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Depuis longtemps le souffle humide des orages
Rassemble, roule dans les airs

Un amas indigeste et confus de nuages,

Gros et houleux comme des mers.

Le peuple, en soupirant, les suit des yeux et rêve
De Noé, de Deucalion......

Soudain l'éclair les marque et la foudre les crève:
Hélas! quel mauvais jour se lève

Pour la France, et pour toi surtout, pauvre Lyon!

Voici venir le Rhône, il approche, il arrive:
Non ce Rhône, paisible et doux,

Qui murmure dans les cailloux,

Et passe en caressant le gazon de la rive;

Non ce Rhône, limpide et pur,

Qui baigne, de ses flots d'azur, La riante vallée et la plaine féconde,

Le pré vert et la moisson blonde; Mais ce Rhône, fameux par ses débordements, Ce terrible géant, aux mains de Briarée, Qui poursuit la ville éplorée Dans ses derniers retranchements, Qui la presse, ô lugubre drame! Qui se vautre sur elle et la souille, l'infâme, De ses hideux embrassements!

Un fleuve dans sa furie,
Est le pire des fléaux:
L'homme apaise l'incendie,
Dieu seul apaise les flots.
Ce Rhône, aux ondes mutines,
Au convulsif tourbillon,

Nous fera plus de ruines.

Que le marteau de Couthon.
Que de digues renversées
D'un rapide et rude choc!
Que de solides chaussées

Qui s'écroulent tout d'un bloc!
Voyez l'eau monte, elle touche,
Et lèche et ronge à son gré,
La muraille qui se couche
Sur le talus effondré.

Voyez ! les ponts disparaissent,
Entraînés par le courant.
Voyez les maisons s'affaissent
Au sein du gouffre béant.

Qui sait combien de victimes,
D'hommes, d'enfants, de vieillards,

Ces vertigineux abîmes

Dévorent de toutes parts!

Bateliers, jeunes et braves,
Qui croisez dans ces bas-fonds
Pour recueillir les épaves,
Tourmentez vos avirons!
Voguez vers l'arbre qui penche
Un tronc déjà submergé,
Et qui porte à chaque branche,
O douleur! un naufragé;
Vers ces plaintes et ces râles
Qui troublent, par intervalles,
Les silences pleins d'horreur;
Vers ces longs éclats de rire
Que lamente le délire

De la fièvre et de la peur;
Vers la timide fenêtre

Où la jeune fille, hélas !
Prie, en attendant peut-être
Un sauveur qui ne vient pas;
Vers cette barque légère,
Ce berceau qui va flottant
Là-bas, au large, emportant
Les entrailles d'une mère.....

O vous qui n'en croyez que vos illusions,
Toujours et quand même optimistes
Qui pérorez gaîment contre les alarmistes,
Et, sans avoir rien vu, traitez de fictions,
De vains romans, de vaines fables,
De songes et de visions

Ces vérités trop véritables;

Visitez ces pauvres Brotteaux,

Visitez ces pauvres Charpennes,

La Part-Dieu, la Villette, et Villeurbanne et Vaux;
Parcourez ces lugubres plaines

De Saint-Fond à la Tête-d'Or,
Et voyez ce qui reste encor

De ces grands ateliers, ruches industrieuses,

Où bourdonnait l'activité,

De ces fraiches villas, belles et gracieuses,
Dont les portes s'ouvraient à l'hospitalité.

Ils sont déserts, ils sont muets comme des tombes,
Ces populeux quartiers, ces populeux hameaux,
Aussi dévastés par les eaux

Que Sébastopol par les bombes........

Grâce à Dieu, le voila rentré dans son repos,
Dans son impunité, ce ravageur de villes,
Ce fleuve extravagant....... A voir couler ses flots,
Diaphanes, sereins, tranquilles,

Où le canot dessine à peine son remous,

On le croirait si bon, on le dirait si doux !

Mais qu'il laisse après lui de deuils et de misères!
Que d'enfants ont perdu leurs mères,

Que d'amis leurs amis, d'épouses leurs époux,
De beaux adolescents leurs blanches fiancées,
De temples leurs autels et de fronts leurs pensées !
Que de souffrances à souffrir!

Que de besoins réels et de pauvretés vraies

A deviner, à secourir!

Que de blessures, que de plaies
Qu'il faut panser, qu'il faut guérir!
Que d'affamés qu'il faut nourrir!......

Vous dont ces larges cataractes
Ont laissé les moissons intactes,
Le toit debout, le grenier plein,

Le présent radieux et l'avenir serein,
Vous à qui l'égoïsme, à qui l'indifférence
N'ont pas glacé le sang, ossifié le cœur,

Vous qui comprenez la douceur,
Les charmes de la bienfaisance,

Vous qui connaissez la pitié
Et qui n'avez pas oublié

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