qualités générales, communes à tous les esprits. Le raisonnement seul est universel; l'imagination, le caractère sont

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individuels. Le XVIIIe siècle, en faisant disparaitre de la
langue toute les traces de l'imagination, du caractère, favo-
risait beaucoup l'étude et le progrès des sciences exactes;
mais à cette langue, ainsi privée de coloris, d'accent et de
relief, il rendait impossible toute œuvre d'imagination.
C'est ce qui est arrivé, en effet; depuis Voltaire jusqu'aux
grands poètes contemporains qui ont renouvelé la langue,
il n'y a pas eu dans le style la moindre puissance d'imagina-
tion et de poésie.

Ce n'est pas seulement en leur créant une langue claire précise, exacte, que le XVIIIe siècle a favorisé le progrès des sciences, il a répandu le goût de l'observation de la nature, le goût des recherches positives et pratiques ; il a créé, enfin, ce que nous appellerons l'esprit scientifique moderne. Par là il a préparé le grand mouvement industriel sur lequel notre époque fonde de si belles espérances et qui nous inspire tant d'orgueil.

Nous n'avons pas à juger ici l'esprit scientifique moderne, mais à cause de l'influence qu'il a eue et qu'il aura sur les lettres et les arts, nous avons dû constater son apparition comme le grand fait intellectuel du XVIIIe siècle. Sans essayer de le définir, distinguons-le soigneusement du véritable esprit philosophique. La philosophie comprend toutes les tendances de l'âme, toutes les opérations de l'intelligence, tous les besoins; elle établit entre eux une hiérarchie légitime; la philosophie est le soutien naturel de la poésie et des arts, elle connait leur rôle dans l'âme et dans l'histoire; elle se glorifie de faire partie des lettres. La poésie et les arts grandissent toutes les fois qu'ils se rapprochent d'elle.

L'esprit scientifique moderne, puisque nous n'avons à l'apprécier ici que dans son rapport avec les lettres, a commencé au XVIIIe siècle par appauvrir, par énerver, par déna

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turer la langue et le style, par en faire un instrument complètement muet entre les mains d'un poète, d'un homme d'imagination. Il n'a pas cessé depuis sa naissance de faire la guerre aux lettres, et déjà il a diminué considérablement, dans notre pays, l'esprit littéraire qui faisait notre gloire, et qui constitue la grandeur réelle de l'être intelligent et moral.

De quelque façon qu'on le juge, cet esprit scientifique, devenu l'esprit industriel, n'en est pas moins le fait capital de notre époque, et son premier avénement date du XVIIIe siècle. C'est vers ce but intellectuel que se dirigeait tout le travail de l'époque, comme il se dirigeait, dans l'ordre des faits, vers la Révolution.

Si donc on apprécie la littérature de ce temps, dans ce qu'elle était en réalité, c'est-à-dire une grande machine de guerre dressée contre l'ancien monde, on doit reconnaître qu'elle a possédé toutes les qualités qui devaient la rendre irrésistible; elle eut, dans cette guerre, une discipline, une unité d'action sans pareille dans l'histoire. Mais si on applique, aux productions de son génie, les lois éternelles avec lesquelles on doit juger la poésie et les arts, depuis Homère, Sophocle et Phidias jusqu'à Corneille, Racine, Lesueur et Poussin, on sera obligé de confesser que le XVIIIe siècle est dépourvu d'art et de poésie.

Mais la poésie devait jeter encore un vif éclat sur la langue française, et au moment même où le style et la forme poétique semblaient le plus complètement ruinés parmi nous, un charmant génie, né sous le ciel de la Grèce, allait renouveler le trésor de notre imagination en puisant dans cette source éternelle du beau que nous garde l'antiquité hellénique; André Chénier retrouvait la forme du vers, au moment ou Châteaubriand allait ressusciter parmi nous, avec le sentiment religieux, le principe même de la pensée poétique. Victor de LAPRADE.

PROJET

DE L'ÉTABLISSEMENT D'UNE UNIVERSITÉ A THOISSEY,

AU XVIIE SIÈCLE.

Au Directeur de la Revue du Lyonnais.

MON CHER DIrecteur,

Je viens de rencontrer, dans mes recherches sur la Dombes, la copie d'une lettre de la duchesse de Montpensier au pape. Cette lettre nous révèle un fait assez curieux, savoir: le projet de l'établissement d'une UNIVERSITÉ à Thoissey. La voici telle que je l'ai transcrite aux Archives de l'Empire (E 2789).

« TRÈS-SAINT-PÈRE,

«Ma joye est grande du bonheur que nous avons du digne choix que l'on a fait de Votre Sainteté pour chef de l'Eglise, je viens lui demander une grâce que j'espère qu'elle m'accordera, c'est qu'après avoir fondé un college en la ville de Thoissey, dans ma souveraineté de Dombes, j'ay esté conseillée par des personnes fort distinguées en l'estat ecclésiastique, de fonder aussy dans la meme ville de Thoissey une Université avec la faculté de maistres ez arts, bacheliers et docteurs en Théologie et en droit canon. Par la considération que la situation en est fort avantageuse, et que ce sera une occasion aux ecclésiastiques qui sont dans ma souveraineté et dans les provinces voisines pour se rendre capables des fonctions ecclésiastiques dans les paroisses, pour soutenir avec éclat leur qualité, pour attirer en notre religion ceux qui en sont éloignés, en abjurans lheresie dans un tems auquel notre religion est si fort traversée, et avantage en sera d'autant plus grand pour les provinces voisines que les particuliers ne peuvent aller estudier qu'en des universités fort esloignées et par conséquent avec beaucoup de la dépense; ainsi Votre Sainteté, approuvant l'établissement de cette Université,

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